Il y a 13 ans, Angus et Julia Stone avaient innondé les ondes mondiales avec le tube interplanétaire "Big Jet Plane". Loin d'imploser en plein vol -entre quelques incartades solo chacun de leur côté- le duo a continué son petit chemin sur les pistes intimistes folk. Après un long silence -tout juste entrecoupé par un album commandé pour une bande originale du jeu vidéo "Life is Strange"- les frangins Stones posent une nouvelle pierre à leur édifice avec "Cape Forestier"...
Quelle est la question qu’on vous a trop souvent posée et à laquelle vous auriez marre de répondre ?
Angus Stone : Hum, c’est une question intéressante…
Julia Stone: C’est encore un peu tôt sachant que c’est simplement notre premier jour de promo avec la presse…
… je ne pensais pas spécifiquement à une question relative à la promo de cet album mais de façon générale…
Julia : Je ne sais pas trop, mais c’est vrai qu’on nous pose souvent la question de savoir ce que ça fait de travailler entre frère et sœur… Mais ce n’est pas une mauvaise question en soi parce que notre relation change. Mais de façon générale, les interviews sont une bonne chose parce que nous ne parlons pas vraiment entre nous pourquoi nous faisons de la musique, pourquoi nous avons fait cet album… et c’est seulement pendant les interviews que nous commençons à partager nos sentiments respectifs.
Quelque chose de magique s’est vraiment produit
Qu'est-ce qui vous a motivés à revenir avec un nouvel album après une pause de plusieurs années depuis votre dernier projet studio, "Snow" en 2017 sachant que "Life is Strange" n’était pas vraiment un album mais une bande-originale pour un jeu vidéo ?
Julia : Angus tournait avec son projet Dope Lemon et j’étais en train d’écrire de mon côté… Puis, on nous a proposé de faire six concerts avec Ben Harper. Ce dernier nous a vraiment inspiré quand est venu le moment de composer de nouvelles chansons. Je ne sais pas quoi dire si ce n’est que ça faisait longtemps que nous n’avions pas été réunis pour faire de la musique et quelque chose de magique s’est vraiment produit. A ce moment, nous avons commencé à envisager de travailler à nouveau ensemble. Depuis, Angus s’était installé à Sugarcane Mountains, un endroit qu’Angus a transformé en un incroyable studio. Il m’a proposé de venir voir son studio. Et pendant cette visite, on a commencé à improviser… c’est ainsi que le processus a débuté…
Nous avions le sentiment d’être dans notre zone de confort et d’être de retour chez nous
Pouvez-vous nous parler du processus de création de "Cape Forestier" et de son évolution sonore, notamment en ce qui concerne son retour aux racines folk avec une touche plus intime et fragile ?
Angus : Pour envisager de faire un album intime comme celui-ci, il faut rester authentique tout en s'intéressant à revenir à cette nature simple d’être ensemble Julia et moi à enregistrer de façon la plus naturelle possible. C’est de cette façon que nous avons commencé et nous avions le sentiment d’être dans notre zone de confort et d’être de retour chez nous.
Tout ça arrive simplement parce que nous avons cette histoire !
A ce titre, comment décririez-vous l'évolution de la dynamique vocale entre vous deux au fil de votre discographie ?
Julia : Pendant toutes ces années, nous avons construit vocalement un vrai confort, une familiarité concernant les harmonies que nous chantons ensemble. Grâce à ça, quand vient le moment de se poser en studio, c’est beaucoup plus facile d’arriver au son vers lequel nous souhaitons aller. Quand nous avons commencé, c’était beaucoup plus difficile de savoir comment obtenir ce son mais il y avait quelque chose de très charmant également parce que dans nos premiers albums, tu peux entendre cette innocence, cette découverte. Aujourd’hui, nous n’avons plus à penser à ces harmonies, quand nous devons chanter à l’unisson ou quand nos voix doivent se séparer… aujourd’hui, tout ça arrive simplement parce que nous avons cette histoire !
