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TITRE:

MARTIN SWAMPS (06 JUILLET 2022)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

BLUES



Music Waves vous offre un voyage aux sources du delta blues avec Martin Swamps.
NEWF - 14.09.2022 -
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Music Waves a rencontré Martin Swamps à l'occasion de la sortie de son premier album, "Worries Blues". Le Québécois nous raconte sa passion pour la musique rurale traditionnelle américaine et sa quête pour garder vivant l'esprit des pionniers du delta blues.

En 3 ans, tu es le cinquième artiste blues que nous interviewons qui s’est installé en France (après Neal Black, Natalia M. King, Kaz Hawkins, Archie Lee Hooker). Comment expliques-tu cet engouement des bluesmen et blueswomen pour la France ?

Pour ma part, ma venue en France n’était pas vraiment planifiée. Je suis venu rejoindre ma chérie qui a dû partir du Canada. Ça m’a tout de même permis de changer d’air, ce dont j’avais besoin, de voir de nouvelles choses et surtout de faire découvrir ou redécouvrir aux gens la tradition musicale que j’essaie de perpétuer. Je me suis aperçu qu’il y a beaucoup de festivals de blues ici et c’est super ! J’ai aussi rencontré pas mal de gens qui s’intéressent au bluegrass.

Penses-tu comme eux que la terre d’accueil du blues est désormais l’Europe ?

Ce fut déjà le cas dans les années 1960 avec le « Blues boom anglais ». Des musiciens comme John Mayall, The Animals, Eric Clapton et tant d’autres ont fait revivre le blues dans le monde entier et lui ont donné une nouvelle couleur. Depuis, un tas d’autres musiciens ont pris le relais de ce que j’appelle le blues européen, qui a sa patte, son identité. Ma dernière découverte coup de cœur est Bror Gunnar Jansson, un musicien suédois.




"Cela me fait toujours plaisir quand des gens réagissent à ce que je chante."

Toi, tu es québécois, donc tu n’as pas la barrière de la langue. Quelles sont les principales différences que tu as constatées entre le public québécois et le public français ?


Eh bien au Québec, il y a plus d’anglophones ou de bilingues donc plus de gens comprennent les paroles en anglais qu’en France. Cela me fait toujours plaisir quand des gens réagissent à ce que je chante, je prends comme exemple ma chanson 'Cat’s Rag' qui a un double sens « pour adulte ». Ça parle de mon chat qui, parfois, va chez la voisine pour se faire caresser, le chat de la voisine qui vient parfois chez moi pour la même raison mais qu’à la fin de la journée, chacun rentre chez lui.
Une autre différence est le fait que mon style de musique est plus répandu dans mon coin du monde qu’en France. Je crois qu’il y a un côté exotique qui plait au public français.

Comment est née ta passion pour la musique rurale américaine ?

Premièrement, j’ai toujours senti que je n’étais pas né à la bonne époque. Je me suis vite rendu compte que beaucoup de chansons que j’écoutais étaient calquées ou inspirées de chansons plus anciennes. Alors j’ai remonté dans le temps. Vers l’âge de 18 ans, j’ai fait un rêve où j’ai vu un musicien avec sa guitare qui chantait une mélodie étrange dans une vieille maison et par la fenêtre un paysage rural de végétation et de charrettes. Ça m’a bouleversé, comme si je retrouvais un passé oublié. J’ai souvent refait ce genre de rêves, toujours avec la même impression d’y reconnaître quelque chose… Alors je dirais que ce n’est pas qu’une passion mais un sentiment puissant d’appartenance.

"J’ai toujours senti que je n’étais pas né à la bonne époque."

"Worries Blues" est un retour dans le passé d’un siècle, qui pioche dans les origines du delta blues. Tu as d’ailleurs descendu toi-même le Mississippi pour t’imprégner de la "géographie" de cette musique. Y as-tu rencontré l’âme des bluesmen disparus ?

J’ai surtout constaté que bien des choses sont restées les mêmes depuis près d’un siècle. La ségrégation raciale, la pauvreté et la violence font toujours partie du quotidien de cette région. On peut écrire une chanson sur l’actualité en 2022 et le fond du sujet serait le même qu’en 1922. J’ai rencontré « l’âme du BLUES » . J’invite tout le monde à regarder le court métrage « As I am » de Alan Spearman et Mark Adams, que j’ai rencontré à Memphis.



Tu fais une très belle reprise du ‘Oh Death’ de Charley Patton, l’un des pères du delta blues, qui lui-même l’avait reprise d’un vieux chant gospel (si je ne me trompe pas). Tu as presque un côté anthropologue de la musique traditionnelle des états américains du Sud. Comment fais-tu tes recherches et qu’as-tu découvert fondamentalement sur toi-même en t’intéressant à cette musique ?

