Première question: quelques minutes avant votre concert à l’Olympia, quelle est ton humeur avant de monter sur scène ?
Skin : Hum, je suis assez calme et relax. Je ne suis jamais vraiment tendue avant un concert. Avec le groupe on se réunit avant le concert et on est toujours dans une atmosphère assez décontractée.
Je finis généralement mes interviews avec cette question mais Skunk Anansie est un groupe si grand que je me dois de la poser maintenant: quelle est la question qu’on vous a trop souvent posée ?
Trop souvent ? Pourquoi le groupe s’est-il séparé... Et pourquoi s’est-il reformé (Rires). Ce sont les deux questions les plus agaçantes...
Agaçantes je te le concède. Mais comment vis-tu cette réunification du groupe ?
Je pense que c’est très intéressant. Ce qui est intéressant, c’est la façon dont les personnalités se développent et intéragissent. Les gens ne changent pas vraiment, mais nous sommes plus proches maintenant. On se connait extrêmement bien, et on sait quand on peut agacer l’autre et quand il vaut mieux se retenir. Des fois, on est très taquins et méchants les uns envers les autres et puis d’autres fois, on est beaucoup plus apaisés. On peut faire ça parce qu’on se sent en sécurité, c’est comme quand on est en famille. Tout ça permet de préserver l’alchimie du groupe. Avant le groupe s’était effondré à cause du fait que nous vivions tous des vies différentes, que nous ne partagions pas notre succès...
Une des grandes leçons que nous avons retenue de cette séparation est la suivante: si tu es dans un groupe pour gagner de l’argent, pour être célèbre, ou pour quelque chose de superficiel, tu ne peux pas accomplir ton principal but dans la vie. Dans la vie, le but est de trouver quelque chose que tu aimes, et de le faire tout le temps. Le but est d’être heureux et épanoui, être joyeux et créatif. On a tous des rêves et on ne veut pas passer toute notre vie à faire quelque chose qui nous déplaît. Donc, on a appris beaucoup. On sait ce qui a causé notre séparation, et on ne veut pas refaire les mêmes erreurs. Il faut qu’on protège ce qu’on a. C’est comme ça qu’on est au summum de notre créativité. On est pas un de ces groupes de rock pourri, on se conduit bien (Rires)... Je veux dire, on boit, mais on reste conscient de ce qui se passe autour de nous, on est créatif, on fait de la super musique que les gens aiment et peuvent apprécier, et c’est ça la vraie raison pour laquelle on est à nouveau ensemble.
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Tout ce que tu me dis en fait, ça se ressent dans votre musique : elle est beaucoup plus mâture, plus calme sur certains titres. Est-ce que tu penses que vous vous comportiez comme ça avant ou tu penses que c’est une évolution du groupe ?
Et bien je dirais que la musique que tu fais quand tu as 31 ans se doit d’être différente de la musique que tu fais à 41 ans. Il faut évoluer, il faut mieux jouer : c’est notre approche. On n’essaie pas de copier ce que nous étions et d’avoir le même succès qu’à l’époque, on essaie d’être au meilleur de ce que l’on est maintenant, et pour le futur. On a gagné en maturité. On a choisit les chansons qui nous plaisaient et au final, on a vu que ce n’était pas un album de metal, mais peu importe ! C’est un excellent album ! En fait, le truc c’est que si t’as peur de la critique, tu fais quelque chose de pauvre.
C’est absolument vrai ! Il faut faire ce que l’on aime, et pas seulement ce que les gens attendent.
Oui, c’est ça ! On ne suit pas ce que les gens nous disent de faire. La critique a reproché que ce n’était pas un album metal, et bien on n’en a rien à faire ! On fait ce qu’on aime. Je ne base pas ma vie à respecter des règles imposées par les autres. On est un groupe de rock, et puis c’est tout.
Est-ce que tu penses que cette séparation ainsi que ta carrière solo ont apporté quelque chose à cet album, qui semble plus mâture ?
Oui, c’était intéressant. Le challenge était de garder à l’esprit notre histoire. La plus grosse erreur que font les pays est d’oublier l’histoire de la guerre, et celle-ci se répète encore et encore. Il y a eu de gros empires, ils s’effondrent toujours parce qu’ils deviennent trop gros, avec trop de territoire, et ils ne peuvent pas l’assumer.
