Un album de Yes sans Jon Anderson ? Impossible n'est pas Yes. A l'an zéro des eighties, avant l'ère Trevor Rabin et après les péripéties du groupe aux côtés de Wakeman, est sorti cet album bancal, dérangeant pour les puristes, à part dans tous les cas.
Yes est un groupe en dents de scie, capable de faire succéder le médiocre Tormato à l'excellent Going for the One, ou plus récemment l'insipide Open your Eyes au glorieux Keys to ascencion. Drama est exactement à l'image du groupe. Il faut se mettre dans la peau du fan de Yes, qui, en 1980, à l'heure où le prog' s'effondre, pose pour la première fois l'aiguille de sa sono sur la face A de Drama. Un album avec trois grands (Howe, White, et l'indévissable Squire) et deux petits : Trevor Horn et Geoff Downes. Petits par la taille, petits nouveaux, et petits par la carrière : ces deux-là furent la voix, le clavier et l'âme de Buggles, le groupe qui a commis " Video killed the radio star ". En bref, le fan de Yes peut avoir peur à l'heure où il écoute Drama.
Le premier titre de Drama a tout pour rassurer : Machine Messiah est une superbe pièce aux cassures de rythmes vicieusement placées, un bijou de l'art selon Yes. Mais la suite Drama s'empâte dans une variété en toc que Yes fut souvent tenté d'explorer.
Pourtant, Drama est sans conteste un album de Yes, qui prouve que le groupe existe au-delà de la présence enivrante et parfois abusive de Jon Anderson. En fait, Drama n'est pas pire que Tormato ou Big generator. Machine Messiah mérite que l'on s'offre le CD en promotion, ou mieux encore, un beau vinyle, histoire d'avoir en gros le second atout du disque : l'une des dernières pochettes vraiment novatrices de Roger Dean.