Et comment avez-vous réussi à capturer la douceur et l'émotion dans vos chansons sans tomber dans le pathos ?
Julia : (Rires)
… En d’autres mots, comment parvenez-vous à maintenir un équilibre juste ?
Angus : Je dirais que dans le travail en général comme dans un bureau, c’est très important de changer… C’est le cas pour nous et c’est la raison pour laquelle nous ne devenons pas totalement fous. Nous travaillons depuis si longtemps ensemble qu’il est essentiel d’avoir d’autres possibilités qui te permettent de t’exprimer créativement. Nos projets parallèles nous permettent de grandir. Même si nous continuons de faire ce que nous avons toujours fait, mais quand tu le fais en dehors du cercle habituel, les choses changent et évoluent, si bien que quand nous nous réunissons à nouveau, nous apportons tout ce que nous avons développé pendant nos aventures solo.
Un album est une histoire avec des chapitres…
Pourquoi avoir inclus une dimension symphonique surprenante dans 'The Wonder of You', et quel était le processus de création derrière ce morceau instrumental ?
Julia : D’une certaine façon, un album est une histoire avec des chapitres…
Mais vous avez conscience que cette conception de la musique n’entre pas dans le mode de consommation actuel basé sur des playlists ?
Julia : C’est vrai ! Nous en sommes très conscients mais tu sais, c’est notre façon d’écouter de la musique, même si nous écoutons également des
playlists…
Être frustré de la façon dont le monde évolue te rend fou !
Malgré tout, n’est-ce pas frustrant de construire des albums de cette façon sachant qu’il ne sera pas écouté dans sa globalité ?
Julia : Non ! Et je te dirais que cela n’a pas d’importance. Être frustré de la façon dont le monde évolue te rend fou ! Au contraire, nous préférons être reconnaissants qu’un jeune de quatorze ans n’écoute ne serait-ce qu’une seule de nos chansons sur Spotify. En effet, c’est incroyable de savoir que quelqu’un n’aurait jamais entendu parler de notre musique si nous n’avions pas figuré sur une
playlist de musique brésilienne reposante… Au contraire, c’est même cool ! Mais c’est également cool qu’il y ait encore quelques personnes qui écoutent encore notre travail dans son intégralité et de la façon que nous l’avons construit… De façon générale, nous sommes extrêmement reconnaissants que notre musique soit accessible.
Nous avons grandi en écoutant des artistes inspirants et nous sommes connectés à notre communauté. En quittant Sidney pour une petite ville où nous avons grandi, on devient vite étroit d’esprit mais quand Angus et moi-même écoutions des musiques comme celle Bob Dylan, Janis Joplin -à différents moments et séparément- nous avions le sentiment d’en apprendre énormément sur le monde. Aujourd’hui, les enfants ont ces airs sur Spotify, ils ont les médias sociaux… qui sont une vraie bouée de sauvetage, un lien à notre communauté.
Tu as cité des légendes de la musique folk. Pourquoi pensez-vous que la musique folk, avec ses connotations de protestation, reste encore populaire de nos jours, s'inspirant de figures telles que Joan Baez, Bob Dylan et Paul Simon ?
Angus : Si on parle juste de Bob Dylan, j’ai toujours adoré son côté chaotique qui semblait n’avoir aucun sens mais d’une manière ou d’une autre, il y avait une conclusion qui bouclait la boucle parfaite et finalement tout cela faisait totalement sens ou au contraire, pas du tout (Sourire)… C’était brillant ! Nous avons grandi en écoutant plein de ses chansons, des chansons contestataires qui sont toujours aussi pertinentes et d’actualité aujourd’hui…
La plus grande forme de protestation est juste de partager de l’amour !
A cet égard, comme ces icones, vous considérez-vous engagés ou concernés par les problèmes sociaux et politiques, et comment percevez-vous votre place dans une industrie musicale qui semble moins encline à organiser des événements caritatifs ou des rassemblements de solidarité ?
