“C’est au pied du mur… Que l’on voit mieux le mur”. C’est à peu près là que se trouve Blue Öyster Cult en ce début 1974. En effet, leur avenir n’est pas tout tracé. Il faut dire que même si aujourd’hui, les deux premiers albums du groupe sont respectés, parfois même adulés, à l’époque, ils n’obtinrent pas le succès escompté. Le groupe se devait de réagir et de frapper fort. Tuons le suspens dans l’œuf, Blue Öyster Cult à assuré la transformation. « Secret Treaties », dernier album de la période « Noir & Blanc » du groupe est également sa référence. C’est simple, en dehors d’un « Cagey Cretins » un peu en dessous (et qui curieusement est très proche de l’esprit des premiers albums), les sept autres titres sont tous des hits en puissance, certains étant devenus incontournables, chacun étant un tour de force, une œuvre, un pavé.
Moins excentrique que ses prédécesseurs, « Secret Treaties » gagne en consistance, en maturité, en épaisseur de son. BÖC devient « heavy ». Chaque titre semble parfaitement construit et maitrisé et les ponts sonores entre chaque morceau apportent un côté conceptuel à l’ensemble.
« Career Of Evil », co-écrit avec Patti Smith et « Subhuman » ouvrent le bal en douceur (les nappes de clavier du premier titre) mais avec aplomb. Le combo dégage une force tranquille qui rend sa musique encore plus glauque et sinistre. Puis avec « Dominance And Submission » et surtout un « ME262 » que n’aurait pas renié un Chuck Berry sous amphétamines, le groupe passe à la vitesse supérieure. Le premier est malsain mais entêtant. On ressent presque un plaisir coupable à l’écoute des vocaux de Bloom, qui, ceci dit en passant, se paye la part du lion dans cet album. « ME262 », avec ses chœurs en foseto et ses samples de guerre mondiale est une pièce d’anthologie qui permet au groupe de se faire remarquer sur scène, chaque musicien devenant guitariste le temps d’un solo à cinq.
La suite est une succession d’autres très bons moments. Le ternaire « Harvester Of Eyes » est très axé sur les guitares, « Flamming Telepath » est monstrueux avec ses claviers martelés, ses chœurs spectraux et son sprint final sur fond de rires déments (le titre retrouve d’ailleurs une seconde jeunesse, et une fin, sur le best of rejoué « Cult Classic » de 1994).
Après un tel enchainement, on est déjà K.O. Pourtant, le dernier titre se paye le culot de dépasser les autres de la tête et des épaules. Avec “Astronomy “, BÖC tient son « Child in Time », son « Stairway To Heaven »... Un texte culte, une atmosphère unique allant crescendo vers une explosion finale dantesque ! Ce titre sera douze années plus tard repris sur « Imaginos », tout comme « Subhuman », mais dans un habillage musical différent. La version de Metallica sur l’album « Garage.Inc » vaut également son pesant de cacahuètes.
L’album, dans sa version remasterisée (le nettoyage est profitable à la basse, aux claviers et à la guitare rythmique) propose cinq titres supplémentaires dont trois inédits. « Boorman The Chauffer » reprend une rythmique à la « ME262 » avec un refrain plus décalé ; « Mommy », doté une grosse basse sonne par moment funky et « Mes Dames Sarat », le titre le plus intéressant du lot, évoque des ambiances à la « Before The Kiss » ou « The Red & The Black », tout en nerfs, garnie d’un passage instrumental bien senti. « Career Of Evil » est quant à elle présentée dans sa version radio (c'est-à-dire plus soft au niveau du texte).
« Secret Treaties » (qui aurait du s’appeler « Power In The Hands Of Fools », ce qui aurait peut être évité la grosse polémique sur le Messerchmitt de la pochette) est donc un album culte que chaque fan de rock, hard ou prog se doit d’écouter au moins une fois dans sa vie, juste pour réaliser toute l’étendue du talent de Blue Öyster Cult.