Pour ce quatrième rendez-vous avec Pat O'May, notre ami guitariste nous a concocté un tout nouvel album qui marque un nouveau tournant tant musical avec un album aux accents progressifs -qui devrait ravir les lecteurs de Music Waves- qu'extra-artistique. Pour l'occasion, Pat s'est entouré d'une équipe étoffée qui lui permet de travailler de façon plus professionnelle et devrait ainsi permettre à son art de toucher un public plus large... En clair, à l'aube de la première page de ce nouveau chapitre, Pat O'May se donne les moyens de ses ambitions...
Je ne dirais pas que "One Night In Breizh Land" clôturait un chapitre mais il faisait un état des lieux
Nous nous étions rencontrés au même endroit il y a 3 ans pour la sortie de ton double live "One Night In Breizh Land". Nous nous retrouvons en 2021 à l’occasion de la sortie de la sortie de "Welcome to a New World". Première question évidente concernant le titre de l’album sachant que tu as dit que tu avais trouvé le nom de l’album avant la pandémie : aurais-tu des talents cachés de devin ou est-ce simplement que cet album est un nouveau chapitre de la carrière de Pat O’May qui s’ouvre sur un nouveau quart de siècle ?
Pat O'May : Je crois que tu es en plein dedans (Sourire)… Je ne suis pas du tout devin : j’aurais vraiment aimé que le titre de cet album ne corresponde pas du tout avec ce qui se passe en ce moment.
Je ne dirais pas que "One Night In Breizh Land" clôturait un chapitre mais il faisait un état des lieux. Et au départ, le titre de "Welcome to a New World" est également venu avec la musique parce que ça change…
D’ailleurs, dès le visuel entrevu lors de cette journée promo, on se rend compte qu’on entre dans un nouvel univers pour toi qui laisse augurer d’un album concept. Même si on sait de quoi il retourne, pourrais-tu nous en dire plus sur les thèmes principaux et le personnage principal No Face que tu évoques dans tes textes ?
Le thème principal de l’album est comment lutter contre les peurs qui nous enferment, qui font qu’en cédant à la peur, on a perdu le sens critique. Cela se traduit par une perte de la vision, de l’odorat, de l’audition, de la parole… mais tout ça est la résultante des peurs dans lesquelles on se laisse emprisonner.
Le sujet principal est qu’il faut combattre nos peurs pour s’en extirper et vivre de nouveau. Toute la question que se pose No Face au départ est de savoir s’il est né ainsi sans visage… ou s’il est devenu comme ça. Et s’il est devenu ainsi, pour quelles raisons ?
Et y-a-t-il un côté autobiographique dans ce personnage ? En clair, te serais-tu petit à petit également laissé enfermer dans tes peurs ?
Il n’y a pas plus de liens que ça sauf que nous sommes tous un peu No Face. Mais ce concept n’est pas une auto-analyse : ça aurait pu être le cas, mais ce n’est pas le cas.
Envie de faire quelque chose d’autre !
Malgré tout, t’es-tu remis en question pour cet album sachant que ce dernier sort un peu voire parfois beaucoup de ce que tu avais l’habitude de nous proposer jusqu’à présent ?
C’est juste l’envie de faire quelque chose d’autre !
Quel a été le déclic ?
En général, c’est ce que j’essaie de faire depuis le départ : il n’y a pas un album qui ressemble réellement complétement à un autre. Mais pour cet album, j’ai poussé le bouchon beaucoup plus loin : je voulais une écriture quasiment cinématographique.
Mais j’ai juste laissé voguer mon inspiration : il n’y a rien de calculé. La seule chose qui a été calculée est que je voulais faire un concept-album et au lieu de raconter une histoire sur 3 ou 6 minutes, la raconter sur un peu plus d’une heure…
Lors de notre précédente rencontre, tu m’avouais que le prochain album était prévu pour le printemps 2020. Cette prévision aurait-elle été tenue sans la pandémie ?
Absolument !
En gros, tu avais déjà du matériel lorsque nous nous étions rencontrés donc ?
