Nous qui croyions que le sympathique robot EZ (prononcez Easy) avait disparu, nous découvrirons sa présence fantôme dans cet album ainsi que le concept détaillé de l'ensemble. Bon voyage!
Il y a quatre ans nous nous étions rencontrés pour parler du premier album d'Entropy Zero "Mind Machine A NewExperience", sorti en 2019. Mais entretemps, Entropy Zero est devenu Ogezor. Pourquoi ce changement de patronyme?
Le changement de nom a eu lieu pour le deuxième album "Distorsion Process". Il existait alors un autre projet nommé Entropy Zero (crée à peu près au même moment) et ça devenait vraiment pénible car tout le monde confondait les deux projets, dans un sens comme dans l’autre. Comme la vie va vers la transformation, j’ai décidé de changer de nom en prenant
OG•EZ•OR, littéralement La•Lumière•Verte dans un language fictif inventé et en prenant bien soin de garder EZ (
Entropy Zero) dans le nom et de manière centrale.
Ce nouveau nom Ogezor signifie également une nouvelle orientation sonore. La voix du robot-démiurge EZ qui nous demandait de nous détendre et de nous laisser guider par nos émotions semble loin. Tout d'abord, a-t-on des nouvelles de ce personnage qui avait eu l'honneur d'ouvrir ton premier album? Reviendra-t-il plus tard?
EZ est un personnage central de l’univers d’OG•EZ•OR et n’a jamais disparu. En revanche oui, sa voix n’apparaît plus sur les titres. Il était important qu’elle intervienne au moins niveau de la "Mind Machine" (premier album) car c’est le moment où elle révèle à F-2301 ses vies passées et son action à accomplir dans le cycle. Chaque titre décrit ensuite l’univers, les autres personnages et les actions qu’ils mènent. J’ai donc laissé plus de place au reste.
La voix humaine est donc apparue, une voix metal qui coïncide avec une montée en puissance de la guitare. Tu nous avais confirmé que tes goûts étaient éclectiques, jazz, rock, death metal, electro, musique de film. Est-ce que finalement c'est ce besoin de ne pas se fixer sur un genre qui est l'ADN d'Ogezor?
Oui, ce point n’a pas évolué. Je trouve toujours ennuyeux à mourir des albums avec 10 titres dans une seule même veine musicale. Comme je compose principalement pour me faire plaisir je reste dans cet état d’esprit pour explorer (au sein d’un même titre ou d’un titre à l’autre) sans me poser trop de questions. Après d’un point de vue « commercial », c’est un peu plus dur à défendre, et d’ailleurs des
side-projects vont bientôt voir le jour pour clarifier tout ça…
Peut-on ainsi dire que cette arrivée au premier plan de la voix humaine est voulu par le scénario du concept, d'Entopy 0 (l'origine, la création), nous sommes passés à Entropy 1 et Entropy 2 avec un univers qui évolue?
La voix humaine a été un moyen d’être plus « conventionnel » sur certains titres, mais également d’accrocher le public en live de manière plus directe. D’un point de vue de l’histoire ça a aussi une logique, puisqu’à partir du deuxième album F-2301 est « réveillé » et commence à entrer réellement en action dans l’histoire. Entropy Zero était et reste le point de départ de chaque cycle de l’univers, mais son évolution se fait à travers la maturation et l’explosion de la « Green light ».
Le voyage sonore était déjà agité - nous pensons a 'Behind The Disrupter Pulsar' et cette course de météorites- , donc nous restons dans la même ligne directrice. N'as-tu pas eu peur que ceux qui avaient aimé l'aspect instrumental du premier album se soient senti lésés par rapport aux deux suivants?
Pour être honnête j’en ai aucune idée. Après, les titres restent très aérés avec beaucoup des parties encore instrumentales (voire complètement instrumentaux), donc je ne pense pas qu’il y ait une rupture si importante que ça.
Lors de notre dernière rencontre, tu nous parlais de boîte a outils que tu avais a ta disposition. Un morceau serait donc un petit film pour lequel tu aurais une recette particulière. Comment fais-tu tes dosages pour éviter l'indigestion?
Comme je le disais, chaque titre raconte un lieu, un personnage ou une action de l’histoire. Mon univers étant très riche, c’est plutôt facile de venir y piocher quelque chose pour s’inspirer. On peut également approcher chaque titre en tant que tel et ne pas trop se questionner sur le pourquoi du comment…
La pochette du présent album s'inscrit dans la continuité avec ces couleurs métalliques vertes et blanches. Une façon de nous immerger dans cet univers particulier en guise de ‘Il était une fois’?
Oui, c’est le code de couleur du projet ou du moins sur cette trilogie qui présente la guerre des cycles. La particularité de cet album, c’est que j’ai fait une pochette pour chaque titre, ce qui m’a permis d’aller chercher d’autres styles de visuel plus focalisés sur les musiques (tout n’est pas encore sorti).
