Salut Jon, c’est Ping Ping de Music Waves tu me remets ?
Bonjour Ping Ping, mes acolytes de Mindlag Project m’ont parlé de toi, donc oui, je te remets.
Avant toute chose, je voudrais que tu me certifies que tu ne me feras pas de mal ?
Et bien dans premier temps ton pseudonyme m’a rappelé celui d’un Khmer rouge que j’ai été contraint d’éliminer par le passé, mais une fois ce doute dissipé, je pense n’avoir aucune raison de te faire du mal. A part si tu m’en fournis une par la suite…ça ne tient qu’à toi.
Jon, quelles sont tes origines ; car entre les références égyptienne (« Charisme Égyptien »), indienne (« ô mes frères »), guyanaise (« Cayenne ») : avoue qu’il y a de quoi s’y perdre ?
J’aime bien brouiller les pistes. Je m’intéresse beaucoup aux différentes civilisations humaines, ainsi qu’à leurs chutes. Tout cela en dit long sur la nature de l’homme. Et puis je voyage beaucoup, ceci explique cela.
Je ne connais pas toutes mes origines, car elles sont très métissées, mais j’ai vraisemblablement des origines russes, germaniques, grecques et scandinaves. D’ailleurs mon nom de famille a été francisé, et il semblerait que ce fut un nom composé à l’origine, et qu’il ait été orthographié ainsi : Grimpke-Latt.
Un de mes ancêtres aurait été anobli par son grade militaire de maréchal de camp au XVéme siècle… mais je n’en suis pas très fier à vrai dire !
De toute façon, je pense que même ceux qui se pensent d’origines nobles viennent du même endroit que les autres, et ils devraient un peu plus souvent y penser.
Peux-tu nous raconter brièvement ton histoire aux lecteurs de Music Waves qui n’aura pas lu la rubrique faits divers des journaux ou bien encore le JT (http://www.myspace.com/mindlagproject) ?
Je pense manquer d’objectivité, mais je peux essayer.
Je suis né il y a 36 ans dans une famille aisée, où je n’ai pas vraiment su trouver ma place. J’ai perdu ma mère très jeune, et mon père, militaire lui aussi (c’est une tradition familiale, et j’ai eu le malheur de la briser), malgré son amour pour moi, n’a jamais réellement compris qui j’étais, ou bien n’a jamais voulu le comprendre…
J’ai fait des études de philosophie dans un premier temps, puis je me suis spécialisé dans la philologie. Mais j’ai dû abandonner pour enseigner les langues anciennes, car étant en conflit parental j’ai pris mon indépendance assez tôt, puisque tout le monde pensais que ce n’était pas une voie faite pour moi.
Et comme vous le savez tous, je vis en cavale depuis un certains temps, car j’ai aussi derrière moi un sombre passé de meurtrier… (L’ambiance se refroidit, et le silence envahit la pièce pendant quelques minutes)
Je n’ai jamais tué consciemment. Mes pulsions sont motivées par des raisons aisément compréhensibles, du moins je pense, mais je suis comme possédé, je ne peux pas contenir cette folie qui s’empare de moi… J’ai toujours été introverti, mais extrêmement violent à la fois, depuis mon plus jeune âge.
Je sais que je suis condamné, mais je veux qu’on se souvienne de moi, que je serve de spécimen… c’est comme si je donnais ma folie à la science, ou à l’art…au moins, mon existence n’aura pas été totalement vaine.
Comment expliques-tu que tu sois le thème central préféré du groupe marseillais Mindlag Project ?
Je suis devenu leur ami, peut-être parce que par certains aspects nous sommes semblables. Le système rejette les personnes qui ne sont pas taillées au bon format, qui ne sont pas disposés à laisser de côté leur vocation au profit de la sécurité du régime.
J’étais comme eux, habité par l’art, par l’envie de créer et de réfléchir sur des notions cruciales, et nous nous comprenons pour cette raison, je pense.