Je n’avais rien écrit. J’ai écrit cet album entre novembre 2019 et janvier 2020. On avait prévu que ça sorte en mai. On pouvait respecter ce timing, tout était calé… mais voilà (Sourire) !
Qui dit album-concept, dit progressif. "Welcome To A New World" est ton album le plus prog à ce jour avec des titres comme ‘I Shall Never Surrender’, ‘We Can Hear You Calling’, ‘Friend’ ou ‘In This Town’. A force d’écouter du prog, tu as donc fini par…
… progresser (Rires) !
… vraiment sauter le pas. Quel a été l’élément déclencheur : l’écoute d’un album de prog en particulier ?
Je pense peut-être l’écoute de groupes comme Sons Of Apollo. Ce qui est marrant d’ailleurs, c’est que leur dernier album (NdStruck : "MMXX") est sorti au moment que j’étais en train d’écrire "Welcome to a New World". Et j’envoyais mes maquettes à Ron Thal avec qui j’échange très régulièrement et il m’a répondu : "Putain mais tu as écouté notre album !" (Rires)…
Il y a effectivement deux ou trois trucs mais ce n’était clairement pas une volonté. Ça s’est fait comme ça, c’est bizarre !
Tu cites Ron Thal qui s’est parfaitement fondu dans des groupes comme Guns’n’Roses ou Sons of Apollo en revanche, on ne retrouve pas la patte du Bumblefoot d’un "Hermit", "Hands "ou "Uncool"… Tu n’avais pas peur en te lançant sur une autre "route" de perdre une partie de la patte Pat O’May ?
Je ne pense pas. Je ne me pose pas ce type de question : je m’en fous ! Je fais ce qui me sort des mains et si ça sort de mes mains, c’est que c’est en moi !
J’aurais également pu me poser la question de l’accueil des fans vu que cet album ne comporte aucune note de celtique… mais je ne me pose pas ce type de question…
Nous y venons, même si ta carrière est marquée du sceau de l’exploration, ta marque de fabrique a toujours été un mélange de hard rock et de musique celtique. Pourtant dans cet album, le côté celtique se fait beaucoup plus discret à part sur l’intro de ‘I Shall Never Surrender’. Pourquoi un tel choix ? A-t-il été guidé par le concept ou est-ce une évolution naturelle de ce nouveau chapitre de ta carrière que nous évoquions en introduction ?
C’est vraiment une évolution naturelle : je n’ai pas cherché à gommer telle ou telle chose…
L’empreinte celtique est présente dans mon jeu [...] Tout est dans les gènes, ce sont mes racines mais je l’exploite différemment mais ça fait partie de mon vocabulaire.
Mais puisque tu sembles dire que c’est une évolution : est-ce à penser qu’on risque de ne plus retrouver de notes celtiques dans la suite de ta discographie ?
Je vais répondre en deux temps. Premièrement, la seule chose dont tu es sûr est que je ne ferais jamais est un album de reggae et ensuite, le côté celtique qui a été développé sur d’autres albums avec des vrais thèmes n’avait pas sa place sur cet album vu qu’aucun thème celtique ne m’est venu quand j’ai écrit cet album. Ça ne venait pas, dans ces conditions pourquoi me serais-je forcé à le faire ? C’est juste que ça n’avait pas sa place dans cet album.
En revanche, l’empreinte celtique est présente dans mon jeu, dans ma façon de
choruser… mais c’est noyé dans tout le reste… D’ailleurs, quand je prends le bouzouki sur le premier morceau, il y a un côté folk…
Tout est dans les gènes, ce sont mes racines, mais je l’exploite différemment, ça fait partie de mon vocabulaire.
Mais de la même façon, tu peux retrouver le côté prog -qui a été beaucoup plus développé sur cet album- sur " Behind the Pics" : ce sont des ponts qui se font !
En revanche, l’album est clairement orienté hard rock avec des titres comme ‘The Grinch’ ou ‘The Warrior’, voire heavy metal sur le morceau ‘Simple Mind’. On n’avait clairement plus entendu ça de façon aussi franche depuis des titres comme ‘Blood’ sur "Breizh Amerika".
