Si la première interview de Richard Henshall et de Charlie Griffiths s’était déroulée dans le meilleur des cadres l’an dernier, la rencontre avec Charlie, guitariste du groupe, restera dans les annales. Pour la première fois, je découvrais Conference Call, plateforme téléphonique par laquelle nous devions échanger. Ma joie de retrouver Charlie se mua rapidement en agacement après avoir attendu de longues minutes pour établir la connexion avec le secteur, puis avec Charlie. Mais je n’étais pas au bout de mes peines. Outre la qualité médiocre de l’audio et le volume très bas qui ne m’ont pas permis d’entendre correctement les réponses de mon interlocuteur, la conversation a même été interrompue pendant dix minutes dès le départ pour on ne sait quelle raison, avant qu’un journaliste ne fasse irruption au beau milieu de notre conversation, sans que l’on ne puisse comprendre ses propos.
Nous réussissons finalement en fin de journée à reprendre contact avec Charlie et à finir les quelques questions restantes par Skype. Ouf ! Quelle épopée ! Veuillez m’excuser pour ce préambule fastidieux qui me semblait pour autant obligatoire pour vous expliquer à vous, lecteurs, les dessous de cet entretien en toute honnêteté. Ne pouvant pas déchiffrer bon nombre des propos de Charlie, certaines de ses réponses seront donc partielles, voire non retranscrites pour certaines. Aussi, les réponses apparaissent plus longues en fin d’interview, car sur Skype, je pouvais nettement mieux comprendre mon interlocuteur, permettant d’étoffer davantage les questions et les réponses, par la même occasion. Sur ce, bonne lecture !
Bonjour Charlie ! C’est un plaisir de te retrouver après notre interview l’an dernier avant votre concert à La Maroquinerie ! C’est marrant car nous faisons cette interview via Conference Call car nous sommes confinés suite au coronavirus. Vous avez décidé d’appeler votre album « Virus » avant même que l’on entende parler du coronavirus et qu’il se répande dans le monde. Êtes-vous visionnaires ? Allez honnêtement, vous l’aviez vu venir ? (Rires)
Charlie : (Rires) Non, on ne l’avait pas vu venir ! En réalité, l’idée d’appeler l’album comme ça date d’il y a deux ans. L’idée c’était de faire une sorte de double album avec une histoire qui se prolongeait.
Pourquoi ne pas avoir directement sorti un double-album en une seule fois ?
Charlie : Car on voulait que chaque album existe en tant que tel, qu’il ait sa propre identité. Ils sont aussi assez différents. « Vector » est plus heavy. On voulait proposer des morceaux plus variés sur le « Virus ». On voulait aussi pouvoir partir en tournée entre chaque album.
« Virus » est donc la suite de votre précédent album, « Vector ». Vous avez éparpillé des indices à gauche à droite dans le livret de « Vector » pour sous-entendre que l’album aurait une suite, mais vous ne l’avez pas annoncé clairement, jusqu’à ce que vous révéliez l’intitulé de l’album et la set-list. Pourquoi avoir gardé cette information secrète jusqu’au bout ?
Charlie : Pour le fun, je pense ! (Rires). C’est un peu comme dans des séries et dans films qui se suivent, tu retrouves des éléments dans les épisodes précédents qui se recoupent avec les épisodes suivants. J’aime bien quand les fans s’y attendent d’une certaine manière. Ils se mettent à faire des suppositions et essayent de deviner ce qu’il va se passer par la suite. On avait envie de les laisser faire des suppositions et voir s’ils allaient repérer certains détails !
Est-ce que tu peux nous expliquer la signification de la pochette où on voit une araignée pour le moins menaçante ?
Charlie : L’araignée symbolise le côté maléfique, au niveau personnel, politique, environnemental ou autre. Chaque morceau revêt l’un de ces aspects. C’est Blacklake qui l’a réalisée.
Ce nouvel album est d’une manière générale plus calme que "Vector", avec des morceaux comme ‘Canary Yellow’. Mais en même temps, il y a des sections qui n’ont jamais été aussi brutales ou complexes que dans cet album, comme sur le morceau ‘Prosthetic’ par exemple. Peut-on dire que cet album est une synthèse de ce que vous avez fait jusqu’à présent depuis « Aquarius » ?
Charlie : Oui, peut-être ! Ce n’est pas quelque chose de volontaire en tout cas. On a eu un certain nombre d’idées, certaines n’ont pas abouties, mais d’autres ont donné naissance à des chansons entières.
Même si votre musique est très complexe, vous avez toujours réussi à faire en sorte que vos albums soient efficaces et relativement accessibles, grâce à des refrains accrocheurs et à des mélodies qui se retiennent. Mais après avoir écouté votre album un bon nombre de fois, "Virus" me semble moins accessible que ses prédécesseurs, ce qui n’est pas une mauvaise chose du tout ! Mais j’ai le sentiment que cet album nécessite qu’on l’écoute un certain nombre de fois pour révéler pleinement son potentiel. Etait-ce quelque chose de conscient de votre part au moment où vous l’avez écrit ?
Charlie : Non pas vraiment, encore une fois ! (Rires). On a quand même toujours en tête d’essayer d’écrire des chansons accrocheuses. On aime beaucoup quand les gens chantent le refrain avec nous sur scène. On essaye de créer ça.
En regardant la setlist du nouvel album, beaucoup de vos fans qui aiment le métal progressif ont dû sauter au plafond en découvrant le morceau ‘Messiah Complex’ qui dure 16 minutes, et j’en faisais partie ! (Rires). C’est peut-être une question bête, mais pourquoi avoir choisi de couper le morceau en 5 pistes différentes, alors qu’habituellement, vos longs morceaux ne sont pas subdivisés en plusieurs pistes ?
