Comment te sens-tu à quelques minutes d’entrer sur scène ?
Burton C. Bell : Hum, je me sens un peu nerveux mais je suis prêt ! Quand j’entre sur scène, tout cela disparaît !
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Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée ?
"Dis nous comment le groupe s'est formé ?" (Rires)
C’est un honneur de pouvoir te rencontrer dans le sens où Fear Factory est un groupe de metal extrême légendaire ; première question, considères-tu Fear Factory comme une légende ?
Nous sommes dans le milieu depuis 22 ans. Nous avons expérimenté pas mal de choses, nous avons eu des hauts et des bas dans notre carrière et cela a contribué à nous faire un nom même si on ne peut pas dire que nous sommes une légende (Sourire) !
Mais tu es conscient que certains le pensent…
Oui, je sais. Je ne peux que remercier tous ces gens, je me sens honoré quand des artistes viennent me voir en me disant que nous l’avons inspiré personnellement et son groupe. Je ressens une sorte de fierté.
Quel était votre état d’esprit au moment de composer le dernier album "The Industrialist" ? Est-ce que son prédécesseur "Mechanize" a influencé votre écriture en termes de musique et de textes ?
Hum, "Mechanize" a été un nouveau point de départ pour Fear Factory. Il a marqué une nouvelle réunion de Dino (NdStruck : Cazares, le guitare fondateur de Fear Factory) et moi-même. Mon état d’esprit pour "The Industrialist" a été encore plus focalisé que pour "Mechanize". Nous étions juste Dino, Rhys Fulbert et moi-même réunis dans un studio, tous à écrire plus concentrés que jamais. Nous savions tous ce que nous avions à faire. C’était vraiment excitant ! Si ça pouvait être stressant par moment, ce stress était créateur d’une énergie vraiment électrique.
En gros, tu dis que le stress qui a lieu pendant le processus de composition a été source d’inspiration ?
Absolument ! Le stress est le moteur du sens de l’inspiration. Il me met dans un certain état d’esprit, il me force à me demander ce dont Fear Factory a besoin en termes de textes, de concept… Et tout ça combiné créé l’histoire de "The Industrialist" et je pense que tu peux ressentir ce stress dans l’histoire.
A propos de stress, tous les fans de Fear Factory sont au courant des tensions entre les membres du groupe, penses-tu que ce besoin de stress pendant la composition est une des raisons de ces problèmes de personnel ?
(Rires) Non ! C’est plus vrai pour "Mechanize". Mais Gene (Ndstruck : Hoglan) nous a quitté parce qu’il est un batteur très demandé. Fear Factory a trop longtemps attendu pour enregistrer un nouvel album. Et alors que nous étions en train de l’écrire et le composer, il était en train de faire des plans avec Testament et Meldrum.
Byron (NdStruck : Stroud) nous a quitté quant à lui pour des raisons personnelles… c’est ainsi…
Il n’y aucun rapport entre le stress, les tensions que tu citais et leurs départs ?
Non, je ne pense pas !
Malgré tout, les tensions internes les plus connues concernant Fear Factory sont surtout celles du line-up originel…
Ah les tensions des débuts (Sourire) ! Le groupe était en train de grandir à la même vitesse que les egos. Certains pensaient qu’ils étaient sous-estimés et qu’ils méritaient mieux… C’est le quotidien de tout groupe qui avance dans la vie.
Es-tu conscient que ces changements incessants sont déstabilisants pour vos fans qui ne peuvent pas s’identifier à un line-up stable ?
Je pense que c’est la raison pour laquelle Dino et moi-même sommes concentrés sur Fear Factory, juste Dino et moi-même !
Et pensez-vous avoir enfin trouvé un line-up stable avec le line-up actuel ?
Je pense que nous avons un super line-up ! Mike Heller est un batteur fantastique - je ne le dis pas parce qu’il est présent juste derrière moi (Rires) - sa jeune carrière très prometteuse plaide pour lui. Matt DeVries est un bassiste fantastique… Dino et moi-même apprécions vraiment ce qui se passe actuellement. Ca marche ! Le groupe a atteint un niveau de précision que nous n’avions eu depuis très longtemps.