Complétement ! On avait peut-être ‘No Religion’ sur "Behind the Pics"…
Je suis le premier spectateur de ce qui sort de mes doigts !
… Même question que celle précédente, cette orientation a-t-elle été dictée par le concept de l’album ?
Non, non, ça sort ainsi ! C’est toujours assez compliqué d’expliquer, je ne suis pas du genre à chercher des explications mais je suis le premier spectateur de ce qui sort de mes doigts !
Je ne calcule rien, la seule chose que je savais en commençant l’écriture de cet album était que je voulais faire un concept-album, faire ce voyage de plus d’une heure. En revanche, dans mon process, il n’a jamais été question de se dire qu’il fallait faire telle ou telle chose à tel moment de l’album… : si j’essaie de faire ça, je ne sors rien parce que ça ne sera pas authentique.
Cet album est plus prog, mais quels que soient les styles que tu abordes, ta musique a toujours un côté très organique. As-tu enregistré entièrement en analogique ou utilises-tu aussi le numérique pour sculpter ton son ?
Cet album a été entièrement enregistré en numérique. En revanche, j’ai pris soin sur les pré-amps de choper un maximum de chaleur en utilisant quelques petites bidouilles.
Je crois que la chaleur qui se dégage de cet album vient du fait que nous avons enregistré ensemble, à l’ancienne : c’était vraiment important pour moi ! Le
band qui m’entoure actuellement est composé de tueurs ! Et je voulais vraiment avoir l’énergie du live : 70% de la musique a été enregistré live, ensuite, j’ai fait les doublages des guitares, les triplages, les solos, toutes les voix notamment les chœurs…
"Welcome To A New World" est à la fois assez éclectique musicalement et parfaitement cohérent, ce qui est loin d’être évident au départ, même dans les albums concept. Avais-tu cette cohérence en tête au moment de composer ?
C’est la première fois que je procède ainsi mais c’est dû au fait que je voulais faire un album concept. Tu constateras qu’il y a un
sound design qui relie tous les titres : il n’y a pas un moment où il n’y a pas de son.
Le premier morceau que j’ai écrit est ‘I Shall Never Surrender’, cette sorte de nébuleuse à la fin m’a tout de suite donné l’idée du titre suivant en prolongeant la nappe et en changeant le tempo, j’ai tiré la ficelle et ça m’a amené à la fin de ‘Grinch’ et avec un autre
sound design, ça m’a inspiré autre chose… tout est venu de cette façon ! C’est la première fois que ça m’arrive, la façon dont cet album a été écrit est la façon dont vous l’écoutez sur le disque !
La fin d’un titre m’a inspiré le morceau suivant !
En d’autres termes, la fin d’un riff, d’un morceau t’a inspiré le titre suivant…
C’est exactement ça ! Tu as résumé le truc : la fin d’un titre m’a inspiré le morceau suivant !
Il y a une ouverture (pour un deuxième album concept) mais ce qui est sûr et certain, c’est que je ne ferai pas un nouvel album concept pour faire un nouvel album concept…
Dans ces conditions, allons jusqu’au bout du raisonnement : est-ce que la fin de ‘In This Town’ t’a déjà inspiré ?
Pour "No Face 2" ou "Welcome to the New World 2" ? (Rires)…
Je pense qu’il y a une ouverture, oui (Sourire) ! Mais à ce jour, je n’en sais rien. Laissons vivre monsieur No Face et voir ce qu’il se passe mais la façon dont l’album se termine n’est pas un point final : ça peut être des points de suspension ou tout simplement s’arrêter là.
Mais ce qui est sûr et certain, c’est que je ne ferai pas un nouvel album concept pour faire un nouvel album concept…
Quoi qu’il en soit, cet album est une franche réussite...
Wahou, merci !
... Mais quel effet ça te fait de voir que Patrick Rondat te félicite pour cet album qui je cite : "Vous pouvez être fiers les amis c’est différent des albums précédents… c’est de la très bonne et belle musique. Hâte de d’écouter ça live !"… A moins que ça soit uniquement pour que l’ambiance soit bonne lors de votre concert commun au Forum Vaureal le 24 septembre ?
