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TITRE:

BENIGHTED (21 FEVRIER 2020)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

DEATH METAL



Benighted laboure les terres death depuis plus de vingt ans et nous revient avec "Obscene Repressed", neuvième méfait d'une discographie placée de la violence mais loin d'être monochrome...
STRUCK - 20.03.2020 -
6 photo(s) - (1) commentaire(s)

Bien que sillonnant la scène metal extrême depuis 1998, nous n'avions jamais eu la chance de croiser le chemin des membres de Benighted. Manque réparé dans le cadre de la sortie du neuvième album studio "Obscene Repressed" et l'occasion de faire le point avec un groupe authentique qui est bien plus que ce que peut laisser imaginer l'imagerie gore assumée. En effet, de primes abords ultra-sauvages, le propos de Benighted est nettement plus nuancé et tente de nous sensibiliser à une maladie trop souvent ridiculisée dans la fantasmagorie horrifique... Plongée dans les ténébres d'une maladie trop méconnue, la schizophrénie !


Quelle est la question qu’on vous a trop souvent posée à laquelle vous auriez marre de répondre ?

Julien Truchan : Ah ? Et bien c’est : "Bonjour, pouvez-vous présenter le groupe ?". Elle me casse les couilles celle-là (Rires) !






Encore aujourd’hui ? Parce qu’on parle d’un groupe qui vient de fêter ses vingt ans d’existence…

Julien : Justement, c’est pour ça parce qu’au bout de vingt ans nous demander de présenter le groupe…


Ça me fait bizarre de me dire que [...] on va jouer à l’Olympia une musique qui a commencé dans le garage de mon père !


Justement, comment vous sentez-vous après vingt ans d’existence, quel retour faites-vous sur votre parcours ? A vos débuts, est-ce que vous auriez pensé être ici au Hellfest Corner faire la promo de votre neuvième album ?

Julien : Bien sûr que non.

Emmanuel Dalle : Je ne vais pas parler en ce qui me concerne, il y a vingt ans, j’en avais onze (Rires) !

Julien : (Rires) C’est vrai qu’il y a un petit décalage d’âge dans le groupe. Maintenant, je suis le seul qui puisse parler de Benighted à ses débuts, je suis le seul membre originel ! Ça me fait bizarre de me dire que dans deux mois, on va jouer à l’Olympia une musique qui a commencé dans le garage de mon père !


Comment expliques-tu que cette musique jouée dans le garage de ton père ait eu autant d’écho pour être jouée à l’Olympia vingt ans plus tard ?

Julien : Même si les autres pays sont bien en avance sur nous à ce niveau, je pense que le metal a commencé à se démocratiser dans les cinq ou dix dernières années. Il reste du travail à faire parce que le metal extrême reste quelque chose d’élitiste et c’est difficile de le voir dans les grands médias comme dans les très grandes salles.


Nous sommes l’un des rares groupes qui s’exporte très bien en termes de metal extrême



Et comment expliques-tu concrètement que Benighted s’en sorte malgré tout ?

Julien : Il y a plusieurs facteurs, je pense que nous sommes l’un des rares groupes qui s’exporte très bien en termes de metal extrême du coup mine de rien, ça attire l’œil des fans français : je pense que nous sommes un groupe dont ils peuvent être fiers parce qu’on parle un petit peu partout dans le monde.


L’authenticité de notre démarche [...] est quelque chose qui compte énormément parce que les gens ne nous ont jamais lâchés



A l’image d’un Gojira, toute proportion gardée…

Julien : C’est un peu ça ! Du coup, oui, je pense que c’est un des facteurs. Et puis, comme tu peux l’imaginer, depuis des années et des années, nous avons beaucoup tourné en France et nous sommes toujours restés fidèles à ce que nous faisions. Je pense que l’authenticité de notre démarche, le fait que nous soyons toujours restés proches des gens qui nous soutiennent, c’est quelque chose qui compte énormément parce que les gens ne nous ont jamais lâchés. Je pense que je connais du monde à peu près dans toutes les villes françaises dans lesquelles nous avons joué et chaque fois qu’on repasse, ce sont des liens qui sont restés c’est-à-dire qu’il y a un côté familial que dégage Benighted qui fait que les gens adhèrent non seulement à la musique mais également à l’esprit qu’il y a autour. Nous ne sommes jamais tombés dans un truc de starification à la con, nous ne sommes vraiment pas dans cette démarche parce que nous faisons du grind : ce n’est pas fait pour pouvoir péter plus haut que son cul (Rires) ! Le fait que nous soyons toujours restés hyper authentiques et au contact des gens qui nous soutiennent parce que c’est grâce à eux que nous en sommes là : je pense que ça a joué beaucoup !


