Quelle est la question que l’on vous a trop souvent posée ?
Kev : Tout notre entourage vit en quelque sorte au rythme de Scritikall, tout le peu de temps libre que nous pouvons avoir est consacré au projet ! Du coup, c’est vrai que cette question revient souvent. Après nous aurions pu parler du rapprochement avec Gojira !
Scritikall a vu le jour en 2013, a effectué des tournées prestigieuses avec Arch Enemy, The Arrs, Breed Machine et Meleshesh. Comment expliquez-vous un tel succès dès votre entrée dans la scène ?
Kev : Il y a des rencontres, il y a de la confiance et beaucoup de travail.
C’est une très bonne question, je ne parlerais pas de succès mais de réceptivité : la plupart des personnes que nous avons pu rencontrer ont été très captivées par le projet, bien avant que celui-ci soit réellement ancré dans nos vie d’ailleurs ! Après c’est surtout une histoire de confiance.
Je peux vous parler de celle que nous avons avec Florian Beaufils (le créateur du Play for Humanity). C’est l’une des premières personnes à nous avoir réellement fait confiance. Une maquette de 'Distub’s and Mahandles' avec un son vraiment pourri et c’était parti avec notamment Meleshesh et the Arrs ! Le côté humain est le plus important au départ !
Après, quoi qu’il arrive, le travail c’est la base … 3 jours complets de répète par semaine pendant des mois pour arriver à un niveau où nous pouvions jouer en ouverture et co-plateau avec d’autre artistes internationaux et tout ce qui est autour des répétitions qui est finalement plus important que la simple répétition !
Le travail de nos partenaires comme WILD customs (marque de guitare française) engendre beaucoup d’énergie positive dans le groupe. Le travail que nous pouvons avoir avec nos techniciens lumière et nos ingés son live et studio est tellement important, on en parle peu souvent dans les interviews mais beaucoup de choses partent de ce travail-là. Qu’il soit effectué au sein d’une résidence et encore plus quand nous sommes dans une phase créative dans un studio. Le travail que nous avons fait avec Nicolat Eshalier au Magic studio pour "Draft" était vraiment intense pendant plus d’un an : nous partions avec Souf tous les deux travailler sur "Draft" 3 à 5 jours par semaine, (en plus des répètes), nous dormions dans de tout petits canapés et on se faisait réveiller par Nico quand il arrivait au studio, les réveils ne fonctionnaient plus, nous étions exténués !
Du coup, toutes ces petites choses font que nous sommes constamment immergés dans Scritikall.
Le public a aussi toujours été réceptif à nos concerts et ça, c’est la plus puissante des énergies ! Après, du fait que nous avons rapidement grimpé sur des grandes scènes avec ces artistes internationaux nous n’avons pas conquis un territoire en particulier. Alors nous cherchons activement un tourneur, quelqu’un puisse nous faire jouer dans les salles européennes.
Comme vous avez pu le constater par notre long temps de réponse nous sommes complétement immergés dans notre projet, et nous nous arrêtons jamais…
De la même façon, pourquoi avoir attendu tant de temps avant de sortir « Draft » ?
Souf : Enregistrer un CD c’est beaucoup d’investissement. Il y a le côté financier qui est très contraignant, et il faut impérativement prendre son temps et ne pas se presser, pousser le processus jusqu’au bout !
Kev : Après avoir poussé le processus jusqu’au bout, il faut communiquer sur ce CD aussi et comme Scritikall n’a pas de label nous devions trouver quelqu’un qui puisse mettre en avant notre projet, communiquer dessus. Et la rencontre avec Dooweet s’est faite naturellement au Sylak (festival près de Lyon) l’année dernière.
"Draft" est composé de 6 titres mais plus de 35 minutes de musique, peut-on dire que Scritikall aime laisser ses chansons s’épanouir expliquant ce si long délai ?
Kev : Il y a beaucoup de choses à dire avec des instruments. Notre cohésion récente à ce moment-là était comme le début d’une relation amoureuse : pleine d’effusions !
