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TITRE:

NATALIA M. KING (03 NOVEMBRE 2021)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

BLUES



A l'occasion de la sortie de son septième album, nous avons rencontré Natalia M. King pour une interview en forme de leçon de vie....
STRUCK - 24.12.2021 -
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L'avant-veille de la sortie de ce fameux septième album -"Woman Mind Of My Own"- nous avons eu la chance de croiser Natalia M. King pour une interview évoquant le parcours initiatique nécessaire pour pouvoir appréhender le blues tel qu'elle le fait aujourd'hui. Une longue et riche entrevue dans laquelle il sera question de musique et de blues, de ce touchant septième album bien entendu mais plus qu'un échange musical, c'est une leçon de vie avec des messages remplis d'amour que nous propose la belle et attachante Natalia M. King...


On souligne parfois un peu trop d’où je viens plutôt que ce que je suis devenue aujourd’hui…




Quelle est la question que l´on t´a trop souvent posée et à laquelle tu aurais marre de répondre ?

Natalia M. King : Hum, la question qu’on m’a trop souvent ? Je dirais quand on me dit que j’ai commencé dans le métro, les bars… On souligne parfois un peu trop d’où je viens plutôt que ce que je suis devenu aujourd’hui…


C’est également une façon de te mettre en lumière…

Oui, tu as raison mais c’est parfois trop souligné. C’est super qu’on en parle mais qu’on ne base l’interview que sur le fait que je suis une fille qui a galéré dans le métro… C’est une expérience qui m’a rendue plus forte pour exprimer ce que j’exprime aujourd’hui… Je préfère qu’on parle de mes forces actuelles…


Désolé, nous allons un peu évoquer ton passé malgré tout. Tu as commencé en chantant du rock, notamment "Milagro" en 2000 et "Fury And Sound" en 2003…

… et "Flesh is Speaking"…


…Exactement, puis tu as navigué entre jazz et blues mais pour la première fois, "Woman Mind Of My Own" est plus blues que jazz. Comment est né ce projet blues ?

Et bien, je dirais que presque tous les albums de 2000 à aujourd’hui ont une touche de blues…


Il y a effectivement un cheminement logique mais comment expliques-tu que tu sortes aujourd’hui ton album le plus blues ? La maturité ?

Tu as mis le doigt dessus.  C’est exactement ça ! Ce n’est pas la maturité dans la musique mais la maturité dans ta façon d’être. C’est une évolution -les expériences qui vont avec- qui t’amène dans un endroit, une résidence : le blues a une résidence dans laquelle règne une certaine sérénité. Et quand tu vieillis, si tu choisis d’évoluer, tu trouves cette sérénité !


Comme on l’a dit, tu as été repérée dans le métro parisien puis propulsée dans la lumière à l’Olympia en première partie de Diana Krall, ensuite tu as fait un break de sept ans, ta vie a tout d’un roman initiatique fait de hauts, de bas et de nombreuses galères...

Oh, c’est très beau…


Hormis être un génie ou être possédé par le diable comme Robert Johnson, le blues nécessite un rite de passage



… Une vraie vie de blues woman en quelque sorte.

Je suis totalement d’accord : j’adore la façon dont tu l’as tourné ! Et j’adore le fait que tu parles d’initiation et du nombre 7 qui est un chiffre mystique pour moi… Et pour l’anecdote, cet album est mon septième.
La période passée dont tu parles était comme un rite de passage, une initiation comme tu l’as dit pour arriver à ce que je suis aujourd’hui et ce que je souhaite transmettre. Hormis être un génie ou être possédé par le diable comme Robert Johnson, le blues nécessite un rite de passage : tu ne fais pas du blues sur un claquement de doigts, il faut y être initié…


Comme tu l’as dit “Woman Mind Of My Own” est ton septième, t’es-tu mis une pression particulière au moment de le composer et est-ce que ton futur huitième album sera plus simple à écrire ?

Peut-être, mais si le 7 est un rite de passage, le 8 évoque l’infini… comme si le huitième album et les suivants, c’est comme l’infini : tout sera facile (Sourire) !


Tu es arrivée en France en 1998 après avoir traversé les Etats-Unis de long en large. Que cherchais-tu en arrivant ici ?

Hum, je vais être franche avec toi, quand je suis venue pour la première fois en France, je recherchais la façon de vitre bohème, poétique…


… qui est un cliché…

Oui, c’est une image que j’avais en lisais des romans…


Et as-tu été déçue de ce que tu as trouvé ?

Je l’ai un peu été… parce que ce n’était pas exactement l’imagerie post-guerre que j’en avais… mais il y avait toujours un côté sauvage dans l’air, quelque chose que tu ne retrouves plus aujourd’hui…
Je pouvais aller d’un bar à Bastille avec ma guitare et me rendre à un autre à République à minuit et faire ça jusqu’à deux ou trois heures du matin, aller danser à la rue d’Oberkampf jusqu’à cinq heures du matin…


Mais effectivement, tout cela n’est plus possible avec le Covid…

… oui, mais c’est un sentiment !


