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TITRE:

SKUNK ANANSIE (26 MARS 2025)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

ROCK



Skunk Anansie met fin à neuf ans de silence studio, l'occasion pour Skin et Cass d'exposer à Music Waves sa douloureuse vérité...
STRUCK - 16.05.2025 -
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Neuf ans ! Neuf longues années pendant lesquelles Skin et sa bande ne nous avaient pas gratifié d'un nouvel album studio ! Mais il était hors de question pour Skunk Anansie de revenir avec un simple album. Nouveau label, nouveau producteur, nouvelle façon de travailler... "The Painful Truth" met fin à ces longues années de silence évoquant l'époque étrange dans laquelle nous vivons... En ce sens, ce nouvel album témoigne de l'engagement politique légendaire du groupe mais également du combat plus personnel des membres...





Neuf ans après "Anarchytecture", vous revenez avec "The Painful Truth". Le titre résonne comme une déclaration brutale. Était-il important de faire tomber les masques, y compris les vôtres ?

Deborah "Skin" Dyer : Oui ! Nous avons laissé l’image d’un groupe infaillible qui passe du bon temps pendant très longtemps…

Richard "Cass" Lewis : … et nous avons déconstruit cette image…

Skin : Et c’est un peu ce dont il est question dans ce nouvel album "The Painful Truth".


Skin, tu as dit que si cet album n’était pas innovant, tu n’aurais tout simplement pas voulu le faire. Où as-tu placé cette ligne de démarcation entre passé et futur ?

Skin : Le dernier album est sorti il y a neuf ans comme tu disais. Je n’avais même pas réalisé ça. Je pensais que ça faisait cinq ans…


D’une certaine manière, "Anarchytecture" est devenu hors sujet...




… La pandémie n’a pas aidé…

Skin : La pandémie a tout foutu en l’air ! D’une certaine manière, "Anarchytecture" est devenu hors sujet à savoir qu’une décennie après, nous vivons dans un monde complètement différent. Ces trois derniers mois, l’humain a complètement transformé le monde. Il n’y a donc aucune comparaison avec le précédent album !


Entretemps, vous avez sorti un best of "25live@25". A ce titre, vous avez dit vouloir rompre avec l’esprit best of, tourner le dos au confort. Cet album est-il aussi une forme de rupture avec l’image que les autres se font de vous ?

Skin : Absolument, je l'espère (Sourire) ! C’est un peu comme si nous nous étions déconstruits pour nous reconstruire avec l’aide de David Sitek du groupe TV on the Radio. C'était vraiment important pour moi en particulier d'avoir quelqu'un qui s’engage notamment dans l’écriture des chansons et qui saurait comment déconstruire ces chansons. C’était important pour qu’on puisse nous voir comme le groupe des années 1990 capable de faire autre chose sachant que nous n’avons pas forcément ce recul.

Cass : C’est toute la valeur ajoutée du producteur qui prend ce que tu fais, l’enregistre…

Skin : … et le fait briller.

Cass : Exactement ! On a cherché quelqu'un qui était capable de prendre ce que nous avions enregistré et inclure ses propres éléments... David a contribué à ça. Nous sommes passés d’un groupe à quatre membres à cinq personnes. L'important c’est la créativité.

Skin : Le fait est que David a pris nos chansons et les a améliorées. C'est exactement ce que nous voulions ! En effet, tu peux continuer à suivre ton chemin et continuer à faire les choses comme tu es habitué à les faire mais finalement, tu te limites…

Cass : Après trente ans à s'amuser et écrire ensemble, on avait quasiment déjà tout fait. Nous avions besoin de faire quelque chose d’autre et c’est que nous voulions.


Nous n’avons jamais dit que nous voulions nous réinventer ou même changer !


En trente ans de carrière, vous avez tout connu : les sommets, les remises en question, les ruptures. Ce disque sonne-t-il comme un acte de survie, ou au contraire comme une renaissance assumée ?

Skin : Je ne dirais pas renaissance…

Cass : J’utiliserais plutôt une image liée à la photographie. Avec le temps passe, les photos de personnes changent. Et cet album est la dernière photo.

Skin : J'espère que personne ne va considérer cet album comme une renaissance ou une réinvention ou je ne sais quoi… C'est juste notre album du moment. Nous n’avons jamais dit que nous voulions nous réinventer ou même changer ! Non, on a juste tendu nos mains, on a sauté du sol pour atterrir dans un nuage, un endroit paisible… Et nous en avions besoin parce que le processus était très effrayant et loin d’être facile.


Pendant longtemps, nous ne savions pas ce que nous faisions mais nous avons continué encore et encore...




Justement, vous avez traversé une zone de turbulence : changement de label, de management, doutes personnels, éloignement. Comment avez-vous su que c’était encore le bon moment pour créer ensemble ?

