Né à la fin des années 80, Paradise Lost fait aujourd'hui partie des figures incontournables du metal gothique. Le groupe anglais sort cette année son 16ème album, baptisé "Obsidian". Le guitariste originel de la formation, Greg Mackintosh évoque pour nous les dessous de cet opus tout en donnant son avis sur la situation sanitaire actuelle et sur celle de l'industrie musicale.
"Obsidian" est le 16ème album de Paradise Lost. Le premier single, ‘Fall From Grace’, vient d’être révélé, et il fait le lien avec l’album précédent. Peut-on considérer "Obsidian" comme la séquelle de "Medusa" ?
Greg : Non, c’est juste une suite chronologique mais il n’y a pas de lien direct. ‘Fall From Grace’ est le premier morceau que j’ai écrit pour "Obsidian". C’est sûrement la raison pour laquelle cela rappelle "Medusa" dans le style. Mais quand tu écoutes tout l’album, tu réalises qu’il y a beaucoup de choses différentes dedans et que l’on s’éloigne de "Medusa". Je ne dirais pas qu’il y a une continuité entre "Obsidian" et "Medusa". "Medusa" était un album de doom. Celui-ci est plus varié, plus éclectique.
La pochette d' "Obsidian" est très travaillée et est toute en nuances et en ombres, en dégradés de noirs et avec de nombreux éléments. Le but est-il justement de montrer que cet album est varié et éclectique ?
Greg : D’une certaine manière, oui. On voulait une pochette qui reflète les croyances païennes de l’époque. Cela n’a pas de rapport avec nos croyances car nous sommes athées. On s’est juste dit que cela irait bien avec cet album, l’obsidienne ayant été une roche volcanique très utilisée dans la mythologie et le folklore britannique et européen ainsi que de l’iconographie païenne. La pochette est un résumé de tout ça.
J’ai une petite question en rapport avec la pochette qui te fera peut-être rire. Il y a quatre clous sur la pochette. Est-ce qu’ils sont là pour maintenir votre batteur et éviter un nouveau changement de batteur (le groupe ayant eu 5 batteurs depuis sa création, ndlr).
Greg : Ah ! (Rires). Qui sait ? On ne sait jamais avec les batteurs ! Ils sont étranges ! (Rires).
Plus sérieusement, Waltteri Väyrynen a rejoint le groupe à la batterie en 2016. Quel a été son implication dans l’écriture d' "Obsidian" ?
Greg : Sur "Medusa", il a fait du très bon travail. Ce coup-ci, je lui ai demandé de faire des choses auxquelles il est moins habitué. Des coups de caisse claire plus subtils, des choses comme ça. Sur cet album, il a dû avoir une approche moins rock/metal que sur "Medusa". Il a plus de styles à couvrir ce coup-ci.
L’album démarre sur ‘Darker Thoughts’, une belle introduction acoustique où l’on retrouve du violon, ce qui n’est pas habituel pour Paradise Lost. Pourquoi ce choix-là ?
Greg : A la base, j’avais commencé à écrire une intro pour cet album. Je l’ai envoyée à Nick (Holmes, au chant, ndlr), et il y a ajouté du chant qui me rappelait un peu du Fleetwood Mac. On a ensuite développé ça. On s’est dit que cette chanson n’avait pas sa place sur le CD, sauf en guise d’introduction, car elle allait surprendre les gens. Elle peut diviser notre public. C’est quelque chose de différent pour nous mais le changement peut être une bonne chose ! Nous aimons nous challenger. Je pense que c’est une très bonne chanson et elle est intéressante ! On va voir si elle touche les gens !
L’approche de cet album prend ses sources dans le rock gothique des années 80, au niveau de la structure des chansons notamment, surtout sur les titres ‘Ghosts’ et ‘Hope Dies Young’. Qu’est-ce qui explique ce retour aux sources pour vous ? Une forme de nostalgie peut-être ?
Greg : Tout au long de notre carrière, nous avons eu recours à ces influences-là. Nous avons grandi avec le rock gothique des années 80. De temps en temps, on aime y revenir ! Quand j’ai écrit cet album, j’ai écouté beaucoup de cette musique, ce qui explique que quelques morceaux aient cette touche-là, sans que l’on ait cherché pour autant à recréer le genre. On l’a fait à notre manière !
Cela m’a rappelé un mélange de Depeche Mode et The Sisters Of Mercy.
Greg : Oui, et on s’est réapproprié ça à notre propre style. Mais ça n’a rien de nouveau chez nous. On a pensé que c’était le moment de repartir dans cette mouvance-là !
"Obsidian" est un voyage pour moi. Du début à la fin, titre après titre.
Greg : Oui peut-être, je suppose que oui. On a passé du temps à soigner l’écriture de l’album. Donc oui je pense que tu as raison, si tu es intrigué et tu es encouragé à continuer l’écoute, c’est en quelque sorte un voyage, oui. Et cela veut dire que l’on a bâti la set-list dans le bon ordre !
Chacun de vous a un projet en parallèle de Paradise Lost. Le tien, c’est Strigoi. Dans quelle mesure ce projet alimente Paradise Lost, si c’est le cas ? Et pourquoi avez-vous le besoin d’avoir des projets en parallèle ?