Et dans ces conditions, peut-on penser que le meilleur de Fear Factory est à venir ?
C’est dur de répondre (Rires) ! Nous aimons le penser (Sourire) !
Et comment allez-vous composer à l’avenir ?
Je trouve que nous composons très bien Dino, Rhys et moi-même. Nous avons constaté que cette alchimie a très bien marché sur "The Industrialist"…
Votre dernier album "The Industrialist" est une sorte de jumeau de "Mechanize". Vous avez poussé le concept jusqu’à son paroxysme. Est-ce pour satisfaire un rêve personnel ou les fans qui ont salué votre retour ?
Je voulais réajuster le concept pour satisfaire les fans… pour mettre en avant des éléments cools propres à Fear Factory que nous n’avions pas mis en avant depuis longtemps. "Mechanize" n’avait pas ces éléments conceptuels, "Transgression" et "Archetype" non plus, "Digimortal" pas vraiment… Le dernier album à avoir un concept était "Obsolete".
Avant de rentrer en studio, j’ai dit à Dino que je voulais faire un concept album. Pour que ce soit vraiment cool, je voulais y inclure une histoire. Offrir plus aux fans, pas seulement les satisfaire, juste leur donner encore plus… Je pense que c’est mon but principal.
Ce nouvel album comme son prédécesseur a toujours comme fil rouge l’opposition homme / machine… Peux-tu nous parler de cette fascination ?
(Rires) C’est l’ADN même de Fear Factory, ce qui fait son identité ! "Demanufacture" traitait déjà d’une guerre entre les hommes et les machines. Avec un nom comme Fear Factory, ça marque les esprits ! J’aime la science-fiction et plus spécifiquement la technologie. Je ne suis pas pour autant un geek mais je lis des articles sur les nouvelles évolutions technologiques qui peuvent avoir des interactions sociales, militaires, biologiques, chimiques… C'est grâce à des articles scientifiques que j’ai appris à écrire des textes de science-fiction…
Aimerais-tu pousser le concept plus loin en faisant un film par exemple ?
J’adorerais mais ça nécessite de l’argent (Sourire) ! Ca prend aussi du temps de trouver les bons contacts, mettre en relation les bonnes personnes… Mais ce n’est pas parce qu’un tel projet n’a pas été fait qu’il ne sera pas fait !
Ne jamais dire jamais…
Ne jamais dire jamais ! Il faut juste trouver le bon moment mais ce jour viendra !
De façon générale, peut-on voir ton optimiste sur le futur du groupe au travers du visuel expliquant le fait que le bout du F soit dirigé vers le haut et le bas comme la fois précédente ?
(Sourire) C’est une bonne remarque ! J’ai toujours pensé que les textes que j’écris pour Fear Factory sont sombres mais ils se terminent toujours par une note optimiste. C’est important pour moi, comme dans la vie, de montrer qu’il y a une lumière au fond du tunnel.
Je suis d’accord sauf que sur les deux derniers albums, le final est globalement mélancolique…
C'est vrai notamment "Final Exit"…
… sur lequel, les "goodbye" finaux pouvaient laisser à penser à un adieu…
(Rires) Eh bien, tu as raison mais la mélancolie fait partie de la vie et fait de nous des humains. Pour moi, ça fait partie de nos vibrations : j’aime la mélancolie, elle ajoute une émotion qui n’est pas représentée dans le reste de l’album. Avec le recul, ces titres peuvent être tristes, ils peuvent être des sentiments d’amour… Mais finalement, ce sont surtout des récits à suspens (Sourire) !
Nous l’avons évoqué en début d’interview, Fear Factory est le précurseur d’un thrash metal industriel combinant growls et vocaux clairs… Es-tu d’accord avec cette phrase ?