D’un album à l’autre, Benighted se renouvelle : la musique n’est clairement pas la même.

 

Votre actualité est la sortie de “Obscene Repressed”, deux ans après “Necrobreed”, un album tous les deux-trois ans, comment arrivez-vous à maintenir ce rythme et surtout ne craignez-vous pas la redite après tant d’années, ou l’apport de sang neuf contribue à l'éviter comme on l’a compris tout à l’heure au travers de la remarque d’Emmanuel ?

Emmanuel : Je pense que ça doit jouer mais Julien est mieux placé pour en parler parce qu’il est là depuis le début. C’est vrai que d’un album à l’autre, Benighted se renouvelle : la musique n’est clairement pas la même.
Le vrai Benighted tel qu’il est maintenant a dû commencer sur "Insane Cephalic Production" -avant la musique était un peu plus black. On sent qu’entre le line-up qui assure de "Insane Cephalic Production" jusqu’à "Asylum Cave", on sent qu’il y a une différence avec "Carnivore Sublime" qui arrive plus tard et la moitié du groupe n’est quasiment plus la même. C’est la même chose pour "Necrobreed", le line-up change encore et c’est encore un autre style qui arrive… Et aujourd’hui, je pense que "Obscene Repressed" confirme un peu la continuité de "Necrobreed" avec un line-up un peu stabilisé.

Julien : Disons qu’il y a une grosse colonne vertébrale death metal avec ma voix qui a suivi au fil des albums. Mais c’est vrai qu’on a eu la chance d’avoir de très bons compositeurs à chaque fois c’est-à-dire que quand un membre a dû partir ou on a dû se séparer de lui, on a toujours eu quelqu’un qui arrivait qui pouvait proposer quelque chose de différent ou même de mieux. C’est vrai que quand Emmanuel est arrivé dans le groupe, juste pour l’enregistrement de notre live en 2014 -"Brutalive the Sick"- on a eu la chance de tomber sur quelqu’un qui avait un vrai talent de composition et qui a pu prendre les rênes de la composition des riffs dans Benighted.





“Necrobreed” avait été très bien accueilli aussi bien par le public que les médias. Est-ce que cela vous a mis une pression supplémentaire au moment de se lancer dans la composition ?

Emmanuel : Honnêtement oui parce que quand j’ai composé "Necrobreed", c’était la première fois que j’écrivais un album : je n’avais donc pas vraiment d’expérience.

Julien : C’était une belle première fois (Rires) !

Emmanuel : Ça faisait longtemps que j’écrivais des morceaux mais uniquement pour moi : je n’avais juste pas eu des projets qui étaient arrivés à maturité pour sortir des albums. C’était la première que je jouais dans un groupe sérieux et en plus, un groupe qui existait depuis 17 ans à l’époque. C’était un véritable défi d’incruster mes influences dans un groupe déjà établi dans la scène depuis des années.
Je ne savais donc pas si j’avais la capacité de faire un deuxième album. Je m’étais déjà posé la question sur l’EP "Dogs Always Bite Harder Than Their Master" qu’on a sorti entre ces deux albums : je me demandais si je n’allais pas faire un deuxième "Necrobreed"…


Et comment expliques-tu que ce ne soit pas le cas finalement ?

Emmanuel : Je pense que j’ai encore des choses à dire que je n’ai pas encore exprimées dans "Necrobreed". Je n’ai pas réussi à caler toutes mes influences, peut-être parce que j’étais prudent pour ne pas m’imposer au groupe en arrivant avec des compos radicalement différentes et perdre les fans…
En changeant souvent de line-up, les compos changent aussi forcément… mais tu te retiens, tu essaies de faire quelque chose qui ressemble au groupe et petit à petit tu intègres tes influences…


Mais n’est-ce pas aussi un travail collectif…

Emmanuel : Bien sûr !


