Groupe fondé en 2018 par Etienne Sauvage, vous vous nommez
"Lame", faut-il y voir un nom français qui évoque une épée ou l’anglais
qui n’est pas à votre avantage ("Piètre" ou "bidon »). Vu que le chant
est anglais, on va opter pour la version anglaise. Même si c’est loin
d’être le cas de votre musique, ne craignez-vous pas que ce nom de
groupe vous prête préjudice à l’international ?
C’est tout à fait juste ! C’est la seule chose qui explique que nous ne soyons pas déjà des stars planétaires !!!...
Disons que la signification est double, d’une part, littéralement,
"lame" signifie "boiteux" et cela fait référence au goût d’Etienne pour
les mesures impaires dans les compos ; d’autre part, effectivement, cela
signifie "nul" ou "foireux" et c’est juste une manière d’assumer de
faire une musique "indie rock" qui n’est pas dans le top de la hype
actuellement. C’est juste une façon de dire : "on s’en fout, on fait la
musique qu’on aime". C’est plutôt le choix de l’ironie. Au fond on est
assez satisfait de nous !
Votre actualité est cet EP "Pleasantly Disappointed". Est-ce que
comme le nom du groupe, l’humour est une de caractéristiques du groupe
et votre musique ?
Pour la musique peut-être plus l’ironie que l’humour. Ou l’humour noir…
Disons un certain décalage… Il paraît que "l’humour est la politesse du
désespoir". C’est un peu l’idée… Une façon de dire des choses tristes
avec détachement, pour les mettre à distance et ne pas tomber dans une
forme de déprime auto-complaisante.
Après, entre nous ou sur scène, c’est vrai qu’on aime aussi les vannes débiles et absurdes !
Musicalement justement vous explorez les contrées mélodiques pop
légères balisées en leurs temps par The Strokes, Arctic Monkeys,
Television ou encore Franz Ferdinand. Ces groupes sont-ils des
influences pour Lame ?
Oui, ce sont des groupes qu’on aime et qui nous ont marqués. Mais notre idée n’a jamais été de composer "à la manière de".
Quelque part cette vague rock des années 2000 c’est la dernière grosse
vague de musique essentiellement non électronique, et c’est de là qu’on
voulait repartir : faire du rock uniquement avec des instruments sans
être dans un esprit "revival", parvenir à exprimer quelque chose de
parfaitement contemporain en mettant à distance le digital.
Et quand on voit, après l’euphorie des premières décennies, toutes les
questions que pose la généralisation du numérique dans tous les
domaines, on se dit que ce n’est pas totalement idiot. On est pas du
tout technophobe, loin de là, mais musicalement c’est vrai qu’on aime
l’émotion particulière procurée par un instrument de musique, aussi bien
pour celui qui joue que pour l’auditeur. On aime le fait de jouer
vraiment « live », le risque inhérent à ça. On aime aussi tout le
parcours autour de la pratique d’un instrument. C’est un long processus,
un véritable cheminement. Et quatre instruments qui jouent ensemble,
résonnent ensemble, c’est magique ! Le rock c’est quelque part une quête
d’authenticité, voir ce qu’il se passe quand on se débarrasse d’un
certain nombre d’artifices… On fait de la musique "bio" en fait !
Comment définiriez-vous l'atmosphère multiple qui émane des
morceaux, entre les paroles sombre, le chant détaché et la musique
rythmée ?
Tous nos morceaux sont travaillés par une tension entre des pôles
opposés : ombre et lumière, déprime et joie, intérieur et extérieur,
émotivité et détachement, simplicité et sophistication, etc.
Au fond c’est juste une manière de traduire en musique la complexité de
la vie… Rien n’est jamais simple, monolithique… Les situations, les
gens, les problématiques, sont toujours pétries de contradictions,
d’ambiguïtés…
Est-ce un choix voulu ou les morceaux choisis pour l'EP ont-ils amené cette atmosphère avec eux ?
C’est une caractéristique générale de notre musique, liée à nos
personnalités (et à celle de notre auteur/compositeur, Etienne). Après,
le choix des morceaux a été fait en fonction de la cohérence entre eux.
On voulait que par-delà les différentes ambiances, cela dessine un
paysage commun. Comme les différentes pièces d’un puzzle : chacune a une
forme différente et indépendante mais leur assemblage créé un tout.
Le visuel est signé Lohengrin Papadato qui signe une pochette marquante et singulière : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
C’est le frère d’un pote de David, notre guitariste lead. Quand on
cherchait un graphiste pour l’EP, David a pensé à lui et nous a montré
son travail. On a bien accroché et donc on lui a proposé de bosser avec
nous sur ce projet. C’est un mec hyper doué et, en plus, adorable. Ça a
été un vrai plaisir de bosser avec lui !
Cette pochette colle parfaitement à la musique qu’elle accompagne. C’était une condition pour choisir le visuel ?
