Nouveau venu dans la galaxie rock sudiste, Kyle Daniel présente "Kentucky Gold", vériable déclaration d'amour à sa région natale... L'artiste authentique se livre autant sur cet album marquant avec une sincérité profonde qui le caractérise que sur ses craintes concernant son Amérique plus divisée que jamais... Premier album, premier coup de maître d'un artiste avec lequel il faudra compter...
Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée et à laquelle tu aurais marre de répondre ?
Kyle Daniel : Quelles sont mes influences, mes influences musicales…
Alors, quelles sont tes influences ?
(Rires)
Plus sérieusement, le rock sudiste est plutôt réputé pour des formations que pour des artistes solos. Pourquoi as-tu décidé de te lancer seul plutôt qu’au sein d’un groupe ?
Oui, tu sais, j'ai joué dans le plein de groupes en étant le gars de l’ombre et j'ai considéré que c'était le moment pour me lancer en tant qu’artiste solo. Je suis un auteur-compositeur et je pense que, comme un joueur de guitare, auteur-compositeur, artiste de façon générale… je trouvais que ça avait plus de sens de me lancer sous mon nom plutôt que dans un groupe.
Malgré tout, tu es d’accord quand je dis que le rock sudiste est plutôt réputé pour des groupes que des artistes solos…
C’est vrai !
Les gens veulent de l’authenticité, quelque chose de vrai.
… Ne penses-tu pas que ça puisse être plus compliqué pour se faire connaître ?
Je pense que nous vivons dans une époque où tout change. Si bien que je ne pense pas devoir nécessairement me plier à ça. Je pense que les gens veulent de l’authenticité, quelque chose de vrai.
Tu as invité de nombreux artistes sur ton album. Est-ce un moyen de reformer la tradition de confrérie qui caractérise le rock sudiste ?
Oui, en fait, j’ai de la chance. J’ai de la chance d’avoir tous ces gens avec qui j’ai noué des relations créatives. J’ai des amis super talentueux que ce soit pour l’écriture, chanter, jouer la guitare… et je considérais que c’était important de mettre en lumière toutes ces personnes que j’ai croisées à Nashville.
Sur cet opus, tu varies tes approches de la guitare, balançant un gros solo presque hard-rock sur ‘Can’t Hold Me Back’ ou sortant la steel-guitar sur ‘Runnin’ From Me’, mais tes interventions se font toujours au service des titres. Comment te considères-tu en tant que guitariste ?
En fait, c'est ce que j'ai commencé à faire quand j'avais 16 ans : j’ai joué de la guitare. Et par défaut, aucun des mecs des groupes dans lesquels je jouais à l’époque ne voulait chanter. J’'ai donc dû monter sur scène et commencer à chanter. Mais ce n'était vraiment pas prévu…
A cet égard, te considères-tu plus guitariste ou chanteur ?
Je ne sais pas si je dois considérer plus comme l’un ou l'autre. Je pense être aussi bien chanteur que guitariste.
Tu es donc à l’aise au chant…
Oui ! Et concernant la guitare, sur certaines chansons, les parties sont jouées par moi et d’autres sont de mon ami Drew Smithers -qui joue avec Marcus King- et qui est guitariste phénoménal.
Je joue le solo de ‘Can’t Hold Me Back’ qui montre plus ma partie rock. Mais j’apprécie que tu dises ça parce que chaque chanson a ses propres caractéristiques : vous devez jouer, vous devez chanter, vous devez moduler autour de chaque chanson. Et Drew a fait un très bon travail sur cet album.
J’ai grandi en jouant dans les bars
Tu as énormément tourné avant de sortir ton premier album même si tu as sorti deux EPs avant. Penses-tu qu’une véritable carrière se construit d’abord sur scène avant de rentrer en studio ?
Absolument ! J’ai grandi en jouant dans les bars et notamment un petit endroit dans ma ville natale Bowling Green qui s’appelle Tidballs, où Cage the Elephant a débuté et des groupes comme Blackstone Cherry ont joué… Et en ce qui me concerne, c'était vital de mettre en route dans le monde du divertissement
live et j’ai énormément appris à l'époque. Ca m'a appris les choses à faire, les choses à ne pas faire et comment attraper un public ou… le perdre.
Tu reviens d’Angleterre où tu as joué dans un festival, je suppose que ce ne sont pas les mèmes règles à suivre ?
C’est vrai ! Par moment, ça revient un peu à “Jacques a dit” : tu leur dis de faire quelque chose et ils le font. Je considère que pouvoir contrôler un public n’est pas donné à tout le monde : soit tu es bon, soit tu ne l’es pas, soit tu as une bonne présence scénique, soit tu ne l’as pas. Et avec toutes ces années, j’ai désormais confiance…
Le titre ‘Southern Sound’ semble avoir été bâti comme un hymne sudiste mid-tempo. Cette démarche est-elle validée par la présence de Kendall Marvel, et ce titre est-il déjà un incontournable de tes setlists ?