… entre toi qui proposes des riffs et les autres membres qui les valident ou non, voire suggèrent que certains sonnent trop "Necrobreed" par exemple ?

Emmanuel : Sur "Necrobreed", j’ai été particulièrement bien encadré. J’écrivais des morceaux et quand je les proposais, tous les autres membres du groupe et en particulier Julien me disaient si ça sonnait Benighted ou non. Et si ça ne le faisait pas, on les retravaillait.
Maintenant, j’ai compris comment ça devait sonner, ça sort désormais plus facilement : ça devient plus une évidence d’écrire du Benighted.


Je me suis servi de mon imagination et de ma culture horrifique pour écrire une histoire qui puisse être crédible dans ce que les symptômes de la schizophrénie ont de vrai !


Cet album tourne autour d’une histoire qui semble influencée par la littérature science-fiction comme Philip K. Dick qui aime prendre le lecteur à contre-pied, par le cinéma et David Cronenberg qui aime le difforme avec des films comme “Faux Semblants”, “Existenz” ou encore David Lynch qui aime la folie et l’étrange comme sur “Eraserhead” ou “Elephant Man”, est-ce le cas ?

Julien : En l’occurrence, pour ma part, ça vient directement de mon métier je suis infirmier en hôpital psychiatrique. Effectivement, j’aime beaucoup tout ce qui est horrifique, science-fiction… et je fais un subtil condensé des deux quand je suis amené à écrire pour un nouvel album.
Dans le cas présent, le concept de ce nouvel album part d’un patient que j’ai connu, il y a une bonne dizaine d’années et je me suis servi de mon imagination et de ma culture horrifique pour écrire une histoire qui puisse être crédible dans ce que les symptômes de la schizophrénie ont de vrai !


Les schizophrènes sont les gens les plus vulnérables du monde parce qu’ils se sentent continuellement menacés et au bout d’un moment, ils n’ont pas d’autre choix que de retourner cette violence contre eux pour ne plus la subir.



Le concept fouillé contient de éléments de réflexion, est-ce que c’était votre intention : malgré une musique bestiale, d’arriver à faire réfléchir les gens et à les émouvoir ?

Julien : J’essaie… Après, je sais que souvent les paroles dans ce genre musical arrivent au second plan et ont un intérêt limité pour les gens qui écoutent cette musique. Ceux qui essaient de se plonger un petit peu dedans, de comprendre un peu les thèmes et de voir ce qui se passe derrière cette grosse voix et ce que disent les paroles… comprendront que je réfléchis beaucoup aux histoires qu’il y a derrière et putain, j’y passe du temps (Rires)… Dans ma part mon travail, il y a toute une partie du cinéma horrifique que je rejette avec dégoût parce qu’il y a beaucoup de clichés qui sont véhiculés sur la schizophrénie au travers des films avec des personnalités multiples dans lesquels les réalisateurs se permettent de dire que c’est inspiré de faits réels alors que c’est une chimère sans nom… C’est vraiment du foutage de gueule et du coup, ils font une très mauvaise publicité à des gens dont je m’occupe et qui souffrent et qui se sentent considérés comme ça parce qu’ils ont cette maladie, parce que des connards se sont dits que ce serait cool de se faire du fric avec ce genre d’histoire en disant que ça vient de faits réels… C’est quelque chose qui m’emmerde profondément !
Dans les albums de Benighted, quelques soient les paroles que j’ai écrites, j’ai toujours respecté une chose, à savoir que le schizophrène est avant tout un danger pour lui-même c’est-à-dire que quand il fait du mal, c’est souvent à lui avant de le faire aux autres ou de devenir un serial killer comme on le veut le faire croire. Les schizophrènes sont les gens les plus vulnérables du monde parce qu’ils se sentent continuellement menacés et au bout d’un moment, ils n’ont pas d’autre choix que de retourner cette violence contre eux pour ne plus la subir.
S’il y a bien un seul message dans tous les albums de Benighted par rapport aux histoires que je raconte, c’est qu’il y a beaucoup de souffrance, il y a beaucoup d’horreur mais à aucun moment, il n’y a eu une agression envers l’autre c’est-à-dire que la violence a toujours été dirigée vers lui-même.


