Projet porté par le seul Sylvain Spanu, The Dawn Razor revient avec un second album "In Sublime Presence" inspiré du mouvement pictural du même nom et pour lequel le guitariste s'est efforcé de travailler les variations pour un résultat convaincant : The Dawn Razor franchit un cap après sa "Renaissances"...
Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée et à laquelle tu aurais marre de répondre ?
Sylvain Spanu : Ca commence fort (Rires) ! J’ai du mal à répondre... Alors si, j’en ai une, ce n’est pas une question qu’on m’a posée souvent mais je suis resté scotché quand on m’a demandé de raconter un truc de bien qui m’est arrivé récemment (Rires) !
Dans notre cas, on va parler de ta musique et avant d’évoquer ton dernier album, on va revenir sur le précédent “Renaissances” qui avait reçu un accueil mitigé. Avec le recul, as-tu compris les critiques, notamment que le disque manquait de variété ou de respirations ?
Je suis d'accord avec cette critique. C'est vrai que quand je l'écoute maintenant -attention, c'est un album que j'aime beaucoup- mais ce premier album était plus étouffant que le nouveau : il y avait beaucoup de parties avec des « blast beats » très concentrés, très sombres et peut-être un peu de manque de variation au niveau de la violence. C’est quelque chose que j'ai mieux travaillé dans le nouvel album, où il y a plus de variations sur le niveau de la voix -j'ai intégré plus de parties chantées, j'ai testé des choses avec un peu d'écho ou d'harmonisation qu'il n'y a pas dans le premier- mais également au niveau de l'instrumental, c'est un peu plus mélodique que le précédent qui était plus violent.
Il fallait que je me remette de ça...
Pourquoi ce disque avait ce titre alors qu’il me semble que c'était votre premier ? Quelle était cette renaissance ?
En fait, je venais d'un autre groupe qui avait sorti un album. Un groupe que j'aimais beaucoup et on faisait une musique dans le même style. Et comme toute rupture, il y avait de la déception, un peu de tristesse : je me disais que c’était dommage, que ça aurait pu vraiment bien marcher, continuer à évoluer. Il fallait que je me remette de ça...
Ce projet solo et ce premier album était donc une renaissance par rapport à ta déception.
C'est ça, tout à fait.
J’ai vraiment travaillé les variations
Ton actualité est la sortie de ton nouvel album “In Sublime Presence”. Est-ce que tu es satisfait du résultat obtenu et t’es-tu inspiré des retours lus ici ou là ? En gros, as-tu modifié ton approche musicale ?
Un peu, oui. Par rapport au précédent album, j'ai fait en sorte de ne pas me répéter, j'ai fait attention de ne pas faire des refrains ou des parties que j'avais déjà faites. Je ne dis pas que c'est parfait mais j’ai fait de mon mieux. J’ai vraiment travaillé les variations. Je me souviens également qu'au niveau du chant, je n'avais pas toujours de bons retours. Comme je l'ai dit, j'ai donc testé d'autres choses, d'autres façons de crier aussi. C'était très marrant à enregistrer, ça m'a bien fait rire. J'ai pris du plaisir à le faire…
Dans ces conditions, as-tu plus travaillé cet album pour éviter la redite et varier ton propos ?
Oui, je pense que oui. Le processus a pris du temps parce que j'écris tout seul et il y avait des morceaux qui ne plaisaient pas trop que j'ai mis de côté. J'ai mis de côté trois morceaux qui étaient finis et finalement, ce n’était pas assez bon, je suis donc reparti de zéro. Et finalement, j'ai dix morceaux dont je suis très content.
C'est le mouvement pictural qui m'inspire
Est-ce que “In Sublime Presence” signifie “en présence du sublime” comme en présence d’une divinité, en présence sublime ou en présence du sublime, le mouvement pictural ?