Nous avons un accord tacite, une sorte de tontine artistique. Le fait de flirter avec le crime et la mort est aussi dangereux pour eux que pour moi, eux se chargent de le rendre esthétique, et d’en retirer les bonnes leçons. Car le but n’est pas d’inciter au crime, mais bien de le prévenir… mais tout être doué d’une sensibilité artistique comprendra que cet instinct de mort et cette clandestinité sont le principal moteur de notre collaboration, et comme dans chaque relation passionnelle, beaucoup de dangers vous attendent au tournant.
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A ce propos, as-tu une idée de la signification du nom de ce groupe ?
Au sens littéral, cela signifie « projet : décalage d’esprit », et c’est aussi une référence au « jetlag » (décalage horaire).
Il peut être compris de deux façons : le décalage entre leur façon de voir la vie et celle de leurs pairs, mais aussi ce sentiment de ne pas être au bon endroit et au mauvais moment que l’on ressent quand on voyage beaucoup, comme moi qui suis en cavale. Mais ça c’est une définition plus officieuse.
Il y a aussi une autre symbolique encore plus secrète, une sorte de code, mais je ne peux pas le dévoiler sans leur consentement, ils ne vont pas apprécier… et vous savez ce que je peux faire quand on ne m’apprécie pas (Rire sarcastique) !
Par contre, libre au lecteur de se creuser la cervelle…la réponse est devant vous, pour peu que l’ordre vous donne de l’urticaire.
A propos de ce groupe, j’ai appris par des sources non officielles que Mindlag Project aurait intégré Romain Dallier par pitié en l’ayant vu joué dans les couloirs du métro : Info ou Intox ?
Je pense que c’est une blague vaseuse dont Manu a le secret ! Et c’est totalement faux bien sûr…
C’est un très bon musicien, et le plus diplômé du groupe qui plus est (musicalement j’entends), et je crois que c’est le motif de la blague. Ils se connaissent depuis longtemps, et lors de l’enregistrement de leur dernier album, ils ont fait appel à lui pour les arrangements cordes, et le courant est tellement bien passé qu’ils ont décidé de l’intégrer au groupe. Tout s’est passé naturellement il me semble, et je trouve que c’est d’ailleurs ce qui manquait au groupe pour s’affirmer un peu plus.
La musique de Mindlag Project est totalement inclassable mais même si l’aspect thrash est toujours présent, il est nettement moins présent que sur « Skylla » notamment où l’influence Metallica était manifeste notamment sur certains riffs : la maturité ?
Je crois que c’est inconscient, ils ne veulent pas du tout jouer un style en particulier ou s’identifier à un groupe. Ils me semblent être déterminés à jouer la musique selon leur ressenti. Et je pense qu’effectivement, à ce niveau là, ils y sont beaucoup plus matures qu’auparavant, la qualité de la retranscription des émotions est meilleure, ainsi que la qualité de la composition.
Mais de mon point de vue extérieur, même s’ils refusent qu’on leur colle une étiquette stylistique, ils seront toujours possédés par l’énergie du thrash, qui n’est en fait que la réinjection de l’énergie du punk. Et cela explique aussi leur appartenance au mouvement Hardcore, qui est une autre variante de l’énergie punk, même si c’est beaucoup moins flagrant. Cette énergie vindicative et contestataire alimentera toujours leur musique à mon sens. A moins qu’ils ne se corrompent… mais ils auront à faire à moi dans ce cas là !
Justement outre toi, Jon, quelles sont les influences musicales de Mindlag Project ; pas seulement metal je présume au regard de l’incorporation de violoncelle ou d’alto notamment ?
Au niveau musical, ils sont très influencés par les musiques qui contiennent l’énergie de la révolte, et cela va du blues au thrash. En ce qui concerne les ambiances, leur palette est plus large, et des styles comme le death, le doom, et même le black metal les ont interpellés.
