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TITRE:
PATRICK RONDAT (29 AVRIL 2025)
TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:
GUITAR HERO
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21 ans après son dernier album solo "An Ephemeral World", le virtuose Patrick Rondat revient avec "Escape from Shadows"
STRUCK
- 23.05.2025 -
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21 ans de silence à peine entrecoupés de la collaboration avec Hervé N'Kaoua, Patrick Rondat s'échappe de l'ombre et revient avec "Escape from Shadows"... Lors de cette longue et passionnante interview, le virtuose français de la six-corde revient sur sa carrière, ses doutes... et bien entendu, ce nouveau sublime album !
On s’était rencontrés en 2008 mais je ne t’avais pas posé la question désormais traditionnelle. Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée et à laquelle tu aurais marre de répondre ?
(Rires) Je ne sais pas ? A quel âge, ai-je commencé la guitare ?
Et je ne te la poserai donc pas…
Non mais je t’ai répondu ça pour la blague mais globalement, je m’en fous… Et il faut savoir que tu ne peux pas ne pas répondre ou mal répondre aux gens à ce type de question sachant que c’est la première fois qu’ils te la posent...
Malgré tout, je pense qu’on va poser la question la plus posée pour cette promotion. Quel a été le déclencheur pour sortir enfin ce nouvel album solo, plus de vingt ans après "An Ephemeral World" ?
L’album était quasiment fini depuis des années. On n'avait pratiquement rien à faire : il restait les claviers à finir, le mixage, les pochettes…
Mais ça traînait parce que je ne savais pas quoi faire, comment le sortir, comment générer le budget… Et puis le contact avec Verycords a permis d’accélérer les choses.
J'ai eu des doutes en 1999 après "On the Edge" où j'avais envie d'arrêter la guitare

Le titre de cet album, “Escape From Shadows”, a un double sens, à la fois privé et professionnel. Même si tu n’as jamais vraiment arrêté de pratiquer la musique, as-tu eu de vrais moments de doute depuis vingt ans, des moments où tu t’es dit : "A quoi bon ?"
Des doutes, j'en ai eu ! J'ai eu des doutes en 1999 après "On the Edge" où j'avais envie d'arrêter la guitare. Ça m’est arrivé plein de fois de vouloir carrément changer de métier… Mais ce n'est pas ce qui m'est arrivé sur cet album.
Il y a eu ma vie privée qui a évidemment joué… Quand j'ai commencé à composer pour cet album, ma femme est tombée malade avant son décès. Et puis après son décès, j'ai eu besoin de tourner -il fallait aussi gagner des sous et on sait très bien que ce n'est pas un album qui t'enrichit- il fallait donc tourner régulièrement, faire des masterclass… pour assurer les finances pour la vie de famille, les enfants etc. A un moment donné, ma préoccupation n’a été que ça.
Et puis, par la suite, j'ai eu envie de faire mon album, j'ai commencé à écrire, j'ai commencé à enregistrer, j'avais déjà des morceaux presque finis… Mais je rencontrais parfois des pertes de motivation à savoir que je partais en masterclass, je faisais d'autres trucs… et il se passait six mois et je me disais qu’il fallait que je m'y remette… Finalement, une année était passée et je me remettais en question en me demandant si ce que je proposais était bien… Et comme il n’y avait pas d'attente, pas de date butoir… je laissais courir et le temps passe…
… Et il a eu cette rencontre avec Verycords…
Exactement !
Je fais partie des gens laborieux qui ont bossé [...] et qui ont construit leur univers
C’est un réel bonheur d’écouter enfin de nouvelles compositions. Comme tous les grands guitaristes, tu as un univers, un style de composition, un toucher immédiatement reconnaissables. Comment en vient-on à avoir son propre style ? Et comment qualifierais-tu “Escape From Shadows” par rapport au reste de ta discographie ?
Si tu veux, j'ai très longtemps pensé que je n'avais pas de style et que j'étais totalement banal… Ce sont les gens qui me disent que j’ai un style et j'ai plein de potes qui sont guitaristes qui me reconnaissent au bout de trois notes et même en rythmique…
J'ai travaillé pour ça ! C'est évident que j'ai travaillé pour ça ! Souvent, les gens me demandent si je joue toujours de la guitare, si je bosse… Bien sûr que je bosse la guitare, je joue tous les jours mais ce n'est pas que ça… Pour être précis, je pense qu’il y a des gens qui sont hors du commun et qui ont un talent : je pense à Eddie Van Halen par exemple qui à 20 balais avait un truc qu'on n'avait jamais vu. Je ne fais pas partie de cette catégorie ! Je fais partie des gens laborieux qui ont bossé, qui ont trouvé leur façon de faire et qui petit à petit ont construit leur univers et leur façon de jouer est devenue de plus en plus personnelle…
A ce titre, tu as une façon de jouer qui fait ta différence : le jeu en aller-retour avec assez peu de gain, une façon assez physique de jouer de la guitare, héritée de Al Di Meola, qui fait ta singularité. As-tu initialement développé ce style de jeu de manière consciente pour te démarquer…
… Oui !