Non, ce n’est pas le cas ! Kendall et moi avons écrit cette chanson ensemble, c'est pourquoi Kendall est sur la chanson.
Mais tu es d'accord quand je dis que c'est hymne que le public peut reprendre avec toi ?
Oui, oui ! Mais pour cette tournée -qui m’a notamment fait passer par la Grande Bretagne et l’Europe- il y a eu des chansons qui méritaient d'avoir plus leur place dans la hiérarchie de la
setlist. Je ne dis pas autant que cette chanson n’allait pas le faire parce qu’elle va bien sûr le faire à un moment donné. Et pour cette tournée en particulier, il fallait faire des choix, mais j'adore cette chanson qui me rappelle ma maison, c'est sûr (Sourire)…
‘Following The Rain’ fait penser à Bruce Springsteen jusque dans ta façon de chanter. Que représente cet artiste pour toi et est-il la référence ultime en matière de rock blue-collar ?
Absolument ! Il est en haut de la chaîne alimentaire quand il s’agit de
blue-collar rock'n'roll tout comme d’autres comme Bob Seger qui sont très proches de ce monde. Je n'ai pas forcément été fortement influencé par Bruce Springsteen ou Bob Seger à l'époque. Je dirais que j'ai découvert les deux en collège et je me souviens de l'impact que Bruce apportait dans chacune des chansons. Chaque performance avait un côté férocité primale, pas nécessairement pour son style vocal mais plutôt pour la façon dont il livrait sa performance.
On revient à ta première réponse : authenticité. S’il y a bien un artiste authentique, c’est bien lui… Considères-tu avoir appris ça de lui-même inconsciemment ?
C’est vrai ! J'apprécie que tu dises ça. Il a une force reconnaissable et même si je ne l'ai jamais vu en
live, j'aimerais pourvoir le faire et constater personnellement ce qu'il fait parce que je pense que ça doit être extraordinaire.
Je suis un énorme fan des Allman Brothers : Gregg Allman était mon héros !
‘Me And My Old Man’ sonne très Americana et rappelle les Eagles et le Allman Brothers Band avec ses harmonies de guitares. Première chose, es-tu d’accord avec ces comparaisons ?
Oui, bien sûr ! Je suis un énorme fan des Allman Brothers : Gregg Allman était mon héros ! Je me souviens de regarder ce groupe avec mon père. Je me souviens quand j'avais 12 ans, il m'a dit : "Fils, écoute ça, c’est de la vraie musique !" et puis, il a mis le live "At Fillmore East". C'est un moment charnière pour moi en tant que fan de musique : j’ai découvert la
slide guitar, le son de Gregg, sa voix… et j'ai donc voulu leur rendre hommage dans cette chanson que j'ai écrite à propos de mon père.
Et as-tu eu la chance de rencontrer Gregg Allman ?
Oui, j'ai vu Greg plusieurs fois…
Avec ton père ?
Non, pas avec mon père. Mais j’ai dû voir les Allman Brothers probablement une cinquantaine de fois avant que Gregg nous quitte et j'ai eu la chance de le rencontrer à deux occasions différentes où j’ai pu entrer dans le bus de Gregg pour lui dire bonjour. C'était super cool.
Tu interprètes le très rock’n’roll ‘Summer Down South’ avec The Cadillac Three dont tu portes la casquette…
… Exact, mec !
… qui jouent une part importante dans ta production. Peux-tu nous en dire un peu plus sur tes relations avec ce groupe ?
Tu sais, j'ai connu Jaren (NdStruck : Jaren Johnston) quand j'avais 16 ans. Il a toujours été un meneur mais c’est également un frère. Il fera tout ce qui est possible pour t’aider. Et avoir la possibilité de travailler avec Jaren était incroyable.
Toujours concernant les invités, tu interprètes le titre ‘Fire Me Up’ qui est très typé rock sudiste, avec Maggie Rose qui est plutôt une chanteuse soul…
C’est vrai !
… Peux-tu nous en dire plus sur cette rencontre artistique ?
Maggie et moi, nous nous sommes rencontrés quand j'étais en train de jouer dans mon groupe de collège, notre guitariste de l’époque jouait avec elle depuis un certain temps et elle avait une voix monstrueuse pour une jeune fille. Et je me suis dit qu’elle allait faire l’affaire, sachant que cette chanson me rappelle The Black Crowes.
Et joues-tu ce titre sur scène ?
Bien sûr !
Et comment parviens-tu à le faire sans elle ?
Evidemment, il n’y a pas de voix féminine mais il y aura des échanges avec le bassiste qui chante certaines de ses parties, mais pas toutes.
‘Wild, Free & Easy’ est plutôt orienté country contemporaine…
C’est vrai !