C'est ça : c'est le mouvement pictural qui m'inspire. Je n'avais pas pensé à la présence d'une divinité : c'est peut-être une idée à explorer plus tard (Sourire). Le mouvement du sublime était des peintres ou des poètes qui décrivaient des choses sublimes c'est-à-dire des choses qui échappent au contrôle humain comme des montagnes inaccessibles, des jungles impénétrables… des choses qui font peur et qui en même temps rendent admiratif parce qu'on n'a aucune emprise dessus et si on s'aventure dans ces endroits, on n'est pas sûr de revenir.
Et donc oui, en présence du sublime, chaque morceau est un tableau qui évoque justement le fait d’être en présence d'un endroit pareil ou d'une idée comme ça qui est un peu dingue.
Le metal est un peu sublime
Malgré tout, tu avoueras que ce n’est forcément le style musical auquel on s’attend au contact d’une telle description ? Comment tu arrives à faire la combinaison de deux choses contrastées ?
Tu parles de contraste et on est en plein dans le nom du groupe The Dawn Razor qui signifie la ligne de lumière sur l’horizon juste avant l’aube : il y a un contraste clair-obscur. Et le sublime, c'est ça aussi : c'est l'admiration et la peur en même temps. Et c'est quelque chose que je retrouve dans la musique metal parce que c'est quelque chose qui est très violent -il y a des cris, des batteries, des riffs avec des guitares très saturées- et c’est quelque chose au départ qu’on ne peut pas considérer comme beau. Et pourtant, personnellement, quand j'écoute cette musique -bien que ce soit très violent- je trouve que ça a un côté beau. D’où le contraste sublime et je trouve que ça colle car selon moi, le metal est un peu sublime.
A l’écoute de ce disque, on a l’impression que tu as effectué un travail sur le rendu sonore. Est-ce le cas ?
Oui j'ai testé des choses : des échos gauche-droite avec l'effet stéréo sur la guitare et comment bien marier la basse… J’ai fait en sorte de créer des espèces de questions-réponses avec la guitare, parfois, j'essaie de faire des petites parties mélodiques de basse comme un mini solo de basse. Et bien sûr, quand il y a des solos de guitare, je fais en sorte que l'accompagnement mette le mieux en valeur le solo et la voix également…
Chaque morceau parle d'une idée sublime et on peut le considérer comme un tableau
On a évoqué le mouvement pictural qu’on retrouve sur le beau visuel du disque. Est-ce que tu as voulu coller à l’esthétique de la peinture sur cette pochette ?
Oui, il y a toute cette idée de tableau bien sûr qui colle avec les morceaux puisque chaque morceau parle d'une idée sublime et on peut le considérer comme un tableau.
Et cette pochette a-t-elle réalisée par un peintre ?
Elle a été faite par un de mes amis artistes avec qui j’ai travaillé. C'est une photo qui a été un peu retravaillée pour la lumière. C’est la photo du Mont Cervin, une montagne entre la Suisse et l'Italie. Et il y a toujours cette idée de sublime entre les auras -on ne sait pas si c'est l'aube ou le crépuscule- et cette montagne…
A cet égard, comment as-tu adapté cette notion à ta musique en jouant sur les contrastes comme tu l’as expliqué ?
C’est ça ! Les contrastes entre parties très violentes et d’autres très lumineuses ou très mélodiques. Les paroles sont également en contraste, qui parlent de choses à la fois très belles et parfois, très dures. Tout le lien est là.
La principale raison pour laquelle je fais cette musique, c'est pour la partie guitare
La guitare est omniprésente et les paroles semblent reléguées au second plan. Est-ce qu'elles sont moins importantes et que le disque aurait pu être totalement instrumental ?
Comme je te disais tout à l'heure, il y a certaines parties hurlées qui étaient vraiment trop bien à faire. C'est quelque chose que j'adore aussi mais c'est vrai que la principale raison pour laquelle je fais cette musique, c'est pour la partie guitare, c'est clair ! C'est un instrument que j'adore, que ce soit pour les riffs ou solos et d'ailleurs, c'est pour ça que je fais des vidéos de « playthrough » de certains morceaux parce que j'adore ça…
Et pour revenir à nouveau à la peinture, composes-tu ta musique comme un tableau impressionniste par touches successives de couches sonores ?