J'ai volontairement exagéré le trait sur l'aller-retour

… et dirais-tu que ton jeu a évolué avec les années ?
Oui, c'est plutôt un peu moins de gain qu'avant en revanche, c’est vrai que c'est que c'est totalement en conscience. Par exemple, je me suis aperçu que les guitaristes de metal avaient tendance à s'accorder plus grave, à prendre une sept cordes ou huit cordes, à mettre plus de gain, à faire beaucoup de solos en micro grave sur la guitare, à utiliser les mêmes plans de sweeping, tapping, beaucoup de plans communs ou même d'allers-retours mais à l'air tour avec du gain, le micro grave etc. Fort de ce constat, je me suis dit que si tout monde faisait ça, il fallait aller ailleurs. J'ai donc volontairement exagéré le trait sur l'aller-retour mais comme ce n'est pas la technique qui te permet d'aller le plus vite au monde, en revanche, ce qui est intéressant, c'est le côté staccato, l'énergie que ça donne… Je me suis dit qu’il fallait mettre ça en valeur plutôt que d'essayer de lutter avec des choses différentes. Tout ça, c'est donc en conscience, c'est un choix assumé !
"Escape from Shadows" est un peu plus organique, il
sonne un peu plus groupe et il est un peu à mi-chemin entre "An
Ephemeral World" et "Amphibia"…
Manifestement, tu préfères l’aller/retour au legato. Est-ce une question de goût, de précision.. ?
Au départ, c'est une question de goût et notamment Al Di Meola. J'ai adoré le placement rythmique et l'articulation que ça donnait… Maintenant, ça fait partie de ma façon de jouer c'est dire que j'ai des plants legato ou autres sur l 'album mais quand je prends une guitare, mon jeu est à 90% du temps en aller-retour : ce n'est même pas une question que je me pose en fait !
Et pour répondre à ta question précédente sur comment qualifier l'album par rapport à "Escape from Shadows", je pense qu'il est un peu plus organique, il sonne un peu plus groupe et il est un peu à mi-chemin entre "An Ephemeral World" et "Amphibia"…
De notre point de vue, "Escape From Shadows" est très progressif dans l’esprit. Par exemple, les claviers de ‘Invisible Wars’ sont directement inspirés du rock progressif…
… Oui, il y a un vrai orgue B3 de l’époque…
… As-tu un peu la nostalgie des années 1970 où tout était possible musicalement ?
C’est ce que j’ai écouté, et c'est un des privilèges de l'âge (Sourire)…
J'adore Dream Theater, c'est un super groupe qui a énormément apporté mais j'ai écouté Yes, j'ai écouté Rush, j'ai écouté UK, j'ai écouté tous ces groupes…
Donc si tu veux, j'ai ces racines à la fois rock progressif, jazz rock, fusion… Après, je suis parti dans le hard rock très instrumental des guitaristes de l'époque. Et à un moment donné, j'ai voulu mélanger un peu toutes ces racines. Sur "An Ephemeral World" -même si j’aime bien l’album- je trouve qu’il y a peut-être un peu trop de clichés prog metal. J'ai voulu me détacher de cela et j’ai voulu essayer de sortir ce que j'avais en tête : par exemple, j'ai beaucoup de mesures composées et contrairement à beaucoup de groupes actuels -où quand il y a des mesures tu n'arrives plus à savoir où est le premier temps- j'essaie de faire en sorte qu'on les entende le moins possible et que ça soit le plus fluide possible…
Dans l’ensemble et même si c’est relatif, "Escape From Shadows" est un peu moins technique que "An Ephemeral World"…
… Oui, il est moins visiblement technique…
Je pense que je serais capable de faire un album sans guitare !

… et est finalement plus proche dans l’esprit de "Amphibia". Tu laisses plus de place aux parties atmosphériques avec une grande place aux claviers, ce qui en fait un album plus "cinématographique". Comment a évolué ton rapport à la musique au fil du temps ?
