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TITRE:

ALTESIA (03 OCTOBRE 2021)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

METAL PROGRESSIF



Music Waves part à la rencontre de Clément Darrieu pour nous parler de "Embryo", le nouvel album marquant d'Altesia.
CALGEPO - 13.10.2021 -
4 photo(s) - (0) commentaire(s)

Décembre 2019 sortait "Paragon Circus" premier album du groupe bordelais Altesia qui s'inscrivait dans un metal progressif à la Opeth et Haken. Durant les deux années suivantes qui a vu une situation sanitaire qui a freiné les projets de promo et de concerts, le groupe a mis en gestation "Embryo" qui s'avère être le pendant plus lumineux et optimiste du premier album tout en ne perdant pas son caractère metal et progressif, en s'émancipant des premières influences. Music Waves évoque ce nouvel album et la suite de l'aventure Altesia qui tend vers plus de professionnalisme et la recherche d'un label, avec son créateur, Clément Darrieu.





Nous sommes le lendemain du concert donné au Salem avec Esthesis au cours duquel vous avez joué "Embryo" en avant-première après plus d'une année de sevrage, comment mesures-tu ce risque pris pour une telle reprise et quelles sont tes impressions à chaud ?


On a eu de la chance de faire plusieurs dates pour la fête de la musique et pour un tremplin, mais oui c'était le vrai premier concert d'Altesia depuis plus d'un an. Nous avons le goût du risque. C'est vraiment à chaud car c'était juste hier soir et on n'a pas eu le temps de débriefer tous les 5, mais je pense qu'on sera tous unanimes pour dire que la stratégie était plutôt payante de passer par cette case avant-première. Les gens avaient un tel besoin de retrouver les concerts "comme avant" sans masque, sans jauge, sans distanciation (NDLR : Le jour du concert la préfecture n'a plus obligé le port du masque à l'intérieur). Notre premier concert comme ça c'était il y a deux ans maintenant et on n'a jamais eu un tel live devant autant de monde dans une configuration normale. L'ambiance était électrique, il y avait une réelle communion et ce n'était pas évident pour des morceaux que les gens n'avaient pas entendus en amont. Ça nous donne de l'espoir pour cet album car si ça a été comme ça sur scène avec un public qui n'avait pas entendu les morceaux, on a hâte qu'il le découvre dans deux semaines.


Je voulais que les gens qui avaient fait la remarque, et à juste titre, se disent que je les ai écoutés.



"Paragon Circus" a été très bien accueilli par la critique mais aussi par le public, comment as-tu perçu ces retours et est-ce qu’ils t’ont donné plus confiance en ce projet ?

C'est vrai qu'on a eu de très bons retours. C'était notre premier album et ce n'était pas évident de le juger de l'intérieur, à plus forte raison qu'on ne se connaissait pas vraiment bien encore. Il y a eu un changement le line up à la dernière minute puisque notre bassiste d'origine a été remplacé par Hugo. Je pense que ça nous a effectivement encouragés dans cette voie-là. Après, ce qui est bien avec les chroniques, c'est que le rôle du chroniqueur n'est pas de dire uniquement "c'est bien" ou "écoutez cet album"... mais c'est aussi mettre en avant certains points. Quelques-uns sont revenus dans les critiques, notamment sur le chant qui semblait trop lisse et qui soulignaient son manque d'énergie. Je ne m'en rendais pas forcément compte sur le moment et finalement je l'ai réalisé après coup, c'est quelque chose que j'ai d'abord travaillé  sur scène. Pour cet album c'est quelque chose sur laquelle j'ai été plus attentif. Je voulais que les gens qui avaient fait la remarque, et à juste titre, se disent que je les ai écoutés. Je suis content de l'album parce qu'on est sur le point de le sortir mais si tu me reposes la question dans 6 mois, j'aurai sans doute des choses à redire (rires).


Même si il faut de l'autocritique, à un moment il faut sortir le truc, la perfection n'existe pas...