Greg : Mon projet parallèle précédent, Vallenfyre, est né suite au décès de mon père. C’est la seule raison pour laquelle je me suis lancé là-dedans. J’y ai mis un terme au décès de ma mère, comme si le livre s’était refermé. Quand j’ai arrêté avec Vallenfyre, j’ai senti comme un vide en moi, un vide que j’avais besoin de combler.
Sur ‘Hope Dies Young’, tu sembles expliquer que l’espoir diminue à mesure que le temps passe. Cela veut-il dire que seule la jeunesse est un espoir pour l’avenir du monde, comme on peut en faire le parallèle avec Greta Thundberg et la situation écologique.
Greg : Je ne pense pas ! ‘Hope Dies Young’ parle de ces rêves que l’on a quand on est adolescent. Pour beaucoup de gens, ces rêves ne se réalisent pas. Quand tu es jeune, cela n’a pas tant d’impact sur toi. Mais quand tu grandis et que tu regardes en arrière, c’est plus dur à accepter. Cela ne veut pas dire qu’il faut abandonner ses rêves ! C’est en général pour ça que les crises de la quarantaine arrivent ! (Rires).
‘Serenity’ est un titre surprenant. A mon sens, ce titre incarne tout sauf la sérénité ! Pourquoi avoir choisi ce contraste ?
Greg : On aime beaucoup jouer là-dessus, sur les dichotomies. C’est quelque chose que l’on fait souvent, toujours volontairement. Sur le morceau ‘Fall From Grace’, le refrain est très heavy, mais paradoxalement, le chant est beaucoup plus subtil, silencieux, et clair. On aime beaucoup jouer là-dessus, et surprendre les gens.
Il semblerait que l’on soit en train de vivre l’une des époques les plus sombres de notre histoire contemporaine. La musique, comme l’art en général, est souvent un refuge pour les gens. Paradoxalement, les musiciens ne sont pas dans les meilleures conditions pour promouvoir leur art vu la situation actuelle. Comment appréhendez-vous la sortie de cet album dans ce contexte-là ?
Greg : C’est une bonne question car il y a deux semaines, Nuclear Blast (leur label, ndlr), nous a parlé à ce sujet. On s’est dit qu’avec cette période de confinement, les gens allaient avoir besoin de sécurité et de réconfort, et que la musique était peut-être trop frivole pour sortir un album à ce moment-là. Et puis finalement, en y réfléchissant, nous ne sommes pas comme des animaux. On n’a pas besoin que de chaleur, de lumière et de nourriture pour vivre. Dans une situation comme ça, on a encore plus besoin d’art que d’habitude. On a alors pris la décision de ne pas reporter la sortie. On pense que la situation actuelle fait que l’album doit encore plus sortir aujourd’hui.
Si la musique t’aide à te sentir mieux, en écouter est ce qu’il te reste de mieux à faire !
J’ai lu quelque part et que quand tu te sens mal, écouter de la musique sombre et triste aide à se remettre sur de bons rails. Donc cela va dans le sens que tu indiques. Paradise Lost a un rôle à jouer auprès de ses fans, tu ne crois pas ?
Greg : Je ne sais pas, je ne peux pas dire ça car je ne connais pas la situation des gens, mais c’est le cas pour moi. C’est comme ça que je vis la musique. Si notre musique peut aider les gens, alors c’est parfait. Que peut-on espérer de mieux ? Il n’y a pas que Netflix qui existe, il y a aussi la musique, les livres… Si la musique t’aide à te sentir mieux, en écouter est ce qu’il te reste de mieux à faire !
Quand tu regardes votre discographie avec le recul, comment situerais-tu ce nouvel album dans celle-ci ? Est-ce un aboutissement, la fin d’un chapitre, la fin d’un cycle ?
Greg : Non, je ne pense pas ! On a essayé d’implémenter de nouvelles choses sur cet album, sur les morceaux ‘Darker Thoughts’ ou ‘Ending Days’ notamment. Cet album retrace plusieurs époques de Paradise Lost en tout cas.
C’est une synthèse de ce que vous avez fait jusqu'ici.
Greg : Je suppose ! On ne l’a pas fait volontairement, mais si tu connais bien le groupe, je pense qu’on peut le dire.
C’est en quelque sorte un cadeau aux fans qui vous suivent depuis le début.
Greg : Je pense, oui ! Les gens qui ont écouté l’album remarquent que ce disque va puiser son inspiration à travers de nombreuses époques et je pense que c’est bien.
Si cet album se vend moins qu’en temps normal, ce sont tous les albums qui vont moins se vendre.
Qu’attends-tu de ce nouvel album ? Attends-tu quelque chose en particulier ?
Greg : Pas vraiment. J’appréhende un peu à cause de la situation actuelle. Les ventes vont être évidemment affectées par tout ça. 70% des gens aujourd’hui écoutent la musique en ligne ou en streaming. Mais il y a toujours 30% des gens qui écoutent les albums au format physique. Mais il nous faut sortir cet album maintenant pour tous les gens qui ne peuvent pas sortir de chez eux. Mais c’est une situation générale. Si cet album se vend moins qu’en temps normal, ce sont tous les albums qui vont moins se vendre.
Un petit mot pour nos lecteurs pour finir ?
Greg : Prenez soin de vous ! On espère qu’on s’en sortira tous ! La musique est un bon moyen d’aller de l’avant, que ce soit avec "Obsidian" ou un autre album ! Quoi que vous fassiez, restez en sécurité et restez calmes !
Merci beaucoup ! Au revoir !
Greg : Merci à toi ! A bientôt !