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TITRE:

PHILIP SELWAY (05 MAI 2023)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

ROCK



Avec ce nouvel album solo, Philip Selway prouve qu'il n'est pas seulement le batteur de Radiohead mais également un artiste profond à la trajectoire personnelle assez engageante
ADRIANSTORK - 30.06.2023 -
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Philip Selway n'est pas seulement le batteur de Radiohead -groupe iconique auteur du single 'Creep' ou des albums considérés comme les meilleurs de tous les temps ("Ok Computer" ou encore "Kid A")- formation phagocytée par la personnalité envahissante de Thom Yorke...  Avec son troisième album "Strange Dance", il prouve qu'il est un artiste à la sensibilité nécessaire pour s'imposer en solo et sous son propre nom. Entretien avec un artiste qui met son cœur à nu....





Nous avons pour tradition de démarrer nos interviews par cette question : quelle est la question que l'on t'a trop souvent posée et à laquelle tu en as marre de répondre?

Il n'y a pas de question qui m'énerve, y compris celles qui sont liées évidemment à Radiohead. Une interview, cela permet de répondre à tout type de questions venant de partout dans le monde. Mais c'est bien de parler d'autre chose que de Radiohead.


Cela fait partie de ton aventure de musicien...

Tout à fait et c'est assez positif de susciter des interrogations chez les gens.


Ton actualité récente, c'est la sortie de ton album "Strange Dance", ton troisième album solo, qui ne sonne pas comme du Radiohead. Est-ce que c'est important pour toi de prendre tes distances en solo avec Radiohead?

Oui, je pense que c'est pareil pour les autres membres du groupe. Le Covid nous a permis à tous de composer des morceaux chacun de son coté. Pour nous tous, c'était clair que nous ne pouvions rien faire ensemble dans ce contexte. Paradoxalement, cela m'a poussé à être créatif à ce moment-là. J'avais un potentiel que je voulais continuer à explorer en tant qu'artiste solo, en tant que chanteur.


Est-ce que tu avais écrit ces morceaux pour Radiohead au départ avant de comprendre que cela n'était pas destiné pour Radiohead?

Lorsque nous avons commencé comme groupe, nous avons très vite compris que les chansons de Thom Yorke étaient les plus importantes et que nous pouvions nous focaliser dessus. Et cela me permettait de placer toute mon attention sur la batterie. Mais cela ne m’empêchait pas de continuer à écrire des chansons.


Mais cela n'était pas frustrant au départ ? Tes qualités au chant et à la musique sont révélées à l'écoute de cet album. Mais n'as-tu pas craint que celles-ci n'aient été visibles que seulement en tant que batteur?


Ce n'était pas frustrant. Dès le début, je savais que nous allions vivre une belle aventure mais que j'allais devoir trouver par moi-même un contexte pour explorer plus précisément ce travail.


Nous sommes touchés par cet album parce que nous avons l'impression que tu es généreux et que tu partages vraiment avec nous ce que tu n'avais pas encore exploré.

Lorsque j'ai décidé de me concentrer sur mes albums solo il y a une dizaine d'années, la seule frustration que j'avais c'était que le chemin allait être long. Mon développement musical s'était principalement concentré sur la batterie, mais je ne m'en plains pas.


Sur la pochette de cet album, on ne voit ni le nom de l'artiste ni le nom de l'album, pourquoi cette volonté apparente de disparaître?

(rires) Bonne question ! C'était pour ne pas endommager cette belle pochette de Stewart Geddes. Je connais cet artiste depuis des années. Notre relation créatrice a pris naissance pendant le confinement. Nous travaillions chacun dans nos studios respectifs et chaque semaine nous nous parlions sur Zoom pour comparer notre avancée respective. La musique et la conception graphique ont été très liées. Si j'avais mis mon nom et le nom de l'album sur la pochette, l'attention de celle-ci aurait été détournée du tableau. Ce n'était pas pour disparaître (rires), mon nom est écrit en gros à l'arrière du disque. Nous voulions que la pochette puisse s'exprimer en son nom propre.