La pochette du précédent album nous présentait un monolithe kubrickien dans un paysage enneigé. Dans celle-ci nous retrouvons plutôt le Kubrick qui aurait filmé la mission lunaire avec ces cratères et cette lumière verte qui en échappe. Nous ressentons comme une énigme a déchiffrer. Peux-tu nous en dire plus sur sa conception?
Effectivement je suis beaucoup influencé directement ou indirectement par le cinéma, mais aussi par l’ésotérisme, car OG•EZ•OR est finalement un space opéra ésotérique. Je laisse donc volontairement planer les doutes et les initiés y trouveront d’eux-mêmes les éléments de réponses…
Est-ce que le concept iconographique ne pourrait pas se traduire dans le monde de la BD?
Si, bien sûr, et je suis fan de BD, mais je désespère de trouver un illustrateur pour collaborer. Tout est déjà pensé (scénario, planche,
mood board…). L’univers pourvoit à nos besoins donc on verra bien ce qui se passe sur ce point…
Tu disais que tu étais amateur de musique de films et nous pouvons retrouver cet aspect notamment avec l'esprit western de 'The Space Time Traveller ' ou dans 'Out Of Gravity' ou 'FPS'. Nous voyons s'élever des mondes de science-fiction mais aussi fantastiques voire issus du cinéma d'horreur en écoutant ta musique. Mais nous pourrions ressentir l'influence de la littérature. Quel lecteur es-tu?
En dehors de la BD toujours présente, la lecture prend de plus en plus de place dans mon environnement artistique. Je vais vous donner un indice pour la suite de mes projets : Nature, Science et Philosophie. On retrouve ici le cœur de ce qui est important pour moi. On pourrait aussi dire Physique, SF, Occultisme ou Alchimie.
Cette fois-ci l'album démarre sur une note relaxante et mélancolique 'The Call'. Une très bonne entrée en matière sur laquelle le robot EZ aurait pu intervenir. Mais tu vas vite casser cette quiétude sur la piste suivante 'The Bunker Zero', avec sa voix grognante, ses claviers empoisonnées et ses grosses guitares. Une manière de rappeler que le voyage ne sera pas de tout repos. Il y a un coté épique et un moment de grâce ou les claviers prennent l'ascendant et adoucissent le propos. Comme quoi la vie en bunker peut être climatisée ?
Comme décrit dans l’histoire, le Bunker Zero est un pont entre F-2301 et la matière. Une extension de son esprit, en quelque sorte. Il est polymorphe et s’adapte à ses besoins. Calme et apaisant lorsqu’il doit méditer, anguleux et destructeur lorsqu’il doit partir au combat. Ce titre en trois parties est une illustration de la teneur changeante du Bunker Zero.
Comment te mets tu en condition pour le chant, nous avons l'impression que ta voix passe par le filtre de différentes émotions en particulier sur ce morceau?
L’univers d’
OG•EZ•OR est un reflet métaphorique de mon vécu. C’est donc toujours très facile de me mettre en condition puisque je sais ce à quoi je fais référence. Je fais de la musique principalement pour évoluer intérieurement. Sortir mes titres, et ma voix est mon outil de développement.
Il y avait le mythe de la caverne évoqué sur la pochette d'un précédent EP. Avec 'Radium' et ce son caverneux, ne retrouve-t-on pas une nouvelle descente en profondeur comme si nous glissions de plus en plus a travers les cercles de l'enfer entropique que tu aurais crée?
Pas exactement ! Radium-V traite d’une drogue annihilatrice (une drogue, quoi). Là on est vraiment dans l’enfermement de l’esprit, le rejet de la lumière et donc la noirceur du titre. Mais j’aime rester positif donc finalement le titre n’est pas si noir que ça : on y entrevoit malgré tout une porte de sortie.
Les rythmiques sont dansantes et pourraient se retrouver dans des night-clubs des origines, ça ne te dérangerait pas d'entendre ta musique jouée en boîte de nuit?
Non, pas du tout. Après, le côté prog de ma musique n’en fait peut-être pas la meilleure candidate mais pourquoi pas, notamment avec 'Brotherhood' que j’ai déjà passé en soirée avec DJF.
Nous remarquons une optique plus dure et plus axée sur l'indus', Rammstein, Killing Joke, Nine Inch Nails qui était déjà présente dans les précédentes. Ogezor s'entropise après chaque album, aspirant différents genres mais réussissant toujours a retomber sur ses jambes?
Effectivement par définition à chaque nouvel album, l’entropie d’
OG•EZ•OR augmente. Les sonorités électro et indus sont évidemment des choses qui me parlent. L’idée ici a été de voir ce que je pouvais sortir dans ces styles et d’avoir la possibilité d’aller chercher une autre scène en live, tout en conservant évidement la ligne directrice du projet.
Les voix angéliques à la After Crying se retrouvent dans ce syndicat des barons jodorowskiens. Une manière d apporter de la grâce dans un univers tourmentée, en somme une fleur du mal?
Exactement ! J’ai arrêté de voir le monde d’une manière manichéenne et concernant les membres de la « mafia » (au sens réel, pas au sens romantique) de l’univers avec 'The Syndicat Of Barons', il existe de la beauté et un espoir qu’il ne faut pas nier.
