Le projet instrumental Orbital Hôtel,
mené par un artiste à l’imaginaire aussi scientifique que musical, revient avec
un nouvel album conceptuel intitulé "Missing Link". Entre hommage ironique à
Darwin et réflexion sur la place de l’homme dans l’évolution, l’œuvre mêle
intensité, introspection et spontanéité. Rencontre avec un créateur passionné
qui refuse de cloisonner la musique et la pensée.
"Missing Link" marque un retour en force
pour Orbital Hôtel. Dans quel état d’esprit étiez-vous avant d’entrer en studio
?
Les semaines précédant le début de
l’enregistrement ont été à la fois confuses et pleines d’énergie. J’essayais de
me réadapter à une “vie normale” après neuf mois de voyage. Toutes les
expériences et les souvenirs de cette période étaient encore très présents dans
mon esprit.
La pochette, avec son esthétique 8 bits et ce
personnage cosmique tenant une guitare, est immédiatement reconnaissable.
Quelle importance accordez-vous à l’imagerie dans votre univers musical ?
Ce n’est pas vraiment essentiel, mais cela
aide à transmettre des idées visuelles. J’ai trouvé cette illustration assez
amusante, alors je l’ai choisie. Elle m’a un peu rappelé Donkey Kong Jr. de
1982.
Le titre de l’album évoque un “chaînon
manquant”, une transition. Quelle idée ou émotion se cache derrière ce concept
?
Le concept dépassé du “chaînon manquant” dans
la chaîne de l’évolution persiste malheureusement dans certains milieux, et je
trouve cela hilarant d’imaginer un être représentant cette transition - et de
songer à ce à quoi il pourrait ressembler d’un point de vue musical. Il y a
aussi l’idée de liens manquants dans un code HTML. J’aime donc envisager le
“Missing Link” sous ces deux angles. Dans tous les cas, c’est une transition
vers le mieux.
Le morceau d’ouverture, “Missing Link”, crée
une tension presque cinématographique. Était-ce important pour vous
d’introduire l’album de cette manière ?
Après avoir choisi le thème principal de
l’album, la première mélodie est venue naturellement et je l’ai trouvée
appropriée pour décrire le concept. C’est un morceau un peu brut et bruyant,
mais pas rapide - exactement comme je le voulais.
Chaque morceau a sa propre atmosphère
'Magma' dégage une chaleur organique, tandis
que 'The Storm' se montre plus impétueux. Aimez-vous jouer sur ces contrastes
d’intensité ?
Pour être honnête, je n’y pense même pas
quand je crée de nouvelles mélodies. Chaque morceau a sa propre atmosphère, et
cela varie d’une chanson à l’autre. Mais maintenant que vous me le dites… oui,
j’aime ça !
Vos guitares semblent parfois dialoguer plus
qu’elles ne s’affrontent. Comment parvenez-vous à construire cette cohérence
dans un format instrumental ?
C’est un vrai défi de parvenir à un son
cohérent. Le “comment” est difficile à expliquer, cela se fait naturellement.
Tous les morceaux de cet album comportent seulement deux guitares, mais j’en ai
composé d’autres avec quatre ou cinq guitares superposées, plus une guitare
solo - comme sur 'Horizon'. J’ai aussi des morceaux plus simples avec une seule
ligne de guitare. Au final, j’essaie simplement de maintenir une mélodie et une
histoire à travers tous les instruments, qui se complètent sans se marcher dessus.
Toutes les chansons sont pratiquement spontanées.
L’improvisation semble être au cœur de votre
approche. Quelle place laissez-vous à la spontanéité dans la composition ou
l’enregistrement ?
Toutes les chansons sont pratiquement
spontanées. Certaines, voire la plupart des prises, sont celles que j’ai jouées
la toute première fois. Pas de seconde tentative ni de réflexion prolongée.
Cependant, ce qui est enregistré, je le rejoue en concert tel quel, avec des
variations bien sûr. Je fixe simplement une limite de durée et j’essaie de les
garder courtes (3 à 4 minutes).

Malgré l’absence de chant, votre musique
raconte des histoires. Cherchez-vous à évoquer des images précises ou
laissez-vous l’imagination de l’auditeur libre ?
Plutôt la seconde option. Ce qui est
intéressant avec la musique instrumentale, qu’elle soit douce ou intense, c’est
que l’auditeur peut réfléchir à d’autres choses tout en écoutant, sans avoir à
se concentrer sur des paroles ou un chant.
Votre univers évoque à la fois la
science-fiction et l’introspection. Quelles sont vos principales sources
d’inspiration, musicales ou autres ?
La science-fiction est formidable, mais ce
qui nous inspire vraiment, c’est la Science, l’Histoire, la Nature et
l’Exploration spatiale. Par “Science”, j’entends surtout la Physique et la
Biologie, y compris l’Astrobiologie et l’Astrophysique.
Par moments, votre travail prend une
dimension presque cinématographique. Avez-vous déjà envisagé de composer pour
le cinéma ou le jeu vidéo ?
Effectivement… Parfois, quand je regarde un
film et qu’une scène — à mon avis — mériterait une autre musique, j’essaie d’y
placer l’un de mes morceaux, juste pour le plaisir.
Sur scène, vos morceaux prennent sans doute
une autre dimension. Comment transposez-vous cette densité instrumentale en
concert ?
Nous essayons simplement de jouer du mieux
possible et de reproduire les morceaux tels qu’ils existent en version
numérique.
Vous sortez l’album via votre propre label,
Preza Records. En quoi le fait de gérer vous-mêmes la production et la
distribution influence-t-il votre liberté artistique ?
Puisque nous faisons tout nous-mêmes, nous
faisons ce que nous voulons, quand nous le voulons. Nous ne sommes pas
contraints par des objectifs financiers, ce qui nous permet de laisser libre
cours à la créativité et de faire exactement ce qui nous plaît.
Après treize albums, qu’est-ce qui continue
d’alimenter votre envie d’explorer de nouveaux horizons ?
Principalement le besoin de faire quelque
chose de mon temps… et d’utiliser toutes les guitares et câbles que je possède
! En réalité, c’est mon vingt-septième album, car j’ai aussi composé beaucoup
de musique plus calme à la guitare acoustique. J’ai littéralement des centaines
de morceaux en attente d’être terminés, certains même uniquement dans ma tête —
mes chansons privées pour toutes les voix dans ma tête.
Si “Missing Link” devait être la bande-son
d’un lieu ou d’un moment précis, réel ou imaginaire, lequel serait-ce ?
Je dirais une fête bruyante et joyeuse en
l’honneur de Charles Darwin.
Plus d'informations sur https://www.orbitalhotel.net/