Globalement, c'est de faire une musique plus sensible, plus ouverte, moins axée sur le côté guitaristique. C'est-à-dire que j'aime mon instrument -il y a des parties techniques, la guitare elle est devant par moments- mais je pense que ça ne suffit pas. J'ai envie de faire de la musique, en fait ! Je pense que je serais capable de faire un album sans guitare ! Je ne vais pas le faire (Sourire) mais je serais capable de le faire techniquement, ce qui n'était pas mon cas avant.
Justement, tu réponds en partie à la question la suivante. “Escape From Shadows” est un album très musical et très mélodique, avec des titres vraiment magnifiques comme ‘Invisible Wars’, ‘Whispery Hopes’, ‘Escape From Shadows’ et tant d’autres. Quel est d’après toi le secret pour mettre la technique au service de la musique, et pas l’inverse sachant que certains guitaristes y travaillent toute leur vie et n’y arrivent pas ?
Quelque part, certains guitaristes ont tellement bossé qu'ils veulent prouver quelque chose et qu'on entende le boulot qu'ils ont fourni…
Si les gens ne savent toujours pas que je suis guitariste, ce n'est pas maintenant que je vais leur prouver quoi que ce soit !
C'est une question d'ego ?
Oui, je pense qu'il y a une part d'ego... Tu finis par être esclave de ton travail, c’est-à-dire que tu as tellement bossé que tu veux que les gens l'entendent. Et ce n'est pas évident de faire un album de guitare en faisant une intro de deux minutes sans… guitare : combien de guitaristes sont capables de faire ça ? Pas beaucoup… Les guitaristes pensent que leur public va vouloir être impressionné d'entrée.
Les mecs me disent souvent qu’ils recherchent le côté baffe dans la gueule quand ils écoutent un album. Je veux bien mais ce n'est pas le sentiment que j'ai envie que les gens aient quand ils écoutent ma musique.
Je suis allé voir Dream Theater il y a quelques années et quand je suis sorti, c'est exactement ce que j'ai ressenti à savoir que techniquement, c'est une baffe. Mais malheureusement, c’est le seul truc que j'ai ressorti du concert ce qui n'était pas le cas avant. Ils sont rentrés dans une surenchère technique qui est évidemment incroyable mais de mon côté, que ce soit pour un concert ou un album, je n'ai pas envie que ça soit que ça. Dans ‘Escape from Shadows’, il y a un solo vers la fin qui est lent, super lyrique, que je trouve déchirant -j'y ai mis mes tripes- et je suis très content de ce truc et ce serait très dommage qu'il n’y ait pas ça.
Pour moi, la musique, c'est emmener les gens dans un voyage ! Si les gens ne savent toujours pas que je suis guitariste, ce n'est pas maintenant que je vais leur prouver quoi que ce soit! Et si je veux faire un truc technique, de toute façon, il a quarante mecs qui seront plus techniques que moi : c'est quoi l'intérêt ? En revanche, ils ne sont pas là dans ce que je fais… Je pense donc que c'est un moyen de me démarquer. La technique est là quand j'en ai besoin mais ce n'est pas une finalité, ce n'est pas ça qui va me permettre de faire un album.
Le titre ‘Fear And Guilt’ correspond parfaitement à ton identité musicale. On peut cependant y déceler une petite influence Dream Theater…
… Pas tant que ça, peut-être un peu sur quelques breaks…
… C’est d’ailleurs aussi le cas de la dernière partie de ‘From Nowhere’. Est-ce une vue de notre esprit Music Waves déformé par le metal prog ?
Je n'ai pas inventé tout ce que je fais… Quand tu composes, il y a évidemment ce que tu as écouté et paradoxalement, pas forcément ce que tu as beaucoup écouté. Par exemple, j'ai parfois eu des influences presque Pink Floyd sur "Amphibia" alors que j'ai très peu écouté Pink Floyd -j'aime bien mais je ne suis pas un dingue de Pink Floyd…
Evidemment, Dream Theater -comme d'autres groupes prog- a eu un impact, mais sincèrement, c’est moins le cas sur cet album. On peut en trouver mais honnêtement, c'est vraiment différent.
Je sens donc que je vais encore taper à côté. Le titre ‘Whispery Hopes’ sonne comme un hommage à Satriani. Est-ce le cas ?
