Plongée dans l’univers de Ko Ko Mo, duo explosif qui fusionne rock vintage et électro moderne. Entre confidences sur la création de leur nouvel album et anecdotes de tournée, ils nous dévoilent leur processus créatif, leurs inspirations et leur volonté de toujours repousser les limites.
Votre album précédent, "Need Some Mo", est sorti en 2022, à une période pleine d’incertitudes, en pleine sortie de pandémie. Comment avez-vous vécu cette sortie dans un tel contexte ? Ce succès a-t-il été inattendu compte tenu des circonstances ? Et est-ce que cela vous a mis un peu de pression pour faire encore mieux cette fois-ci ?
K20 : Need Some Mo a été composé pendant la pandémie. On ne s’est pas laissé décourager. Notre manageuse nous a bien motivés pour avancer sur cet album. On a eu la chance de disposer d’une maison, avec tout le matériel nécessaire pour enregistrer. On était dans de bonnes conditions, et par rapport à certains amis artistes qui ont connu des difficultés, on se considère chanceux. Le disque est sorti et on a pu commencer la tournée juste après la fin des restrictions. Il a été très bien accueilli, autant par les médias qu’en live.
Warren : On a été très surpris. Ce qui nous a le plus étonnés, c’est que la tournée qui a suivi a été une vraie tournée, avec de nombreuses dates en France, sur un rythme intense et condensé, ce qu’on n’avait jamais fait avant. On craignait un peu certaines régions où l’on n’avait jamais joué, en se demandant : “Est-ce qu’il y aura du monde ?” Et la grande surprise, c’est que c’était presque complet à chaque fois. Ça, c’était une vraie satisfaction. Donc oui, ça met un peu de pression pour la suite.
Vous avez même joué aux Vieilles Charrues !
Warren : Oui, c’était incroyable ! On jouait entre Blur et Shaka Ponk. Un vrai cadeau.
L’esthétique en noir et blanc de la pochette de "Stripted", où vous apparaissez pour la première fois, contraste avec vos visuels précédents, très colorés. Quelle est la signification de ce choix ? Vouliez-vous affirmer visuellement le contraste entre vos influences rock et électro ?
Warren : Oui, tout à fait. Musicalement, on voulait prendre une direction plus marquée, avec moins de compromis et des partis-pris clairs. On a essayé de laisser chaque morceau vivre, et s’il était bien défini dans un style, de l’assumer pleinement. Ce qui a changé, aussi, c’est qu’en studio, on n’était plus seulement deux, mais quatre. On était avec Loris, qui avait mixé l’album précédent et nos concerts, et avec Yohann. Ils ont apporté un regard extérieur, et ça nous a poussés à essayer des choses sans hésiter. Ce résultat est en partie grâce à eux.
Vous aviez besoin d’être poussés ? Vous me disiez tout à l’heure que votre manageuse vous avait boostés pendant la pandémie. Là, vous avez encore été accompagnés pour cet album. Vous ressentez peut-être les limites du duo ? Cette nouvelle configuration vous donne l’impression qu’à plusieurs, on est plus forts et qu’on peut aller plus loin ?
K20 : C’est tout à fait ça. Pour un quatrième album, le faire à deux aurait conduit à des compromis, sans parti-pris aussi affirmé. Avoir d’autres oreilles, d’autres regards, d’autres idées, ça pousse l’album plus loin. Ce résultat, on le doit à cette dynamique collective, pas seulement à nous deux.
Dans cet album, vous allez encore plus loin dans l’exploration des contrastes. Vous êtes un groupe très contrasté, en mêlant des sonorités des années 70, comme dans les titres 'Dancing Alone' ou 'Bottle For Two', avec des touches électro. Qu’est-ce qui a motivé cette évolution vers un son encore plus diversifié qu’avant ?
Warren : On en est au quatrième album, et si on ne prenait pas ces partis-pris maintenant, si on ne poussait pas l’expérimentation, ça aurait été trop tard, et les gens risqueraient de ne plus nous reconnaître. On avait envie de montrer que Ko Ko Mo, c’est aussi ça.
K20 : Ce mélange a toujours été présent, mais jamais vraiment affirmé dans un album. Avant, on pouvait entendre des touches de folk, des influences des Beatles ou de funk, mais cette fois-ci, on l’assume pleinement, et ce sera le cas même en live. Il y a quelque chose de plus assumé, même si on l’exprimait déjà dans nos autres albums.
