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TITRE:

OPETH (03 SEPTEMBRE 2024)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

METAL PROGRESSIF



Opeth est de retour avec un nouvel album et quel album ! Un concept autour de l'héritage d'un patriarche stérile et cruel illustré par le retour des tant attendus growls !
STRUCK - 22.11.2024 -
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Il y aura fallu attendre seize années, seize (trop) longues années pour qu'Opeth réintègre des chants saturés dans un de ces albums. Pendant cette longue parenthèse ornée de quatre albums, le groupe Mikael Akerfeld et sa bande ont creusé le sillon du rock progressif originel. Ce quatorzième album fusionne le meilleur des deux époques alliant le fond avec d'un passionnant concept autour de la lecture d'un testament -conté par Ian Anderson- et la forme avec une musique plus heavy et le retour des growls... En espérant que ce superbe album qui devrait ravir les fans des deux périodes des Suédois ne signe pas leur dernière volonté...





"The Last Will And Testament" est très cinématographique, avec des titres globalement plus courts qu’à l’accoutumée. Est-ce que le fait d’avoir composé la BO de la série "Clark" a, de près ou de loin, influencé la composition de cet album ?

Mikael Åkerfeldt : Non pas vraiment. Ça m’a juste permis d’avoir un façon de travailler différente : désormais je travaille beaucoup plus vite en développant les idées et ça me permet de pouvoir jouer aux jeux vidéo par ailleurs… En revanche, il fallait retravailler les textes pour qu’ils gagnent en profondeur.
Quand j'écris de la musique, j’écris généralement assez vite et j'ai une idée de ce que je veux faire. Mais, c'est difficile de me tenir à cette idée. En général, j'ai une idée qui me vient et que je veux essayer. Je travaille dessus pour essayer de la polir pendant un moment et puis, quelque temps plus tard, je me rends compte que c'est toujours de la merde et finalement, je ne la garde pas (Sourire). Je choisis quelque chose ici, je rejette quelque chose là. J’adore et je déteste la musique en même temps. Cette ambivalence me conduit sur une sorte de chemin créatif et puis, je me rends compte au bout d’un certain temps que quelques chansons ont été écrites. Dans le meilleur des cas, ces chansons sont suffisamment bonnes pour impressionner le groupe et assez bonnes pour les ceux qui décident dans l’industrie.


J’adore ce disque !





Et également assez bonne pour toi ?

Mikael : J’adore ce disque, je dois le dire (Sourire) ! Peut-être que j’en suis même fier ? Il y a des ingrédients familiers dedans. Notre musique provient de la même source, donc je suppose que ce n’est pas vraiment une surprise si elle va sonner comme du Opeth.


Mais t’arrive-t-il d’être face à une page blanche ?

Mikael : Bien sûr ! Mais on persévère et on continue à écrire. Pour moi, une bonne idée n'a pas besoin d'être une idée complexe ou élaborée. J'aime avoir ce que j'appelle des riffs stupides à côté d'un morceau très élaboré et expérimental. J'aime les deux aspects de la musique. Pour une raison ou une autre, j'aime les trucs vraiment compliqués, mais pas seulement.


“The Last Will And Testament” est un album concept, un vrai, basé sur une histoire forte et, hélas, assez universelle : la lecture d’un testament à des héritiers et les histoires de famille qu’elle dévoile. Comment t’est venue cette idée très originale qui évoque autant le "Shining" de Kubrick (pour la pochette) que "La Chatte sur un toit brûlant" de Tennessee Williams pour l’histoire ?

Mikael : En général, je commence par la musique mais dans le cas présent, j'avais l'idée,  j'ai fini par penser à l'histoire et j'ai écrit quelques notes. Je devais aussi séquencer les chansons. Je voulais que l'enchaînement se fasse d'une manière correcte et normale pour la musique. J'aime l'enchaînement fluide des disques, alors j'ai essayé de commencer par l'enchaînement musical. Mais une fois que j'ai eu les paroles de ces chansons, je n'ai pas pu les changer, parce qu'elles doivent être dans l'ordre chronologique. Cela a donc représenté un peu plus de travail que d'habitude, mais je dirais aussi plus d'intérêt et de plaisir. Et ma petite amie m'a beaucoup aidé. C'est elle qui a eu l'idée du rebondissement à la fin de l’histoire…


Justement, quelle est cette histoire ?