Mais je pense qu’ils ne pensent pas vraiment à leurs influences musicales quand ils composent, c’est quelque chose qui doit être ancré en eux, c’est certain, mais leur façon de faire est plus empirique disons. Si la sonorité leur plait, ils approuvent la chanson, peu importe si on peut l’étiqueter comme appartenant à tel ou tel style.
Et le prog dans tout ça ; je te demande ça en tant qu’interviewer officiel de Music Waves anciennement Progressive Waves, on ressent un aspect plus progressif dans les compos de l’album éponyme : est-ce délibéré ou encore une évolution naturelle découlant de la maturité dont on parlait tout à l’heure ?
Le rock et le metal progressif sont aussi une influence majeure pour eux, surtout car c’est un style propice à l’exploration de concepts complexes, mais aussi car la recherche sonore est cruciale, et c’est quelque chose qui les obsède un peu. C’est un peu comme s’ils étaient rentrés dans une sorte de guerre du son, contre eux même.
Mais encore une fois, je ne suis pas sur que ce côté progressif soit délibéré. Ils ont fait un album en fonction de ce qu’ils voulaient exprimer, et il se trouve qu’il comporte un aspect progressif important au final. Je pense que c’est une facette de leur identité musicale, même si ce n’est pas la seule, et qu’on la retrouvera sur le long terme. D’ailleurs elle est présente depuis le début même si ce n’était que sur certains titres.
Pourquoi Mindlag Project semble-t-il si fasciné par ton personnage de serial killer en proie aux doutes permanents alors que Manu, son leader, n’a de cesse d’évoquer des poètes maudits comme Baudelaire ou un artiste maudit plus récent comme Jim Morrison ?
Je pense que ce qui le fascine, c’est la complexité du genre humain, et que ce qui a le don de le mettre en rogne, c’est la façon dont notre société la réduit à une simplicité effarante. Je sais qu’il ne supporte pas qu’on abrutisse les gens pour mieux les préparer à la consommation, et il se réfugie dans les paradoxes et la provocation.
Son intérêt pour les artistes maudits et certains serial killers provient du même utérus je pense. Bien sur, il y a cet aspect provoquant, immoral, mais c’est surtout un besoin de ressentir quelque chose de fort qui le garde en vie.
Notre société ne propose au peuple qu’une acceptation passive de la vie, et en profiter est presque devenu tabou, à part si on se résigne à profiter de la vie comme la société nous incite à le faire, mais cela reste artificiel.
Combien de personnes exercent un métier qui leur permette de s’épanouir ? Combien de gens essaient encore de s’accrocher à leurs rêves ? Combien parmi cet infime pourcentage essaient de les réaliser ? Bien sûr nous sommes vite découragés, puisqu’on nous rabat les oreilles avec le fait qu’ailleurs, ou qu’autrement, ce serait pire… Mais est-ce que la vie mérite d’être vécue quand elle ne se résume plus qu’a la « servitude volontaire », dont parlait si bien La Boétie ?
Je pense que Manu romantise mes actes, par provocation et par volonté de progression, comme Baudelaire et Morrison le faisaient déjà avec le sexe, la violence ou la mort à leurs époques respectives. Cette provocation me semble être l’expression d’une frustration. Et les musiques extrêmes, tout comme la poésie, n’ont toujours été que des manifestations de la frustration inhérentes à leurs contextes : le manque de liberté, l’aspiration à un progrès social ou moral…etc.
D’ailleurs cela semble fonctionner, car avec le temps ces poésies finissent dans des manuels scolaires, et la musique violente le devient d’autant moins qu’elle est intégrée par les médias. Ne serait-ce pas là la preuve que l’art est salutaire pour l’évolution des mœurs ? A mon sens, il l’est bien plus que ce que la politique ne le sera jamais.
Cette fascination traduit-elle une sorte d’exutoire afin d’éventuellement maîtriser ses démons internes qui ne demanderaient qu’à surgir ?
