Quand Death Decline débarque avec un album au titre aussi joyeux que "Pattern of an Imminent Collapse", on sait qu’on ne va pas parler de fleurs et de papillons. Mais derrière cette aura de sérieux et de noirceur se cache un groupe capable d’allier riffs furieux, mélodies envoûtantes et, on le découvre dans cette interview, une bonne dose de spontanéité. Nous avons eu la chance de discuter avec Arnaud, qui, entre deux riffs assassins et une réflexion philosophique sur la chute des civilisations (rien que ça !), nous a parlé de l’évolution du groupe, des défis rencontrés sur cet album et de pourquoi ils n’ont pas encore installé un feu d’artifice synchronisé à leurs concerts. Spoiler : ils préfèrent l’instinctif. Alors, prêts à plonger dans l’univers de Death Decline ?
On a une petite tradition pour finir nos interviews : on demande toujours la question que vous auriez aimé qu’on vous pose, mais qu’on ne vous a jamais posée. Tes collègues avaient séché la dernière fois, donc je suppose que personne ne t’a soufflé de réponse ?
Arnaud : Non, rien du tout… Mais écoute, laisse-moi réfléchir et on verra à la fin !
Ça marche, on garde ça pour plus tard. Alors, parlons musique ! Votre précédent album "Silent Path" marquait un retour aux sources de Death Decline, notamment à l’époque "Built For Sin". Avec le recul, comment les fans ont-ils réagi à ce choix ? Est-ce que leurs retours correspondaient à vos attentes ou y a-t-il eu des surprises ?
La direction qu’on a prise sur cet album s’est faite assez naturellement avec mon arrivée dans le groupe. Les gars avaient besoin de revenir à quelque chose d’un peu plus brut et direct. Je dirais même que c’était une envie de simplifier un peu les choses.
Et comment a été accueilli ce retour à une approche plus directe ?
L’accueil a été super ! Que ce soit au niveau des chroniques ou du public en concert, on a eu des retours très positifs. C’était vraiment génial.
Est-ce que cela reflète un sentiment que le groupe s’éloignait peut-être de sa direction initiale avec l’album précédent ("Thousand Faces") ?
Arnaud : Oui, je pense que les gars voulaient éviter de replonger dans quelque chose d’aussi technique que "Thousand Faces". Revenir à des bases plus thrash, plus lourdes, et un peu moins rapides était une décision naturelle. Et je crois que ça nous a permis de toucher un public plus large.
Votre nouvel album "Pattern of an Imminent Collapse" est sorti il y a environ un mois. Avec encore peu de recul, quelles sont vos premières impressions ? Est-ce qu’on ressent la même excitation que pour "Silent Path", ou une forme de routine s’installe-t-elle ?
Arnaud : Non, pas de routine, loin de là ! On était tous assez stressés avant sa sortie. On avait vraiment hâte que les gens découvrent ces nouveaux morceaux. Et l’accueil a dépassé nos attentes : les concerts depuis la sortie ont été incroyables, le public super réactif, et les nouveaux morceaux passent très bien en live.
Tu parlais de stress. À quoi était-il dû ? Y avait-il une pression supplémentaire après le succès de "Silent Path" ?
Arnaud : Exactement. Pendant la composition, l’objectif était de faire aussi bien que "Silent Path". C’était à la fois motivant et un peu angoissant. Mais finalement, on est très fiers du résultat.
Oui, pardon. Vous étiez fiers de "Silent Path", et la pression de l’époque était surtout liée à une idée de progression, c’est ça ? Est-ce que les fans allaient l’apprécier autant que le précédent ? Et avec "Pattern of an Imminent Collapse", les retours semblent encore meilleurs ?
Arnaud : Oui, complètement. On était vraiment fiers de cet album et on espérait que les gens l’accueilleraient bien. Mais il y avait cette pression : est-ce qu’on allait faire aussi bien ? Est-ce que ça plairait autant ? Finalement, l’accueil a été presque meilleur que pour "Silent Path", donc on est vraiment contents.
C’était donc une pression par rapport aux attentes extérieures, plus que par rapport à vous-mêmes et à votre progression artistique ? Pourtant, on sent une évolution perpétuelle chez Death Decline.
Oui, on a toujours envie de tenter de nouvelles choses. Cette fois-ci, on a aussi exploré de nouvelles influences et travaillé différemment. Mais c’est vrai que ça peut être stressant, parce qu’on ne sait jamais si ce qui nous plaît à nous plaira aussi au public.
C’est ce qui fait tout l’intérêt, non ? Aller toujours plus loin, se fixer de nouvelles limites et les dépasser.