Hum, oui, on va dire que je suis d’accord ! Ma voix est une sorte d’émulation de mes chanteurs préférés que sont Andrew Eldritch de Sister of Mercy, Justin Broadrick de Godlflesh, Jaz Coleman de Killing Joke, Chris Cornel ou Iggy Pop… Quand j’ai créé ce chant, c’était quelque chose de rafraîchissant, personne n’avait jamais entendu ce style de chant heavy metal qui se transforme instantanément en chant clair.
Eprouves-tu des difficultés pour reproduire sur scène certaines parties chantées ?
Oh oui, bien sur ! Sur scène, tu ne sonneras jamais comme sur les albums studio. Je chante depuis 22 ans ainsi, c’est terrible ! Mais j’ai fait des efforts pour l'améliorer, j’ai pris des cours, écouté les conseils, appris des techniques… C’est certain, ça ne sonnera pas comme sur les albums studio, ça sonne "live" mais ça sonne bien : je fais des efforts pour que ça soit toujours le cas !
On évoquait le côté précurseur de Fear Factory, beaucoup de groupes ont copié votre recette et certains sont même devenus plus populaires que vous
Absolument !
… n’est-ce pas frustrant par moment ?
Bien sûr, quand j’y pense parfois j’enrage, mais qu’aurions-nous pu faire ? Déposer une marque de fabrique (Rires) ? Au final, la frustration disparaît…
… c’est plus une source de motivation.
C’est une source de motivation et je suis fier du travail que nous avons réalisé. Mais c’est ainsi même si nous n’avons pas l’argent, nous avons l’héritage.
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Peut-on dire que sans les problèmes de line-up, Fear Factory aurait été plus gros avec une reconnaissance massive des fans ?
Je ne pense pas que le line-up ait quelque chose à voir là-dedans. Je dirais plutôt l’écriture (Sourire) ! Nous n’avons pas choisi les bonnes chansons à diffuser en radio…
Dans le même ordre d’idée, vous êtes dorénavant distribués par AFM, ne penses-tu pas que Fear Factory mériterait un plus gros label qui ferait ainsi une meilleure promo ?
Hum, c’est un début, nous verrons ce que l’avenir nous réserve.
Tu dis que c’est un début…
Oui, tout à fait, Fear Factory doit se reconstruire.
Comment juges-tu l’évolution du son du groupe depuis ses débuts ?
Notre évolution est le fruit d’essais. Nous avons appris que certaines choses marchent, d’autres non. Ce que nous avons fait sur “The Industrialist” marche, réintroduire les éléments industriels est une bonne chose parce que c’est ce qui a fait que Fear Factory est sorti du lot et a fait de nous le groupe de metal industriel que nous sommes ! Sans ces éléments, Fear Factory ne serait pas intéressant !
N’est-ce pas compliqué de créer et renouveler sa musique après toutes ses années ? Ne te dis-tu pas que tout a déjà été dit et fait ?
(Rires) Chaque musicien se pose cette question : c’est très difficile !
Et comment y arrivez-vous ?
Il faut chercher, écouter de nouvelles choses, s’exposer à des choses différentes… afin de trouver de nouvelles inspirations.
Vous avez créé un style musical malgré tout, pensiez-vous être encore là après 22 ans d’histoire avec Fear Factory ?
(Rires) Quand nous avons commencé, nous n’aurions jamais pensé durer 10 ans, c’est pourquoi nous sommes toujours surpris d’être encore là !
Et comment expliques-tu cette longévité ?
C'est la survie sous la loi de la jungle, pour pouvoir subvenir aux besoins de ma famille
Comment juges-tu tes premiers albums avec le recul ?
Notre premier album "Soul of a Machine", c’est notre naissance ! "Demanufacture" a été le moment fondateur pour Fear Factory, ça nous a placé sur la carte, nous avons créé un son frais, nous avons créé un son qui nous définit. Puis "Obsolete" est sorti, c’était un gros album pour Fear Factory, il était sombre et intense…
A ce propos, si "Obsolete" est considéré comme un album majeur, à sa sortie…
… C’était différent ! Les fans ne retrouvaient pas "Demanufacture".
N’étais-tu pas déçu par cet accueil ?