Warren : Puis, on est tous les deux passionnés de vinyles, qui mélangent souvent une grande variété de styles. On avait envie de proposer des morceaux diversifiés.
On se serait peut-être perdus nous-mêmes, et on aurait peut-être aussi perdu certains fans.
Vous n’avez pas peur de perdre des fans, ou au contraire, pensez-vous en gagner en refusant de rester identiques, comme beaucoup de groupes qui se reposent sur leurs lauriers ?
K20 : Exactement. Il faut savoir surprendre aussi. Si on avait fait un quatrième album qui ressemblait trop à "Need Some Mo", on se serait peut-être perdus nous-mêmes, et on aurait peut-être aussi perdu certains fans.
Warren : Prendre des risques est important. Et même si ça reste du Ko Ko Mo, on n’a pas pris un virage radicalement différent ; on a simplement voulu montrer toutes les facettes de notre musique.
L’écriture pour cet album a donc été peut-être plus réfléchie, pour concilier cette expérimentation avec l’essence même de Ko Ko Mo. Cela a-t-il impliqué une autre méthode de travail ?
K20 : Warren est à l’origine des compositions, mais une fois les morceaux presque prêts, on les réarrange ensemble. On commence en duo, puis on passe à quatre. Les morceaux étaient sans doute plus préparés en amont, avec l’idée de pouvoir les transformer en studio, tout en expérimentant. Avoir une base permet de garder une certaine fraîcheur. On avait plein de matériel à disposition, et même s’il ne fallait pas se perdre, on a pris le temps d’expérimenter, puis de trancher tous ensemble. On garde un excellent souvenir de ces sessions et espère que cet esprit se ressentira dans l’album.
Ensuite, peut-être que l’album est plus réfléchi, peut-être plus arrangé. Effectivement, il y a une écriture de base, mais comme le dit Warren, il n’y a pas la même batterie, la même guitare, parfois pas les mêmes micros pour chaque morceau. J’exagère, mais c’est un peu ça. C’est ce qui donne l’impression que c’est plus “intellectuel”, mais c’est surtout plus arrangé.
On est des passionnés de vinyles. Quand on compose, on pense toujours en face A et face B, comme un parcours
C'était important pour vous d'affirmer ce lien au format physique, notamment au vinyle, dans la façon dont vous avez agencé les morceaux ? C'est peut-être comme cela que vous avez pensé l'album ?
K20 : On pense souvent comme ça... on est de vrais passionnés de vinyles depuis longtemps, et quand on compose, on pense toujours en termes de face A et face B. On essaie de se mettre à la place de l’auditeur. C'est comme un concert : on n’aime pas commencer par une balade, on préfère démarrer par un titre percutant.
Exactement. C'est tout un parcours. Le morceau 'Wheels of Fire' se démarque un peu sur l’album. Avec son style saturé, psychédélique, presque mystique, il rappelle un peu les Doors mélangés à Led Zeppelin, une de vos références. Qu'est-ce qui explique ce titre singulier dans l'album ?
Warren : La naissance du morceau vient d'un texte que j’avais gribouillé pour exorciser ce qu’on a vécu lors de l'incendie de notre tour bus l'année dernière (Ndlr : le 20 juillet 2023, le bus du groupe et des accompagnateurs a entièrement brulé emportant aussi tous les instruments du groupe et conduisant à l'annulation des concerts prévus). Au départ, ça n’avait pas vocation à devenir un morceau de l'album, mais ça l’est devenu. On avait un titre sur l'album précédent, 'Non Essential Man', qui clôturait "Need Some Mo", et celui-ci en est un peu le petit frère.
K20 : Vu les paroles, ce n’est pas forcément un morceau joyeux que tu proposes derrière.
Warren : Oui, mais il y a quand même de l'espoir dans les paroles, et je pense que jouer ce morceau sur scène aura un côté thérapeutique, avec un sentiment de "Fuck, on est encore là."
Cet événement traumatisant, vous avez voulu le transformer en une sorte de catharsis pour tourner la page avec cette chanson ?
K20 : C'est pour cela qu’il l’a écrit, effectivement. On a tous nos traumatismes. Moi, j'ai hâte de jouer ce morceau sur scène.
C’est difficile peut-être, en tant que musiciens, de s'approprier des chansons aussi émotionnelles par rapport à ce que vous faites d’habitude ?