Ceci peut s’appliquer à Skunk Anansie, et on a pris conscience de notre histoire afin de ne pas répéter nos erreurs. C’est comme nos fondations. Et c’est intéressant car ça nous a aidé pour le nouvel album. En fait, tu construis ton futur avec tes fondations. On a construit ce futur de manière calme, parce qu’on est beaucoup plus mâtures. On connaît nos racines, on sait d’où on vient et on ne l’a pas oublié, et cela nous permet d’avancer et de construire le futur.
En fait, quand tu vas voir un groupe en concert, tu veux écouter le dernier album mais tu veux aussi connaitre l’histoire du groupe. Et c’est bizarre parce qu’il existe tellement de groupes qui jouent sur leur histoire alors qu’ils n’ont fait qu’un album. Je trouve ça étrange. Pour moi, c’est pas possible de faire à ça quand t’as qu’un album. Nous, on a trois albums qui se valent et qui ont eu autant de succès.
Le but c’est de piocher dans tous ces différents sons pour se réinventer. Quand on a reformé le groupe, on avait tous de nouvelles expériences musicales et de nouvelles compétences qu’on n’avait pas avant. Ca nous a permis de reprendre le contrôle de notre groupe, ce qui est très important. Avant, on avait des gens qui s’occupaient de tout à notre place, qui réservait nos hôtels, nos avions, etc. Maintenant, on fait ça nous-mêmes.
Et ces nouvelles expériences ont-elles une influences sur vos textes avec des paroles plus introspectives ?
Hum, je ne pense pas cela en fait...
Pourtant le nouvel album semble plus autobiographique.
En fait, quand on a écrit cet album, on venait de se reformer et ce n’était que nous quatre, enfermés dans un studio, à jouer aux jeux vidéos, en renouant des connections entre nous. C’est peut-être pour cela que tu penses que c’est un peu plus introspectif. Tu as peut-être raison. Ce qui est sûr c’est que c’est un album moins violent parce que ce n’était que nous quatre, qu’on a évolué, et qu’on a appris du passé. Et qui sait, le prochain album sera peut-être totalement différent avec un autre état d’esprit.
Justement avez vous commencez à écrire le prochain album ?
Non, on a arrêté d’écrire en mai. Puis, on va en trournée puis ensuite on recommencera à composer.
En termes de composition, quelle est votre principale source d’inspiration ?
Je pense que notre principale source d’inspiration, c’est nous-mêmes en fait. On a eu des conversations très profondes les uns avec les autres à propos de nous-mêmes. Certains avaient été en proie à des addictions... Donc, je pense que l’album porte vraiment sur nous quatre, et notre perception du monde. C’est un album à propos de quatre personnes qui reviennent ensemble et qui renouent des connections personnelles.
Sur le dernier album plus précisèment, as-tu conscience que la chanson “My Love Will Fall” sonne un peu comme The Who ?
(Surprise) Ah bon ? Et bien, à dire vrai, je ne connais pas vraiment “The Who”... Si tu me disais: “Ta chanson sonne comme Led Zeppelin”, je te dirais, “ouais, pourquoi pas!”. Mais même si The Who est un grand groupe, je suis plus inspirée par Pink Floyd en fait !
Mais c’est intéressant que tu me dises ça mais bon, je ne trouve pas vraiment. Peut-être que la voix sonne comme The Who. Mais c’est vrai que The Who n’est pas une influence pour moi. Je suis plus inspirée par Pink Floyd, Led Zeppelin
Après plusieurs concerts, quelle est la réaction globale du public vis-à-vis des nouvelles chansons du nouvel album ?
Et bien les nouvelles chansons passent aussi bien que les anciennes. Et certaines passent même mieux ! Les gens aiment beaucoup “My Love Will Fall”, mais aussi “Ugly Boy”. Mais en général, je déteste le fait que les gens viennent à un concert et s’attendent à entendre les anciennes chansons qu’ils connaissent, et quand on joue les nouvelles ils font “Ah!!!” d’un air terrifié. C’est vrai que dans le coeur des gens, les anciens albums demeurent les meilleurs, mais c’est parce qu’ils en gardent un bon souvenir, mais ce serait le cas également pour le nouvel album quand ils s’y seront habitués.