C'est le genre de peinture qui nous rappelle le Pays de Galles.


La famille de mon père est originaire de Bristol, qui se situe pas très loin de la frontière galloise. Stewart a installé ses studios à Bristol. Donc effectivement, la pochette explore les environs de Bristol. L'une des premières peintures de Stewart était d'ailleurs inspirée par la rivière Avon.




Nous avons évoqué une fausse disparition mais un autre choix curieux, c'est que tu ne joues pas de batterie sur cet album. Est-ce une manière de déconnecter Philip Selway, le batteur de Radiohead et Philip Selway, le chanteur et compositeur?

Ce n'était pas une décision consciente. Ce qui s'est passé, c'est que je me suis concentré pour finaliser les chansons avant d'entrer en studio. Je n'avais pas vraiment joué de batterie pendant le processus de création. Et jouer de la batterie nécessite un entraînement rigoureux qu'il faut avoir avant d'entrer en studio. Pendant une journée et demi, j'ai essayé de jouer de la batterie et le résultat ne m'a pas vraiment plu. Alors je me suis: "Hey! Mais je n'ai pas besoin de jouer de batterie sur cet album!" Marta Salogni, qui produit l'album, m'a suggéré une de ses amies Valentina Magaletti, pour s'installer derrière les fûts et j'en ai été très heureux.


Tu retrouves des musiciens avec lesquels tu avais déjà collaboré sur tes précédents projets comme Quinta ou Adrian Utley. Est-ce que cette relation de confiance te manquait ? Cela va au-delà de la musique, c'est de l'amitié...

Oui, tout à fait. C'est mon expérience de musicien, j'ai découvert cette alchimie dans Radiohead où nous étions assez proches les uns des autres. Au fil des années, j'ai redécouvert ce plaisir dans mes projets solo.


Pour retrouver une nouvelle fraîcheur dans cette alchimie. Tu sais comment elle fonctionne.

C'est une nouvelle expérience. J'ai eu la joie d'enregistrer cet album. J'ai fait confiance aux gens à un niveau musical et humain.


Cela me rappelle le documentaire sur Metallica, je ne sais pas si tu l'as vu...

J'en ai beaucoup entendu parler.


Il s'appelle "Some Kind Of Monster" et dedans on peut découvrir que les membres ne sont plus amis et qu'ils font de la musique ensemble pour l'argent. On peut comprendre cette approche et je ne sais pas comment cela se passe dans Radiohead, mais toi en tout cas tu as besoin de creuser cette relation d'amitié plus que tout.


Je ne connais pas la recette pour que tout fonctionne automatiquement. Je me prépare à expérimenter, à prendre des risques.


Sans pression.

Oui, et cela me permet de côtoyer de très grands musiciens et ensemble nous créons une très bonne atmosphère de travail.


Je voulais vraiment créer un espace sonore plus profond pour englober toutes ces voix et ces sons pour obtenir un aspect orchestral.




Cet album est basé sur d'excellents arrangements comme sur 'Little Things', 'Picking Up Pieces'. Avec différentes épaisseurs de son que l'on peut apprécier au casque, était-ce conscient, voulais-tu vraiment te concentrer sur cette approche et pourquoi?

Je voulais vraiment créer un espace sonore plus profond pour englober toutes ces voix et ces sons pour obtenir un aspect orchestral. C'est ce qui m'a vraiment motivé à enregistrer cet album. Je savais qu'en travaillant avec Marta Salogni, j'avais une productrice qui savait comment trouver le meilleur assemblage sonore. Marta a été une force motrice dans l'enregistrement de cet album.


Cet album comprend plusieurs moments intimes comme par exemple 'The Heart Of It All' qui semble être arrivé à un tournant. Tu as 55 ans...

