Vous n'imaginez pas le nombre de révélations musicales que nous vendent au quotidien nos interlocuteurs labels et autres... Jade Jackson est une de ces innombrables artistes qu'on nous présente comme la future stard de demain et nous étions donc à nouveau circonspect au moment de nous pencher sur ses travaux. Doutes très rapidement balayés tant la musique de "Wilderness" est marqué par les tourments traversés par la jeune Américaine...
Nous aimons commencer nos interviews par cette question : quelle est la question qu’on t'a trop posée ?
Eh bien, je ne pense pas qu’on m’ait encore posé trop de questions… parce que je suis relativement "nouvelle" dans le milieu. Je n’ai pas fait des tonnes d’interviews comme un artiste qui serait dans le business depuis 40 ans. Je ne suis pas donc encore blasée par l’exercice.
Nous avons donc de la chance, je vais donc pouvoir te poser des questions très basiques…
(Rires)
… à commencer par celle-ci : tu as grandi dans un petit village californien, Santa Margarita. Comment as-tu fait ton apprentissage de la musique ?
J’ai pris des leçons de piano dès l’âge de 4 ans jusqu’au 6th grade (NdStruck : 11-12 ans). Et quand je suis entré au 6th grade, mes parents s’étaient lancés dans un nouveau business et ne pouvaient plus me payer de leçons. J’ai donc pris la guitare de mon père et j’avais un poster sur lequel étaient référencées toutes les notes de guitares. Et tout ce que j’avais pu apprendre au piano, je faisais en sorte de trouver la correspondance entre la note que je jouais au piano et celle de la guitare que je trouvais sur le poster. J’ai passé des heures et des heures à faire cet exercice…
Et quand j’ai eu quelques chansons, j’ai commencé à jouer dans un café les dimanches et c’est comme ça que tout a commencé…
Je ne dirais pas que nous essayons de nous cantonner à un genre
Mais d’où te vient cet amour de la musique country ?
Je ne dirais pas que nous essayons de nous cantonner à un genre mais c’est vrai que j’ai grandi en écoutant de la vieille country. Mais j’ai également grandi en écoutant du punk et d’autres groupes comme Bauhaus, Echo and the Bunnymen, The Smiths… et j’aime tous ces groupes !
Mais c’est assez difficile de trouver ces influences dans ton album. Penses-tu qu’on les entend ?
Je le pense, oui ! En fait, la composition chez moi est assez rapide : elle est le fruit de toutes mes expériences et toutes les musiques que j’ai pu écouter que je digère puis qui remontent selon les émotions. Et puis le fait de collaboration avec Mike Ness qui a un
background plus rock’n’roll donne le résultat que l’on peut entendre.
Le fait d’écrire des chansons m’a donné un sentiment d’épanouissement que je n’avais jamais ressenti
Tu as commencé à écrire des chansons à l’âge de 13 ans. Quel a été le déclic ? Une envie de t’exprimer, un remède à l’ennui, un besoin de pallier un sentiment de solitude ?
Je pense que le fait d’écrire des chansons m’a donné un sentiment d’épanouissement que je n’avais jamais ressenti. Je pense l’avoir ressenti quand j’ai joué du piano quand j’étais petite. Ce sentiment de connexion, je ne le retrouve uniquement dans la musique.
Ton premier album "Gilded" a été très bien accueilli par le public et la critique. T’attendais-tu à cette unanimité ?
Je suis vraiment reconnaissante que les gens aient écouté cet album et l’aient apprécié -parce que finalement, tu ne sais jamais comment sera l’accueil- et en particulier quand tu es la principale compositrice, tu es très humble quand tu partages ces chansons que tu as écrites.
Et comment expliques-tu un tel accueil ?
En fait, c’est inexplicable ! C’est juste une question de chance ou non !
Quoi qu’il soit, je sais que quel que soit l’accueil -bon ou mauvais- j’aurais malgré tout écrit un autre album.
Il faut faire en sorte d’écrire les choses les plus vraies possibles !
Et en tant que jeune compositrice, n’as-tu jamais envisagé de faire appel à quelqu’un de plus connu pour t’aider notamment pour ce premier album ?
C’est évident que cela m’aurait aidé mais je pars du principe que le public le ressent, il faut faire en sorte d’écrire les choses les plus vraies possibles !
Je préfère me concentrer sur les sentiments positifs et suivre mon intuition
Mais cela génère plus de stress...