Ah ouais ? Non ! Alors, j'adore Joe qui est un pote mais je ne trouve pas. Le seul truc qu'on pourrait trouver, c'est le côté un peu groovy, un thème et un format chanson qui pourrait faire penser à lui. Mais mélodiquement, au niveau des choix des modes et des gammes, ce n'est pas du tout le cas : ce qu’il fait est beaucoup plus "gai" ou du moins plus majeur…
Justement ton pote va tourner avec Vai dans le cadre de la tournée SatchVai Band. Quel est ton avis ?
C’est cool !
Et n’aurais-tu pas pu te greffer à eux pour refaire un G3 ?
Ça aurait pu, mais l'album est sorti un peu tard pour les programmations. Il aurait fallu qu'il sorte six mois avant.
Je vais les voir au festival Guitare en Scène où ils jouent et je joue avec Guitar Night Project (NdStruck : avec Pat O’May et Fred Chapellier) : ça me permettra de lui passer l'album.
Quand le grunge est arrivé, on disait que les mecs qui font des solos,
c'est fini… Le grunge est reparti et finalement, je suis encore là,
Satriani et Vai également…

Puisqu’il est question de guitar heroes, que penses-tu de l’évolution de la musique instrumentale ? Certains criaient à la cause perdue, mais force est de constater que le genre a toujours un auditoire fidèle.
On a toujours tendance à penser que quand un nouveau mouvement arrive, le reste n'existe plus et que ça va le remplacer…
Je suis professionnel depuis l'âge de 25 ans -j'en ai bientôt 65- ça fait donc 40 ans bientôt et j'en ai vu des vagues arriver et repartir. Quand le grunge est arrivé, on disait que les mecs qui font des solos, c'est fini… Le grunge est reparti et finalement, je suis encore là, Satriani et Vai également…
Il y aura des hauts, il y aura des bas, il y aura des moments où tu es un peu à la mode, il y aura des moments où tu es moins à la mode… mais ce n’est pas pour ça que je vais me mettre à faire de l'électro ou prendre une huit cordes.
Si les gens me parlent de "Amphibia" en 2025, c'est qu'il y a quelque chose, autre chose que de la guitare jouée vite.
Tu parles de sincérité, de huit cordes. Que penses-tu de la nouvelle génération de guitaristes qui a émergé sur les réseaux sociaux ces dernières années ?
Je trouve que c’est normal dans le sens où je trouve logique qu’une génération qui arrive propose quelque chose de différent au niveau des sons, au niveau esthétique, au niveau des compos qui n’ont rien à voir : parfois, il n'y a pas beaucoup de compos -certains en proposent mais ce n'est pas la majorité, malheureusement… Certains proposent un univers qui ne va pas forcément me parler mais je comprends totalement leur démarche. Ce qui m'embête, ce sont les gens qui ne font pas de compos, pas d'album et qui ne tournent pas… J’aurais envie que ces jeunes aillent au bout de leur démarche. Même si ce n’est pas forcément un truc qui me parle, je ne suis pas un dingue de Polyphia mais ça joue super, je trouve ça balèze, les mecs sont forts mais je ne peux pas dire que quand j'écoute leur musique, ça me transporte, ça ne me porte pas… peut-être parce que je suis un vieux con (Sourire) !
Je trouve normal que les gens de cette génération veuillent se démarquer, mais d’autres se contentent de poster des plans sur YouTube...
Ma crainte est quand tu es trop dans un truc de spécialiste... On m'a toujours dit que je faisais de la musique de guitariste mais il y aussi des gens qui ne font pas de guitare qui aiment bien… C’est la même chose pour Satriani et Vai, même si pour eux, c'est un peu plus compliqué. Mais si tu es vraiment que dans la guitare et dans le fait de prouver, je pense que c'est dur de toucher du monde et de faire une carrière complète. Le temps, c'est l'arbitre, c'est le juge ! On parle de "Amphibia", l’album date de 1996 quand même ! Si les gens me parlent de cet album en 2025, c'est qu'il y a quelque chose, autre chose que de la guitare jouée vite.
En parlant de "Amphibia", pourquoi remettre la grenouille à nouveau sur cet album ?
Elle l’était déjà dans "An Ephemeral World" tamponnée sur un rocher. Mais oui, c’est une espèce de logo, c’est un clin d’œil. Stan (NdStruck : Stan W Decker) a décidé de la mettre au milieu de mon nom : elle est présente sans être omniprésente.