Il voit peut-être en moi un alter ego, quelqu’un qui tue à sa place. Car il aime commettre des meurtres artistiques. Et je suis peut-être celui qui lui permet de ne pas passer à l’acte (Rire cynique).
Nous avons déjà parlé de ça, et il a une vision très Cathartique de la musique, et ce n’est pas impossible que je lui confère un certain équilibre, car il est assez violent et colérique, dans son genre…
Il dit que je lui rappelle ce que Nietzsche appelait « un surhomme », et que j’ai de nombreux points communs avec les super héros du XXème siècle. Il dit que je suis un criminel qui tente de surmonter sa folie, de lui donner un sens, et que c’est un acte de « surhumanisation » en quelque sorte, puisque c’est quelque chose que les autres tueurs ne font pas en général. Ils n’émettent d’ailleurs aucun regret en général, si l’on excepte Jeffrey Dahmer je crois.
Je tue par soif de justice, des individus souvent bien plus criminels que moi, en ne me souciant pas du jugement des hommes, car j’agis par delà les concepts de moralité.
Bien sûr, quelque chose ne va pas chez moi, mais les gens sont capables d’accepter ce type de personnalité, tant qu’on m’appelle Batman ou Superman, mais pas si j’ai une identité humaine. Je deviens alors une erreur de la nature. Et selon Manu, c’est la raison pour laquelle certains serial killers sont quasiment portés au rang de héros, et reçoivent de nombreuses lettres de fans en prison. Ils symbolisent pour certains une révolte envers la justice humaine, et surtout envers le fait qu’elle soit l’unique façon de « réparer » un crime, dans le but de faire régner l’ordre. Le crime est pour certain la seule façon d’être libre.
Pour lui, je suis la preuve vivante que la justice n’existe pas, en tout cas, pas ailleurs que dans l’esprit humain. Sur terre, rien n’est juste, et nous nous efforçons de créer notre code de loi pour faire exister cette idée de justice. Mais lorsque plusieurs codes de loi s’entrechoquent, nous savons pourtant tous que cela nous mène à la guerre, ou au mieux, au fanatisme. Et on ne peut donc pas dire que l’exercice de la justice tel que nous le connaissons ne soit pas préjudiciable à l’homme, car c’est un des nerfs de la guerre. La justice est la milice du pouvoir.
En quelque sorte, ton profil correspond tout à fait à celui de Dexter qui fait fureur sur les petits écrans ? Jeff Lindsay s’est-il inspiré de toi ou l’inverse ? Que vas-tu faire pour réclamer ton dû : te venger comme tu as l’habitude de le faire, demander des droits, ou une telle popularisation de ton profil flatte ton ego ?
C’est vrai que nous avons une multitude de points communs, mais je pense que c’est un personnage un peu plus lisse que moi, qui vit dans une certaine culpabilité latente d’être différent. De part son éducation, Dexter à très vite conscience de sa différence car c’est son père qui la diagnostique le premier, et il « canalise » en quelque sorte cette folie, pour l’instrumentaliser au profit de la loi. Là est toute la différence avec moi, car j’agis en Freelance, et je suis plutôt en désaccord avec les institutions qui sont censées garantir l’exercice de la loi. Sur le fond, c’est aussi un rapprochement avec le « super-héro », mais de façon plus consensuelle je pense.
Mais cela dit, j’apprécie énormément l’œuvre de Jeff Lindsay, qui tente de réhabiliter les personnes au psychisme torturé dont je fais partie. Je pense seulement qu’on a du édulcorer un minimum la forme pour que sa série soit « montrable » à la télévision, mais c’est tout à son honneur au final, c’est en agissant qu’on fait évoluer les mœurs. La chaîne qui diffuse et produit cette série, Showtime, a d’ailleurs diffusé beaucoup d’autres séries qui font avancer les mœurs à mon sens. Californication, Masters of Horror, Dead Like me, ou encore L word en sont de très beaux exemples.