Souf : J’ai toujours écouté des morceaux de 10 minutes/ 20 minutes comme les lives de Led zeppelin interminables notamment ‘How Many More Times’ en 1970 au Royal Albert Hall ou ‘Dazed and Confused’ en 73 au Madison Square Garden. Le processus musical est carrément différent. Il est de pousser la musique jusqu’au bout.
Comment terminer un morceau ? Où se finit-il ? C’est comme une peinture quand doit-on mettre le dernier coup de pinceau ? Quelque part j’aime à penser qu’un morceau est infini...
Kev : Dans nos tête il est infini. Pour les auditeurs il doit y a voir une fin. Le propre de l’artiste c’est de savoir s’arrêter. Au moment où on donne la musique au public elle ne nous appartient plus. Du coup, c’est peut-être pour ça que les morceaux sont longs !? On avait envie... besoin de ça... Mais on en a enlevé pas mal (Rires) !
Si nous devions résumer votre musique, si je vous dis que "Draft" évolue dans un metal moderne qui pioche aussi bien chez autant chez Gojira ou Dagoba que chez Mass Hysteria : êtes-vous d’accord ?
Kev : Dagoba , Mass Hysteria ? Alors mise à part quelque coup de dôme de ride à la Francky (et encore) je ne vois pas du tout. Je ne dois pas assez connaître ces deux groupes : Gojira, oui mais au même titre que tout le groove metal qui s’immisce dans nos oreilles .
Souf : Oui, Gojira a été l’une de nos influences metal et a permis une meilleure compréhension du style effectivement : ju viens de rock and roll.
L’esprit de Gojira est présent dans les riffs de 'Yelling' ou 'Disturb and Manhandles' qui évoque « Magma » avec cette puissance qui vous prend à la gorge… avec le chant de Soufien dans un style post-hardcore. Mais Scritikall a plus d’une corde à son arc avec des titres aux riffs plus martiaux et hypnotiques (‘Endorphin’ et ‘Still Intact’), qui peuvent faire penser à la force d’un Fear Factory. Validez-vous ces influences ?
Kev : ‘Distrub’s and mandles’ et ‘Yelling’ ont été écrits et enregistrés entre 2012 et 2014, ‘Magma’ de Gojira arrive beaucoup plus tard… C’est intéressant ce rapprochement. Nous avons souvent parlé de ‘Endorphin’ en rapprochement à Gojira. Fear Factory, nous n’écoutons très peu voire pas du tout dans notre quotidien.
En revanche Nous avons des dizaines d’influences qui partent de la musique baroque, classique, concrète, électronique, et comme Souf en a parlé un petit peu plus au-dessus, des grands groupes de hard rock des 70's, Led Zep', Deep Purple pour ma part .
Cet album se conclut par la longue pièce éponyme qui regroupe toutes les influences du groupe entre forte intensité et mélancolie à fleur de peau, et même avec une certaine spiritualité, le final aérien y aidant énormément. Etait-ce le but recherché de conclure sur un titre-résumé de vos influences ?
Kev : Exactement, à partir du moment où nous avons fini d’écrire ce titre nous nous sommes dit que nous étions en train de passer à autre chose. Tout y est différent : l’approche des riffs, l’agencement des couplets, la partie mélodique au milieu, et surtout la fin qui regroupe l’ensemble du morceau. Il s’appelle 'Draft' car il représente l’esquisse de notre musique, le début de la suite de la composition. Tous les titres qui ont été écrits après cet album sont gardés au chaud depuis plus de deux ans pour le CD sur lequel nous travaillons d’arrache-pied en ce moment.
Notre chronique parle de post-hardcore mais on se demande si il est envisageable que vous alliez plus loin dans cette voie, ce côté hypnotique qui évolue à la frontière du doom et du sludge, un peu dans l’idée de ce que fait Neurosis mais aussi Isis ou Cult Of Luna, c’est-à-dire en fait un peu tendre vers le post metal ?
