Rien ne semble pouvoir arrêter Except One, alors que nous pensions que la dynamique créée avec "Fallen" allait être brisée nette, il n'en est rien contrairement à ce que le titre de ce quatrième OMNI (Objet Musical Non Identifié) le laisse penser, "Broken" dévoile un groupe qui a vaincu ses démons et qui revient plus fort que jamais...
On s’était quittés il y a trois ans en évoquant vos attentes, vos ambitions notamment à l’international. Qu’en est-il trois ans après ? Avez-vous le sentiment -comme d’autres groupes- de repartir à zéro ?
Naty Dreed : C’est sûr qu’on a été stoppés après la tournée européenne qu’on a fait en première partie d’Hatesphere. Justement, tu parlais d’international, on a réussi à faire une tournée européenne ce qui est génial…Effectivement, par la suite, il y a eu ce léger incident qui a duré deux ans (Rires) et d’un point de vue live, ça a complétement freiné la dynamique. Redémarrer la machine après tout ça est beaucoup plus compliqué mais ça nous a permis de nous poser pour composer "Broken".
Cette pandémie nous a permis de créer un album un peu différent
Beaucoup de groupes nous répondent justement que cette pause forcée leur a permis de prendre du recul. Mais dans votre cas, on avait le sentiment que "Fallen" ouvrait le premier vrai chapitre de la vie d’Except One et on se demandait si ce n’était pas démotivant ?
Estelle : Non parce que finalement, on l’a ouvert ce chapitre. Comme le disait justement Naty, on a eu cette tournée européenne qui était notre première. Forcément, oui, on aurait voulu continuer mais ça n’a pas été perdu. Donc oui, c’est un peu démotivant mais pas tant que ça…
Naty : On a réussi à s’occuper pendant ce confinement à la production de l’album.
Tim Nadeau : On a quand même réussi à profiter de la durée de vie de "Fallen" avec des dates et la tournée européenne. En parallèle, on a commencé à composer un nouvel album, le processus s’est déroulé sur plusieurs mois mais également pendant la pandémie. Ça nous a permis de nous poser et de prendre du recul sur ce qu’on avait envie de raconter sur cet album et aussi de regarder un peu autour de nous et notamment comment le monde était en train d’évoluer et s’apercevoir que le monde était beaucoup plus fragile : beaucoup de petites failles par ci par là que tout le monde essayait de cacher et la pandémie a fait exploser tout ça que ce soit au niveau médical bien sûr ou politique, mais également les démons qui étaient à l’intérieur de chacun d’entre nous et qui ont resurgi.
Naty : Cette pandémie nous a permis de créer un album un peu différent de celui que nous aurions fait sans…
Cet album et la musique est beaucoup plus fluide et variée. Qu'est-ce qui donne cette impression ? Ce recul lié à la pandémie justement ou était-ce un nouveau défi musical ?
Tim : Un peu des deux... Le moment où on a le plus composé sur cet album a été pendant la pandémie. On était enfermés chez nous ce qui fait qu’on a beaucoup plus travaillé à distance que par le passé. Ça nous a permis de travailler sur les arrangements et un des éléments qui fait que "Broken" paraît plus riche que "Fallen" est justement tout ce qui va habiller les riffs, les arrangements, les samples…
Naty : On avait le temps vu qu’on était tous enfermés et que les autres loisirs étaient interdits. On a donc eu le temps de se concentrer énormément sur la musique et notamment les arrangements ce qui donne un aspect plus ambiant, plus complet et plus cohérent à l’album.
A ce titre, il y a une introduction et des intermèdes, est-ce que le disque est un album concept ?
Estelle : Il n’y a pas de fil rouge au niveau des thématiques abordées dans l’album en revanche, il y avait une volonté d’avoir un album cohérent dans son ensemble à commencer par cette introduction pour se mettre dans le bain tranquillement, l’interlude ‘Broken’ pour se reposer un petit peu, souffler avant de repartir dans la bagarre… Cette démarche était volontaire mais il n’y a pas de fil rouge thématique : on ne raconte pas une histoire…
Naty : D’ailleurs après l’interlude, on a placé le morceau ‘Chaos’ qui est impactant, nous avons pensé à tout ça dans la composition globale de l’album.
Nous nous sommes tous plus ou moins retrouvés face à nos démons

Ce nouvel album s’intitule donc "Broken" mais pourquoi en gros, après "Fallen" et donc être tombés, vous avez dû vous relever, même cassés ?