Arnaud : Exactement ! C’est ce qui rend la composition et la création stimulantes. Sinon, il n’y aurait aucun intérêt à refaire sans cesse la même chose.
Les références à la Grèce antique ou à Rome sont là pour rappeler que
même les empires les plus puissants finissent par s’effondrer.
Passons à l’album en lui-même. La pochette regorge de symboles. On y trouve des références évidentes à la mythologie grecque et romaine, des éléments qui évoquent la chute, une sorte de tragédie ou de déchéance d’un héros. Il y a aussi cette larme de sang, seule touche de couleur dans ce monochrome métallique. Quelle était la vision derrière cette imagerie ? Pensez-vous qu’elle reflète aussi les inquiétudes contemporaines, comme la chute de notre société ?
Arnaud : On voulait une pochette qui soit en parfaite cohérence avec le titre de l’album. Comme tu l’as remarqué, les références à la Grèce antique ou à Rome sont là pour rappeler que même les empires les plus puissants finissent par s’effondrer. Malheureusement, je pense que le prochain sur la liste pourrait bien être le nôtre. On voulait également quelque chose de plus marquant, plus facile à mémoriser et fédérateur. Par rapport à nos pochettes précédentes, il y a aussi un changement de direction artistique. La "Demon Decline", notre figure emblématique, est toujours là, mais mise en scène différemment.
Et sur le plan musical, l’album ressemble à un véritable voyage. On est directement plongés dans l’action, sans intro, avec des morceaux comme 'The Undying' et 'Surrender'. Puis, plus tard, on découvre des pièces plus contrastées comme 'Awards, Void and Oblivion'. Était-ce une volonté délibérée de structurer l’album comme un récit, presque narratif ?
Arnaud : Oui, totalement. On réfléchit beaucoup à l’agencement des morceaux pour que l’album respire au bon moment. Cette fois, on a voulu éviter une intro classique et frapper fort dès le début. On voulait une ouverture accrocheuse, qui claque immédiatement. Cela change des albums précédents, où il y avait des intros plus développées.
Pourquoi ce choix de frapper dès le départ ?
Arnaud : C’était une volonté d’aller droit au but. Cet album est plus direct et peut-être plus accessible. Il fallait que ça se ressente dès le début. C’était une suite logique à notre démarche pour cet opus.
Vous avez une approche très réfléchie dans vos compositions, qu’il s’agisse des structures ou des thèmes abordés. C’est assez propre au metal : il y a une vraie profondeur dans ce genre musical, loin des clichés du “je t’aime, moi non plus”. Est-ce que cette réflexion laisse aussi une place à l’instinct dans votre processus de création ?
Arnaud : Oui, bien sûr. La composition commence souvent de manière instinctive : nos guitaristes apportent des idées, des mélodies ou des structures. Ensuite, on jamme autour de ça, on affine et on construit progressivement. Une fois que tout est bien avancé, Alexis pose ses paroles sur les morceaux. C’est un processus naturel, mais qui devient plus réfléchi au fil du temps.
Donc, c’est d’abord instinctif, puis vous apportez une réflexion sur l’agencement et l’évolution de l’album ?
Arnaud : C’est exactement ça. On commence par créer de manière instinctive, puis on réfléchit à comment agencer tout ça pour que l’album ait une vraie cohérence.
Cet album a été l’occasion pour chacun d’innover et d’explorer.
Cet album comporte beaucoup d’harmonies vocales, avec des jeux de voix encore plus saisissants qu’auparavant. Par moments, on a l’impression que plusieurs personnages prennent vie à travers les morceaux. Était-ce un des principaux défis sur cet album ? Comment avez-vous travaillé cet aspect vocal ?
Arnaud : Alex a beaucoup travaillé sur sa voix. Il avait déjà commencé à explorer un peu de chant clair sur "Silent Path", et ici, il a poussé cette démarche encore plus loin. Comme tu l’as sûrement remarqué, il y a beaucoup plus de chant clair sur cet album. Il a aussi expérimenté une nouvelle voix, un peu plus proche du black metal, sur certains couplets. C’était une vraie évolution pour lui, un besoin d’essayer de nouvelles choses. Je pense que, comme pour le reste du groupe, cet album a été l’occasion pour chacun d’innover et d’explorer.
C’est intéressant, surtout qu’il avait mentionné dans une interview précédente qu’il n’était pas très attiré par le black, trouvant souvent que c’était mal fait. Il semble avoir franchi un cap ?