Kev : Nous venons de changer de batteur, afin d’assurer les nombreuses dates à venir mais aussi une évolution de notre musique. Le petit nouveau Duncan, nous apporte énormément ! Nous irons dans quelque chose qui mélange les voix des styles musicaux déjà définis, qui mélange les riffs, les techniques de guitare ou de batterie, des choses plus lourdes, plus metal, mais avec aussi une plus forte accessibilité avec des titres plus courts où nous mettons en place le travail pour la scène en même temps. Je ne sais pas si il sera plus hardcore, metalcore, mais il est dejà plus groove, plus puissant. On se tente à beaucoup d’expérimentations avec un gars qui s’appelle Hervé Faivre au studio Improve Tone sur Clermont Ferrand
D’ailleurs je trouve que votre pochette est proche de cet esprit courant musical, nous trompons-nous ?
Kev : Peut-être. Pour nous, c’est un travail avec Renaud de ma marque de guitare Wild Customs qui nous suit depuis le début et avec qui j’ai un feeling très particulier ! Nous voulions que chacun se représente ce qu’il souhaite dans ce petit bonhomme. Des personnes le voient courir, d’autre voler, d’autre dans un élan positif. Nous avons eu toutes sortes de descriptions. A la base comme vous pouvez le voir derrière le CD il tient une petite boule qui représente sa vie, son regard intérieur.
Avec ce premier effort, vous lancez votre carrière discographique de la plus belle des manières. Un album où vos influences sont perceptibles mais vous arrivez à dévoiler votre personnalité : pensez-vous que c’est votre force ?
Kev : Merci beaucoup … Notre personnalité présente sur ce CD date d’il y a trois ans, c’est compliqué de répondre à cette question !
Cette personnalité ne demande qu’à s’affirmer mais à ce jour, nous ne savons pas quelle orientation vous allez privilégier : avez-vous des indices à l’écoute des nouveaux titres que vous avez commencé à écrire ?
Kev : Comme on l’a écrit au-dessus c’est autre chose, mais chaque musique à son univers propre ! On travaille beaucoup, alors les choses évoluent très vite. Nous avons enregistré 2 titres pour le moment mais les versions ne sont pas définitives. On attend de finir la composition du reste. Si vous venez nous voir en live, il y a quelques titres qui seront peut-être sur le prochain CD. C’est peut-être la meilleure des manières de répondre à votre question. Venez nous voir (Sourire) !!
Qu’attendez-vous de cet album avec le soutien de Dooweet ?
Kev : De la patience, de la compréhension, et pouvoir rencontrer des personnes comme vous (Sourire) !
Ils sont très attentifs à nos besoins, et très impliqués dans les projets, alors c’est très agréable comme nous sommes indépendants nous avions bien besoin du coté professionnel comme du côté humain... C’est très important pour nous ! Cependant nous ne souhaitons pas rester indépendants : le travail de la musique est trop intense pour pouvoir tout gérer. Nous avons notre équipe technique, sans qui nous ferions pas grand-chose, avec Astu-Scène et Sam notre régisseur, Aurore aux lumières ou Cécile qui était là les dernières années, Aurelien au son, Nico dans son studio, Hervé maintenant, Flo qui nous a produit plus d’une fois, les copains … Bref sans tous ces gens nous serions encore dans notre premier local de répète : un minuscule local poubelle ( c’est pas une image (Rires)) et du coup maintenant on a besoin de soutien de production, de travail sur le développement du groupe en dehors de la France, le
booking et la communication sont des choses qui prennent énormément de temps et nous commençons en avoir de moins en moins !
Quelle est la question que vous aimeriez que l’on vous pose ?
Kev : Quand est-ce qu’on se voit ? Nous préférons amplement le contact humain à l’écrit (Sourire)
Un dernier mot pour les lecteurs de Music Waves ?
Kev : Vivre la musique, c’est sortir de chez vous. Allez voir des concerts, intéressez-vous aux labels indépendants au même titre qu’aux gros, il y a tellement de choses à découvrir.
Si vous voulez discuter avec nous, écrivez-nous et soutenez Music Waves, ils font du gros boulot !
Merci à Noise pour sa contribution...