K20 : Je ne pense pas. Pour ce morceau en particulier, il va se passer quelque chose quand on le jouera en live. Rien que de l’enregistrer en studio, c’était intense, et en le rejouant pour préparer la scène, il se passe quelque chose.
On a l'impression que vous êtes toujours sur la brèche, puis soudain, tout peut lâcher.
K20 : Oui, c'est exactement ça.
'Bottle For Two' fait un peu écho aux Beatles.
K20 : Je ne connais pas ! (rires)
Un petit groupe qui débute ! Ces sonorités des années 60… Que représente pour vous cette période musicale par rapport à aujourd'hui ? Pensez-vous que ces deux époques se complètent et se nourrissent mutuellement ?
Warren : Tu as deux heures ? (rires) C’est une période qui me passionne, on pourrait en parler longtemps.
Est-ce que l’époque actuelle et les années 60 se confrontent et s’imbriquent ?
Warren : Je ne l'ai pas vécue, mais pour moi, c’était un carrefour unique sur le plan social et culturel, quelque chose qu’on n’avait jamais vu avant et qu’on ne reverra peut-être jamais. Cette fusion de tout, c’est fascinant.
Cette fusion, c'est un peu l'âme de Ko Ko Mo ?
K20 : Oui, c’est un peu notre ADN. C'est comme un mec qui fait du hip-hop et qui se marie avec un pianiste classique ; il y a un mélange qui se crée, qu'on aime ou qu'on n'aime pas. En France, on était longtemps très fermés à cette fusion. Mais aujourd’hui, il y a un retour aux sources. Regarde, le vinyle est encore là en 2024, 2025 ! Je pense qu’à terme, chacun aura son petit jardin potager, comme dans la musique. Il y a un truc de retour aux racines, que ce soit dans la vie ou dans l’art, je pense que c'est l'époque qui veut ça. Et puis mélanger les deux, c'est chouette : tu peux avoir un iPhone 15 tout en cultivant ton jardin ! J'aimerais vivre sans Internet, moi, je t’avoue. C'est peut-être un truc de vieux, mais j’aimerais bien. Sans téléphone, non, mais sans Internet, carrément.
Pourtant, aujourd’hui, Internet est essentiel pour la promo, les réseaux sociaux. Vous ressentez ce tiraillement parfois ?
Warren : Le problème, c’est Internet ou les réseaux sociaux ?
Les réseaux sociaux, Internet… Tout ça est devenu indispensable.
K20 : Oui, mais on se débrouillait sans avant !
Dans cet album, on ressent une envie de se poser davantage, avec des moments plus calmes, plus introspectifs. Il y a presque une mélancolie, notamment dans 'Dancing Alone'. On la retrouve même sur la pochette, dans vos regards. Était-ce conscient ?
Warren : Mélancolique, je ne sais pas, mais je pense qu’on voulait garder la même énergie tout en apprenant à la canaliser. Parfois, ça a plus d’effet de chuchoter un “je t’aime” que de le crier tout le temps. On a voulu donner la même intensité, mais différemment.
K20 : Moi, j'écoute beaucoup de musique mélancolique, mais je ne la ressens pas comme telle. Pour moi, les accords mineurs, les ambiances un peu sombres, ça m’apporte du bonheur, alors que les choses trop “happy” m'ennuient.
On n'est pas seulement musiciens, on est des artistes. On joue avec notre cœur, et cet album, c’est quatre cœurs en même temps.
Donc, quand la tristesse t’envahit, tu trouves du réconfort dans ce genre de musique. Elle résonne avec ce que tu ressens, comme si elle capturait l’émotion du moment. C’est un peu ce que vous avez voulu transmettre ici, non ? Aller au-delà de la simple performance, donner de l’espace aux instruments pour créer un univers plus riche et immersif. Avec cet album, vous montrez que vous n’êtes pas seulement des entertainers, mais aussi des musiciens accomplis. C’était votre intention ?
Warren : Je ne cherchais pas forcément à prouver ça, mais ça fait plaisir à entendre. Tu es le premier à nous le dire.
K20 : On n’est pas juste des musiciens ; je parle aussi pour Warren, on est des artistes, plus que des musiciens. On joue, mais on a aussi une image à transmettre, un univers visuel. On ne fait pas de la musique pour prouver quelque chose, on joue avec notre cœur, et cet album, c’est quatre cœurs en même temps. Si un jour on est cinq ou six, ce sera encore plus intense.
Vous n’êtes pas seulement musiciens, vous absorbez et retransmettez des émotions. C’est peut-être un aspect plus présent dans cet album, avec une certaine pudeur ?