C'est sûr, et c'est même néfaste car vouloir la perfection, c'est impossible. On ne peut pas tout maîtriser, c'est une perte de temps et ça attaque trop le moral.


Les imperfections c'est ça aussi qui donne un aspect moins lisse ...

On est avant tout des êtres humais ce qui rend la chose perfectible.


Comprends-tu aussi ceux qui ont ressenti un peu trop des influences d’Opeth et de Haken, que vous citez encore à ce jour et pourquoi est-il encore indispensable, notamment sur les réseaux sociaux, de citer ces groupes ?

Pour la deuxième partie de ta question, en fait, je trouve que c'est important de les citer car ça permet à plein de gens qui n'ont pas écouté de découvrir tel groupe parce que ça a telle influence. Je fais partie de ces gens là, il y a plein de groupes que j'ai découvert comme ça. C'est une porte d'entrée. L'idée n'est pas non plus de tomber dans la démesure de références mais d'avoir un éventail de 3-4 groupes pour donner une idée de ce que c'est. Après, je comprends tout à fait que l'album a été perçu dans l'esprit que tu relèves dans ta question, quoi que Haken, je ne le ressens pas trop  sur le premier album. L'influence Opeth était à mon sens beaucoup plus présente. Il faut dire que c'est avec ce groupe que j'ai découvert le death progressif et au moment de l'écriture de "Paragon Circus", je les avais encore dans la tête. Il n'y avait pas l'idée de faire l'album que Opeth n'a pas fait, je n'ai pas cette prétention ni cette volonté, mais je pense qu'inconsciemment, le fait de savoir que c'est un groupe qui a une notoriété dans le style, savoir qu'on fait un peu comme eux, ça veut dire que c'est un gage de qualité et que ça va plaire à du monde.


Depuis lors tu as dû découvrir d’autres groupes comme Wilderun, The Reticent dont on mesure la découverte dans ‘The Mouth Of The Sky’ et ‘Sleep Paralysis’ augmentant ainsi le spectre de ton propre son, comment arrives-tu à en tirer la substance pour éviter l’écueil de la copie ?


(Rires) Du coup autant je ne suis pas sûr d'avoir réussi sur le premier, autant sur le deuxième je pense qu'il s'est passé pas mal de temps, environ 4 ans entre la fin de l'écriture de "Paragon Circus" et "Embryo" où j'ai pu écouter pas mal de choses différentes, pour s'émanciper de l'influence Opeth. Je voulais absolument éviter une redite. J'essaye de faire en sorte que le jeu des influences soit plus diffus en ajoutant plus de références car pour moi on a une musique qui se veut sans frontières, sans barrières. L'avantage ce cette musique c'est qu'au sein d'un même morceau on peut balayer beaucoup de styles tout en faisant du Altesia. Pour éviter les ressemblances, on a fait énormément d'arrangements pour "Embryo" en travaillant chacun certaines sections pour que chaque membre y mette sa patte. Il y a beaucoup de différences entre les démos que j'avais enregistrées et la version finale, et parfois très nettes.





Dès 2019, tu disais avoir déjà une idée assez précise de ce qu’allais être "Embryo" à la suite de "Paragon Circus", c’est en quelque sorte sa suite logique. L'une des dernières phrases d’ailleurs de 'Cassandra’s Prophecy' est "Hope Will Remain" pour faire la transition. Depuis on a vécu les évènements qu’on n’imaginait jamais vivre mais aussi sur le plan personnel, est-ce que cette période a remis en question ce que tu avais prévu pour "Embryo" ?