Estelle : On revient à ce que disait Tim et le fait de voir ce qui s’est passé avec la pandémie et même des choses qu’on pouvait voir avant et toutes ces failles/ cassures qui ont été vécues soit au niveau sociétal ou humain individuellement parce que nous nous sommes tous plus ou moins retrouvés face à nos démons. Il y avait donc un truc un petit peu cassé et on l’a forcément retranscrit dans les paroles, même si on ne parle pas du tout de la pandémie, du virus… on n’avait pas besoin de le faire. En revanche, il y avait quelque chose à sortir de ces choses et du coup logiquement, ce titre "Broken".
Comme on l’a déjà évoqué cet album me semble plus abouti avec des titres comme ‘Thorns’ par exemple. Est-ce que c’était dans le cahier de charges ou est-ce notamment en raison du fait que la voix de Estelle a gagné en assurance comme sur le morceau ‘In Nomine’ ?
Estelle : Je ne parlerais pas de cahier des charges, je pense qu’on est dans l’évolution logique d’un groupe et des musiciens et des humains que nous sommes. On a donc forcément tous beaucoup travaillé et moi, typiquement, j’ai énormément travaillé ma voix dans le but d’évoluer et de m’améliorer constamment. C’est pourquoi on va retrouver des titres plus chiadés…
Naty : … plus complets, notamment sur le panel de chant. Sur ‘In Nomine’, il y a du chant clair on en faisait avant, mais là c’est différent, c’est du chant typé "église".
Je voulais sortir de ma zone de confort !
Ce chant clair que nous évoquons, Estelle, ne vas-tu pas avoir une pression particulière au moment de devoir le retranscrire sur scène ?
Estelle : Evidemment, d’autant que le chant clair est un peu ma bête noire. Mais en même temps, c’est ce que je voulais aussi : je voulais sortir de ma zone de confort ! Et je travaille pour qu’en live, ça sonne aussi bien !
Et niveau dates, justement, avez-vous des annonces à nous faire pour surmonter tous ces défis notamment vocaux ?
Estelle : Pour le moment non, on y travaille. On n’a pas de dates arrêtées mais ça sera annoncé en temps et en heure… Mais actuellement, on travaille le live parce que justement, on a évolué du point de vue musical mais également visuel. On travaille donc un show pour que l’évolution soit cohérente partout : ce sera donc également le cas sur scène avec notamment un ingénieur son et un ingénieur light avec qui nous travaillons désormais et avec qui nous préparons les futurs concerts…
Outre la volonté, on voit que le groupe se structure pour devenir professionnel…
Estelle : C’est le but avoué !
On essaie de faire en sorte de ne pas trahir nos exigences !
Mais une évolution demande des financements. Je suppose que ce n’est pas grâce à la vente d’albums ni aux derniers concerts pour la raison qu’on connaît… est-ce un investissement personnel qui relève du pari ?
Estelle : Bien sûr !
Naty : C’est un investissement personnel et ça nous plaît de voir l’évolution du groupe ! Justement la production de cet album sonne plus "pro" mais c’est parce qu’on y a mis les moyens et qu’on s’est entourés des gens hyper compétents.
Tim : On essaie de faire en sorte de ne pas trahir nos exigences ! Par exemple, pour cet album, c’est la première fois qu’on enregistre en studio avec un directeur artistique et c’est un énorme progrès dans la qualité studio du groupe parce qu’il a été très, très exigeant : il ne nous laissait rien passer, il faisait en sorte que tout soit nickel… Ça nous a fait beaucoup progresser dans notre démarche mais aussi dans la façon d’interpréter les morceaux en studio.
Tu évoquais le chant clair d’Estelle mais en fait, il n’y a pas que ça : on a tous énormément évolué dans notre pratique, on a tous besoin d’énormément travailler pour le show pour que ça soit aussi exigeant sur scène qu’en studio…
Ce disque navigue entre des passages classiques (‘Hollows’, ‘Silent Scream’) et plus ambitieux (‘Void’). Comment réussissez-vous ce grand écart, cette posture quasiment schizophrène ?
Estelle : Parce qu’on l’est tous un petit peu (Rires) !
Crypp Mor : On est tous un peu fous mais les autres ne comprennent pas (Rires) !
Tim : On a tous des influences musicales différentes : Naty est plutôt metalcore, je suis thrash/ death, Estelle est plutôt black metal, Crypp est plutôt indus, Junior qui n’est pas là est plutôt hardcore/ deathcore… et malgré toutes ces influences différentes, on arrive quand même à se mettre d’accord assez vite dans la création sur des énergies communes, des esthétiques communes… et du coup, le fait qu’on arrive à tous placer nos influences, ça donne quelque chose d’assez riche…
A l’inverse, cette richesse non maîtrisée peu vite sonner fouillis…
Estelle : C’est sûr !