Nous sommes un peu les handicapés difformes de la musique qui font un peu peur, qui dérangent un peu…


Le disque débute sur une idée de difformité ou de handicap et ce personnage qui naît avec un bec de lièvre. Pour faire un rapprochement avec Benighted, est-ce que c’est ainsi que vous vous sentez, comme infirmes, est-ce que c’est parce que votre musique est difforme, vous sentez vous handicapés dans l’industrie musicale ?

Julien : Je pense que nous le sommes, bien sûr ! En raison du style que nous jouons mais c’est un handicap volontaire c’est-à-dire que nous savons très bien que notre démarche est anti-commerciale à la base même si dans beaucoup de cas, l’anti-commercial devient commercial… Mais notre style musical n’est pas celui qu’on écoute à la légère en salle d’attente par exemple (Rires) !
Mais oui, effectivement, nous sommes un peu les handicapés difformes de la musique, qui font un peu peur, qui dérangent un peu…


Il y a également une idée de grande solitude, est-ce c’est aussi ce que vous ressentez, comme être seuls à faire du metal extrême dans un monde où la musique est basique et facile ?

Julien : Pas du tout ! Un des belles choses que créé cette musique metal, ce sont les connections un peu partout dans le monde avec des gens qui écoutent cette musique. Et on peut aller dans n’importe quel pays, on trouvera toujours des gens qui nous accueilleront à bras ouverts juste parce qu’on écoute la même musique.


Je me sens tout sauf seul dans cette famille metal.



N’est-ce pas un sentiment de reconnaissance, un lien entre personnes qui se sentent marginales dans notre société ?

Julien : J’ai envie de répondre : est-ce plus marginal que la personne qui a tout comme il faut, qui coche toutes les bonnes cases de la société mais qui ne sort jamais de chez elle ?
La frontière entre normalité et marginalité est assez fine finalement… et en l’occurrence, je me sens tout sauf seul dans cette famille metal.





Dans cet album, vous intégrez un passage jazzy (‘Muzzle’) : peut-on dire que vous êtes les héritiers de Cynic, Gorguts ou Atheist ?

Emmanuel : Non !

Julien : Ah non !


On évoquait tout à l’heure le fait d’éviter la redite, est-ce que ce genre de titres vous ouvre des portes pour le futur ?

Emmanuel : Ce titre n’a pas été écrit pour prouver que nous pouvions faire un titre technique avec un solo de jazz fusion. C’est juste une cassure de style au milieu d’un morceau assez basique, assez grind, très Napalm Death dans l’esprit… Une cassure comme on pouvait en retrouver sur le titre ‘Carnivore Sublime’ par exemple où tout d’un coup, ça part en espèce de samba (Rires) sauf que là, nous ne voulions pas faire un truc trop rigolo, nous avons donc fait un truc un peu plus recherché en écrivant carrément une partie jazz juste après un blast sans prévenir. Mais non, ce n’est pas dans l’esprit de tomber dans un truc plus progressif…


Malgré tout, on se demandait avec cet album, si vous n’entriez pas dans un monde plus progressif, mais également plus introspectif qu’à l’accoutumée, avec une volonté de s’affranchir de certains codes du death / grind dans lequel vous œuvrez ?

Julien : D’album en album, nous faisons très attention de toujours garder ces parties surprenantes où les gens se demandent ce que nous faisons (Rires). C’est valable dans n’importe quel de nos albums : on a toujours veillé à avoir des parties qui paraissent presque incohérentes au milieu de nos morceaux afin qu’il se passe toujours quelque chose dans un titre de Benighted et quand les gens écoutent l’album, ils puissent retenir tel ou tel morceau et non pas se dire qu’ils ont écouté un bon album de death metal mais en étant incapables de se rappeler de quoi que ce soit.


Chaque morceau doit pouvoir être un single à part entière !



