Dès son premier album (“The Kick Inside” paru en 1978), Kate Bush a imposé son univers romantique et onirique, ses fantaisies vocales et ses compositions aux riches orchestrations à un monde rock plutôt masculin et porté sur une musique plus abrupte et violente. Malgré (ou grâce à) une originalité certaine, la fantasque Anglaise a su séduire un public que chaque nouvelle offrande rend un peu plus captif. Néanmoins, la tâche s’avère rude pour son cinquième disque, "Hounds of Love". Celui-ci succède en effet à deux albums exceptionnels (anticipons : qui constituent l’apogée de la carrière de Kate Bush) et hérite donc du rôle ingrat de ne surtout pas décevoir.
Prudence ou fidélité (la deuxième hypothèse étant la plus probable), Kate Bush s’entoure une nouvelle fois d’une pléiade de musiciens dont une grande partie participait déjà aux productions précédentes, sans oublier les inévitables instruments exotiques, balalaïka, didgeridoo, fujara, bouzouki, bodhrán ou uilleann pipes pour n’en citer que quelques-uns. Elle emploie également un orchestre de cordes et une chorale, le tout côtoyant l’indispensable piano mais aussi les synthétiseurs dont elle use avec discernement pour apporter un supplément d’originalité à des compositions déjà étonnantes.
Si la première écoute de "Hounds of Love", et les suivantes, ont tout pour séduire l’auditeur, l’album marque cependant légèrement le pas sur ses prédécesseurs et apparaît comme un disque de transition. La grande majorité des titres conservent la grâce et le mystère des opus précédents. C’est le cas du dynamique titre d’ouverture, ‘Running up that Hill’, de l’intriguant ‘Mother Stands For Comfort’, de l’hymnique ‘Cloudbusting’, des mélancoliques ‘And Dream Of Sheep’ et ‘Hello Earth’, et des inquiétants ‘Under Ice’ et ‘Waking The Witch’. Une Kate Bush au meilleur de sa forme y conjugue empathie et sensibilité, alterne straight rock et expérimentations, chant énergique et chœurs mystiques dans une infinie palette de nuances.
Mais d’autres titres, fort heureusement minoritaires, souffrent déjà du déficit d’inspiration qui va cruellement s’affirmer sur les trois albums suivants. Ainsi ‘The Big Sky’, ‘Watching You Without Me’ et ‘The Morning Fog’ traînent-ils une mélodie répétitive à la rythmique entêtante, un chant bien sage, des chœurs sans saveur, sorte d’introduction au futur "The Sensual World".
Entre ces deux extrêmes, les chansons qui restent n’ont plus le charme excentrique des débuts mais demeurent néanmoins agréables à écouter grâce à une interprétation sans faiblesse. Précisons, pour être exhaustif, que la seconde face, intitulée "The Ninth Wave", suit un mini-concept (l’histoire tragique des derniers instants d’une femme prise par les glaces), les sept titres la constituant pouvant cependant s’écouter comme autant de titres indépendants.
"Hounds of Love" marque la fin d’un cycle, celui qui en cinq "petits" albums a propulsé Kate Bush au statut de déesse du rock. Un piédestal dont elle ne redescendra pas malgré une suite discographique bien plus quelconque.