'The White Butterflies' est-elle une pause mélancolique avant de retourner sur le bolide ? Ou une manière de laisser l'auditeur souffler avant de lui replonger la tête sous l'eau ? Un peu comme vous le sentez…
Ce titre correspond à un dialogue (écoutez bien) entre EZ et F-2301. L’un doute (de quoi? (rires)) et l’autre l’apaise dans une conclusion ouverte. D’une manière générale oui, c’est un moment de paix comme on en a tous dans nos vies sur-rythmées.
Comme 'Back To Neo Tokyo 2047' sur le précédent, certains de tes morceaux ici donnent toujours l'envie de voyager. Est-ce que les meilleurs voyages sont ceux que l'on fait dans sa tête?
L’univers est mental, donc oui. Blague à part, non. Il faut nourrir son esprit par la beauté de l’univers qui nous entoure. Je sais que c’est bizarre de dire ça pour un fan de SF, mais rien ne remplace des expériences physiques et de vrais échanges humains. Peut-être qu’il faudra aller dans le mur pour s’en rendre compte…
Il faut nourrir son esprit par la beauté de l’univers qui nous entoure.
Curieusement, tu te joues des attentes, le morceau suivant 'Brotherhood' n'est pas un morceau porté sur les ténèbres mais plutôt orienté vers la lumière. Était-ce volontaire après la pause du précédent morceau?
OG•EZ•OR c’est aussi une histoire de frangins aussi bien dans la vrai vie (mon frère à la basse en live) que dans l’histoire. C’était donc un incontournable qui devait sortir. Dans l’histoire, ce titre présente une course de moto entre les deux frères dans Endless City, symbole d’une compétition bienveillante.
'Dark N.'sEgo' est un gouffre énorme qui s'abat sur nous avec son de basses amplifiées de voix lovecraftiennes chuchotant dans les ténèbres. Nous tenons la dimension anxiogène que nous aimons chez toi. Un morceau qui sent le soufre. De quoi parle cette Dark Night/Knight?
Dark N. (N. pour Nihilist) est la némésis de F-2301. Elle est animée par les voiles d’ombres de son ego, c’est le côté sombre et auto destructeur de l’être humain. Elle cherche à détruire les cycles et rendre l’univers tiède et vide. Une fois cela dit, on comprend tout de suite l’idée de ce titre.
'Endless City' comme son titre l indique est un morceau tentaculaire dans lequel fourmillent mille chemins et idées. Nous aimons à nous perdre dans cette ville. Y-a-t-il une tentation progressive dans ta musique?
Oui, j’adore la musique progressive c’est mon côté jazzman. C’est un peu comme l’alcool, une bière bien fraîche en festival c’est le Graal, mais gustativement ça raconte quand même vachement moins de trucs qu’un vin d’exception. Après voilà, il ne faut pas devenir chiant non plus (surtout en live), donc le tout c’est de trouver un bon équilibre.
'The Holy Dragon', parodie liturgie écrasante avec chants grégoriens. La voix est de plus en plus inhumaine. Tu convoques ici la mythologie germanique (Siegfried via le dragon) et plus tard la mythologie nordique (Freyr). Une façon de te replonger dans les origines de notre monde?
Oui, bien vu! Pour le moment je n’ai que peu exploiter la culture antique terrestre dans une projection SF vers le monde d’
OG•EZ•OR (cela va peut-être venir…). Toutefois, j’ai un pote très inspiré dans sa vie par la philosophie nordique et qui m’a aidé pour créer le design des personnages et les éléments de scène. J’ai donc sauté sur l’occasion pour incorporer un peu de cette culture dans cet album. Et bien sûr, l’épée du chevalier c’est aussi la capacité, pour celui qui ose la tenir, de trancher les fameuses ombres de l’égo.
'Sword of Freyr' semble toutefois plus ouvert a tous les vents, médieval, oriental, progressif, metal. Une manière d'annoncer la voie a suivre, encore plus difficile a étiqueter?
Oui, j’avoue, on pourrait croire que ça part dans tous les sens, mais il y a toujours une logique derrière mes titres, enfin au moins pour moi…(rires).
Sur le précédent album, tu avais terminé par un morceau jazzy qui sauf erreur rendait hommage a ton père, sur celui-ci tu mets a mort de façon élégiaque ton propre cyborg F-2301. Le fin de cycle veut dire fin de Genozor OGEZOR?
Cet album sonne la fin de la prophétie de la « guerre des cycles » du cycle en cours. La suite, je ne la connais pas encore mais les possibilités sont immenses. On verra ce qui sort…
Tu nous disais en 2020 que la musique était ta passion mais hélas pas ton métier. Où te situes-tu aujourd'hui?
Aujourd’hui la notion même de métier n’a plus trop de sens pour moi. Je suis indépendant et j’ai plein d’activités économiques, artistiques ou sociales. Le plus important pour moi, c’est de trouver un équilibre et de faire des trucs pour les bonnes raisons. De ce point vue-là, je suis donc plutôt satisfait!