C’est juste une question d’argent ! Je ne sais pas exactement ils ont négocié cette phrase avec le staff mais je sais qu’il n’est pas très, très cher, Ron Thal est beaucoup plus cher (Rires) !
Une telle phrase confirme s’il le fallait que tu as fait le bon choix en ouvrant ce nouveau chapitre…
Ça fait plaisir ! C’est vrai qu’on s’est posé des questions avec le
management : avec Michelle (ndStruck : Michelle Surleau de La Griffe du Lion Prod), on a travaillé pendant trois ans pour développer l’image Pat O’May
Et concernant l’image, je fais le lien avec la guitare qui trône fièrement à tes côtés : est-ce que les couleurs vertes et noires sont en lien avec le visuel de l’album ?
Bien sûr !
Qu’est-ce qui a été développé en premier ?
C’est le visuel ! J’ai créé le visuel quasiment quand j’ai composé l’album. Ce visuel m’a inspiré : j’ai pris mon Photoshop et j’ai bossé dessus.
Et je viens de signer avec Vola et cette guitare est le premier prototype de la signature Pat O’May et je leur ai demandé de la faire en vert. Et pour la petite histoire, je l’ai reçue le jour où nous avons enregistré le clip !
Et en parlant guitare, tu n’as pas envisagé de te faire une guitare avec des frets décalés ?
Non, non, je suis très classique. La seule chose dont j’ai besoin : c’est d’avoir le bouton de volume accessible et pouvoir switcher les micros en même temps, ce qui est rare.
Cette signature sera-t-elle exactement la même qui sera disponible à la vente publique sachant que ce n’est pas toujours le cas ?
C’est exactement la même ! Si ce n’est pas le cas, le contrat est rompu sinon ça n’a aucun sens et ce n’est plus une signature…
Une équipe s’est construite autour de moi et elle me donne l’opportunité
d’avoir des moyens pour travailler de façon plus professionnelle.
Pour cette sortie, comme on l’a sous-entendu depuis le début, tu sembles tourner la page d’une carrière de 25 ans couronnée par la sortie de "One Night In Breizh Land" pour entrer dans un nouveau monde avec notamment une vraie attention portée à l’aspect visuel des choses, tu t’es attaché les services de Replica… Cet album marque-t-il un tournant également au niveau de tes ambitions professionnelles pour ta musique ?
Je ne pense pas que ça marque un tournant, c’est juste qu’une équipe s’est construite autour de moi et elle me donne l’opportunité d’avoir des moyens pour travailler de façon plus professionnelle. Je crois qu’il y a plus de gens qui commencent à croire en moi.
Et quel a été le déclic ?
Michelle ! Quand on a signé ensemble, il y a trois ans : ça a vraiment changé les choses !
En clair, qu’attends-tu de cet album hormis tourner et ce concert parisien prévu le 22 septembre au Café de la Danse ?
On a énormément envie de partager cette musique. On a de l’énergie à revendre. On a vraiment envie de partager. C’est trop bon de retrouver les gens, de se retrouver à parler de nos passions comme nous le faisons actuellement.
Si on a la chance que les gens adhèrent au projet, que les gens viennent nous voir… ça va nous permettre de leur offrir des shows qui seront meilleurs.
Tu parles de shows : tu vas jouer sur ce visuel ?
Bien sûr, mais tu verras bien (Rires) ! Mais oui, l’équipe a grossi, il y a désormais une équipe technique complète : guitare technique,
lighteux, on a de la vidéo avec des films qui seront projetés sur certains morceaux…
On est clairement sur une idée prog à la Steven Wilson…
Oui, mais en moins cher (Rires) !
Mais j’espère que ça vous plaira surtout (Sourire) : l’idée est de continuer l’histoire et de la partager de plus en plus… c’est ce qui m’importe le plus…
Merci beaucoup !
Attends, c’est moi ! Tu sais bien, c’est toujours un grand plaisir !
Merci à Newf pour sa contribution...