Non, je l'ai vu comme une aubaine. Le timing a été pourri pour nous. "Paragon Circus" est sorti le 11 décembre 2019 et on a été confiné le 17 mars 2020. On a eu trois mois pendant lesquels on a pu faire 3 concerts et puis c'était la paralysie. Cela a marqué un vrai coup d'arrêt car on espérait faire plus de dates à l'extérieur de Bordeaux. Du coup, j'en ai profité pour me mettre sur l'écriture de l'album avec tout le temps libre. Le premier album avait été assez laborieux à écrire et pour "Embryo", non. L'album a été écrit de mars à mai 2020 puis j'ai repris après la naissance de mon fils. Cette année a été marquée par les répétitions. Cette période nous a permis de bien peaufiner l'album, ce qu'on n'aurait peut être pas pu faire en situation normale. Tu me disais tout à l'heure comment éviter l'écueil de la copie, il y a sur "Embryo" trois passages qui semblaient beaucoup trop proches soit d'un artiste soit de carrément, et là ça me gène plus, d'un morceau d'un artiste, on a changé les riffs ou des lignes de chant pour s'en éloigner. Ce temps nous a permis de prendre du recul et de remarquer ces petites choses.


Le défi a été de faire mieux en tous points.


Quel ont été les plus grands défis à surmonter pour la conception et l’enregistrement de "Embryo" ?

Le défi a été de faire mieux en tous points. Après c'est hyper subjectif l’appréciation du résultat. On a écouté beaucoup le premier album pour identifier les points sur lesquels s'améliorer, franchir un cap. Par exemple, au niveau du clavier, Henri avait un jeu plus réservé sur Paragon, et là on l'a poussé car on pressentait qu'il pouvait nous sortir des passages de malade. Le résultat est exceptionnel notamment sur 'Exit Initia' où il a fait un travail de dingue. A la basse également, notre ancien bassiste avait fait un truc propre, mais pour moi ça manquait un peu de ce côté aventureux que Hugo a su apporter. De mon côté je me suis amélioré sur le chant. La batterie de Yann et la guitare d'Alexis étaient déjà très bien et c'était moins un point sur lequel on ferait la différence. On a fait également masterisé l'album par un studio professionnel ce qui donne un son plus moderne. Voilà, le plus grand défi a été la progression.


A l'origine c'était ton projet, tes compositions. Maintenant, vous vous connaissez un peu plus, est ce que tu as donné plus de latitude au membres du groupe pour apporter leurs idées et donc lâcher un peu la bride ?


Sur "Paragon Circus" j'avais une vision très précise et je ne connaissais pas trop les gars, et c'est vrai que j'avais un peu peur que le bébé m'échappe, que je perde la main sur certains trucs. Mais quand j'ai vu ce qu'ils pouvaient faire lorsque je leur laissais un peu plus de marge de manœuvre, je me suis dit que c'était dommage de me limiter à ce que moi j'ai dans ma tête. Donc pour "Embryo" je leur ai laissé un peu plus de liberté. Il y des passages où ce n'était pas négociable comme par exemple la première moitié du solo de 'The Remedial Sentence', sur le passage funky que j'ai écrit note à note... mais après il y a plein d'aspects où c'était carte blanche et ça a donné des résultats auxquels je ne m'attendais pas du tout, et c'est génial car ça met la barre plus haut. Au delà de la qualité de l'album, il représente le Altesia de 2021, pour le prochain album on sera à un stade différent et on trouvera "Embryo" très bon mais peut-être que cela ne nous correspondra plus... je suppose.


Altesia n'a pas peur de mélanger des styles qui peuvent être antinomiques même si ça peut paraitre incongru ou décousu. C'est notre ADN.


Si "Paragon Circus" était axé sur le côté destructeur de l’homme, "Embryo" repose plus sur l’aspect créateur de l’être humain ; tu expliquais que ça se ressentirait au niveau des paroles, mais cela aussi transparaît dans la musique où il y a vraiment des moments fous (‘Sleep Paralysis’ avec son passage guiguette, à la Queen ou Leprous au niveau du chant) mais aussi ces moments d’accalmie qui y sont plus développés que sur "Paragon", cela traduit ta vision de la création, de n’avoir pas de limite ?
 

De plus en plus oui, j'ai envie encore d'aller vers plus d'expérimentations ! C'est un truc que j'adore et je trouve qu'on le retranscrit pas mal sur scène, notamment hier. Pour moi c'est ce que doit être la musique progressive, ne pas se mettre de barrière. Altesia n'a pas peur de mélanger des styles qui peuvent être antinomiques même si ça peut paraitre incongru ou décousu. C'est notre ADN. 