Cet album est la capsule temporelle de l’existence d’un groupe. Et c’est ce que nous expérimentions : les émotions, les sentiments, les vibrations… C’est le son que nous expérimentions pendant que nous écrivions cet album. Et puis, il n’y aura pas d’autres "Master of Puppets" (NdStruck : de Metallica), "Rain and Blood" (NdStruck : de Slayer)… C’est un chapitre…
Justement c’est le côté intéressant : pouvoir se renouveler…
Nous essayons de faire en sorte que chaque album soit différent des autres. Le piège est de trouver quelque chose et essayer de l’introduire dans la musique afin d’être reconnaissable.
Et penses-tu que si vous veniez à sortie "Obsolete" en 2012, vous auriez eu un meilleur accueil qu’à sa sortie en 1998 ?
Je n’en ai aucune idée (Rires) ! Qui sait mais ce qui est sûr c’est qu’il sonne toujours différemment des albums qui peuvent sortir aujourd’hui.
Finalement, ne vous sentez-vous pas prisonnier de votre propre son, de la recette qui vous a rendu populaire ?
Je ne sais pas. Quelques fois oui, quelques fois non mais quoi qu’il en soit, nous sommes toujours en mesure d’expérimenter. Fear Factory a créé un son qui marche, ça nous aide à survivre, les fans adorent… Donc quelques fois oui… C’est pourquoi nous avons différents projets externes sur lesquels nous travaillons pour pouvoir essayer des idées différentes qui ne conviendraient pas aux fans de Fear Factory.
Si tu devais choisir un titre de ta discographie pour faire découvrir la musique de Fear Factory à quelqu’un qui ne la connaîtrait pas. Quel titre choisirais-tu et pourquoi ?
Je choisirais "Zero Signal" parce qu’elle incorpore vraiment tout ce que fait Fear Factory : des rythmes industriels, des samples, des paysages sonores cools, des techniques vocales… Ce titre couvre tous les segments qui représentent Fear Factory.
Quel est ton meilleur souvenir d’artiste ?
(Rires) Le premier qui me vient à l’esprit est quand je suis monté sur scène en 1998 pour la sortie de "Obsolete". Nous étions en tête d’affiche à New-York, le concert affichait complet. Je suis monté sur scène avec l’instrumental et quand j’ai vu tout ce monde, j’ai dû me retourner pendant une seconde pour verser une larme en me disant fièrement : "Je l’ai fait !".
Au contraire quel pourrait être le pire souvenir ?
Hum, signer notre premier contrat avec Roadrunner (Rires).
Tu le regrettes ?
Je ne le regrette pas mais je ferais les choses différemment.
C’est à dire ?
Nous étions jeunes et naïfs.
Roadrunner vous forçait à sortir des albums à rythme régulier ?
Non, c’était la nature du contrat : Roadrunner nous laissait une totale liberté artistique mais nous avons vendu nos âmes (Rires) !
On a commencé avec la question qu’on t’avait trop souvent posée au contraire, quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ?
"Est-ce que j’ai toujours du plaisir à être dans Fear Factory ?"
Je suppose que oui mais je vais quand même te poser la question…
Quelques fois (Rires) !
Pas tout le temps ?
Non, je dirais 95% du temps.
Et quelles sont les raisons qui expliquent les 5% de mécontentement ?
Je passe trop de temps éloigné de ma famille, de mes enfants…
Je sais que Dino est en famille pour cette journée à Paris, ne profites-tu pas de certaines dates pour faire venir la tienne ?
J’aimerais mais le plus jeune de nos enfants n’est pas en âge de voyager…
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Avant de se quitter aurais-tu un dernier mot à dire aux lecteurs de Music Waves et peut-être en français ?
(En français dans le texte) "D’accord" (Rires). J’aimerais juste dire que j’aime Paris ! Il y a deux ans, ma femme et moi-même avons passé 3 mois à Paris, notre fille la plus âgée avait 1 an 1/2… J’aime Paris, j’aime ses habitants…
Merci et bon spectacle !
Merci à toi
Un grand merci à Noise pour sa contribution...
Plus d'informations sur https://www.facebook.com/fearfactory