Mikael : Tout commence par l'arrivée de trois frères et sœurs au manoir familial. Leur père, un vieil homme sévère, conservateur, paranoïaque, maléfique et noble, est décédé, et ils vont partager son testament entre ses trois enfants. Il y a deux jumeaux, un homme et une femme d'une vingtaine d'années, et une jeune fille atteinte de polio. Les paroles sont comme la lecture du testament. C'est pourquoi les chansons n'ont pas de titre, juste un paragraphe un... deux... jusqu'à sept.
Tout au long de la lecture du testament, ces enfants découvrent beaucoup de choses sur eux-mêmes, sur les secrets de leur père et sur leur lien avec la famille. Les jumeaux découvrent que leur père n’est pas le leur et sont exclus du testament. Finalement, son seul véritable enfant de sang est sa fille malade mais elle est le fruit d'une histoire d'amour qu'il a eue avec la servante du manoir. Il a menti à sa femme en lui disant que cette servante avait une liaison et qu'ils devaient s'occuper de sa pauvre enfant comme s'il s'agissait de sa propre fille. Sa femme étant également décédée, la fille -la seule héritière de sang- hérite de tout. Le testament se termine et la dernière chanson ‘A Story Never Told’ arrive qui explique que la fille a hérité de tout et vit désormais dans le manoir. Mais une lettre arrive. Elle vient de sa mère -la bonne- qui lui explique qu’elle a menti à son père et qu’elle est finalement le fruit d'une autre histoire d'amour. La conclusion est que le patriarche était stérile !


Tu as déclaré que tu avais également été influencé par la série "Succession", qui est certainement l’une des séries les plus cyniques, les plus nihilistes et les plus pessimistes sur la famille. Globalement, quelle est ta vision personnelle de la famille à l’épreuve de l’argent ?

Mikael : Je te rassure, ce n’est pas le cas dans ma famille mais effectivement, je crains être à terme comme l’un des personnages centraux, le plus vénal (Rires) !
En fait, j'ai commencé à m'intéresser à ce sujet lors du dernier album. Il y a une chanson qui s'appelle 'Universal Truth' qui traite également de ce genre de sujet comme le fait que le sang n'est pas toujours plus épais que l'eau, que l'argent peut conduire les membres d'une famille dans le chaos. J'ai donc commencé à m'intéresser à ce sujet et à la famille dans son ensemble, à la façon dont les membres d'une famille peuvent s'affronter à propos de l'héritage. C’est resté en moi et j'ai pensé que ce pourrait être un sujet intéressant et sombre pour un album dont la musique pourrait l'illustrer de manière positive. Et effectivement, par la suite, j'ai regardé cette série "Succession" que j'adore...
De façon générale, c'est très intéressant et ça m'aide d'avoir une sorte de thème quand je dois écrire des paroles, parce que sinon je me retrouve parfois à écrire des choses dont je ne sais même pas ce qu'elles veulent dire (Sourire).


Pourquoi avoir choisi de situer l’histoire dans les années 1920, juste après la première guerre mondiale ?


Mikael : En fait, ce n’était pas l’idée initiale, mais l’idée vient surtout du fait que je trouve que les clichés lors de sessions photos sont ennuyeuses. Et le fait de pouvoir situer cette histoire dans les années 1920 nous a permis de poser dans des tenues d’époque : c’était vraiment amusant !


Il fallait qu’il y ait une raison pour intégrer à nouveau ces chants extrêmes




Cet album marque le retour tant attendu des growls. Mais là où tu fais très fort, c’est que le chant saturé s’intègre parfaitement au déroulement de l’histoire. Est-ce que c’était prémédité ou est-ce que le chant saturé s’est imposé à toi pendant l’écriture de l’album ?