Au début, il y a une quinzaine d’années, je prenais ma voiture, faisais 60 km jusqu’à Montréal pour aller chez le disquaire et j’allais dans la section blues. Je cherchais les plus vieux artistes et je découvrais comme ça. Je lisais aussi beaucoup de biographies et d’écrits sur le sujet. Je m’intéresse aussi à la cuisine du sud. On apprend beaucoup d’un peuple et de ses coutumes en regardant son assiette. Aujourd’hui, je ne mentirai pas, on peut trouver beaucoup sur internet. Je découvre un tas de musiciens chaque semaine. J’essaie de trouver des musiciens plus obscurs ou des mélodies atypiques. Parmi les belles trouvailles, je peux mentionner "Cold Woman Blues" de Blind Joe Reynolds, "Gone Dead Train" de King Solomon Hill ou bien "Mississippi Jail House Groan" de Rube Lacy.

"Je ne cherche pas à faire une musique historique, mais que cette musique reste vivante aujourd’hui."

Tous tes maîtres en matière de blues étaient des descendants d’esclaves. Au moment de composer, t’arrive-t-il d’être parfois intimidé par le poids de l’histoire que tu cherches à faire (re)vivre au travers de ta musique ?

Je dirais que non, puisque ce sont des compositions originales. Je ne cherche pas à faire une musique historique, mais que cette musique reste vivante aujourd’hui. Par contre, je ne me permets pas de faire des reprises qui traitent de sujets qui ne peuvent m’appartenir ou appartenir à mon histoire, en tant que blanc nord-américain. Je ne peux pas me sentir légitime de chanter, par exemple, Bourgeois Blues de Leadbelly (musicien noir), qui chante la ségrégation qu’il a subie. Mais je ne me limite pas qu’au blues. J’écoute et joue aussi beaucoup de musique dite old time que beaucoup vont appeler Appalachian Mountain Music, du country et du cajun.

Ton album est assez révélateur du croisement des influences qui ont nourri le blues traditionnel, puisqu’on y retrouve de la country music (‘Bout To Move’) et même de la musique cajun avec ‘Hier’O Soir’, une chanson en français. Penses-tu un jour t’intéresser à la musique traditionnelle québécoise ?

La musique traditionnelle québécoise m’interpelle très fortement. Au Québec on l’entend beaucoup durant le temps des fêtes et le temps des sucres. C’est une musique qui rassemble et qui nous ramène à nos origines. Elle puise ses influences dans la musique traditionnelle irlandaise et française. J’en joue quelques morceaux pour m’exercer à la mandoline et j’ai plusieurs vieux disques 78 tours des années 1920 à 1940. Je crois que c’est la musique qui me fait le plus taper du pied !




"Ce que j’aime dans cette musique, c’est qu’elle est brute, vraie, sans fioritures."

A part un titre au diddley bow (‘I Need A Hundred Dollars’), tu joues principalement sur des guitares à résonateur. As-tu fait ce choix pour appuyer le côté "roots" de ta musique ou pour ajouter de l’ampleur à ton son, ou les deux ?


Au Canada j’ai plusieurs guitares. J’ai apporté la résonateur en France parce qu’elle est plus forte en volume qu’une guitare sèche. Je peux jouer un peu partout en acoustique, dans la rue par exemple et on m’entend. J’aime bien le son et j’en voulais une depuis que j’ai découvert Son House et Bukka White. Et ça a de la gueule quand même ! J’aime aussi beaucoup les guitares sèches. Je dirais même que je préfère presque à la résonateur. Le son est plus chaud, plus organique. J’en ai plusieurs qui m’attendent en Ontario, mais je n’ai pas encore trouvé LA guitare…

En faisant revivre le blues des origines, tu sembles chercher la simplicité avant tout. Pourtant jouer simple est souvent le plus difficile en musique. Léonard de Vinci disait que "la simplicité est la sophistication suprême". Est-ce une phrase que tu pourrais avoir à l’esprit quand tu composes ?

Ce que j’aime dans cette musique, c’est qu’elle est brute, vraie, sans fioritures. Justement, je ne la vois pas comme étant sophistiquée mais comme nécessaire pour celui qui la joue. C’est un retour aux sources. Une eau peut être délicieuse en y ajoutant toute sorte de sirops, mais l’essentiel reste l’eau pure. Le travail, pour ma part, est de composer en ne gardant que le squelette musical. C’est l’histoire de ma quête. Par exemple, 'Milk cow Blues' : Aerosmith l’a fait en 1977 version rock pleine de virtuosités ; on remonte en 1954, Elvis Presley l’enregistre en trio « rockabilly » ; on remonte encore, 1937, Robert Johnson la joue solo avec sa guitare acoustique et là, la pureté de la chanson. Simple mais puissante !



Plus d'informations sur https://www.martin-swamps.com/
 
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