Plus exactement c’est un visuel que Lohengrin a spécialement créé pour
cet EP. Il s’est appuyé sur les maquettes des morceaux, les paroles et
les nombreux échanges qu’on a eus avec lui pour essayer de lui expliquer
notre musique et nos attentes. On voulait vraiment que la pochette
fasse rentrer tout de suite les gens dans notre univers, que ce soit une
projection visuelle de notre univers musical. En retour ce visuel a
influencé notre musique, puisque nous avons modifié l’intro de notre
morceau 'Summer Sun', qui ouvre le disque, pour qu’il y ait une
véritable continuité entre la pochette et les premières notes qu’on
entend en mettant le disque. C’était vraiment passionnant ce dialogue
entre dessin et musique ! C’est vrai qu’on est très fiers de ce visuel
et de la capacité qu’a eue Lohengrin à dessiner notre musique !
D’ailleurs on en a fait un poster (dispo sur notre stand de
merch en
concert et sur notre site web :
https://linkr.bio/lame).
Pourquoi un EP 4 titres, et pourquoi ces titres-là ?
C’est la première fois qu’on entrait en studio pour un enregistrement
"sérieux" et pas une simple démo. On voulait donc éviter de se
disperser. On a préféré se concentrer sur un nombre limité de morceaux
mais les explorer à fond. La qualité plutôt que la quantité. Et c’était
aussi une manière d’utiliser au mieux notre petit budget…
Ces quatre morceaux nous semblaient cohérents entre eux. Ils permettent
de présenter les différentes facettes de notre musique tout en
s’inscrivant dans une sorte de récit qui les relie. Le tout forme une
sorte de voyage existentiel.
Les avez-vous composés spécialement pour cet enregistrement ?
Non, on compose en permanence de nouveaux morceaux, au fil de l’eau, pas
pour répondre à une échéance. Si on a suffisamment de bons morceaux
alors on entre en studio.
Sur les 4, 3 sont dans notre set depuis le début. Ils ont beaucoup
évolué avec le temps au niveau des arrangements, à l’épreuve de la
scène. Ce sont donc des morceaux qui nous semblaient mûrs pour le
studio. Mais malgré tout, ils ont encore évolué, cette fois à l’épreuve
du studio.
Vous êtes originaires de Nantes, quelle influence cela a-t-il sur votre musique ?
Nantes c’est la ville où on s’est rencontrés tous les 4. Aucun de nous
n’est né ici, nous sommes tous arrivés pour le boulot où les études. Le
fait que Nantes soit une ville attractive et une ville de culture nous a
donc reliés et fait naître en tant que Lame. Ce qui n’est pas rien comme
influence ! Lame ne pouvait se former qu’à Nantes, puisque c’est là que
tous les 4 nous avons convergé. Nous avons d’ailleurs sorti début 2020
un tout premier single qui s’appelle 'Nantes' (dispo sur les plateformes de
streaming).
Vous sentez-vous faire partie d'une scène nantaise, française ou internationale ?
Nantaise oui, car nous avons beaucoup joué à Nantes et que nous y avons
plein de copains dans les groupes qui y tournent, qu’on est bien intégrés
à la scène locale. Française aussi, car nous avons joué un peu partout
en France. Internationale, seulement dans la mesure où musicalement le
rock est une musique internationale, dont l’histoire s’écrit sur tous
les continents ; nous n’avons pas encore eu l’occasion de tourner à
l’étranger, mais c’est une expérience qui nous tente beaucoup.
"Pleasantly Disappointed" est un EP indépendant, financé par crowdfunding, est-ce un choix pour privilégier la liberté ?
Aujourd’hui c’est difficile de trouver un label qui finance un premier EP,
donc en ce sens on n’avait pas forcément le choix. Mais c’est vrai que
la liberté qu’apporte le
crowdfunding est appréciable. Pour l’aspect
artistique bien sûr, mais aussi pour le choix du studio, des techniciens,
des différents prestataires… On est très fiers d’avoir pu faire ce
disque intégralement à Nantes, c’était important pour nous. Et de le
faire avec notre ami Sébastien Condolo qui a réalisé le disque.
On remercie encore une fois tous les gens qui ont participé à la campagne !
Quelles sont vos attentes pour cet EP ?
Cet EP marque pour nous le début d’une aventure, une première étape
fondatrice. C’est comme l’acte de naissance officiel de Lame. On a envie
d’aller encore plus loin, continuer à explorer, à créer.
Quel avenir voyez-vous pour le groupe, plutôt scénique ou enchainement d'albums ?
Là, après 2 ans de sevrage, on a une furieuse envie de retrouver la
scène ! Donc ça va être notre priorité dès la rentrée. On a d’ailleurs
eu la chance de pouvoir organiser une super
release party au Ferrailleur
à Nantes début mars ! C’était génial de retrouver la scène avec un
public debout et sans masque, dans notre ville ! Le pied !!! Mais on a
aussi envie de continuer à explorer les possibilités du studio. On
commence à penser à un premier album. On a de nouveaux morceaux. On verra
bien !
Un dernier mot pour les lecteurs de Music Waves ?
Merci ! Et continuez plus que jamais à aller voir les artistes en LIVE ! C’est
vraiment ça qui fait vivre la musique, surtout la musique indé. Comme on dit toujours : la musique se vit LIVE !!!