Charlie : Parce qu’on ne l’avait jamais fait avant, je pense, tout simplement. Aussi, il y a de nombreuses sections qui se succèdent dans la chanson, donc ça semblait cohérent de couper le morceau en plusieurs titres.
Cette chanson, ‘Messiah Complex’ reprend de nombreuses sections de différents titres de votre répertoire. C’est une très bonne idée qui n’est pas très commune en plus de ça. Comment vous est venue cette idée ?
Charlie : En fait, l’idée de faire un double-album vient du morceau ‘Cockroach King’, qui est le point de départ de "Vector" et de "Virus". On aime que tous nos albums aient un lien les uns avec les autres. On a donc eu envie de rappeler quelques sections de ce morceau et d’autres chansons encore dans ‘Messiah Complexe’.
C’était le processus d’écriture le plus fun que l’on ait vécu !
J’ai lu que certains des morceaux de l’album avaient été écrits dans le tourbus, durant votre tournée où vous faisiez la première partie de Devin Townsend. En quoi ce nouveau contexte a impacté votre manière de composer ?
Charlie : C’est un processus beaucoup plus fun. Habituellement, on fait ça par e-mails, box, c’est beaucoup plus long. Quand tu envoies une idée, il faut attendre que les autres répondent, etc. On s’y est habitués depuis le temps qu’on fonctionne comme ça, mais ça restait frustrant. Avant la tournée, on avait déjà des démos de chaque chanson. En tournée, on avait beaucoup de temps libre vu qu’on jouait en première partie pour un concert de 45 minutes. Les balances prenaient moins de temps, et tout prenait moins de temps d’une manière générale. Quand on était tous ensemble, on s’est dit qu’il fallait utiliser ce temps. On a transformé le bus en petit studio. On avait nos ordinateurs portables, des guitares, des micros… Tous les jours, on se levait, on allait là-dedans et on travaillait sur l’album tous ensemble. On essayait des idées, on se passait le microphone si quelqu’un avait une idée vocale pour certaines sections. C’était notre routine quotidienne. Après avoir joué notre set, on était excités de retourner dans le bus ! C’est un album beaucoup plus cohérent que d’habitude car toutes les chansons ont la marque de fabrique de chacun. C’était le processus d’écriture le plus fun que l’on ait vécu !
Et aujourd’hui, vous vivez la situation totalement opposée. Vous n’êtes plus tous ensemble dans un bus, vous êtes chacun chez vous sans pouvoir vous voir. Comment vivez-vous ça ? J’imagine que c’est compliqué pour vous d’appréhender la sortie de l’album dans ce contexte ?
Charlie : Par chance, on avait fait le gros du travail avant le confinement. Le master était fait, l’artwork aussi, on avait filmé le clip de ‘Prosthetic’ une semaine avant l’annulation de notre tournée. Les deux autres vidéos étaient des vidéos d’animation dans tous les cas, donc ça ne pose pas de problème. Tout était déjà en place. On se tient au programme qui était prévu, mais on ne sait pas comment les choses vont se passer en termes de tournée. On avait des concerts prévus en tournée et dans le cadre de festivals.
Vous êtes d’ores et déjà en train de travailler sur une nouvelle tournée en automne ou en 2021 j’imagine ?
Charlie : Il faut être réaliste, je pense que c’est plus sage de planifier quelque chose en début d’année prochaine. Il faut que la situation soit sécurisée pour que l’on reprenne. Il faudrait avoir un vaccin pour pouvoir planifier une tournée.
Donc peut-être qu’après "Vector" et "Virus", vous allez maintenant sortir l’album "Vaccine" pour faire les 3 V ? (Rires).
Charlie : (Rires) Oui ,mais je me pense que les gens commenceront à en avoir marre à force !
Ces dernières années, vous avez participé à des tournées importantes, et vous avez tourné avec Mike Portnoy’s Shattered Fortress. Quelle pourrait être la prochaine étape pour vous ?
Charlie : Quand on reprendra les tournées, on aimerait visiter des pays où l’on n’a jamais été. Le Japon par exemple. On n’a jamais été en Asie ou en Russie non plus. Il y a plein d’endroits où l’on aimerait jouer. On aimerait faire des shows plus gros et de meilleure qualité. Davantage de gens viennent nous voir, donc cela va nous permettre de hausser le niveau de production, d’ajouter des visuels, ce genre de choses.
Un écran avec des vidéos par exemple ?
Charlie : Oui, c’est quelque chose qu’on n’a pas encore pu fait pour l’instant. C’est ce qu’on vise.
Ça semble être l’étape suivante logique pour vous. Récemment, certains membres du groupe ont été occupés en dehors de Haken. C’est le cas de Richard (Henshall, le guitariste, ndlr) qui a sorti son premier album solo, "The Cocoon", et de Ross (Jennings, le chanteur, ndlr), qui a sorti un album, "Eleventh Hour", avec son groupe Novena. Est-ce que cela t’intéresserait de sortir un album solo ou de t’impliquer dans un side project comme eux ?
Charlie : Oui, j’y ai réfléchi, surtout ces jours-ci où on a beaucoup plus de temps que d’habitude. J’avais pensé à sortir un EP de metal instrumental. J’ai noté quelques idées ici et là, mais c’est encore trop tôt pour y songer sérieusement. Cela reste une idée. Je le ferai probablement, à voir !
Merci beaucoup Charlie ! A bientôt à l’un de vos prochains concerts en France peut-être !
Charlie : Merci à bientôt !