Il semble aussi être plus progressif que pouvait l'être "Paragon Circus" et plaire à des gens qui n'apprécient pas trop le metal...


Ce n'est pas écrit dans cette optique-là mais c'est agréable de jouer x styles car ça varie les ambiances. Un bon morceau progressif t'amène vers plusieurs phases. Tu peux faire le plus long des morceaux, si il arrive à te faire passer par différents stades, genres, finalement le temps passe vite car tu es sans cesse surpris, entraîné par une forme de dynamique. C'est vraiment ça que j'essaye d'insuffler dans mes compositions et qu'on retravaille à 5. Après, ça fait des morceaux fun à jouer.


Vous aimez aussi vous surprendre et vous challenger, aller au-delà de ce que vous savez faire ? 


Sortir de sa zone de confort, tout à fait. Tu vois, Alexis nous a sorti des solos qu'il disait injouables et qu'il a fallu qu'il bosse et rebosse car il tenait à y arriver. Moi c'est pareil, j'ai eu des parties guitare et chant ambitieuses par rapport à ce que je pouvais faire et je pense que c'est comme ça qu'on progresse aussi. C'est un bon moyen de fonctionner.





De plus en plus de groupes s’inscrivent dans une certaine modernité avec l’utilisation de l’électro voire de la pop (Vola) ou s’orientant vers des choses plus extrêmes ou à la structure plus classique classique (Soen) tout en conservant une étiquette prog alors que Embryo comme Paragon semblent plus avoir cette essence historique, quel est ta conception de la musique prog ?

C'est un point très important du prog, d'avoir des concept et d'avoir des passages clés dans une histoire pour faire le lien entre la musique et les ambiances. Mais pour moi il y a pas mal de paramètres, c'est compliqué à définir comme style, car on peut plus ou moins tout mettre dans le terme "progressif". Les ruptures de style sont pour moi le critère numéro un pour être étiqueté prog car beaucoup de groupes dits "prog" ne le sont pas, non pas sur le critère de "ça me plaît ou pas". J'ai un peu l'impression que c'est devenu un terme pour être vendeur alors que sur le papier y a rien de plus anti-commercial que le progressif. Il y a plein de groupes qui se définissent comme ça parce qu'à un moment c'est un groupe de metal alternatif et lorsque ça revêt des accents plus modernes, tout de suite c'est du progressif. Alors que je ne dis pas que Altesia est un groupe de metalcore mais par moment il y a quelques passages death metal et je pourrais dire qu'on est un groupe de death alors que ce n'est pas le cas. Je trouve qu'on a glissé dans la sémantique. On est dans l'air du djent et du metal moderne, mais pour moi autant on pourrait le raccrocher à du prog en termes de production mais dans l'essence même du truc, ça ne l'est pas.


Ce rééquilibrage vient de la volonté de mettre en avant Henri et de lui confier des solos qu'on ne lui aurait pas confiés sur "Paragon Circus" parce que là il s'est lâché.


"Paragon Circus" mettait en avant les guitares avec une vingtaine de solos, il y en a moins dans "Embryo" et plus de solos de synthétiseurs, qu’est-ce qui a guidé de rééquilibrage ? C’était une volonté d’apporter plus d’atmosphères et accentuer le côté cinématographique au regard du concept ?


Je pense pas que ça ait un lien avec le concept. Quand je compose et quand je sais qu'il y a un solo qui arrive, je sais si ça va être synthé ou guitare. Après comme avec 'Exit Initia', j'essaye de faire en sorte qu'il n'y ait pas 3 solos de guitare avant qu'arrive un solo de synthé pour équilibrer les choses. Ce rééquilibrage vient de la volonté de mettre en avant Henri et de lui confier des solos qu'on ne lui aurait pas confiés sur "Paragon Circus" parce que là il s'est lâché. Quand il m'a envoyé le long morceau qui est pour moi un chef-d’œuvre de synthé, il avait muté toutes les autres pistes et il y a plein de trucs qu'on entend pas forcément mais qui ajoutent des textures. Toutes les pistes de synthé se suffisaient presque à elles-mêmes. C'était grandiose. Il a pris plus de confiance et s'est plus affirmé dans le groupe.


