"Jon Anderson, sors de ce corps !". Tel est l'exorcisme que tout être humain doté d'un sens auditif dans la moyenne sera tenté d'exercer en entendant les premières lignes de chant du nouvel opus de Glass Hammer. Rappelons que depuis la parution de son premier album, le groupe a toujours été comparé aux grands noms du rock progressif des années 70 : Genesis et Emerson, Lake & Palmer notamment, mais c'est surtout avec Yes que la filiation est la plus avérée. Et ce n'est pas "If" qui inversera cette impression, tout au contraire.
Derrière Glass Hammer se cachent en fait deux multi-instrumentistes inspirés, Fred Schendel et Steve Babb, accompagnés selon les périodes de musiciens et chanteurs plus ou moins nombreux, avec un effet de turn-over important. Exception à cette règle, Susie Bogdanowicz honorait les albums de ses prestations vocales depuis "Chronometree". Le passé est de rigueur, puisque plus de Susie Bogdanowicz sur "If". A sa place, un clone vocal de Jon Anderson, Jon Davison, qui a poussé le sens du mimétisme jusqu'à conserver le prénom et la fin du nom du chanteur de Yes. Mais la ressemblance ne s'arrête pas là, car le nouveau chanteur a non seulement le même timbre de voix aigu et assez peu expressif, mais a aussi adopté la même façon de chanter.
D'ailleurs, l'album entier pourrait figurer sans déparer dans la discographie de Yes, sorte de chaînon manquant entre "Close To The Edge" et "Tales From Topographic Oceans", la meilleure période Yessienne. Bien sûr, le chant y est pour beaucoup, mais la profusion de claviers, la basse à la Chris Squire, le style des compositions, l'arrangement des harmonies vocales, les morceaux à tiroir qui passent abruptement d'une envolée symphonique à une mélodie minimaliste où le chant va doucement crescendo pour relancer l'air vers le symphonisme initial, tout fait penser à Yes. Parfois, certains passages frisent le plagiat : "At Last We Are" reprend des mesures entières semblant extraites de "Tales" alors que le début de "If The Sun" renvoie indubitablement à "Siberian Kathru".
Mêmes qualités, mêmes défauts que le modèle. Les différents titres développent des mélodies complexes recelant de nombreuses ruptures de rythmes, qui s'écoutent facilement. Une musique plutôt solaire, un chant qu'on peut au choix trouver magique ou agaçant, mais aussi un manque de profondeur et de sentiments. Tout se passe en surface, c'est agréable, c'est léger, les musiciens sont tellement à leur aise que ça en a l'air facile, mais l'ensemble ne dégage aucune émotion forte. L'écoute est plaisante, intéressante même, car la qualité des compositions ne peut être niée, mais ne procure aucun prémisse de frisson, aucun sentiment exaltant qui laisse parfois l'auditeur chaviré.
Alors, à qui conseiller cet album ? Si vous êtes allergique aux digressions symphoniques des groupes progressifs des années 70 en général, et de Yes en particulier, passez votre chemin. Ce disque n'est pas pour vous. Par contre, si vous ne faîtes pas partie de cette catégorie, le diagnostic sera moins évident. Chacun, selon son vécu ou l'humeur du moment, pourra y trouver un hommage appuyé aux 70's, une nostalgie surannée ou un plagiat éhonté. Personnellement, la ressemblance avec Yes ne me gène pas, car ce disque est un travail d'orfèvre. Je lui reprocherai plus la superficialité de sa musique. Mais c'est déjà un reproche que j'adressais au grand Yes. Ce léger reproche peut donc être pris comme un compliment.