K20 : On est un peu plus “à nu”, c’est ça que tu veux dire ?
Oui, plus intime, avec une certaine retenue, plus de contrastes.
K20 : La preuve en est avec 'Bottle For Two'. C’est un morceau où Warren est seul, ce qu’on n’avait jamais fait avant. Il a pris une guitare folk, et dans cette configuration, c’est comme se mettre à nu. C’est marrant ce que tu dis, mais on a toujours mis du cœur dans nos albums, et celui-ci va peut-être un peu plus loin.
Vous préparez donc la tournée…
K20 : Dans plein de villes, oui !
Comment préparez-vous vos performances live pour capturer l’énergie des morceaux et la complexité de cet album, surtout avec des morceaux un peu plus longs ?
Warren : Il y a certains morceaux qui resteront sur l’album studio, mais on jouera un bon 90% de l'album en live. En général, on construit la setlist et on ajuste parfois les arrangements pendant la tournée, selon les réactions du public. Là, c’est un peu différent ; on est une équipe nombreuse, on peut se réécouter, s’enregistrer, voir ce que ça rend et adapter selon ce qu’on entend. Peut-être que cela changera encore au fil de la tournée.
K20 : C’est hyper intéressant, car l’album est figé, mais chaque concert offre une nouvelle version pour le public, donc sur 10 concerts, les 10 peuvent être différents.
En tant que public, on est parfois frustré de n’entendre que l’album en version live. Vous faites donc attention à ça ?
K20 : Si j’entends un truc identique à l'album en concert, ça m'ennuie !
Warren : On ressent quand le public est là pour ça, pour vivre quelque chose de différent. Le lieu, l'ambiance, les gens – tout ça doit inspirer notre interprétation.
C'est intéressant, d'autant plus que sur cet album, vous avez vraiment poussé les textures et les effets sonores. Il y a un énorme travail sur les effets de voix. Est-ce que c'était aussi une manière de vous dépasser, de vous pousser dans de nouveaux retranchements en matière d’expérimentation musicale ?
K20 : Encore une fois, comme on l’a dit, on a pu aller plus loin grâce aux gars avec qui on travaille.
Qu’attendez-vous de cet album ? C’est une question un peu traditionnelle, mais avez-vous des attentes particulières ?
Warren : Qu’il déstabilise un peu les gens, mais dans le bon sens.
K20 : Oui, et qu’il ait une longue vie, qu’on puisse le défendre en live pendant plus de trois ans. Et que les gens qui nous aiment, nous aiment encore plus ; et que ceux qui ne nous connaissent pas encore, finissent par nous aimer aussi.
En général, on commence nos interviews avec une question que vous avez trop entendue et à laquelle vous êtes lassés de répondre. La dernière fois, vous aviez dit que c’était la question de l’origine du nom du groupe. Et à la fin de l'interview, on vous avait demandé la question qu’on ne vous avait pas posée et à laquelle vous aimeriez répondre. Vous aviez eu du mal à répondre. Vous avez réfléchi depuis ?
Warren : Ah, quelqu’un nous a reposé cette question depuis, et on a de nouveau bugué.
Les copieurs ! Vous avez encore bugué ?
K20 : On ne sait jamais quoi dire à ce moment-là.
Warren : Ce n’est pas ça… Je réfléchis. C’est un peu compliqué, tu vois ? Comme si je devais poser une question sur moi-même. Ce n’est pas ce que je veux, je préfère qu’on s’intéresse aux gens, tu vois ?
D’accord, eh bien, je vous propose d’y réfléchir, et on se retrouve pour la prochaine promo avec la réponse...
Warren : Ça arrive que les gens trouvent ?
Oui, bien sûr. Parfois, c’est des questions simples : "Qu’est-ce qu’on va manger après ?" ou "Avec quel groupe j’aimerais être sur scène".
Warren : Quel est l'artiste que tu rêverais de voir sur scène ?
Voilà, par exemple. Quel est l’artiste que tu aimerais voir sur scène ?
Warren : C’est bête, mais il est mort.
C’était qui ?
Warren : Moi, j’aurais rêvé de voir Hendrix sur scène.
Et toi ?
K20 : Moi, j’ai eu la chance de voir tous ceux que je voulais vraiment voir. Après, il y aurait eu Bob Marley et Gainsbourg… mais ils sont morts aussi.
Un immense merci à vous…
Merci à toi.