Mais pas seulement ton sentiment que tu exprimes avec nostalgie ?

Peut-être mais rien que ce qui est de l’énergie, ce n’est plus pareil.
Et cela se voit également dans la musique : à l’époque, le streaming, les iPhones, n’existaient pas… Nous étions plus en contact les uns avec les autres. Aujourd’hui quand tu regardes les gens dîner au restaurant, tu les vois tous les yeux rivés aux écrans de leur téléphone : ce n’était pas le cas en 1998 ! L’époque est moins humaine aujourd’hui !


L’esclavage est également un état d’esprit




Malgré tout, as-tu trouvé aujourd’hui la sérénité en France et penses-tu que tu aurais été une femme différente si tu étais restée aux Etats-Unis ?

Bien sûr ! Je pense que ma vie aurait été moins orientée musique…


… ah ? et quel a été le déclic car c’est assez paradoxal que le déclic musical d’une artiste blues américaine se fasse en France ?

C’est vrai ,mais le blues n’est pas une question de pays mais d’âme ! Le blues est un état d’esprit, mon ami ! Le blues se trouve partout : dans le désert du Mali avec Ali Farka Touré qui nous a quitté depuis, mais également en Inde… Bien sûr, on attribue le blues aux traditions américaines parce que c’est de là qu’il vient mais je considère que c’est avant tout un état d’esprit.
Je suis une femme noire américaine et hispanique donc quelque part, c’est déjà en moi - le fait que je sois née sur ces terres - donc ma réponse sera que ça vient probablement de l’esclavage… Mais l’esclavage est également un état d’esprit : quand tu vis une vie de compromis -un boulot de compromis, une relation de compromis…- tu peux être esclave de pleins de choses… Et cela peut te briser et te donner le blues !


Tu fais partie de ces artistes très rares, comme Nina Simone ou Billie Holiday…

Oh, merci !


… qui ont dans la voix et leur façon de chanter un côté rebelle indéfinissable. Penses-tu que tu resteras révoltée toute ta vie, ou est-ce que les années amènent la sagesse ?

Tu peux être sage et me concernant je suis plus sage et j’en suis reconnaissante. Mais le côté rebelle est comme un lion qui sommeille : quand une émotion le réveille, il est bel et bien présent ! Clairement, ce côté rebelle ne disparaitra jamais même quand je serai redevenue poussière…


Le titre ‘Aka Chosen’ est un hymne gospel et negro spiritual à la tolérance envers la couleur de peau et l’orientation sexuelle. Penses-tu réellement qu’il soit possible un jour de ne plus avoir besoin d’évoquer ces sujets ?

J’y crois, j’y crois vraiment, pour être franche… Un président comme Obama élu en 2008 -quarante ans après l’assassinat de Martin Luther King Jr- et aujourd’hui, nous vivons dans un monde où la mort de Georges Floyd a éveillé les consciences et le jour où tu décides de refuser toute forme d’ignorance, d’intolérance… tu ouvres les portes à un jour où nous n’aurons plus à en parler.

Si tu fais un retour en arrière dans les années 1920 ou 1930, si tu frappais ta femme, ce n’était pas perçu comme une mauvaise chose : tu lui donnais juste un ordre. Aujourd’hui, ce type de comportement fait réagir le monde entier.


Nous avons fait un pas en arrière pour en faire pour en faire deux en avant…




Tu as raison, mais tu as mentionné Barack Obama, après son mandat, les Etats-Unis ont élu le président le plus intolérant, extrémiste qui soit avec Donald Trump…

Nous avons fait un pas en arrière pour en faire pour en faire deux en avant…


Tu estimes que Joe Biden va nous faire deux pas en avant ?

Absolument…


Hormis le fait qu’il soit revenu dans les discussions mondiales pour le changement climatique…

Mais c’est un excellent exemple : il y a vingt ans, parlions-nous du climat comme nous le faisons aujourd’hui et comme nous le ferons encore pendant des années ? Non !


Mais n’est-ce pas trop tard ?

Mais finalement, entre nous, la planète a-t-elle besoin de nous ?


Bien sûr que non, elle nous survivra mais je pense aux générations futures qui vivront dans des conditions déplorables que nous leur aurons laissé…

Nous trouverons une solution, nous trouvons toujours une solution…


L’album comporte deux duos, l’un avec Grant Haua (‘(Lover) You Don’t’) et l’autre avec Eliot Murphy (‘Pink Houses’). Comment as-tu choisi ces artistes ? Est-ce DixieFrog qui te les a suggérés ?

C’est effectivement l’idée de DixieFrog, André Brodzki et François Maincent plus précisément. Et je suis extrêmement contente de m’ouvrir à des mondes différents, des différents types de blues : Eliot Murphy officie plus dans un blues typiquement américain quand Grant Haua est plus dans un blues rugueux néo-zélandais… C’est vraiment beau et je suis très heureuse !


