« The Jester Race » est le deuxième album des suédois d’In Flames, et peut être considéré comme le véritable départ de la carrière du groupe. En effet, « Lunar Strain » sorti en 1994 avait montré une formation, certes efficace et ambitieuse, mais bien différente de celle que nous retrouvons ici. Entre-temps, le groupe a trouvé sa voix, en la personne d’Anders Friden, qui échange avec Mikael Stanne son poste de chanteur dans Dark Tranquillity, ainsi que son deuxième guitariste avec Bjorn Gelotte. Le chassé-croisé des chanteurs est certainement ce qui est arrivé de mieux pour les deux groupes tant leurs carrières respectives vont s’en trouver boostées. Car avec cet album, In Flames trouve également son style : le death métal mélodique, après des débuts plus black et rageurs, du fait d’une production un peu faible. De plus, In Flames va, avec ce disque, signer chez un label ambitieux, Nuclear Blast qui va largement contribuer à les lancer commercialement.
« The Jester Race » sort donc en 1996, et le death mélodique est alors en plein essor grâce à deux sorties majeures de 1995 : « Slaughter Of The Soul », des précurseurs de At The Gates, et « The Gallery », premier album de Dark Tranquillity avec Mikael Stanne, qui vont définitivement lancer un genre qui avait été initié en grande partie, outre At The Gates, par Carcass avec la sortie de « Heartwork » en 1993 ou d’autres groupes comme Entombed, Dismember ou Edge Of Sanity.
« The Jester Race » est donc, en quelque sorte, le troisième étage de ce qui va rapidement s’appeler le Death de Göteborg, ville d’origine de nombreux groupes du genre. Et le fait est que ce disque est quasiment parfait de bout en bout. Cette fois, le son est à la hauteur, puissant et très clair. D’autre part, avec l’arrivée de Friden, In Flames a largement progressé, se montrant plus heavy et aussi plus mélodique, avec nombre de break typiques du genre et une face heavy métal omniprésente, le tout en gardant la face death métal par la voix, qui reste agressive, et par la batterie qui utilise souvent les blastbeats. Ainsi, en un album, In Flames s’impose comme un leader du genre, même si l’ombre d’At The Gate plane toujours. Malgré cela, les Suédois imposent une identité propre en mariant les influences heavy du guitariste Jesper Strömblad, qui a composé l’essentiel du disque, et celles de ses petits camarades, Bjorn Gelotte et Anders Friden, plus adeptes de death.
Il n’y a donc pas grand-chose à jeter sur les 10 titres de cet album dont plusieurs deviendront des hymnes du style et du groupe. Tout commence très fort avec un imparable « Moonshield », qui est la parfaite illustration du genre, alternant passages acoustiques et mélodiques sur une voix death et riffs heavy métal. Dans la même veine, « The Jester’s Dance », l’excellent instrumental qui suit, permet à In Flames de définir son style et ce qui fera sa force dans nombre de ses futurs albums. Cet excellent début se confirme avec le plus puissant « Artifacts Of The Black Rain », qui fait un effet monstre avec ses harmonies de guitares, parfaitement adaptées au chant d’Anders Friden, et ses superbes soli.
Dans un genre plus death, les excellents « Graveland » et « Lord Hypnos » bénéficient d’une batterie très en avant sur un chant plus agressif, tout en gardant, sur le second, des harmonies de guitares « à la Maiden » avec un break acoustique à vous scotcher au mur. Nous citerons également le titre éponyme, qui débute par une courte introduction acoustique avant de se lancer complètement avec un chant plus varié, même si il reste encore bien guttural. Enfin, nous trouvons une nouvelle version de « Dead Eternity », un des premiers titres du groupe, complètement retravaillé. Si l’originale sonnait assez black, il prend ici toute son envergure dans une excellente version plus mélodique, avec quelques énormes breaks.
Ce « The Jester Race » est donc un coup de maître pour une formation prête à prendre son envol. Le potentiel affiché est énorme et, malgré les grandes qualités de cet opus, il laisse à penser qu’In Flames parviendra facilement à faire encore mieux par la suite. En attendant, nous ne saurions trop conseiller aux novices de se pencher sur ce disque pour comprendre ce que sont les racines du death métal mélodique.