Par contre, Il n’y a aucune influence de Dexter sur ma personnalité, et aucune non plus dans la façon dont le groupe relate mon histoire, qui est d’ailleurs antérieure il me semble, du moins à l’arrivée de la série en France. Le roman originel de Lindsay étant de 2004, qui est aussi l’année de sortie de Skylla, l’album ou je fais clairement la première apparition dans un texte de Mindlag Project (bien que dans leur premier album datant de 2002 je sois déjà présent en filigrane), je pense qu’on peut en conclure qu’il n’y a pas d’inventions ou de progrès sociaux dont on puisse dire qu’il provienne d’un seul individu, car ceux-ci sont engendrés par un contexte et une logique humaine, en règle générale. Ce qui différencie les êtres, c’est leur façon d’exprimer les choses, et ce qui les rapproche est bien souvent leurs opinions, leurs sentiments. Donc, la comparaison ne m’offusque pas, bien au contraire, car il ne faut pas tirer sur les gens qui sont du même côté de la barrière, il faut envoyer des pavés avec eux…
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Penses-tu que c’est de ta faute et la peur que tu génères aux auditeurs, si Mindlag Project n’a pas encore explosé aux oreilles du grand public ?
Je ne pense pas. En général la peur fait vendre…
Je pense plutôt que les gens ont été progressivement habitués à écouter une musique formatée, avec des styles bien cloisonnés. C’est ainsi plus facile de vendre l’habit correspondant au style, et il n’y a pas de petits bénéfices…
Les véritables passionnés de musique, qui n’ont pas pour habitude d’écouter la musique en fonction des formats ne vont pas être dérangés par le fait que la musique de Mindlag Project ne puisse pas être réellement identifiée comme appartenant à un style existant, mais la plupart des auditeurs le sont.
Je pense que leur musique n’est peut être pas encore assez mature pour être identifiée comme étant un nouveau style, cela viendra peut-être. Mais de toute façon, peu importe la santé de l’industrie du disque, je pense que le groupe jouera toujours sa musique de façon sincère car c’est vital pour eux. S’ils sont reconnus, tant mieux, sinon, tant pis… Je ne vois pas l’intérêt de faire de la musique pour des raisons pécuniaires, il vaut mieux se lancer dans le fast food ou le trafic de drogue si on aime l’argent à ce point, c’est plus porteur.
Penses-tu que la musique de Mindlag Project est taillée pour la France ?
Le fait qu’ils chantent presque exclusivement en Français devrait être une réponse suffisante, mais malheureusement, ce n’est pas aussi simple. Je pense que beaucoup de Français sont encore choqués par le chant en Français dans le Metal, bizarrement.
Mais il ne faut pas non plus stigmatiser la chose. Comme partout, il y a deux sortes de public : celui qui suit toutes les modes et les oublie aussi vite, et celui qui est en attente de groupes authentiques et intègres, pour suivre leurs carrières sur le long terme. L’opposition entre l’art et le divertissement en somme.
La France ne faisant pas partie des pays qui ont vu naître le rock’n’roll, fatalement, le metal français semble désireux de s’exporter dans les pays anglo-saxons, peut-être parce qu’il y est mieux compris.
Ici, le metal effraie les profanes, qui y voient seulement une niche sociétale pour les adolescents en mal de sensations fortes, car c’est ce que les émissions TV à sensation veulent que l’on pense (il suffit de voir les reportages pathétiques que M6 ont diffusé il y a quelque temps). Tant que cette musique sera limitée à cet aspect puéril (encouragé par une bonne frange de metalheads abrutis, il faut bien l’admettre), je pense qu’elle sera considérée comme un fait de société, et jamais comme une expression artistique.
Le problème est donc d’ordre général.
A contrario, vu que la conceptualisation de la musique de Mindlag Project est primordiale : penses-tu que Mindlag Project a une chance de se faire connaître à l’étranger ?