Il y a une trentaine de sons sur ce titre ?


Je crois qu'on est plus du côté de 90. A un moment il a superposé des sons de cloches, clochettes sur la fin et ça donne une atmosphère épique. Le travail a été très conséquent - et d'orfèvre !


Alexis a d'ailleurs eu une belle idée pour le dernier solo de ce morceau sur environ une minute trente. Il y a des passages de tous les solos de guitare de l'album avec des phrases qu'il a reprises sous une autre tonalité.



Dans ce nouvel album il y a donc un nouvel épic de plus de 20 minutes ‘Exit Initia’ décomposé en 4 parties avec des rappels à ‘Réminiscence’ dont il peut être vu comme la suite, outre le fait de te faire plaisir, c’est aussi une manière de vouloir te et vous surprendre, ce genre de composition ?


C'est tout à fait ça ! Pour nous c'était la première fois, ce genre de clin d’œil. La volonté première était effectivement de faire une suite à 'Réminiscence'. Il aurait pu s'appeler 'Réminiscence part 2". Cependant j'avais envie que son existence ne passe pas uniquement à travers ce titre, ça aurait été trop réducteur. Je voulais qu'il vienne en clôture de ce double concept par le biais de rappels au premier album mais aussi à 'Micromegas'. Alexis a d'ailleurs eu une belle idée pour le dernier solo de ce morceau sur environ une minute trente. Il y a des passages de tous les solos de guitare de l'album avec des phrases qu'il a reprises sous une autre tonalité. Si vous tendez bien l'oreille vous pourrez les reconnaître. C'est hyper intéressant et ça accentue aussi le côté concept.


C'est difficile à composer ce genre de morceau pour conserver l'intérêt et l'attention pendant plus de 20 minutes ?


Je pense que l'instinct joue beaucoup. Tous les longs morceaux ne sont pas tous bons mais ils sont tous attendus au tournant par tous les fans de prog. C'est là qu'on peut développer nos idées à 100%. Je trouve que quand ça ne marche pas bien c'est parce que c'est trop osé sur certains trucs. Je disais qu'il ne fallait pas de barrière, mais parfois tu as l'effet un peu de patchwork où il y a des sections juxtaposées mais sans liens et par moment ça pêche un peu. Autant j'aime bien mettre plein de styles autant pour que ce soit réussi il faut soigner ses transitions pour éviter le côté trop décousu même si le ressenti reste subjectif.





Tu te mets à la place du public, vous n'êtes pas autocentrés dans ce genre d'exercice ?


On compose avant tout pour nous-mêmes, nous faire plaisir. C'est un peu un pari plus fort ce type de morceau, en se disant que si j'aime d'autres vont aimer et vice-versa. Pour moi il faut être en accord avec ce que tu composes, et si tu composes vrai pour toi, que tu aimes ce que tu as fait, incontestablement il va y avoir des gens qui vont te suivre et apprécier.


"Embryo" vient donc clôturer le concept commencé par "Paragon Circus", il clôture un premier chapitre pour Altesia. Toi qui aimes expérimenter, qui es ouvert, comme un peu Steven Wilson dont tu apprécies le travail, qu'est-on en droit d'attendre pour la suite ?


Normalement ce sera un album d'électro polka avec du chant traditionnel arménien qui est prévu (Rires). Un triple album de trois heures vingt. Plus sérieusement j'ai déjà des idées pour le prochain album. Pour "Embryo" on a un peu écrit de manière collégiale pour certains passages, voire des morceaux. 'A liar's Oarth' vient d'une démo d'Alexis qui a été entièrement retravaillée, pour 'Exit Initia' on a tellement arrangé et travaillé certains passages... Du coup dans ce que je compose actuellement, j'ai envie d'expérimenter les morceaux un peu plus courts et d'avoir des titres parmi les plus fous et plus puissants par rapport à ce qu'on a fait jusqu'à présent. Sur scène c'est génial aussi à jouer pour créer une communion....