Angus : Je dirais que la plus grande forme de protestation est juste de partager de l’amour !
Quel est le rôle des éléments modernes, tels que la touche quasi R'n'B et caribéenne dans 'Down to the Sea', ainsi que l'utilisation de cuivres dans 'My Little Anchor', dans votre musique ? Est-ce une volonté de briser les conventions de la folk traditionnelle ?
Angus : C’est cool, j’aime beaucoup cette question. Le croisement des genres est un jeu extrêmement amusant. Pour moi, être en studio, c’est comme la partie que je préfère de ce que nous faisons, comme un alchimiste qui mélange différentes choses, qui explore et expérimente pour voir ce qui marche… Et c’est génial de constater l’effet que ces morceaux procurent quand ils prennent vie !
Pourquoi avoir utilisé des effets de voix et des harmonies dans certaines chansons comme 'My Little Anchor', au lieu de rester naturel ?
Julia : C’est quelque chose qu’Angus a proposé. Je ne sais pas si c’est si évident mais il y a un son dans 'Dope Lemon' qui est très iconique dans le son de la voix avec le travail de la production. C’est quelque chose de très intéressant, de très beau mais également très identifiable. Quand Angus a enregistré ‘My Little Anchor’, j’avais le sentiment d’écouter un titre sorti d’un vieux gramophone, une chanson d’un lointain endroit… Angus est très fort quand il s’agit de de trouver des façons de sonner comme dans les années 1950. Et de façon générale, c’était très amusant de faire cette chanson parce qu’elle vient d’une partie de guitare que j’ai écrite, c’est ensuite qu’Angus a écrit les paroles et fait les voix mais aussi ce son et les trompettes que tu mentionnais auparavant… Nous essayons de trouver des façons d’incorporer des trompettes dans notre musique parce que je joue de la trompette et c’est sympa d’en jouer sur scène. Finalement, toutes ces petites choses, ces petits éléments assimilés contribuent à faire un album…
L’attente est l’ennemi de la créativité !
Qu’attendez-vous de cet album… je suppose partager de l’amour si je me réfère à votre réponse précédente ?
Angus : (Rires) !
Julia : L’attente est l’ennemi de la créativité !
Nous espérons juste que cet album trouve sa place et apporte un peu de poésie dans la vie des gens…
Mais aujourd’hui que l’album est sorti, vous n’en avez plus le contrôle…
Julia : C’est vrai, je dirais que nous allons jouer cet album sur scène et nous souhaitons que cette musique voyage dans la bande-son de leur vie. Mais c’est un mystère : nous rencontrons des fans qui nous racontent des histoires différentes et comment notre musique fait partie de leur expérience… Je ne pense pas qu’on puisse vraiment savoir jusqu’où notre musique peut aller et voyager. Je ne sais pas, je dirais que nous espérons juste que cet album trouve sa place et apporte un peu de poésie dans la vie des gens…
Et c’est le cas… Nous avons commencé cette brève interview par la question qu’on vous a trop souvent posée, au contraire quelle est celle que vous souhaiteriez que je vous pose ou à laquelle vous rêveriez de répondre ?
Julia : Je dirais que toutes tes questions étaient incroyables…
Flatteuse… C’est tout simplement parce que tu n’as pas la réponse…
Angus : (Rires) !
Je vous propose donc d’y réfléchir et la prochaine que nous nous rencontrerons, je vous propose de commencer notre prochaine interview parce que cette question et votre réponse…
Angus : J’aime l’idée !
Julia : Ok, j’y réfléchirai !
En espérant toutefois que ce ne soit pas dans sept ans…
Julia : Non !
Angus : Non, non (Rires) !
Merci beaucoup
Julia : (en français dans le texte) "Merci beaucoup"
Angus : (en français dans le texte) "Merci"
Et merci à Calgepo pour sa contribution...