Un peu, oui, parce que quand je compose, je trouve une partie de guitare qui me plaît -qui est belle à l'oreille, agréable à jouer, esthétique à regarder aussi quand on la joue- et ensuite, j’ajoute la couche de la batterie, j'essaie de trouver une rythmique qui met bien en valeur la guitare et ensuite, j’ajoute la basse, je vois comment ajouter une deuxième guitare, comment faire des choses intéressantes…
Cet album est un patchwork d’influences. Ne crains-tu pas que les auditeurs se perdent dans ce foisonnement d’influences ?
Bonne question… Je ne sais pas si on écoute de la musique pour retrouver forcément des influences…
Mais comment composes-tu : tu t’adaptes au mode de consommation de la musique, c'est-à-dire que tu composes des morceaux indépendamment des autres en sachant que peu de gens écouteront l’album dans son intégralité mais écouteront tes titres en mode « playlist » ?
J'espère que non, mais bon, on verra bien comment ça va se passer.
J'essaie de faire des morceaux assez courts quand même parce que je ne veux pas faire du progressif non plus
De la même façon, la longueur du disque et les quatorze titres en présence ne nuit-elle pas à son efficacité et son impact sonore ?
La version que tu as écoutée est celles avec des titres bonus. En fait, l'album va se limiter à dix titres. Les
covers sortiront plus tard sur YouTube. D'ailleurs, les
covers vont aussi aider à donner des indices sur mes influences.
Le disque est composé de dix titres. Est-ce qu’il est long ? J'essaie de faire des morceaux assez courts quand même parce que je ne veux pas faire du progressif non plus... Je ne dis pas que je n'aime pas, c’est simplement que ce n'est pas ce que je veux faire : je suis très fan de Dream Theater ou de Gojira, d'ailleurs.
Pourquoi avoir choisi de chanter en italien, de faire des textes en anglais et aucun en français alors qu’en outre, il est indiqué que le groupe a tourné un peu partout en Europe notamment Allemagne, Belgique, France, Suisse et Tunisie mais pas en... Italie ?
En fait, c’est tout simplement parce que j'ai des origines sardes et j’espère pouvoir jouer en Italie dans le futur…
Est-ce qu'ajouter un violon sur ‘Pico Da Neblina’ est une manière de se différencier et de varier les intentions ?
C’est encore un thème sublime parce que Pico Da Neblina -qui veut dire « le pic des brumes »- est la plus haute montagne du Brésil, c'est une montagne perdue au milieu de l'Amazonie et qu'on ne voit pas souvent parce qu'il y a toujours des nuages tout autour. Je trouve l'image très belle.
Est-ce qu’ajouter un violon sur ce titre est une manière de se différencier, de varier tes intentions aussi ?
Bien sûr, bien sûr, oui, c'est un moyen de varier ! Et je voulais terminer l'album par un morceau plus calme, après tout ce qui s'est passé avant qui était très technique, très violent… Je voulais faire quelque chose à l’opposé, histoire de terminer sur quelque chose de plus calme.
Généralement, certains albums ouvrent une porte sur le prochain. Est-ce le cas ?
Je n'ai aucune idée. Vraiment aucune idée. Je ne sais pas du tout : on verra bien…
La musique classique est une de mes influences
Toujours concernant ce violon. Est-ce qu’il rapproche ta musique de la musique classique romantique (Mendelssohn, Mahler ou Wagner) ?
Je ne pourrais te citer un artiste en particulier mais oui, la musique classique est une de mes influences.
Les passages dépouillés semblent être plus émouvants. Est-ce que tu es plus à ton aise dans un style épuré ?
Comme les arpèges par exemple quand tu as des arpèges qui sont simples ? C'est peut-être que les plages de respiration font du bien au milieu de toute cette densité.