Et pour moi, j’adore le début de la chanson “Talk To Much” ! C’est juste incroyable et assez surprenant du fan de metal extrême que je suis.
Oui, c’est une très jolie chanson. C’est une des chansons dont j’ai le mieux rédigé les paroles.
Sans transition, peux-tu nous en parler de l’artwork de l’album ?
Et bien, je sais que c’est quelque chose de complètement différent de ce que l’on faisait. On voulait quelque chose de très proche de ce que la musique transmettait, avec ce coeur sur la pochette. En Angleterre, on a tellement de musique qui est factice, avec les émissions télé, etc. Mais nous on voulait une pochette très personnelle reflétant notre musique, avec ce paysage, et ce coeur au premier plan... On voulait capturer l’alchimie qu’il y a au niveau du groupe. On a toujours fait les choses bien, on aime utiliser la technologie, etc. ça nous a pris des milliers de clichés pour en arriver à ce qu’on a sur l’artwork ! Ensuite on a modelé l’image, pour obtenir le coeur. Ca a été très dur d’avoir exactement ce qu’on voulait. Certaines personnes nous ont critiqués en disant qu’on avait utilisé un ordinateur pour la pochette. On l’a un peu utilisé, mais on s’est essentiellement servi de ces milliers de photos prises. ça nous a pris beaucoup temps, mais c’était aussi quelque chose de très intéressant.
Tu as une image d’une excellente interprète, dynamique sur scène, mais avec ce look et une attitude un peu particulière. Est-ce que tu ne te sens pas prisonnière de cette image parfois ?
Et bien, je ne crois pas en cette image. J’aime qui je suis, je me connais. Et je suis très sûr de moi et je sais ce que je vaux. Je ne crois pas ce que l’on dit de moi, même quand certains écrivent des choses très, très négatives à mon sujet.
Depuis le début de cette interview, tes propos témoignent d’une grande mâturité et de calme avec beaucoup d’assurance. Etais-tu dans le même état d’esprit au début de ta carrière ?
Non !
Mais avec cet état d’esprit, comment vis-tu avec l’image que l’on donne de toi ?
Et bien, au début de ma carrière, je n’avais pas idée de l’image que l’on se faisait de moi. On avait beaucoup de succès. Et quand j’ai réalisé, je me suis dit “Wow !”. Je n’ai jamais été quelqu’un qui se soucie de que l’on pense de moi. Je me soucie de ce que les gens que j’aime pensent de moi, comme mes amis. Mais les gens que je ne connais pas, ils ne peuvent pas se faire une idée juste de moi, et je ne m’en soucie pas vraiment.
Je pense qu’on peut toujours dire quelque chose qui me fera du mal... Par exemple, des fois je fais une interview, ça se passe bien, et puis après je vais lire par hasard ce qu’ils ont écrit sur moi et ils disent : “Elle était effrayante ! Elle était terrifiante !”. Et je me dis : “Quel salopard de menteur ! Tu t’es assis avec moi, on a partagé un tasse de café... Et après tu écris cette saloperie !”. Donc, je ne prends pas ce genre de chose sérieusement.
Certaines personnes sont obsédées par l’argent, et par la mode, et dépensent tout cet argent dans des vêtements à la mode... Je ne suis pas comme ça ! J’aime bien la mode, oui, mais je ne la vénère pas ! Je ne me met dit pas : “Il faut que j’achète cette nouvelle paire de chaussure !”, tu vois ? Si je ne peux pas avoir cette paire, je m’en achète une autre. Je me soucie peu de ce que l’on dit de moi, et je me fiche d’être célèbre.. Si je voulais être célèbre, je jouerais un autre style de musique.
Si ça ne dérange pas, je change de sujet : si tu devais choisir une chason pour faire découvrir Skunk Anansie à quelqu’un qui ne connait pas le groupe, ce serait laquelle et pourquoi ?
Je pense que choisirait “Because Of You”, ou “Charlie Big Potato”, parce que je pense qu’elles ont cette délicatesse. J’adore les paroles de “Because Of You”. Ca me rend fier, parce que je pense que ces chansons ont la délicatesse des paroles, mais aussi de grosses guitares et un grand refrain. Elles ont des mélodies pop mais aussi beaucoup de profondeur. Et en plus de ça “Because Of You” est une chanson assez récente. C’est une des nouvelles chansons qui fait parties de nos meilleures.