Mikael : Je sais que nous sommes attendus sur ce point. La musique d’Opeth a toujours été exigeante et ceux qui n’ont pas d’appétence pour notre musique ne seront pas plus attirés par cet album. En revanche, il fallait qu’il y ait une raison pour intégrer à nouveau ces chants extrêmes…
Il n'y avait pas de place pour ce type dans chant dans les quatres précédents albums mais dans le cadre de ce dernier album, en plus de la voix narrative de Ian Anderson, j’avais l’impression que ces voix apportaient vraiment quelque chose au personnage et à l’histoire. Et en plus, je trouvais que je chantais bien, notamment lors des derniers concerts où nous jouions de vieux morceaux avec beaucoup de growls... J'étais en confiance, ça collait bien au thème de l'histoire : donc oui, c’était le bon moment pour les réintroduire.


Sachant que je me souviens que tu me disais ne pas apprécier ton chant… Est-ce que c’est toujours le cas ?

Mikael : En fait, j’ai un vrai problème avec ma voix : quand je m’entends, en fait, j’ai l’impression d’entendre ma voix à travers un répondeur. Je ne parle pas comme ça. Je ne sonne pas comme ça. Mais dans le cas de la voix chantée, si j'entends le ton de l'harmonie, l'harmonie dans ma voix, j'essaie de me concentrer et de développer une sorte de mélange où je distancie ma personne de ma voix. J’ai toujours ce sentiment que ma voix claire ne sonne pas bien et quand j'écoute de la musique, je ne l'entends pas.


Ce qui explique en partie selon toi l’impression qu’on a qu’entre chaque album, ton chant est différent d’album en album ?

Mikael : Effectivement, et dans le cas du chant extrême, je fais en sorte d’être le plus distinct possible afin qu’on puisse comprendre les textes.


Je suis très exigeant en ce qui concerne les growls


Toujours concernant ces growls, as-tu reculé l’échéance de ce retour par pression ?

Mikael : Ces dernières années, les gens nous reprochaient de ne plus avoir de chant extrême. Et aujourd’hui, on nous demande pourquoi on en intègre. Ca n’ira jamais mais finalement pourquoi ne pas en remettre ? Le nouvel album est un disque conceptuel qui, je pense, bénéficierait de ce type de voix.
Je me suis senti en confiance. Nous avons fait quelques tournées au cours desquelles nous avons joué beaucoup d'anciens morceaux, et c'était amusant de le faire. Pour moi, le growl c'est presque comme rapper. Non pas que je sois un bon rappeur, mais je trouve que tout le côté rythmique est intéressant. Je suis très exigeant en ce qui concerne les growls. Ils doivent être bons, ils doivent être spécifiques. J'ai des goûts particuliers en la matière. Et aussi, bien sûr, ils doivent contribuer à l'idée générale de la musique. Cette fois-ci, comme il s'agit d'un album conceptuel, c'est le cas. Je pense que dans l'ensemble, cela a rendu l'album meilleur.


Je suis un peu en admiration devant ce que nous avons accompli sur "The Last Will And Testament"




“The Last Will And Testament” est un album exigeant, presque oppressant, qui nécessite de nombreuses écoutes et qui, une fois apprivoisé, s’impose comme une œuvre colossale dans sa dimension progressive. Mais il risque aussi d’être incompris des moins initiés par sa richesse et sa complexité. Est-ce quelque chose qui pourrait te chagriner ou est-ce que tu n’en as tout simplement rien à faire ?

Mikael : Pour être franc, je suis un peu en admiration devant ce que nous avons accompli sur "The Last Will And Testament". Cela semble un rêve. J’espère qu’il y a une certaine cohérence et des compétences en composition… J’ai tendance à préférer ce qui est étrange à ce qui est évident, mais je me sens comme une minorité, et c’est bien ainsi. Malgré tout, je vous préviens : il ne faut pas s’attendre à un coup de foudre immédiat -comme d’habitude je dirais (Sourire)-, mais si vous l’avez tout de suite : c’est aussi très bien !