Skin : Tu ne sais pas, tu essaies ! Et tu dois essayer. La seule chose qui était très claire pour nous quand nous avons commencé cet album était que nous allions faire des choses très différentes et que ça allait être très inconfortable. C'était le postulat de base et effectivement, ça a été très inconfortable. Pendant longtemps, nous ne savions pas ce que nous faisions mais nous avons continué encore et encore...


A cet égard, Vous vous êtes repliés dans une ferme du Devon pour recommencer à écrire. Ce choix radical, loin des studios, a-t-il été salvateur pour retrouver une alchimie collective ?


Skin : Oui ! Et c'était aussi vraiment amusant...


Est-ce à dire que vous n’éprouviez plus ce plaisir lors des derniers albums ?


Skin : On avait également du plaisir. Nous sommes de très bons amis mais cela ne débouchait pas forcément sur la création d’une musique extraordinaire. Pour cet album, nous avons fait ce choix de commencer à écrire loin de Londres car il y a trop de distractions dans cette ville où les gens se couchent tard, trop se lèvent tôt…
A Devon, quand tu regardes par fenêtre, tu te retrouves nez à nez avec un mouton qui te regarde… On est loin de la vision narcissique du monde où les gens ne cessent de demander de l’attention… Loin de ce monde bruyant où les gens sont uniquement intéressés par regarder leur téléphoner et scroller. Quand tu es à Devon, tu poses ton téléphone dans ta chambre et tu ne le revois pas de la journée. C'était reposant : mon cerveau a cessé de suffoquer et je peux me concentrer sur les chansons et l’écriture des textes. Etre inspirée, tout simplement (Sourire) !


Il faut reconnaître que nous sommes vulnérables avant tout !





Quand on écoute l’album, on ressent autant de colère que de tendresse, d’urgence que de lucidité. Est-ce que vos fragilités ont été le moteur principal de cette intensité ?

Skin : Je pense que si tu traites de sujets politiques ou de la société, tu dois regarder ça avec une perspective personnelle et te demander comme cela t’affecte personnellement… Tu écris sur tes propres expériences sachant que beaucoup de personnes ont vécu la même expérience. Si tu essaies d’écrire comme tout le monde pense ou ressent, tu tombes facilement dans un slogan généraliste et plat. C'est quelque chose que nous avons développé depuis longtemps puisque nous écrivons depuis désormais trente ans. Je pense que les vulnérabilités sont le lieu où tout le monde se retrouve parce que tu es authentique : ce sont les meilleures paroles et les meilleures vibrations que tu peux proposer. Donc bien sûr qu’il faut reconnaître que nous sommes vulnérables avant tout !


Mon combat se ressent dans la musique et les chansons !



Cass, tu étais déjà en train de composer cet album tout en suivant une chimiothérapie que tu n’as révélée à personne. Avec le recul, est-ce que tu crois que cette double lutte – physique et musicale – a donné à "The Painful Truth" sa force brute, presque viscérale ?

Cass : Ce n’était pas si caché puisque les membres du groupe le savaient, mais effectivement nous ne l’avions pas révélé au public. Pour moi, mon combat se ressent dans la musique et les chansons : c'était dans l'air ! Même si ce n’était pas fait de façon consciente, c'était dans l'air ! Je me retrouve dans beaucoup de textes : j’ai l’impression qu’ils évoquent ma vie !

Skin : Tu dois faire face à cela avec à l’esprit que tu peux perdre un membre : putain, c'est lourd ! C'est vraiment sombre même si bien sûr un jour, tout prend fin (Sourire)...

Cass : C'était magnifique parce que cet album fait partie de mon rétablissement. Dès que je suis revenu dans le groupe, j’ai ressenti cette joie et cette lumière solaire de nouveau en moi.

Skin : Et souviens toi Cass, tu devais venir à Los Angeles pour enregistrer…

Cass : Arrête avec ça (Rires) !

Skin : Mais on parlait du groupe ! On pouvait effectivement prendre quelqu’un d’autre, mais non, Cass devait être sur cet album !


Notre décision de travailler avec [David Sitek] est une partie importante dans le rajeunissement et l’analyse de notre son.


Des titres comme ‘Animal’, aux teintes presque industrielles, ou ‘Shoulda Been You’, traversé d’un groove inattendu, montrent que vous avez exploré de nouveaux territoires sonores. Quelle part a joué David Sitek qu’on a évoqué précédemment dans ce processus : révélateur, complice ou simple éclaireur ?

Cass : C’est la personne clé !

Skin : Clairement ! J’adore travailler avec Andy Wallace et j’ai le sentiment que Dave Sitek est au même niveau mais d’une façon totalement différente. Je pense que c'est important de travailler avec quelqu'un qui est à notre niveau... Tout ce que David a fait, c'est s'installer dans le studio et faire de la musique : il n’a fait que ça ! David est un condensé d’un artiste fantastique. Il traite son art en écrivant encore et encore. Nous voulions un producteur qui allait creuser notre son et pas simplement les enregistrer. Notre décision de travailler avec lui est une partie importante dans le rajeunissement et l’analyse de notre son.