Peut-être que je n'en ai plus pour longtemps (rires) ! Oui effectivement, les paroles évoquent une période de transition qui a affecté beaucoup de gens ces dernières années. Mais cela permet d'évoluer vers une nouvelle étape de ma vie. "Strange Dance" est né de ces contorsions, d'éléments de toute nature, parfois contradictoires qui nous arrivent dans notre vie. Je ne me sens pas oppressé moi-même par cette période.


La chanson 'The Other Side' est l'une des plus belles de l'album.


Merci beaucoup.


Je voulais offrir un véritable refuge qui ne s'effondre pas sur l'auditeur.


La musique et l'interprétation sont très éthérées. Est-ce que c'est une chanson qui est chère à tes yeux?

Pour cette chanson, j'avais deux morceaux en tête sur l'intimité. Tout d'abord 'The Colour Of Spring' qui ouvre l'album solo de Mark Hollis du même nom. Il y a comme un murmure, une proximité, un sens incroyable de l'espace et des arrangements, on peut y projeter beaucoup de soi. Et une chanson de Nick Cave 'Into My Arms', c'est comme une chanson surprise dans sa nudité. Ces deux chansons m'ont servi de guide pour ma vision originelle. Nous avons ajouté les cordes et on a l'impression de marcher sur les nuages.


'Make It Go Away' a également des moments acoustiques ainsi que des cordes. Pourquoi cette orientation orchestrale sur cet album?

C'est l'une des premières chansons que j'avais terminées. Je voulais apporter de nouvelles couleurs.


Est-ce que cela te fait plaisir que des gens comme moi te disent qu'après avoir écouté cet album, on ressent beaucoup de calme et de sérénité. Est-ce que tu comprends?

Cela a l'air parfait. C'était mon but. Je voulais offrir un véritable refuge qui ne s'effondre pas sur l'auditeur.



Au train où va le monde, voulais-tu prendre ton temps pour faire ressentir de l'empathie et de la compassion? C'est comme un refuge pour toi de Radiohead et de la société? Radiohead est une grande aventure mais cela doit parfois être dur à vivre.

Oui. Lorsque nous jouons avec Radiohead dans de grandes salles, ce qui est dur, c'est de se connecter individuellement avec l'audience. Mais nous y sommes arrivés. J'adore les albums dans lesquels on peut se perdre émotionnellement. Je voulais que cet album soit une expérience auditive.


Nous pourrions dire que cet album est une synthèse de ton travail en solo. Est-ce que l'on peut penser à "Strange Dances" dans cette perspective?

Oui : lorsque j'ai commencé à envisager mon travail en solo, je me suis dit que je voulais enregistrer trois albums solo, basés sur des chansons et voir jusqu'où je pouvais aller. Et j'ai beaucoup appris depuis. "Strange Dances" est un peu une combinaison des deux précédents albums mais aussi des relations et des rencontres, la façon dont j'ai travaillé mon chant et l'écriture des chansons. On pourrait aussi évoquer le confinement qui en a été à l'origine.


La scène alternative anglaise semble être motivée par une expérimentation permanente et réussit d'ailleurs à rencontrer à la fois les suffrages des critiques et du public. Peter Hammill, Steven Wilson, Porcupine Tree voire Radiohead. D'où vient cet intérêt pour l'expérimentation qui pourrait parfois être une prise de risque?

(il réfléchit) Je pense que lorsque l'on a vécu aux cotés d'une scène musicale bouillonnante, de salles concerts spécifiques, de maisons de disques également, on est forcément entraîné. Mon éducation musicale a été également été enrichie dans Radiohead. En Angleterre, nous avons les infrastructures nécessaires pour nous le permettre. Mon travail en solo est sorti chez Bella Union, un label fondé par Simon Raymonde de Cocteau Twins. Il favorise cette approche et est assez renommé dans l'industrie musicale pour ce genre de figure. Cela permet d'apporter un espace d'encouragement pour les artistes.





Radiohead est devenu une influence musicale pour de nombreux groupes à travers le monde. Comment as-tu perçu ce genre de reconnaissance et est-ce que cela t'a mis un peu de pression pour tes albums solo?