Justement dans ce sens, tu n’en as pas marre de voire que Skunk Anansie n’est souvent résumé qu’à quelques chansons ?
Tu vois, la plupart des groupes, s’ils sont chanceux, ils arrivent à avoir ces chansons, les “chansons de carrière”. U2, par exemple, en a beaucoup. Si t’es assez bon pour avoir ce genre de chanson, tu es très chanceux. Parce que beaucoup de groupes n’y arrivent pas. Je pense que ce sont des chansons qui définissent ta carrière et je suis très heureuse qu’on en ait.
Sinon quel est ton meilleur souvenir de musicienne ?
Et bien, par exemple on avait joué avec Lenny Kravitz dans un festival, et c’était génial. On avait adoré ça. J’ai aussi fait beaucoup de très bons concerts. J’ai beaucoup de bons souvenirs.
Et au contraire, quel est ton pire souvenir de musicienne ?
Hum... (longue pause)
Aucun ?
Non, je suis sûr qu’il y en a mais ils ne me viennent pas à l’esprit comme ça...
Tu préfères les oublier !
Non... Bien, pour être honnête, on a eu dans certains pays comme en Suède des personnes faisant le salut Nazi... Dans d’autres pays, c’est très rapide, comme au Portugal. En Allemagne c’est un peu bizarre. Des fois, c’est très ennuyeux. Certains pays me viennent à l’esprit comme ça parce qu’on y a eu quelques inconvéniences mais en général je n’ai pas de mauvais souvenir... J’adore venir à Paris ! Mais c’est vrai qu’en tant que musicienne, je n’arrive pas pensé comme ça à de mauvais souvenirs...
Qu’est-ce que tu voulais faire quand tu étais enfant ?
Je voulais être photographe journalistique. Je voulais parcourir le monde et prendre des photos.
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Et c’est pour ça que tu prends si bien la pose ?
Ah bon? Non, j’aime bien être derrière la caméra mais je déteste être en face ! Je prends la pose parce que je dois le faire, mais je déteste ça. Je ne suis pas un top model.
Et penses-tu que la photographe journalistique que tu voulais être serait fier de ce que tu es devenue ?
Je pense que oui ! En fait je suis bien meilleure chanteuse que photographe. Je n’ai pas les compétences requises pour être photographes...
On a commencé l’interview avec la question qu’on te pose trop souvent. Au contraire, quelle question voudrais-tu que nos lecteurs et moi te posent ?
Hum... (Pause) Quelle est la chose la plus importante dans le fait d’être musicien ? C’est qu’il ne faut pas en être trop fier.
Et de quoi es-tu la plus fière ?
Je pense que je suis très fière d’être une bonne personne dans la vie de tous les jours. Je pense qu’il important de faire ce que l’on aime dans la vie.
Tout ce que tu dis est très mâture... J’aime beaucoup tes réponses !
J’aime bien faire de bonnes interviews où tu peux vraiment comprendre qui est le musicien que l’on a en face de soi. Que l’on puisse savoir qui il est vraiment. Je déteste ces interviews en 5 questions vite fait. J’aime avoir du temps. Et aussi tout dépend des questions que l’on pose. Si l’on me demande pourquoi on s’est séparé, la réponse sera toujours la même et il n’y a pas d’intérêt. Si on me demande combien nous sommes dans le groupe, la réponse sera toujours la même... Par exemple, tu m’as posé des questions qui m’ont permis de m’exprimer, ça n’arrive pas souvent parce qu’en général les gens font des questions rapides et courtes...
C’est la raison pour laquelle je veux te remercier au nom de notre magazine. Et pour finir, voudrais-tu dire un dernier mot à nos lecteurs de Music Waves, et peut-être en français?
(En français dans le texte) “En français!”
Oh !!!
(En français dans le texte) “Vous êtes très gentil” !
Merci beaucoup!
(En français dans le texte) “Merci beaucoup !”
Avant de remercier cette belle interview, un grand merci à toute l’équipe de XIII Bis Records ainsi qu’El_bia pour la retranscription et Nestor pour sa contribution...
Plus d'informations sur http://www.skunkanansie.net/