Nul n’est prophète en son pays, et le chant en Français doit paraître exotique à l’étranger, tout comme l’attachement du groupe à une certaine idée du dandysme et de la poésie française, auquel les étrangers sont peut-être plus sensibles que nous. C’est un peu ce qui s’est passé pour Rammstein ou Sepultura à l’époque. C’est probablement en partie parce qu’ils sonnent « pittoresques » et que leurs identités culturelles sont très marquées qu’ils ont eut du succès ailleurs que dans leur pays, et c’est le cas pour beaucoup d’autres groupes si l’on ne se cantonne pas au metal. Le public cherche à être dépaysé en général.
En ce qui concerne le groupe, pour savoir s’il a une réelle chance de fonctionner à l’étranger, la seule solution reste d’y aller. Ce qu’ils vont faire bientôt, donc l’avenir nous répondra.
Quelle est la suite du programme Mindlag Project : Continuer de narrer tes aventures ?
Ce n’est pas une chose dont nous osons parler, vu la précarité de ma situation… mais je pense que notre collaboration durera un moment, car je n’ai pas encore tiré ma révérence…
Penses-tu possible que, à l’avenir, le groupe détache sa musique du concept qui tourne autour de toi ?
Même si le concept tourne autour de moi, je pense qu’ils font souvent des incartades dans des sujets plus au moins éloignés du concept originel. Mais cela reste toujours lié d’une façon ou d’une autre. Le concept du groupe est une sorte de pensée philosophique, bien plus que la narration de ma vie. Je ne suis qu’un avatar, ou un cobaye, qui permet d’étudier ce que l’homme comporte de plus extrême.
Il se pourrait bien qu’ils se détachent ponctuellement de moi pour faire la lumière sur un détail important, mais à vrai dire, je suis mal placé pour répondre.
Si oui, cela changera du tout au tout la façon de concevoir la musique de Mindlag Project car on ne pourra pas me faire croire qu’elle n’est pas d’abord basée sur un concept sur lequel se greffe la musique dans un second temps ?
C’est vrai, tout est basé sur le concept bien avant qu’ils ne touchent aux instruments, mais c’est leur façon de composer, qu’ils parlent de moi ou non. Je ne pense pas que ce soit une chose que je leur ai apporté. Mais s’ils ne parlaient plus de moi, je pense que c’est l’atmosphère qui changerait surtout. Je pense leur évoquer un certains univers, qu’ils auraient du mal à trouver autrement qu’avec moi.
Au-delà de ce concept ultra-fort : y-a-t’il un message particulier notamment une critique de notre société totalement vicié ?
Oui ce message fait partie du concept, mais je pense que cette pensée philosophique dont je parlais à l’instant a précédé leur rencontre avec moi. Je pense que c’est même ce qui nous a réuni. Je pense que ce que le groupe critique, ce n’est pas tant notre société, car tout système comporte des vices, et ce n’est pas vraiment constructif de les dénoncer sans agir. Ce que nous dénonçons plutôt, c’est l’atavisme qui conforte les gens dans leur ignorance à partir du moment où ils ont un toit sur la tête et le ventre plein. Je pense qu’il est très difficile de rester idéaliste quand on est doté du confort, et c’est ce qui freine l’évolution de l’homme.
Je pense que c’est l’idée principale que le groupe veut dégager.
Il faut continuer à penser, peu importe si la société nous dit que rien ne sera jamais mieux que la sacro-sainte démocratie, sinon nous signerons notre arrêt de mort.
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Quel a été l’accueil du public vis-à-vis de ce nouvel album éponyme ?
Difficile de répondre, car peu de gens donnent sincèrement leur avis quand ils sont en face du groupe. Mais je pense qu’une partie du public du groupe ne les suit plus, car ils préféraient leur côté HxC, et il est vrai qu’il s’est minimisé dans cet album, même s’il est toujours présent.
Mais d’autres personnes qui étaient autrefois réfractaires à certains aspects de leur musique préfèrent cet album, car ils le trouvent plus mature et plus mélodique. Je pense que le groupe commence à être pris au sérieux, et à trouver son véritable public, mais c’est très dur, dans ma position en tout cas, d’y voir clair. Il faudrait poser la question au public.