On parlait de guitaristes, si nos informations sont bonnes, Pascal Vigné joue sur l’excellent ‘From Nowhere’…
… Il fait le premier solo vers la fin…
… Outre ton amitié pour lui et la complémentarité de vos jeux de guitare respectifs, pourquoi lui avoir demandé de collaborer sur ce titre ?
C'est amical ! On parlait tout à l'heure de Verycords qui m'a permis de faire l'album mais il y a quelques années (trois, quatre ans), je n'avais plus du tout envie, je n'arrivais même plus à ouvrir l'ordinateur pour ouvrir les sessions… je n'avais vraiment plus du tout envie et l'album était inachevé pour le coup : il manquait des guitares et je m’étais résigné à ce que ça s’arrête ainsi. Et Pascal m'a demandé de venir chez lui avec ma gratte et mon ampli. Il a un studio chez lui et il m’a proposé de venir jouer de la gratte pendant trois - quatre jours. J’ai accepté et finalement, ça a débloqué le truc… Pascal a donc joué un rôle pour que j'arrive au bout et cette invitation est un moyen de le remercier aussi.
Je n'ai vraiment pas envie d'aller là où on m'attend !
Malgré tout, la grande nouveauté, c’est ‘Now We’re Home’, une balade très émouvante chantée par Gaëlle Buswel. Comment est né ce titre et pourquoi avoir choisi d’intégrer un morceau chanté sur l’album ?
Alors, comme Pascal, c'est une histoire amicale parce que Gaëlle est une amie depuis des années. C'est quelqu'un que j'adore, c'est vraiment une belle personne ! On a déjà joué ensemble. Je l'ai connue quand elle commençait sa propre carrière, à ses tout débuts… Je trouve qu'elle est talentueuse, elle est cool, elle ne se prend pas la tête, elle n'a pas un ego débordant, elle n'est pas casse-couilles, elle n'est pas capricieuse : c'est une vraiment belle personne ! Elle a plein de qualités que je trouve bien pour une chanteuse (Rires) et elle a une très belle voix.
Et quand j'ai fait ce morceau, je me suis demandé si je devais le virer -parce qu’en instrumental, je ne le sentais pas- ou si je faisais chanter quelqu'un et j'ai pensé elle.
Evidemment, tout monde m'aurait attendu avec un chanteur de metal à la Symphony X mais je n'ai vraiment pas envie d'aller là où on m'attend !
Et outre le fait que ce soit une amie, je n'ai pas envie de payer quelqu'un qui n’en a rien à foutre quand il vient faire son truc. J'ai aussi envie qu'il y ait une histoire. Gaëlle a connu ma période difficile -comme Pascal qui a également vécu la même chose que moi- je voulais donc que les gens qui ont été proches dans ces moments-là soient présents.
Comme toujours, tu interprètes avec énormément d’expressivité un titre classique avec ‘Kreisler – Prelude And Alegro’. Pourquoi avoir choisi ce titre en particulier, parce que là pour le coup c’est un morceau extrêmement technique ?
Oui, c'est un morceau technique mais il n'est pas que technique, il est très lyrique aussi. Il est très intéressant rythmiquement et harmoniquement. Il est moderne. Ce que j'aime bien c'est qu'il est à la fois moderne, à la fois baroque, un peu virtuose mais en même temps, l'ouverture, le prélude est super lyrique avec des harmonies intéressantes qui peuvent paraître anodines comme ça quand tu l’écoutes, mais quand tu commences à le jouer, tu réalises que tu n’as jamais joué ça : il y a des trucs vraiment intéressants !
C'est un très beau titre que j'avais déjà joué avec Hervé N'Kaoua mais on l'avait fait un peu texto et sur cet album, je voulais prendre un peu de liberté, mettre un delay, mettre mon son plus naturel… On l'a un peu réorchestré avec Manu (NdStruck : Manu Martin, clavier), il a mis des cordes etc… et je trouve qu'on lui rend plus hommage : je suis assez content de la version.
Je suis étonné que les gens se rappellent de moi et qu’il y ait une telle attente.

Et finalement qu'est que tu attends concrètement de cet album ? Est ce qu'on a encore des attentes quand on s’appelle Patrick Rondat ?
Non honnêtement je n'attends rien parce que je n'en sais rien ! Pour être franc, je suis étonné que les gens se souviennent de moi et qu’il y ait une telle attente.
N’est-ce pas de la fausse modestie ?
Non, non. Tu connais beaucoup d'artistes qui ont mis vingt ans à faire un album et qu’il y aurait encore une attente (Je ne parle pas des Rolling Stones !) ?