Quand j'ai enregistré cet album, je savais que je voulais qu'il ait une longue durée de vie pour atteindre les auditeurs. J'ai œuvré en ce sens. Je pense que la première fois que vous écoutez cet album, il ne vous rendra pas fou (il pousse un cri monstrueux) mais il faudra l'écouter à plusieurs reprises pour l'apprécier.


Alors que tout va vite dans notre société et y compris dans la musique, tu penses qu'il est vital pour les auditeurs d'avoir des albums qui ne s'apprivoisent qu'après plusieurs écoutes ? Music Waves est orienté progressif et généralement les auditeurs de ce genre savent qu'ils ont besoin de plusieurs écoutes avant d'apprivoiser un album?

Ces albums parlent pour eux-mêmes et ne sont pas juste les albums du batteur de Radiohead. Lorsque j'ai enregistré mon premier album "Familial", je savais bien que les gens feraient référence à Radiohead mais s'apercevraient que cet album était très éloigné de Radiohead. Cela a du être confus pour certaines personnes et d'autres ne s'attendaient pas à ce genre d'albums. Je voulais créer un son aux antipodes de ce que j'avais fait dans Radiohead et le faire voler de ses propres ailes.


En ce qui concerne Radiohead, on se pose toujours des questions sur son activité. Cette année marque les 20 ans de la sortie d' "Hail To The Thieves". Avez-vous prévu de fêter l'évènement?

Oh, encore un projet supplémentaire ! (rires)


Tu as donc beaucoup de projets dans ta carrière.


Je suis un homme très occupé.


Tu es devenu un précurseur en gagnant une certaine forme d'indépendance même si tu figurais sur un gros label. Comment perçois-tu l'évolution de l'industrie musicale avec cette expérience dont tu as bénéficié?

C'était vraiment très différent lorsque nous avons signé notre premier contrat à la fin de l'année 1991 chez Parlophone. L'esprit des années 70 et 80 était encore très présent. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts aujourd'hui. Internet a changé la donne et a crée une révolution dans le secteur de la musique, pour le meilleur et pour le pire. Pour être honnête, je n'aimerais pas débuter dans un groupe aujourd'hui. Nous avons reçu énormément d'aide à nos débuts. Les jeunes groupes qui débutent maintenant n'ont pas beaucoup de facilités en ce qui concerne les tournées, le support financier. Pourtant l'accès à la musique de nos jours est incroyable. Sur ton téléphone, tu peux écouter tout ce que tu veux. Et il y a aussi de nouvelles possibilités en tant que musicien. Mais il est très difficile de faire entendre sa voix ou ses sonorités au milieu de tout ce bruit.


Je veux essayer d'atteindre ces gens qui ne se limitent pas qu'à une seule écoute.


Quelles sont tes attentes pour cet album qui est sorti en février et as-tu déjà reçu ce que tu en attendais? Est-ce que tu penses que les auditeurs vont laisser sa chance à ton album en l'écoutant à plusieurs reprises?

Certains oui. Mais de moins en moins. Mais je veux essayer d'atteindre ces gens qui ne se limitent pas qu'à une seule écoute. Le processus est différent et plus difficile. Je suis sur que certaines radios sont plus ouvertes et vont promouvoir cet album. Et je sais que les gens apprécieront. Cela prend du temps mais je pense que cela portera ses fruits.


Nous avons commencé cet interview par la question que l'on t'avait trop souvent posée mais a contrario quelle est celle à laquelle tu aimerais répondre?

Oh!





C'est LA question!

C'est vrai, un peu compliqué.


Je pense que tu ne l'as pas en tête, donc je te propose d'y réfléchir et nous commencerons par cette question lors de notre prochaine rencontre au sujet de ton nouvel album solo ou celui de Radiohead!

Ça marche ! (en français dans le texte) "Merci beaucoup" !


Mefci à Calgepo pour sa contribution...


Plus d'informations sur https://www.facebook.com/philipselway
 
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