En tout cas le public présent au concert connaît souvent les paroles, et c’est un point très positif
N’as-tu pas peur que la musique de Mindlag Project soit perçue comme trop intellectualisée par certains fans de metal extrême ?
Personnellement, plaire aux abrutis ne m’a jamais intéressé, et je pense qu’il en va de même pour le groupe. Si certains n’aiment pas qu’on leur secoue les neurones autrement qu’en égorgeant des chats sur scène, et bien qu’ils n’écoutent pas la musique du groupe et qu’ils ne viennent pas aux concerts. Vivre de la musique ne doit pas se faire à n’importe quel prix. Certes, la musique du groupe est basée sur un concept assez intellectualisé, mais je trouve que la musique ne l’est pas tant que ça.
Mais la scène metal est codifiée, peut-être que c’est ici que le problème réside. Si l’on déroge aux règles du genre, on est « Out », ce qui est dommage sur un plan commercial, mais sur un plan artistique, ce n’est pas un problème.
Et sincèrement, je pense que le public n’est pas si bête, et que malheureusement, ceux qui se font le plus remarquer sont rarement les exemples à suivre, et ce n’est pas pour eux qu’il faut jouer, et ce n’est surtout pas à eux qu’il faut plaire, sinon cela devient une démarche mercantile, même si l’on est tout de cuir et de clous vêtu.
Mais n’as-tu pas peur que la richesse de la musique et du concept Mindlag Project puisse être un inconvénient dans le sens où les auditeurs ont besoin de repères que Mindlag Project se fait fort de malmener comme toi, tes victimes ?
La peur est le plus puissant des moteurs…
Le public a peut-être besoin de repères, mais si on se sert de repères crées par d’autres, on est de toute façon ignoré par un public qui préfère forcément l’original à la copie.
Il faut s’efforcer de créer de nouveaux repères, ou espérer plaire à ceux qui n’aiment pas les repères… en tout cas je pense que c’est la dernière chose dont le groupe se soucie, car lorsqu’on compose de la musique dans le but de plaire, on se fait rarement plaisir.
Comment prends-tu ma remarque si je te dis que rarement un album ne m’a autant procuré de difficulté à chroniquer de peur ne pas pouvoir exprimer la totalité des atmosphères évoquées dans l’album et de peur de dénaturer le concept en affirmant des choses fausses ?
Je la prends comme un compliment pour eux, et je comprends tout à fait ce que tu veux dire. En tout cas cela montre que tu as écouté attentivement l’album, et que tu as capté l’essentiel, à savoir que c’est un groupe qui joue de la musique mais aussi de ses émotions, et qu’il tente de les transmettre.
Pour moi, c’est la définition même de la musique, et le fait que tu l’aies soulevé est une preuve que cet album a trouvé des oreilles réceptives.
Si tu devais choisir un titre pour faire découvrir la musique de Mindlag Project à quelqu’un qui ne la connaîtrait pas : quel titre choisirais-tu et pourquoi ?
Si on parle de musique, ce serait « La fin absolue du monde », car c’est un morceau instrumental, et je pense que beaucoup de choses sont transmises sans être dites. Je pense que c’est la meilleure façon de débuter, bien que ce soit le dernier titre de l’album. Mais ce n’est pas un hasard, il y a une problématique en ouverture de l’album, et une conclusion en fermeture, et celle-ci se passe de parole.
Imaginons que tu sois vendeur : quel(s) argument(s) choisirais-tu pour vendre Mindlag Project ? Attention la violence n’est pas autorisée et encore moins le meurtre, sinon comment veux-tu te faire payer ?
S’il y a bien une qualité que je n’ai pas, c’est celle de vendeur… je serais tenté de dire « Achetez-le, sinon…. »
Mais mon petit doigt me dit que ça ne marcherait pas selon tes critères…
Je pense que la meilleure façon de vendre est d’offrir des échantillons gratuits à notre époque, donc je conseillerais aux lecteurs d’aller écouter l’album gratuitement sur Deezer.com, et s’ils aiment et qu’ils en ont les moyens, qu’ils l’achètent.