“The Last Will And Testament” est l’album le plus heavy d’Opeth depuis "Heritage", mais mis à part l’intro de ‘§2’, la couleur musicale est assez loin du death metal et reste bien ancrée dans ton travail sur la deuxième période du groupe. On y retrouve notamment l’aspect très cinématographique qui était déjà présent sur "In Cauda Venenum". Comment vois-tu l’évolution de la musique d’Opeth depuis "Heritage" ?


Mikael : Je ne sais pas. C'est bizarre. Ce n'est pas vraiment différent pour nous. Mais je refais des chants hurlés, ce que je n'avais pas fait depuis longtemps. Et il y a quelques invités. C'est un album conceptuel qui contient beaucoup d'idées. C'est un disque agité et même moi, je ne connais pas encore vraiment les chansons. Mais c'est un bon disque !


Tu as souvent rendu hommage à tes artistes de chevet à travers les albums d’Opeth. Mais sur “The Last Will And Testament”, tu vas encore plus loin en invitant Ian Anderson comme conteur sur ‘§1’, ‘§2’, ‘§4’, ‘§7’ et comme flûtiste sur ‘§4’ et ‘§7’. Pourquoi l’avoir choisi ?


Mikael : Je l'ai contacté il y a 15 ans environ pour qu’il y participe à l’album "Heritage" en jouant de la flûte. Il n'a pas répondu à ce moment-là.


… Mais dans cet album, non seulement il joue de la flûte mais il parle ?

Mikael : En fait, j’ai toujours été un grand fan de la voix de Ian Anderson… J’adore sa voix, d’autant plus qu’elle correspond parfaitement au personnage qu’il joue. Et au fur et à mesure des discussions avec lui, il m'a demandé s'il fallait qu'il joue de la flûte… A ce moment, je n'avais pas vraiment de passages prévus pour cet instrument mais c'était l'occasion ou jamais. J'ai donc trouvé des parties -notamment sur ‘§4’- plus lentes qui pourraient convenir. Je lui ai donc proposé ce passage sur lequel il joue ce superbe solo de flûte...




L’album contient d’excellents solos de guitare. Est-ce que tes solos sont très écrits ou te laisses-tu une marge d’improvisation en studio ?

Fredrik Åkesson : Sur ‘§6’, j’ai improvisé un solo mais je voulais que chaque solo soit différent. Le plus important est d'essayer de trouver des mélodies dans le solo. J’aime la possibilité de relier les mélodies pour avoir une sorte de rythme. Et sur ‘§4’, nous avons tous les deux décidé que nous allions faire un solo.

Mikael : En revanche, j'ai passé beaucoup de temps à sur le dernier paragraphe de l’album : l’idée était d’essayer de rendre le solo le plus cohérent possible. C'est proche d’un algorithme mais c'est aussi important de le développer…


… Ça me rappelle Steven Wilson qui nous disait que le plus important dans la composition d’une chanson était de savoir s’arrêter…


Mikael : Oui, mais contrairement à moi, Steven est constamment en train d’écrire alors que comme je te disais au début, j’ai appris à être plus concis dans la composition pour cet album…


Je nous vois mal jouer après 'The Final Countdown'




Outre Ian Anderson de Jethro Tull, Joey Tempest de Europe est également invité. De là à rêver d’une scène commune ?

Mikael : Nous en avons parlé mais il est difficile de savoir si les gens adhéreraient à ce projet ou non. Je ne suis pas sûr... Et il faudrait qu'Europe joue après nous, parce que je nous vois mal jouer après 'The Final Countdown' (Rires).


Et à défaut d’Europe, quel est le programme de votre tournée ?

Mikael : Actuellement, une tournée en Amérique du Nord est programmée avec nos amis de Tribulation. Ensuite, nous allons tourner en Europe avec Grand Magus qui sont également des amis qui devraient passer par Paris à l’Olympia le 21 février…


Eh bien rendez-vous à ce moment-là… Merci !

Opeth : Merci à toi !


Merci à Newf pour sa contribution...



Plus d'informations sur http://www.opeth.com
 
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