L'algorithme ne devrait pas dominer l'artiste !




Le titre ‘An Artist Is An Artist’ a été accueilli comme un manifeste : nerveux, ironique, lucide. Était-ce une manière de vous redéfinir face à une industrie qui recycle plus qu’elle ne découvre ?

Cass : La réponse est dans ta question (Rires) !

Skin : ‘An Artist Is An Artist’ évoque le fait qu’un artiste a des followers mais s’il ne fait pas attention, il peut suivre lui-même ses followers et c’est ainsi que tu commences faire de la mauvaise musique. Beaucoup d'artistes et de groupes sont désormais plus concernés par ce qui va leur permettre d’avoir plus de followers et oublier qui ils sont vraiment. Je poste tous les trois ou quatre jours, je poste quelques stories qui sont suivis par 5 000 followers mais ces derniers sont intéressés et suivent mon art. Je n’essaie pas de me définir dans un quelconque algorithme en racontant je ne sais quelle connerie. Les médias sociaux sont fous ! Quoi qu’il en soit, si je dois faire quelque chose, je le ferai à ma manière et quand je le voudrai et je ne me soumettrai pas à la pression des médias sociaux parce que je suis une artiste ! Je sais que je peux avoir l’air arrogante ou obnubilée à ce sujet mais plein de personnes me donnent des conseils pour que mon compte Instagram grandisse mais je m’en fous complétement !

Cass : C'est le problème. L'algorithme ne devrait pas dominer l'artiste !

Skin : Exactement : un algorithme qui te dit quel contenu poster, quand le poster… Mais je m’en fous, la seule chose dont je me soucie est que les réseaux sociaux sont un autre moyen pour véhiculer pour mon art mais il ne doit pas dire ce que je dois faire !


De la même façon, comme on l’a dit, ce nouvel album, "The Painful Truth" sort sur un nouveau label, avec une nouvelle équipe. Est-ce une manière de retrouver une liberté perdue, de reprendre enfin les rênes après tant d’années ?

Skin : Nous avons toujours eu le contrôle. En revanche, c’est juste que c'est la bonne équipe pour cet album. Ça n’aurait pas été la même chose si nous avions continué avec la même équipe.


Nous traversons une époque très étrange politiquement mais nous n’en sommes pas rendus là par accident…




Malgré ses thèmes lourds, l’album dégage quelque chose de profondément apaisant. Est-ce que ce disque vous a fait du bien, à vous aussi, autant qu’à ceux qui l’écoutent aujourd’hui ?

Skin : J'espère que oui ! J'espère que quand les gens écouteront "The Painful Truth", ils se demanderont qu’elle est leur vérité douloureuse… En effet, nous traversons une époque très étrange politiquement mais nous n’en sommes pas rendus là par accident…  Dans ces conditions, quelles sont nos vérités douloureuses ? Nous avons tous une part de responsabilité et c’est la vérité qui fait mal… J'espère que les gens mettront à profit cette sensation pour stimuler leurs actions, qu’ils se manifestent pour le bien de notre société. C’est la seule chose que nous pouvons faire parce que le monde est profondément divisé…


Le morceau final, ‘Meltdown’, est d’une sobriété bouleversante. La musique s’efface peu à peu pour laisser Skin seule avec sa voix, presque à nu. Était-ce une manière de clore ce chapitre avec douceur, ou d’en ouvrir un nouveau dans le silence ?


Skin : C’est effectivement le parfait morceau pour clôturer l’album. C’est un de ces morceaux dans lequel nous aurions pu mettre du groove et ça l’aurait changé mais finalement, le titre sonne vraiment bien comme ça sachant que les paroles sont très importantes. Nous voulons que les gens reconnaissent qu’il y a un effondrement, que c’est douloureux mais il a encore de l'espoir…


C’est une belle conclusion : il y a encore de l’espoir !

Skin : Bien sûr qu’il y a de l’espoir ! J’étudie l’Histoire, je lis beaucoup à ce sujet et tu réalises que les Empires se créent, grandissent, prospèrent puis meurent… Et tout cela est favorisé par les organisations politiques, notamment quand les gens se tournent vers les extrêmes. Mais tout dépend de nous en constatant que la direction prise n’est pas la bonne et en faisant tomber ces pouvoirs extrémistes.
Ça se passe toujours de la même façon. Il y a toujours des moments douloureux à vivre, mais pour éviter que cela ne dure encore cinq ans de plus à connaître tous ces morts, toutes ces choses horribles… évitons que ces gens prennent le dessus !





Merci beaucoup !

Skin : (En français) "Merci"

Cass : Merci à toi !


Et merci à Calgepo pour sa contribution et Stephan Birlouez d'Among the Living pour ses photos...


Plus d'informations sur http://www.skunkanansie.net/
 
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