N’est-ce pas quelque part répondre aux exigences de l’industrie musicale à l’heure des playlists ?

Julien : Tout à fait ! Chaque morceau doit pouvoir être un single à part entière !

Emmanuel : Chaque morceau a été composé de sorte à ce qu’il y ait au moins un refrain qu’on puisse retenir !


A propos de refrains, pourquoi ne pas avoir mis plus de textes en français, car ‘Brutus’ est vraiment très beau et très réussi ? Quel lien entre Brutus le sénateur Romain, et l’histoire ou le personnage de votre album ?

Julien : Il faut savoir qu’en général, il y a au moins deux morceaux par album qui sont en français, malheureusement ma mauvaise prononciation ne rend pas facilement ça intelligible (Rires) : je pense que je pourrais chanter en tchèque ce serait pareil (Rires) !


Mais ne serait-ce pas plus aisé d’écrire dans ta langue natale française ?

Julien : Ce serait plutôt le contraire. C’est beaucoup plus facile pour moi d’écrire en anglais. C’est beaucoup plus dur d’écrire en français car nous sommes beaucoup plus durs avec notre propre langue : en anglais, tu peux chanter n’importe quoi, ça passe !
Si on traduit en français n’importe quelle chanson anglaise connue, la plupart du temps, c’est ridicule !


Et la langue française est très dure à faire sonner dans le rock…

Julien : Bien sûr ! C’est la raison pour laquelle c’est très dur d’écrire en français mais c’est un exercice que j’adore…

Emmanuel : Surtout dans des tempos aussi élevés, arriver à caler des phrasés français qui sont en général des phrases très longues parce que Julien aime bien faire beaucoup d’images…

Julien : … oui, il y a au moins deux sens de lectures dans ce que j’écris…


Et ‘Brutus’ en l’occurrence ?

Julien : ‘Brutus’ en l’occurrence parle de cette scène majestueuse où le fils tue son père empereur dans un sentiment de trahison. Et dans l’histoire, c’est le fantasme parricide de l’enfant difforme qui pense que son père l’a fait volontairement difforme pour que sa mère le rejette et qu’il puisse la garder pour lui et que dans le même temps, il a l’impression que sa mère souffre des assauts sexuels de son père avec les bruits qu’il entend à travers la porte… Il se prétend sauver sa mère en tuant symboliquement ce papa maltraitant et malveillant et ainsi prendre sa place…


Mais mettons une nouvelle fois les choses au clair, il ne tue que symboliquement son père ?

Julien : Symboliquement !


Effectivement car à la vue des pochettes gore… on peut avoir le sentiment que Benighted entre dans le jeu des réalisateurs de films d’horreur dans lesquels des schizophrènes sont décrits comme des dangers pour les autres or dans le cas présent, ton personnage ne tue personne


Julien : Absolument ! Le parricide symbolique ou dans la phase œdipienne qui est la forclusion du nom du père représente le refus de l’autorité du papa et le refus d’assumer la descendance du père parce qu’on veut rester avec maman !
Et la pochette de l’album avec le démon représente les pulsions sexuelles œdipiennes qui étouffent l’enfant difforme…





Est-ce que vous avez vous même du mal à vous détacher de vos mères et à couper les liens ?  En quoi le retour à la mère est-il rassurant ?

Julien : Tous les retours à des choses que l’on connaît et nous rassurent sont normalement salvateurs sauf s’il y a un passif avec maman…


Est-ce que l’enfant qui veut retourner dans sa mère, ne symbolise pas aussi le fait de devoir se détacher de quelque chose de plus symbolique ? Est-ce que pour cet album vous avez-du vous détacher de certaines choses ?

Julien : Je ne pense pas. Le thème œdipien est arrivé en deuxième intention dans l’histoire que j’ai écrite et en l’occurrence, la maman est le sein rassurant, l’utérus dans lequel on se sent protégé avec des limites très proches qui nous contiennent et qui font qu’on se sent à l’abri de tous les dangers de la société extérieure.


Pour en revenir à la musique, on vous sent libres sur cet album, comment expliquez-vous cela ? Est-ce dû à l’ajout de passages symphoniques et de synthés, de tempos variés, de chant deathcore et grind ou des passages techniques et presque progressifs ?