Tim : C’est vrai, mais on a la sensation d’avoir réussi à avoir quelque chose d’exigeant et abouti. Et le simple fait que ça plaise et assez vite, nous fait penser que potentiellement cet album peut plaire à des gens qui écoutent tous les styles que j’ai cités tout à l’heure.
Naty : Il va plaire à tous ces gens sauf les amateurs de metal symphonique mais on ne peut pas y faire grand-chose vu qu’il n’y en a pas vraiment (Sourire)…
Tous ces mélanges d’influences font que cet album peut paraître
schizophrène alors que pas du tout, il est très cohérent et pioche dans
toutes nos influences et peut plaire à plein de gens…
Quoi que ‘In Nomine’ peut être considéré comme ayant une toute petite touche de ce style ?
Estelle : A la rigueur !
Naty : Je te l’accorde (Rires) ! Mais effectivement, tous ces mélanges d’influences font que cet album peut paraître schizophrène alors que pas du tout, il est très cohérent et pioche dans toutes nos influences et peut plaire à plein de gens…
Niveau titre, ‘Bloods Of The Underdogs’ débute par des cris puis de la douceur, est-ce que c’est une façon de renverser les codes quand le cri vient avant la douceur ?
Estelle : Oui (Rires) ! Justement, ça a été une discussion qu’on a eu sur cette composition. Je voulais que les cris arrivent en même temps pour avoir un côté très impactant et surprendre en faisant des choses qui se font un petit peu moins. Je trouvais ça assez intéressant d’avoir ce côté très rentre-dedans tout de suite pour ensuite calmer le jeu et repartir de plus belle. Personnellement, j’aime bien surprendre et j’aime les groupes qui me surprennent…
Serait-ce le maître-mot de cet album et Except One ?
Estelle : On fait ce qui nous parle et ce qui nous fait envie sur le moment, ce qu’on aime !
L’absence de répétition a fait qu’on était obligé d’écouter
Est-ce que la rareté des soli de guitare a été une frustration pour vos guitaristes ou une manière nouvelle de penser la guitare ?
Tim : En fait, c’est surtout le processus de création en lui-même qui est différent dans le sens où on était enfermés chez pour créer. On a beaucoup créé sur des ordinateurs, des séquenceurs… on s’échangeait nos idées à distance. Ce qui fait qu’on était un peu moins portés sur l’instrument en lui-même dans la composition mais plus dans la composition dans sa globalité et faire en sorte que ce soit -comme on l’a dit tout à l’heure- plus des ambiances travaillées, que la trame des morceaux soit cohérente plutôt que de penser solo de guitare, technique. On a pensé différemment : on a vraiment plus travaillé les ambiances que le fait que la guitare soit aussi autant mise en avant que sur "Fallen".
Naty : C’est effectivement plus une cohérence artistique dans sa globalité que de se dire qu’il faut que ce soit absolument technique…
Crypp : Concernant la technique, on a dû repenser notre manière de composer. L’absence de répétition a fait qu’on était obligés d’écouter : on a un recul différent entre l’énergie quand on le joue avec tout le groupe et le fait de l’écouter tout seul devant son ordinateur, et ça peut servir !
Vous étiez finalement autant dans la posture de vos auditeurs que celle de musicien-compositeur ?
Naty : Exactement ! Après, au bout d’un moment, ça fait longtemps qu’on fait ça, mine de rien et on sait ce qui va bien sonner ou non, j’ai notamment en tête ‘Bloods Of The Underdogs’ avec les
screams au tout début avec un riff plutôt lancinant, même si on ne l’a pas joué, on sait que ça va sonner et effectivement, quand on le joue ensemble, ça sonne super bien !
Tim : Et il faut ajouter que pour cet album, on a eu la chance de bénéficier aussi bien de l’énergie qu’on a développée sur scène et qui a duré jusqu’à la pandémie puisqu’une semaine avant la pandémie, on était encore en tournée et le fait d’être plongés dans ce contexte qui nous a obligé à se poser, à prendre du recul et à travailler plus le fond que l’énergie… tout ça nous a permis d’allier les deux pour obtenir "Broken".
Tu parles d’énergie, est-ce que par sa durée courte, l’album est une occasion de terrasser l'auditeur, de le chambouler et de de l'amener à déconstruire ses idées ?
Naty : J’aime bien le mot "terrasser" mais ce n’était pas le but !