Cet album commence par ‘Point Nemo’ mais qu’est-ce que ce Point Nemo ?
C'est un endroit perdu au milieu du Pacifique Sud. C'est un point qui a été calculé comme le point le plus éloigné des côtes qui existent, des terres émergées. C'est-à-dire que si tu passes en bateau par-là, les humains qui sont les plus proches de toi sont ceux qui sont dans la station spatiale au-dessus de toi. Tu imagines à quel point tu es au milieu de nulle part, quoi (Rires) ! Cette chanson parle d'un navigateur qui passe justement par ce point
Et pourquoi tu as choisi de sortir cette chanson en vidéo ?
Je devais choisir un
single et j'ai trouvé que ce titre était peut-être un peu plus accessible parce que j'avais fait un refrain chanté avec une voix claire, ce que je n'ai pas l'habitude de faire. Je me suis dit peut-être que ce serait un peu plus accessible et donc que ça plairait un public un peu plus large.
Children of Bodom et Dimmu Borgir sont de très grosses influences
Tu y as répondu en partie mais pourquoi avoir inclus des reprises de Dimmu Borgir, Children of Bodom en bonus ? Comment as-tu adapté ces chansons pour les faire coller à ton univers ?
Finalement, mon univers vient un peu de ces chansons puisque Children of Bodom et Dimmu Borgir sont de très grosses influences pour moi. Et comme ce sont des groupes que j'adore, c'est un plaisir de reprendre leurs morceaux. Et comme c’est difficile de mettre une étiquette à ma musique, ces reprises montrent mes influences et sont une porte d'entrée.
Tu dis que ces reprises vont permettre aux auditeurs de mieux te cerner mais tu as dit vouloir sortir ces titres plus tard. N’aurait-il pas été plus opportun de les sortir avant pour se faire une idée de ce nouvel album ?
J'ai préféré
quand même sortir les
singles avant. Je pense qu'il vaut mieux que je sorte ma musique d'abord avec un
single que je mets en valeur et ensuite, je vais rajouter ça.
Et finalement, qu'est-ce que tu attends de cet album ?
J'aimerais bien être compris, qu'on comprenne ma musique, qu'elle plaise… Et puis par la suite, faire des concerts et ensuite, peut-être d'autres projets comme faire des collaborations en tant que guitariste ou jouer un solo chez un autre groupe.
Est-ce que tu as déjà été contacté ?
Je n'en ai pas eu encore mais j'envoie un appel à travers cette interview, si ça intéresse des gens (Rires) !
Et enfin on a commencé l'interview par la question qu'on a trop souvent posée, au contraire, quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ou à laquelle tu rêverais de répondre ?
Dans le prolongement de la précédente question, j’adorerais faire de la musique pour des jeux vidéo ou pour des films…
Si l’Asie qui a parfaitement su intégrer la culture metal dans son univers - j’en veux pour preuve les génériques de la plupart des animés -, penses-tu que ta musique death mélodique est adaptée à cela en France ?
Oui, c'est vrai qu'en France, je ne le vois pas...
Mais pour en revenir à ce projet, comment le perçois-tu ? Plus a posteriori, comme Nothing More dont un titre a été pris pour le film "La Planète des Singes", ou composer un titre pour un film ?
Les deux existent à savoir que comme dans le cas que tu as cité, parfois des gens ont trouvé une chanson et ils trouvent que ça va bien coller avec leur film ou leur jeu. Ou alors tu as des films ou des jeux vidéo, je pense à "The Witcher" par exemple, avec une BO magnifique et ce sont des compositeurs et des musiciens qui ont bossé pour ce projet.
Mais ça coûte plus cher…
Bien sûr, mais après ils ont les droits aussi.
J'ai vu que la deuxième saison de la série "Last of Us 2" était en cours. On peut donc te souhaiter qu’un de tes titres y figure...
On l'espère (Rires) !
Merci
Merci à toi…
Merci à ThibautK pour sa contribution...