Julien : Tu as dit deux gros mots dans la même phrase avec deathcore et symphonique (Rires) !


Nous sommes libres parce qu’on ne se met aucune barrière !



On y reviendra pour le gros mot…

Julien : Non, mais je vois ce que tu veux dire. Nous sommes libres parce qu’on ne se met aucune barrière ! La seule barrière est d’être efficace si c’est de la branlette pour de la branlette, ça n’a aucun intérêt. Nous sommes toujours vigilants à ce que ce soit des morceaux qui puissent exister en tant qu’entité à part entière, avec leur identité propre et lorsqu’on arrive sur scène, ils doivent mettre la branlée ou surprendre ou les deux. Et si un morceau ne répond pas à ça, on laisse tomber c’est-à-dire qu’un morceau qui t’en foutrait plein la gueule techniquement mais dont tu ne pourrais rien retenir, ça ne nous intéresse pas ! En ce sens, grâce à la colonne vertébrale de Benighted et le fait que nous ayons beaucoup d’influences, on peut s’autoriser un peu tout !


Justement l’un des gros mots, on peut entendre des éléments deathcore dans votre musique…

Julien : Bien sûr mais quand on entend deathcore, on entend Suicide Silence… Mais ça a changé parce qu’à la base, le deathcore c’est Dying Fetus… A la base, le deathcore, c’est du death metal qui groove mais c’est devenu toute cette mouvance Suicide Silence…

Emmanuel : … et tous ces groupes qui font la même chose…

Julien : Et quand tu écoutes Suicide Silence et Dying Fetus, ça n’a rien à voir !


L’album compte des invités au chant avec notamment Jamey Jasta de Hatebreed, pourquoi c’était nécessaire d’avoir d’autres chanteurs ?

Emmanuel : C’est une tradition !

Julien : Effectivement, il y a une sorte de tradition encore une fois liée au côté familial de Benighted qui fait qu’on incorpore les gens qui sont importants pour nous que ce soit parce que ce sont des influences ou des gens proches avec qui on a tourné, avec qui on cimente quelque chose.
Et pour Jamey Jasta, nous sommes plusieurs dans le groupe a aimé Hatebreed et ça s’est passé de façon totalement fortuite, c’est-à-dire que j’ai eu écho que Jamey Jasta dans un de ses podcasts avait parlé de Benighted et avait diffusé un de nos clips. Je me suis dit que si ça trouvait il nous aimait bien et j’aurais adoré qu’il chante sur un de nos albums -il y a quand même une grosse influence hardcore dans pas mal de nos morceaux- et surtout sur un morceau comme ‘Implore the Negative’, si Jamey Jasta pouvait chanter dessus ce serait juste fantastique.
J’ai donc tenté le pari en écrivant à un des mecs de Nuclear Blast chez qui est signé Hatebreed en disant qu’on adorerait avec Jamey Jasta sur un de nos albums et s’il était possible de lui envoyer un mail. Mon contact chez Nuclear Blast m’a répondu qu’il adorait Benighted et qu’il adorerait que ce type de collaboration se fasse en revanche, Jamey Jasta est un des mecs les plus occupés qu’il connaissait donc il était possible qu’il ne réponde même pas. Et quinze jours plus tard, à ma grande surprise, je reçois un mail de Nuclear Blast me disant que Jamey était partant et il nous mettait en contact… Et ça s’est fait comme ça (Sourire) !


Je suis à la fois dans un processus professionnel de faire quelque chose qui sonne et en même temps, je nourris le gamin qui est en moi



A l’inverse, ne craignez-vous pas que certains vous reprochent cette tradition d’inviter de tels guests prestigieux en la qualifiant d’opportuniste ?