Tim : Il y avait beaucoup plus de compos que ce qui est présenté sur l’album : on a vraiment choisi celles qui étaient l’élite des compos qu’on avait faites. On se foutait un peu que l’album soit court ou long, on voulait juste qu’il soit cohérent du début à la fin et qu’on ait aucun regret !
Oui, et ne pas avoir ce sentiment de "remplissage" qu’on peut parfois avoir à l’écoute de certains albums…
Estelle : Exactement !
Tim : On s’est dit “à quoi ça sert de mettre un morceau en plus si c’est pour le regretter par la suite et qu’il fasse tache même si on l’aimait bien”…
Naty : En plus, on avait des morceaux qui étaient assez similaires, ça arrivait que deux morceaux se ressemblaient dans la structure et l’intention et finalement, on a choisi un des deux… histoire de ne pas donner l’impression de servir deux fois la même chose…
“Broken” n’est plus sous-titré OMNI, c’est plus le cas ?
Estelle : C’en est un…
Crypp : … mais c’est mentionné dans le livret !
Estelle : C’est moins mis en avant mais c’est toujours le cas. Ça reste dans la continuité : c’est OMNI 4 mais c’est vrai que c’est noté à l’intérieur et non à l’extérieur.
Crypp : D’où l’intérêt du livret qui est plus intimiste mais il y a plus d’informations à l’intérieur, y compris les paroles qu’on a voulu inclure dans le livret de ce deuxième album afin que les gens comprennent et comprennent OMNI 4 !
Estelle : Pour que l’auditeur puisse se retrouver dans ce qu’on raconte parce que ce n’est pas forcément intelligible dans notre style de chant, n’est-ce pas (Rires) ! Il y avait donc effectivement cette volonté que les gens puissent comprendre ce qu’on a à dire…
Naty : Et pour en revenir au livret, la pochette a été entièrement
designée par Estelle…
N’avoir aucun regret !
Est-ce que vous êtes rentrés dans le moule ou comment affirmez-vous votre différence aujourd’hui ?
Estelle : Honnêtement, on ne s’est pas posé la question : on continue de faire ce qui nous parle, ce qu’on a envie de jouer. Si on suivait les tendances, ça ne serait pas nous et émotionnellement, je ne vois pas comment on pourrait s’investir dans une musique qui n’est pas la nôtre.
Savoir si nous sommes rentrés dans un moule n’est pas une question que je me pose et on n’essaie pas non plus de faire original : on essaie juste d’être sincères et honnêtes avec nous-mêmes.
Naty : Comme on le disait, même si tout reste cohérent et que ça peut plaire à tout le monde, il y a tellement d’influences qu’on ne peut pas parler de moule. On le voit dans les différentes chroniques, les médias ont du mal à nous placer, ce qui est plutôt une bonne chose.
Tim : Comme je disais tout à l’heure, ce qui est important, c’est de n’avoir aucun regret ! Si on avait eu l’impression de singer un courant, un groupe ou une mode : on aurait eu des regrets et ça aurait été impossible pour nous !
A propos de différence, on a l’impression que c’est la basse qui porte la mélodie, alors que la guitare appuie le rythme. Est-ce que c’est une volonté de renverser les habitudes et de laisser Crypp se faire plaisir ?
Tim : Pour le coup, il y a un gros travail sur la production…
Crypp : Je pense que chaque instrument sert quelque chose. Dans cet album, on a voulu laisser la place à chaque instrument pour qu’il serve au mieux le morceau. La basse, c’est la profondeur, la puissance et on avait quelques morceaux plus "posés" qui demandaient de la puissance si bien que la basse n’avait pas besoin de se dénoter avec des notes aigues…
On avait évoqué vos ambitions pour "Fallen" concrétisées par cette tournée européenne avec Hatesphere, quelles sont vos attentes pour "Broken" ?
Tim : Clairement, ça va être de le défendre sur scène. On attend que ça, on ne peut pas encore communiquer sur les dates mais on a bon espoir…
Estelle : Je pense qu’on n’a pas trop changé au niveau des ambitions par rapport à "Fallen" (Rires) à savoir que c’est toujours le défendre sur scène, jouer en France forcément, en Europe évidemment et si on peut aller plus loin, on ne va pas se gêner (Sourire)…
Tim : Et encore une fois, se surpasser, être aussi exigeants sur la prestation scène qu’on l’a été sur l’enregistrement…
Et bien merci et à très bientôt sur scène donc…
Except One : Je t’en prie, merci à toi !
Merci à ThibautK pour sa contribution...