… A cet égard, est-ce qu’un groupe comme les Rascal Flatts peut être considéré comme une influence te concernant ?
Non. J’ai écrit cette chanson sur ma ville, sur la vie jeune, quand on se sentait tous invincibles. C'est une ode à ma ville. On a passé beaucoup de temps à Nashville et quand j'ai signé le contrat avec mon label l’an dernier, nous sommes retournés chez nous et cette chanson, chaque nuit, me fait revenir chez moi.
Cette période te manque-t-elle ?
Oui...
Te considères-tu plus heureux à l’époque ou aujourd’hui ?
Maintenant ! Mais il n’y a rien de comparable à revenir chez soi. Je viens du nord de Nashville, ce n'est pas éloigné de tout mais je me sens isolé d’une certaine façon : ma femme et moi avons un petit gamin de deux ans et il est temps de revenir à la maison.
Et tu te sens coupable d’être éloigné d’eux ?
Ouais, je ne sais pas si coupable est le mot approprié, mais tu sais, quand tu fais quelque chose comme ça, la moitié de ton cœur est à la maison et j’éprouve parfois un sentiment de vide. Mais je suis moins "coupable" parce que ma femme est mon plus grand soutien : elle veut que je mène cette vie d’artiste probablement plus que je le veux moi-même. Si ce n'était pas pour elle, je ne sais pas si je pourrais le faire.
La fin de l’album semble plus s’orienter vers la country avec le duo -et duel guitaristique- ‘Everybody’s Talkin’ ’ en compagnie de Sarah Zimmerman. Ne crains-tu que cet opus soit finalement un peu considéré comme artistiquement bipolaire ?
Non, je pense que c'est cohérent, c'est cohérent avec ce que je suis.
Mais tu es d'accord quand je dis que les gens et les médias aiment mettre des étiquettes ?
Oui, mais on parle de country, de rock et c'est ce dont il s’agit dans cet album : c’est du rock sudiste à la frontière entre le genre rock et country. Tu sais, de façon générale, j'ai essayé d'être en phase avec ce que je suis. Je ne sais pas si on peut étiqueter ma musique plus précisément que du country rock ? Il y a des traces d’Americana, de blues et soul, mais c'est une partie de mon ADN.
Les Californiens de Robert Jon & The Wreck se sont fait leur réputation en couvrant également plusieurs styles. Leur réussite t’a-t-elle inspiré ?
Je pense que nous vivons dans un monde différent aujourd'hui. Dans la musique, je pense que les gens, le public général se moque des étiquettes. Ils se soucient de ce qui leur donne des émotions. Les gens veulent revenir à quelque chose de vrai, quelque chose auquel ils peuvent se rattacher.
La poignante ballade ‘Divided We Are’ conclut l’album sur un chant/piano très mélancolique. Correspond-elle à ta vision de l’état actuel des Etats-Unis et la montée en puissance sur sa fin peut-elle être considéré comme un espoir de voir à nouveau les Etats-Unis retrouver le sens de leur nom ?
Absolument ! Mec, c'est la meilleure représentation de cette chanson que j'ai jamais entendue. Donc oui, absolument. Tu as mis le doigt dessus. Je ne vais pas parler politique mais bien sûr, le monde nous regarde. J’ai écrit cette chanson en 2019 à propos de l'élection de 2020 qui arrivait et malheureusement, cette chanson est plus que jamais d’actualité…
Il y a de l'espoir pour l’unification mais nous sommes effectivement extrêmement divisés aujourd’hui…
Pire encore…
C’est vrai ! Mais croisons les doigts, il y a de l'espoir, il y a de l'espoir pour l’unification mais nous sommes effectivement extrêmement divisés aujourd’hui…
Et finalement quelles sont tes attentes pour cet album ?
Qu’il soit juste écouté… Je n’ai pas de grandes attentes : très tôt, j’ai appris qu’il ne fallait pas avoir d’attente dans le
business musical pour ne pas être déçu…
Nous avons commencé cette interview avec la question qu’on t’a trop souvent posée, au contraire quelle est celle que tu aimerais que je te pose ou à laquelle tu adorerais répondre ?
Tu sais, pour être honnête avec toi, ta question sur ‘Divided We Are’ était la meilleure définition/ appréciation de cette chanson : tu as parfaitement trouvé les mots ! Mais effectivement parler des problèmes de la vie réelle, les vraies choses que nous vivons tous les jours… et être conscient de certaines chansons créent un impact.
C'est ce qu'a fait Bruce Springsteen durant toute sa carrière : il chante la vie réelle quotidienne de son public…
C'est pourquoi il est si connecté avec lui…
C’est exactement ça. Merci beaucoup.
Merci, frère. J'ai beaucoup apprécié…
Et merci à Loloceltic pour sa contribution...