A propos d’argent, penses-tu pouvoir vivre à terme de ta musique ?
Personnellement, je ne me considère pas comme musicien, je ne suis que la muse du groupe…et je n’ai pas de soucis à me faire au niveau financier. Mais en ce qui concerne le groupe, même si c’est leur souhait le plus cher, je pense qu’ils ne vivront pas de la musique tout de suite s’ils ne suivent pas les lois du marché. Mais qu’à cela ne tienne, ils ont de la ressource personnelle, ils continueront à y croire, et peut-être qu’un jour ils pourront ne faire plus que ça, c’est là tout le mal que je leur souhaite.
Argent/musique, ça nous amène à parler de la scène pour avoir pris une claque sur scène en allant voir Mindlag Project au Klub qui a totalement balayé les éventuelles interrogations sur la retranscription de votre univers sur scène (violoncelle, voix claire…) : Mindlag Project est définitivement taillé pour la scène : comment expliques-tu qu’aucun tourneur ne vous ait proposé une grande salle en ouverture pour commencer ?
Ils en ont eu, et d’ailleurs c’est pour cela qu’ils joueront à travers l’Europe avec Six Feet Under pendant deux semaines en mai. Mais cela reste très dur de tourner, et ils ont dû organiser et financer leur tournée Française, ce qui ne fut pas une mince affaire. Mais Rome n’a pas été construite en une nuit, il faut donc être patient.
Quel est ton avis sur le Net : ça te donne des envies de meurtres ?
Parfois. Mais pas plus que ça. Le virtuel n’est qu’une emphase du réel. Les gens se comportent sur le net comme dans la vie. Si on leur donne une tribune où ils peuvent s’exprimer librement et de façon anonyme, ils cracheront leur venin et parleront sans connaître, rien de bien nouveau. Mais il y a beaucoup de bonnes choses sur Internet, c’est un énorme vecteur de savoir, et j’espère qu’il ne sera pas policer dans le mauvais sens dans le futur, et qu’on donnera une priorité à l’apprentissage et à la culture…bien que je n’y croie pas trop.
Et sur Music Waves en particulier sachant qu’il est partenaire de Mindlag Project ?
Ne profites pas de mon apparente gentillesse pour te faire de la publicité, aurais-tu oublié qui je suis (Rires) ??
Enfin, je dois reconnaître que c’est un bon webzine, car il a une vocation saine : faire découvrir des groupes qui vous plaisent et vous paraissent digne d’intérêt. Ca peut paraître évident, mais je trouve que beaucoup de webzines font des chroniques emplies de haine ou de frustration, comme si les chroniqueurs passaient leurs nerfs sur les pauvres démos qu’ils reçoivent en rentrant de leurs boulots aussi bien rémunérés que gratifiants.
Enfin je ne vais pas m’épancher, vous avez l’air passionnés, c’est l’essentiel, et je vous remercie de parler du groupe.
Quel message souhaiterais-tu faire passer à ces lecteurs ?
Vous qui vous asseyez sur votre conscience en mangeant votre fast food devant des émissions de télé-réalité débiles, rasez les murs, je rôde souvent dans ma Cerbera…à moins que vous ne soyez pas farouche à l’idée d’une promenade au clair de lune…
Les autres, tachez de pouvoir être fier de vos actes, ne soyez ni des lâches, ni des esclaves, et ne laissez personne vous marcher dessus.
Et j’oubliais : Ecoutez MINDLAG PROJECT !! Ca décrassera vos trompes d’eustaches …
Un grand merci à Orianne Olive pour ses splendides photos et Manu qui a bien voulu se prêter au jeu de cette interview schizophrénique.
Plus d'informations sur https://www.facebook.com/mindlagproject