Après avoir perdu la foi, l'ancien séminariste Hubert-Félix Thiéfaine a décidé de changer de vocation pour s'orienter vers la musique. Avec ses amis (qui formaient l'ossature du groupe Machin), le chanteur jurassien enregistre une première œuvre au nom aussi long que délirant.
Dès ce premier album, nos Francs-Comtois s'investissent dans un son folk-rock. Si les instruments folkloriques sont de rigueur (banjo sur 'La Chute Du Saint Empire Romain Germanique', violon sur 'La Cancoillote'), le groupe fait souvent appel à la fée électricité (qui culmine avec un solo énergique de guitare de Jean-Pierre Robert sur '22 Mai') tout en utilisant des instruments moins canoniques du genre (des synthétiseurs sur 'L'Ascenseur de 22h 43' ou sur '22 Mai'). Les textes puisent leur inspiration dans le folklore franc-comtois ou l'actualité, tout en faisant montre d'une imagination débordante laissant libre champ au surréalisme et à un humour pince sans-rire dont la plus grande réussite reste l'incontournable 'La Fille du Coupeur de Joints' qui change continuellement de tempo pour évoquer des plaisirs interdits.
Pourtant, certaines chansons laissent présager des nuages qui finiront par s'abattre sur notre interprète. Si le son folk rock, plus approprié aux chansons drôles, peut parfois se faire grinçant (l'innocente ballade 'Je t'en Remets au Vent'), il cède le pas sur des morceaux plus inquiétants. Derrière l'humour noir de la lugubre 'La Maison Borniol' se dissimule une réflexion désespérée sur ces ''supermarchés de la mort'', qui culmine avec le tonnerre du Moog sonnant comme des grandes orgues et les coups d'une guitare assassine. Et ce ne sont pas les guitares mais de lancinants arpèges de piano qui nous font plonger dans la folie sur 'Le Chant Du Fou' et son chant maniaco-dépressif.
Celui qui ''fabrique des chansons invendables'' (Hubert-Félix Thiéfaine souffrira longtemps de l'indifférence des médias) réalise un premier album marqué par un folk délirant. Mais une oreille attentive aura deviné que les amuseurs publics trouvent souvent dans l'humour un paravent à leur névrose.