... Que l'on a vue hier avec donc 'A liar's Oarth' qui reste en tête, les gens chantaient presque tous... C'est le moins progressif et c'est peut-être celui qui marchera le plus. Tu te sens pas tiraillé d'aller dans ce choix là, de simplicité et de laisser un peu de côté l'aspect prog plus réservé à une niche ?


Je pense que c'est bien d'avoir un ou deux morceaux dans ce genre d'album surtout nous qui avons une volonté de nous renouveler. Jamais ce morceau n'aurait eu sa place sur "Paragon Circus". C'était pas nous. C'est le dernier titre qui a été ajouté. Initialement il y avait "Sleep Paralysis" puis 'Exit Initia' et je me disais que ça aurait été un gros morceau à s'avaler et qu'il fallait intégrer un morceau plus accrocheur pour temporiser avant d'envoyer le pavé. C'est bien sur CD car ça permet de garder la dynamique, et ça maintient l'intérêt après plus d'une demie heure d'écoute car aujourd'hui avec la génération playlist les gens décrochent assez vite, même si dans ce style on est assez épargné. Sur scène ça dynamise les choses et permet de faire redescendre un peu l' effort d'attention par son immédiateté.


Il peut être vu comme Steven Wilson le fait comme un point d'entrée dans un univers plus dense, ce genre de morceaux ne sont pas à négliger...

Oui tout à fait, c'était aussi l'objectif. Si ça permet d'aller chercher des gens qui sont plus de la scène djent ou metal moderne ou pop c'est carrément une porte d'entrée. Après ils risquent de se dire que c'est le seul morceau qu'ils aiment mais au moins ils auront vu notre nom... Le single a été bien accueilli.


Si nous-même on est en accord avec qui on est, être ancré dans ce qu'on aime, faire ce qu'on aime, le bonheur et la bonne humeur qui en ressort est plus contaminant que le variant delta.


Vous avez fait deux clips (‘Mouth Of The Sky’ et ‘A Liar’s Oath’) et l’un et l’autre ont un côté sombre au début qui rappelle le premier album avec son côté destructeur puis ensuite prend le contrepied avec un côté lumineux, heureux, une sorte de rédemption que semble être "Embryo", une lutte interne entre le mauvais et le bon en chacun de nous ...


C'est ça, le message de l'album et de chaque chanson est que là où "Paragon" représentait l'aspect destructeur de l'homme et de la société occidentale qui est arrivée au bout d'elle-même à bien des niveaux, "Embryo" en prend le contrepied, non pas qu'un changement salvateur vienne d'en haut mais si tu veux faire changer les choses : "sois le changement que tu veux voir dans le monde" qui est une phrase de Gandhi. Cela peut paraitre bateau de dire ça, mais déjà si nous-mêmes on est en accord avec qui on est, être ancré dans ce qu'on aime, faire ce qu'on aime, le bonheur et la bonne humeur qui en ressort est plus contaminant que le variant delta. ça touche tout le monde et ça peut inspirer les gens. C'est parfois dur à trouver ce qui est illustré dans 'Mouth Of The Sky' où tu vois la personne dans un état de perdition qui après une période d'introspection va trouver sa voie et son chemin. Dans le clip la personne trouve le groupe et prend conscience que la musique est son échappatoire. Pour nous musiciens c'est ce qui nous porte et nous pousse. Il y a ce côté yin/yang où le noir et le blanc sont imbriqués et dans la vie c'est comme ça. Dans chaque lumière il y  a de la noirceur. L'idée de "Embryo" est que pour nous améliorer en tant qu'individus on part tous du début, du stade embryonnaire, en faisant des erreurs comme en a dû en faire Gandhi avant de devenir le personnage que l'on connait. Je dis pas qu'il faut qu'on soit tous des sages ultimes mais c'est une quête de s'améliorer soi-même...