Oui (Rires) ! Mais l’inquiétude est un sentiment négatif, je préfère me concentrer sur les sentiments positifs et suivre mon intuition, ça a plutôt bien fonctionné jusqu’ici et je vais continuer ainsi (Sourire) !
Mais j’entends parfaitement ce que tu dis : tu as des jours moins bons que d’autres, tu es anxieux ce qui est normal mais il faut aller de l’avant…
D’où l’importance du soutien des gens qui t’entourent…
Mon père m’a vraiment aidée. J’étais très timide quand j’ai commencé à écrire. Il m’a dit que j’allais jouer devant des personnes, que j’étais une super compositrice, la meilleure au monde (Rires)… Il m’a donné confiance en moi et m’a poussé à aller jouer mes chansons devant un public !
Concernant cette timidité, sur l’artwork de "Gilded", tu étais en photo de profil. Pour le nouvel album, "Wilderness", tu es photographiée de face. Dirais-tu que tu peux maintenant t’affirmer pleinement en tant qu’artiste et que tu as plus confiance en toi ?
Bien sûr ! Le fait d’avoir tourné ces quatre dernières années m’a aidé à avoir plus non pas confiance en moi mais plus d'être à l’aise avec moi-même.
La musique est clairement une thérapie pour moi !
Avec "Wilderness", tu as choisi d’affronter ton passé, notamment l’accident que tu as vécu à 20 ans et qui a failli te laisser paralysée et ta dépression suite à cet accident (NdStruck : Suite à une chute qui lui a brisé des vertèbres, les médecins lui ont dit qu’elle ne pourrait jamais remarcher. Après un long moment à porter un appareil orthopédique et se déplacer dans un fauteuil roulant et se rendant compte qu’elle dépendait de plus en plus des analgésiques prescrits, elle a arrêté de les prendre, la plongeant dans une profonde dépression qu’elle qualifie de "suicidaire"). Dirais-tu que cet album est une catharsis et que la musique est une thérapie ?
Evidemment ! La musique est clairement une thérapie pour moi ! Quoi qu’il arrive, tu as ce sentiment de vouloir disparaître pour aller dans ma chambre et prendre ma guitare…
Je manquais de confiance dans ma voix notamment à l’époque
"Wilderness", comme "Gilded", a été produit par Mike Ness (leader de Social Distortion) qui t’a découverte et t’a aidé à faire tes premiers pas dans le métier. De quelle façon est-il intervenu dans la réalisation de l’album ?
J’ai beaucoup écouté Social Distorsion (NdStruck : le groupe de Mike Ness) dans ma jeunesse. Je suis donc fan de sa musique. Et quand j’ai commencé à travailler avec lui, il m’a donné des conseils, des directions… parce que j’écrivais dans tous les sens.
Et comme je manquais de confiance dans ma voix notamment à l’époque, j’en faisais des tonnes avec ma voix ce qui n’était pas nécessaire pour raconter une histoire. Je veux dire que certaines personnes peuvent en faire des tonnes mais elles le peuvent car elles sont douées, en ce qui me concerne, je voyais bien que ça sonnait forcé et pas naturel comme mes idoles que sont Bob Dylan, Bruce Springsteen ou Nora Jones qui n’en rajoutent pas mais que j’adore écouter…
Dans cette optique, Mike m’a fait découvrir des personnes dont j’avais entendu parler mais dont je n’avais jamais approfondi l’écoute comme Lucinda Williams ou Sheryl Crow. Il m’a montré comment elles chantaient et notamment la façon dont elles racontaient une histoire et non pas en faire des tonnes avec leurs voix. Il m’a vraiment aidé sur ce point !
Penses-tu que le début de ta carrière aurait été le même sans lui ?
Bien sûr que non (Rires) ! Au lycée, j’ai fait mes études à la maison parce que je faisais 4 concerts par semaine que ce soit dans ma ville ou des salles qui étaient à 45 minutes de chez moi : je jouais partout ! Mon père me disait : "On ne sait jamais ! Il faut saisir chaque opportunité qui se présente car à chacune d’entre elles, il peut se passer quelque chose !". J’ai donc suivi ces conseils mais il ne s’est jamais rien passé (Rires) jusqu’à ce que je travaille avec Mike et cela a tout changé !