Je n'ai pas disparu mais je ne pensais pas que ça aurait cet impact, je ne pensais pas qu'il y aurait ces retours notamment quand la pochette de Stan est sortie : j’ai lu les commentaires et l'attente des gens… Je suis un mec qui doute énormément…
Je suis quand même conscient que j'ai un parcours et une crédibilité que peu -ou pas- de Français ont eus…
Tu dis douter mais comment peut-on douter alors qu’à chaque retour, le public est plus enthousiaste que jamais ?
C'est vrai ! Je suis d'accord avec toi. Je ne sais pas, c'est peut-être mon éducation. Pour mon père -que j’ai perdu quand j’avais quinze ans- se mettre en avant, parler de soi, être content de soi… était presque de la vulgarité : ça ne se faisait pas ! J'ai été élevé avec cette éducation. Ajoute à cela que je ne suis pas un enthousiaste.
Justement, je ne vais pas faire de fausse modestie mais par exemple, lors d’une masterclass, un élève me demande de lister les guitaristes avec lesquels j’ai joué. J’ai commencé à faire la liste avec Ron Thal, Guthrie Govan, Steve Lukather, Satriani, Schenker, Uli Jon Roth, Petrucciani, Tomy Aldridge… et à un moment, je me suis arrêté en me faisant la réflexion : ça faisait truc de mythomane !
Je suis quand même conscient que j'ai un parcours et une crédibilité que peu -ou pas- de Français ont eus…
Tu disais que ton père ne t’a pas élevé en étant content de soi malgré tout, es-tu content de cet album ?
J’en suis assez content mais je suis toujours un peu… par exemple, quand "Amphibia" est sorti, je ne le supportais pas !
Tu devais bien être le seul…
Mais le pire que j'ai détesté, c'est "On the Edge" : j'ai vraiment détesté cet album.
Mais oui, je suis globalement content de ce nouvel album.
Enfin, une tournée est-elle prévue pour soutenir cet album ?
Oui…
… Comment l’appréhendes-tu, toi qui n’aimes pas trop être loin de chez toi trop longtemps ?
(Rires) Ce n’est pas que je n'aime pas être loin de chez moi mais j'aime ma famille, j'aime mes proches, j'aime mes potes, j'aime être chez moi mais j'aime quand même jouer sur scène.
A cet égard, as-tu des dates à nous annoncer ?
Non, je n'ai pas de dates : ça ne sera pas avant la fin d'année voire début l'année prochaine.
Actuellement, on a encore beaucoup de dates avec le Guitar Night Project : on a tous les festivals, Guitare en Scène, les Nuits de la Guitare Patrimonio… on a des dates à partir de septembre, octobre, novembre.
Je vais donc faire ces dates et je ne veux pas intégrer des nouveaux titres dans ce concept parce que je veux les faire avec Manu, Dirk (NdStruck : Dirk Bruinenberg, batterie) et Patrice (NdStruck : Patrice Guers, basse) mais il est bloqué quasiment jusqu'à fin d'année…
Et puis, on veut attendre que l'album s'installe : mon tourneur me dit qu’il faut le temps de booker les dates, les salles, quel type de salles... que l'album fasse son boulot pour essayer d'avoir les jauges le plus en rapport… Mais il y aura une tournée !
Enfin, on a commencé l’interview par la question qu’on t’a trop souvent posée au contraire quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ou à laquelle tu rêverais de répondre ?
Je n’en ai pas. J'en ai eu pas mal des questions intéressantes…
Mais non, je n'ai pas d'idée sur ce qu'on pourrait me poser et qu'on ne m’a pas posé. En quarante ans, tu imagines bien qu'on m'a posé pas mal de questions mais finalement, pas tant que ça sur ma vie personnelle : on ne m’a pas demandé d’où je venais, où j’habitais même si je ne pense pas que ça soit spécialement intéressant…
Mais surtout à la lecture de ce que tu nous as avoué sur ton éducation, as-tu envie d’ouvrir ce pan de ta vie privée ?
C’est vrai, mais je n'ai pas de tabou par rapport à ça. Je suis quelqu’un de timide, d’introverti : gamin, je n'aurais jamais pensé être capable de faire ce que j'ai fait.
En tout cas, tu l'as bien fait sur ces quarante années. Merci encore et merci pour cet album.
Merci à toi.
Merci à Newf et à Gyvy pour leurs contributions et Stephan Birlouez d'Among the Living pour ses photos...
Plus d'informations sur http://www.rondat.com
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