Mais ce n'est pas idéaliste au regard de l'époque actuelle où tout est très individualiste ?

Je pense que c'est plus dur, ça c'est sûr, parce que ça implique de ce couper du regard des autres et déjà sur "Paragon Circus" on évoquait cette coupure. C'est un sujet qui me tient à cœur car j'en ai souffert moi-même quand j'étais plus jeune quand je me construisais, c'est encore le cas aujourd'hui mais dans une moindre mesure. Mais malheureusement, on est matraqué par certains modèles, dans la pub, les émissions, les réseaux sociaux et à une ère où on peut difficilement échapper à ça, c'est plus difficile. C'est faisable si on arrive à déterminer nos priorités de vie et si on est décidé à aller jusqu'au bout du chemin.


Ce travail de chacun dans notre société semble vain...

Après ça reste aussi une démarche individuelle, tu vas pas le crier sur tous les toits. Ça reste du domaine de l'intime et chacun à son niveau peut s'interroger déjà sur le fait de savoir si il est heureux dans la vie ? Je prends le gars qui part le matin très tôt, bosse toute la journée, rentre tard le soir qu'il n'a plus d'énergie pour faire quoi que ce soit et que le week-end il y a des taches ingrates à faire... Tu peux être pendant des années la tête dans le guidon sans avoir pris de recul et de te demander si tu es heureux... C'est déjà une première étape et si la réponse est non ou partielle, la seconde question est : qu'est-ce que je peux faire ou mettre en œuvre pour être heureux ? Tu vois, au départ, je n'étais pas destiné à Altesia, j'ai commencé la musique sur le tard, ça a été toujours un rêve de faire ce que je fais aujourd'hui avec le groupe. J'avais fait des études en ressources humaines, après un master j'étais voué à bosser pour un cabinet de recrutement et je me suis senti aliéné. C'est après un voyage de 6 mois en Nouvelle-Zélande que j'ai complètement coupé avec ça et que j'ai compris que la musique comptait dans ma vie et que mon bonheur ne passerait pas par mon métier et à côté je jouerais un peu de musique, mais qu'il viendrait en inversant les choses c'est-à-dire que la musique me l'apporterait tout en ayant une base stable avec mon métier. Du coup, vu que je suis très épanoui par le côté musical aujourd'hui, je pense que je pourrais faire n'importe quel métier parce que j'ai ce moteur qui me porte.


Mais aussi, dans ton boulot tu laisses pas de trace contrairement à la musique et ces albums où tu laisses quelque chose, une trace ... tu peux te dire : "J'ai touché des personnes" (hier une centaine !) là où dans ton métier c'est plus transparent...


Carrément, c'est important de laisser quelque chose. C'est grâce à des personnes qui ont entrepris que la vie est intéressante. Notamment dans l'Art où sans cela la vie serait creuse. En tant que compositeur c'était presque un devoir de laisser une trace de notre passage avec Altesia. Et le fait de pouvoir attirer des gens dans notre univers, au même titre que moi je suis fan de Opeth ou Haken, des musiciens que j'admire, alors que dis que Altesia est au même niveau d'admiration, c'est énorme de voir le bonheur qu'ils ont reçu, les voir repartir avec ton CD, de voir leur retours positifs. C'est très égoïste artiste, c'est chercher à se faire plaisir et des fois on est obligé de mettre de côté certains aspects de sa vie, délaisser un peu sa famille car on est absorbé dans notre processus de création. Mais quand tu vois des concerts comme ça, tu sais que ce n'est pas que pour toi que tu le fais c'est aussi pour ce partage-là et c'est très gratifiant.


De voir encore les gens venir alors que Altesia en est à peine à 10 concerts et en plus proposait de découvrir des titres d'un album pas encore sorti, c'est rassurant vis-à-vis de l’appauvrissement culturel que l'on mesure actuellement...