Arnaud : Oui, c’est vrai. Mais comme je te disais, cette évolution s’est faite instinctivement. On ne s’est pas fixé de barrières sur les styles ou influences à intégrer. Chacun a eu la liberté de tester ce qu’il voulait, et ça a donné des résultats intéressants, comme les nouvelles voix d’Alex.
Cela flirte même parfois avec le metal progressif.
L’album est très riche. On dépasse largement le death ou le thrash metal classique. En termes de rythmiques, de contrastes, de mélodies, il y a énormément de choses. C’est presque un album complexe à appréhender, malgré son côté brut. Est-ce que cette complexité est pour vous un gage de qualité ?
Arnaud : Oui, carrément. Certains morceaux sont plus longs, ce qui n’était pas vraiment le cas sur "Silent Path". On y a intégré des guitares acoustiques, des riffs mélodiques et accrocheurs, et des structures un peu plus alambiquées. Cela flirte même parfois avec le metal progressif. C’est très enrichissant pour nous. Et quand tu dis que l’album est riche, c’est super gentil. Je pense effectivement qu’il y a plein de petits détails à découvrir sur chaque morceau, ce qui peut nécessiter plusieurs écoutes pour en saisir toute la profondeur.
On a souvent ce type d’album qui, au départ, semble complexe, mais qui devient finalement celui auquel on est le plus attaché. Est-ce que c’est, pour vous, l’album qui manquait à Death Decline ?
Arnaud : Je dirais que oui. Avec "Silent Path", on avait amorcé un virage vers quelque chose de plus accessible. Cet album en est une suite logique, mais avec un retour à certaines idées des premiers albums, notamment au niveau des structures et des morceaux plus longs. Encore une fois, l’objectif était de faire aussi bien, voire mieux.
Et toi, comment as-tu ressenti ton intégration dans tout ça ? Tu étais déjà présent pour la composition de "Silent Path", non ?
Arnaud : Oui, tout à fait. Mais "Silent Path" était déjà composé et sorti quand je suis arrivé. Il a fallu que je prenne mes marques et qu’on apprenne à jouer et composer ensemble. Avec Pattern, on avait déjà cette stabilité, cette compréhension mutuelle, et ça s’est ressenti dans la création. C’est essentiel dans un groupe : savoir s’écouter et évoluer ensemble.
La pandémie a sûrement influencé cette dynamique, non ? Est-ce que cela vous a soudés ?
Arnaud : Oui, complètement. La pandémie a été malheureuse pour beaucoup de gens, mais pour nous, elle a permis de peaufiner "Silent Path" et de mieux nous connaître. Cela a clairement influencé notre méthode de composition et a nourri "Pattern".
Sur scène, vos morceaux doivent prendre une toute nouvelle dimension. Comment envisagez-vous de transposer cette richesse en live ? Est-ce que cela demande beaucoup de travail sur les arrangements ?
Arnaud : On joue les morceaux tels quels, mais cela demande un certain rodage pour tester leur efficacité en live. Une nouveauté qu’on a intégrée, c’est une partie acoustique en plein milieu du set, qui est samplée pour des raisons techniques. Cela permet au public de respirer, comme sur l’album, avant d’enchaîner avec des morceaux plus percutants. C’est quelque chose qu’on n’avait jamais fait auparavant et qui a été bien accueilli.
Ce besoin de respiration, c’est aussi pour vous ? Vos morceaux demandent énormément d’énergie à retranscrire.
Arnaud : Oui, c’est un équilibre à trouver, à la fois pour nous et pour le public. Ces moments permettent de varier et de rendre l’expérience plus dynamique tout en restant fidèles à notre identité.
Est-ce que vous envisagez d’intégrer des éléments immersifs, comme des projections ou des effets visuels ?
Arnaud : On y a réfléchi, mais cela va un peu à l’encontre de notre esprit live. On préfère une approche plus spontanée, où tout n’est pas millimétré. Cela rend chaque performance unique.
Ça fait partie de votre sincérité, que ce soit en live ou sur album.
Arnaud : Exactement. On compose et on joue de manière instinctive, et je pense que c’est ce que les gens apprécient chez nous.
Pour finir, la fameuse question : quelle est celle que je ne t’ai pas posée, mais à laquelle tu aurais aimé répondre ?
Arnaud : Hum… Je dirais : quelle scène j’aimerais jouer, la scène ultime.
Et alors, c’est laquelle ?
Arnaud : Les Red Rocks. J’ai vu le concert de Gojira là-bas, et c’était incroyable.
Un choix magnifique. Merci beaucoup, Arnaud, pour cette interview
Arnaud : Merci à toi. À bientôt !