Julien : Il y aura toujours des reproches. L’important pour un titre comme ‘Implore the Negative’ est d’en être fier et j’en suis super fier à la fois pour le rendu hyper efficace du morceau avec le mariage des deux voix, c’est comme le fait que Max Cavalera soit fan de Benighted, pour moi, c’est une énorme reconnaissance. Ma satisfaction personnelle est énorme quand je vois qu’aujourd’hui, un mec -qui a été une si grosse influence pour moi quand j’étais gamin- connait le nom de mon groupe, porte mes T-shirts et cherche à me voir lorsqu’on est sur des festivals… c’est con mais ça me touche et le gamin fan qui est en moi est encore présent et ressent ce genre de truc et c’est tant mieux parce que le jour où ça ne me fera plus rien, une partie de moi sera morte et je ne veux pas ça !
Je suis à la fois dans un processus professionnel de faire quelque chose qui sonne et en même temps, je nourris le gamin qui est en moi et qui est super heureux parce que quelqu’un qu’il admire lui dit que ce qu’il fait est vachement bien !

Emmanuel : Tu as raison parce que c’était une grosse prise de risque. Ça aurait pu être quelque chose de commercial mais une valeur sûre : c’est à double tranchant soit les gens détestent, soit ils adorent parce que c’est un style à part...


Mais comme vous le disiez en début d’interview, même si vous vous écartez de votre démarche initiale sur un titre, l’essentiel est de rester authentique…

Julien : Tout à fait et si c’est casse-gueule, c’est casse-gueule. Si les gens n’aiment pas, ils n’aiment pas : ce n’est pas grave. De mon côté, je suis content de l’avoir fait …

Emmanuel : … et c’est également histoire de casser les codes… mais pour le coup, c’est vrai que ça peut un peu déstabiliser les gens mais bon…

Julien : Mais c’est vrai que le death métalleux pur et dur n’est peut-être pas prêt à ce type d’hybride un peu inattendu et pas facile à appréhender.





Finalement, qu’attendez-vous de ce nouvel album ?

Julien : Nous amener le plus de tournées possibles…

Emmanuel : Et de la thune (Rires) ! Non, on va plutôt parler de tournées…

Julien : C’est bien pour ça qu’on a tous un travail !


Et concernant ces tournées, des dates particulières à annoncer ?

Julien : On va faire l’Inferno Festival en Norvège le 10 avril. Ensuite, on part sur les dix-sept dates du Warm-Up Hellfest Tour dont Paris à l’Olympia qui est une sacrée consécration pour un groupe extrême comme le nôtre. Après, on a deux dates au Japon. Puis, on a tous les festivals d’été avec huit ou neuf festivals. Ensuite, on a trois dates en Finlande au mois de septembre. Puis, trois semaines de tournées européennes en octobre dont la Grèce en novembre, pays dans lequel on n’a jamais joué. Il y a également le Mexique qui est en train de se préparer. Et en 2021, ce sera USA, USA, USA…

Emmanuel : On va sûrement retourner aux USA et peut-être l’Asie aussi…

Julien : On va mettre surtout mettre l’accent sur les USA.


Benighted à la conquête du monde ! On a commencé par la question qu’on vous a trop souvent posée, au contraire quelle est celle que vous souhaiteriez que je vous pose ou à laquelle vous rêveriez de répondre ?

Emmanuel : On pense toujours aux questions qui nous emmerdent mais pas le reste (Rires)…

Julien : C’est vrai qu’est-ce que j’aimerais qu’on me pose comme question ?

Emmanuel : Celle-ci par exemple est une très bonne question…


C’est la seule bonne de l’interview…

Emmanuel : (Rires) Non, non, très bonne interview !

Julien : Oui, oui, ça fait plaisir, c’était super bien !

Emmanuel : Très cool !


En revanche, vous n’avez toujours pas répondu à ma dernière question…

Emmanuel : On gagne du temps (Rires) !


Ce que je vous propose, c’est d’y réfléchir et à notre prochaine rencontre, on commencera par cette question…


Julien : On y réfléchira !




Merci

Benighted : Merci à toi


Merci à ThibautK pour sa contribution...


Plus d'informations sur http://www.myspace.com/brutalbenighted
 
(1) COMMENTAIRE(S)  
 
 
THIBAUTK
20/03/2020
  0
Interveview intéressant pour en apprendre plus sur le groupe et son univers musical. Tout cela confirme qu'il est bien plus qu'un simple groupe de grindcore lambda.
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