Quand tu me disais que c'est difficile d'avoir ce cheminement intérieur pour s'améliorer, les gens qui liront cette interview ou qui prendront le temps de lire les paroles, ça peut les inspirer aussi. Du coup, il y a un appauvrissement culturel notamment sur la musique actuelle mise en avant. Pour nous on est à contre-courant de tout ça, on n'est pas là pour faire du pognon mais pour assouvir un désir d'écriture et d'être fier.


Et avec "Embryo" vous franchissez un cap indéniablement. Vous sentez ce franchissement vers le professionnalisme et être contactés par un label et vivre de votre musique ?

C'est un objectif sur le long terme. Tous les gens te diront que c'est environ 10 ans de galère avant de faire un peu de bénéfice. L'argent n'est clairement pas le moteur, déjà on ferait pas ce genre de musique, si ça l'avait été mais on ne serait pas forcément heureux. Mais oui on tend vers ça avec les clips et les singles qui sont sortis... On a plus pensé la promo pour cet album par rapport à "Paragon Circus". On espère des dates à l'étranger ou dans des plus grandes salles. On a l'immense honneur de jouer le 22 octobre au Ready For Prog? festival à Toulouse qui a déjà démontré qu'il était capable de faire venir des excellents groupes de metal progressif. Après on pourra jouer en Allemagne... On a eu des touches mais c'est au stade embryonnaire. On est encore vert mais pourquoi pas dans quelques années et avec comme but ultime de pouvoir en vivre un jour. Cela permettrait d'y accorder plus de temps car si tu as un boulot à côté tu peux pas toujours donner plus.


Tu ne crains pas aussi le fait de se laisser griser par la reconnaissance et d'exploser en plein vol... Comment garder les pieds sur terre ?

C'est la conséquence directe de la mondialisation et du streaming. N'importe qui dans le monde peut l'écouter et c'est grisant : des gens veulent que tu viennes dans leur pays. Mais ça reste encore à la marge dans notre cas.. On ne fait pas des millions de vues...


Certes mais tu commences à être sponsorisé par Youtube... donc ça va t'amener du monde.... Et certains groupes ont splité même sans avoir des millions de vues...

On n'en parle pas entre nous encore, on reste mesuré car le succès reste confidentiel. On sera pas des U2...


Mais les nouveaux Haken, oui...

(Rires) Ça nous prendra du temps. On vit cela au jour le jour mais comme je te le dis, le genre fait pour l'instant qu' on n'a pas à se griser...





Cela aurait plus vite si vous aviez été anglais ?

Peut-être, après on n'a pas axé la communication trop en France et on essaye de plus viser l'étranger car en France hélas c'est plus difficile de faire venir des gens à des concerts... C'est un sous-genre assez méconnu même si on a des très gros fans qui font beaucoup pour nous. Le réservoir est plus grand à l'étranger et on a misé là-dessus.


Qu'est-ce que tu attends de ce nouvel album ?


Franchir un nouveau cap, plus de public. Espérer de faire plus de concerts, hors de Bordeaux... Susciter la curiosité d'un label, travailler avec des tourneurs et pouvoir engranger de l'argent pour le réinvestir dans le groupe pour faire des versions vinyles qui coûtent très cher à produire. C'est aussi un moyen de subsistance, le merch... Si on veut en vivre il faut s'attarder sur ces points. Un peu de tout ça. Espérer des bons retours et se dire que dans un an il n'était pas si génial cet album et qu'on peut encore mettre la barre un peu plus haut...


Merci beaucoup !

Merci, c'était cool. Merci aux gens qui nous écoutent de plus en plus nombreux, quand on voit l'ambiance d'hier, c'était super. C'est très gratifiant car on fait de la musique pour nous-mêmes mais quand on la partage, au vu de la réaction du public ça nous porte et je souhaite un jour à chacun d'avoir ce sentiment fort, d'extase et de partage, quel que soit le travail qu'on fait et j'invite chacun à suivre ce petit chemin intérieur pour nous guérir de cette société malade. Ce sont des petits pas qui font des longues routes. Merci à Music Waves pour cette belle interview et le soutien.

Crédit photos : Thierry Bouriat


Plus d'informations sur https://www.facebook.com/altesiamusic/
 
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