L’album commence par le titre ‘Woman Mind Of My Own’ qui est fortement inspiré par Robert Johnson…

Exactement !


… Ce titre blues des origines est-il pour toi un moyen de renouer avec tes racines afro-américaines ou l’envisages-tu plutôt comme ta façon à toi de dire aux gens : n’oubliez jamais que toute la musique que vous écoutez…

(Elle finit la phrase)… vient de là ! C’est exactement ça ! C’est une question géniale car c’est exactement ça : ne jamais oublier d’où le blues vient, ne jamais oublier le "crossroad", ne jamais oublier le père, Robert Johnson… Cet album contient différentes facettes du blues mais tout vient de là !
C’est vraiment une excellente question : merci beaucoup !


La musique folk est également très présente sur l’album avec des titres comme ‘So Far Away’, ‘Play On’ et la superbe reprise de ‘One More Try’ de George Michael…

Beaucoup de gens sont effectivement touchés par cette reprise : c’est incroyable !


Est-ce par nostalgie ?

Pas seulement ! J’ai un grand respect pour l’artiste George Michael. Les gens ne le réalisent pas parce que c’est devenu une icône mais c’était également un grand compositeur et pas seulement cette superbe voix du niveau d’un Freddie Mercury et peut-être mieux encore. C’était un artiste et un homme sensible !
Je voulais rendre hommage à cet artiste exceptionnel et cette chanson en particulier m’a toujours touchée et ce dès la première fois quand je l’ai entendue à mes 20 ans… Je voulais faire une version bluesy et folk de ce titre et je pense que ça fonctionne plutôt mal….


Et y-a-t-il un artiste actuel qui t’inspire particulièrement ?

Si je devais en citer un qui m’inspire : je dirais Curtis Harding que j’ai découvert récemment et dont j’ai l’album "Face your Fear" une sorte de soul black inspirée des années 1970…


Et finalement, que dirait la femme que tu es à présent à la petite Natalia de Brooklyn ?

Hum, ne t’en fais pas, "you got it !"


J’aimerais tourner le plus possible en Europe mais j’aimerais le faire revenir à la maison…




Et quelles sont tes attentes pour ce septième album ?

Tu veux dire ce que je veux vraiment ? J’aimerais que cet album aille aux Etats-Unis ! J’aimerais tourner le plus possible en Europe mais j’aimerais le faire revenir à la maison…


Pour le montrer à ta famille ?

Ce n’est pas qu’une question de famille, c’est le fait d’être américain ! J’ai choisi de venir vivre en France, un pays que j’adore mais retourner dans le pays dans lequel je suis née et montrer ce que je suis devenue…


C’est un besoin que tu as pour combler un manque ?

Ce n’est pas un manque mais je dirais plutôt le fils prodigue quand tes parents te disent qu’il est temps de quitter la maison pour devenir quelqu’un et que tu reviens montrer que tu es devenu quelqu’un…


As-tu déjà des retours concernant cet album aux Etats-Unis ?

Nous sommes en contact avec un impresario qui croit à l’album. Il reste désormais à attendre que les gens qu’il doit rencontrer y croient également… Nous verrons bien mais pour être totalement honnête, c’est en cours…


Et je suppose que cela concerne des dates de concerts ?

Oui, je joue Issy les Moulineaux le 27 janvier 2022 et nous sommes en train de conclure une tournée avec un agent : je ne peux pas en parler mais on est à deux doigts de le faire (Sourire)…


Une tournée française ?

… oui mais aussi internationale -européenne et américaine- mais je ne veux pas en parler tant que ce n’est pas fait…


On croise les doigts…

Et je compte bien te voir à de ces concerts (Sourire)…


Nous avons commencé l’interview par la question que l´on t´avait trop posée. Au contraire, quelle est celle que tu aurais souhaité que je te pose ou à laquelle tu rêverais de répondre ?

La question à laquelle j’aurais adoré répondre ? Hum, je dirais : "Est-ce que l’amour en tout est possible ?" et je répondrais : "Oui !". Aujourd’hui, j’ai réussi à m’aimer en tant que femme, en tant que blueswoman, en tout… Tu sais que c’est difficile de s’aimer et commencer à s’aimer est important pour pouvoir s’aimer soi-même pour aimer tout le reste…





Et quelle est ta recette ?

Être ma meilleure amie ! Car tu sais, finalement, on a plus d’empathie pour les autres que pour soi-même. Si tu te rends compte de ça, tu es sur la bonne voie…


Merci pour cette interview et cette belle leçon de vie…

Merci à toi pour cette interview qui va être superbe, j’en suis sûre et cette belle rencontre…
 

Merci à Newf pour sa contribution...


Plus d'informations sur https://www.facebook.com/nmkmusic
 
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