On a parlé de ce côté naturel et non forcé de ta voix qui colle parfaitement avec cet album. La première chose qui est évidente à l’écoute de l’album est que tu es une songwriteuse très douée. Les compositions sont délicates, bien écrites et très mélodiques. As-tu une recette spéciale ? As-tu rencontré un shaman dans le désert californien ?
Non (Rires) ! Comme tu l’as dit tout à l’heure, ma recette est ma thérapie. J’ai grandi dans une toute petite maison avec mon frère, ma sœur et mes parents, je n’avais pas mon propre espace où je pouvais écrire : je devais donc aller soit dans la salle de bain ou une pièce où personne ne se trouvait… et quand il y avait trop de monde, je prenais ma guitare pour me réfugier derrière des buissons, derrière une église pour pouvoir écrire. Je voulais être seule parce que quand ce n’est pas le cas, tu as toujours quelqu’un qui vient te parler et c’est comme te sortir du sommeil, tu peux rarement te rendormir.
Ta voix est parfaite pour véhiculer des émotions et tu as beaucoup de talent pour composer de belles balades. La plus belle de l’album est sans doute ‘Loneliness’.
Oh merci ! Mais je n’arrive pas à dire que je préfère une chanson à une autre, c’est comme dire que tu préfères un enfant à un autre (Rires) ! Cela dépend surtout des jours : certains, sur scène, je me sens mieux avec un titre comme ‘Loneliness’ et un autre jour, ce sera un autre morceau. C’est comme les émotions, cela varie tous les jours !
La souffrance est nécessaire pour trouver une certaine inspiration
Toujours au titre de 'Loneliness', est-ce que pour toi la solitude est une souffrance ou un mal nécessaire pour trouver l’inspiration ?
Je pense que la souffrance est nécessaire pour trouver une certaine inspiration et cette chanson a été inspirée par ce qui m’est arrivée après mon accident. Je suis tombée en dépression et même par la suite -même quand je me sentais mieux- je me sentais vraiment isolée et ce même si j’avais mon groupe dont je considérais les membres comme mes meilleurs amis ; mais ces membres avaient déjà leurs meilleurs amis, je n’avais pas réalisé cela… Et quand je l’ai réalisé, je me suis sentie vraiment seule, c’est étrange et difficile d’expliquer que tu te sens seul alors que tu es entouré de plein de personnes.
Je pense que mon expérience m’a rendue seule et triste pour encore plein d’années
L’avenir maintenant que tu es sur les routes de la gloire et donc, enfin, heureuse, ne crains-tu pas pour la composition du prochain album ?
Je vois parfaitement ce que tu veux dire et d’une façon assez étrange, je pense que mon expérience m’a rendue seule et triste pour encore plein d’années. Je voulais être une compositrice, mon album préféré est "Nebraska" de Bruce Springsteen qui est un album très triste…
Je ne sais pas pourquoi mais j’ai réalisé que je me suis tenue hors de situations sociales et donc isolée peut-être inconsciemment pour pouvoir être capable de garder ce dont tu parles et qui pourrait disparaître si je suis heureuse et populaire…
Mais je ne pense que ce soit nécessairement vrai car j’ai appris qu’écrire des chansons était avant tout écrire des histoires et plus de la moitié de mes chansons vient de mon empathie vis-à-vis de la situation d’autres personnes et j'essaie d’entrer dans leur peau pour raconter leur histoire.
Quoi qu’il en soit, heureuse ou non, j’ai déjà composé assez de titres tristes pour le prochain album (Rires) !
Mais c’est une bonne question, il serait intéressant de faire le point dans le futur parce que je ne peux pas te donner une réponse précise sur ce point… Mais je sais que je n’oublierai jamais et que je serai toujours dans l’empathie.
Ma vie a beaucoup changé et ma dépression est loin derrière moi et je me sens plus heureuse depuis des années mais il y a quelques mois, je me
suis réveillée, j’ai ressenti ce sentiment très spécifique qui m’a fait
de nouveau douter…
Malgré tout, peut-on dire que tu es heureuse aujourd’hui ?
(Elle hésite) C’est différent ! Ma vie a beaucoup changé et ma dépression est loin derrière moi et je me sens plus heureuse depuis des années mais il y a quelques mois, je me suis réveillée, j’ai ressenti ce sentiment très spécifique qui m’a fait de nouveau douter… Mais tout va bien dans ma vie même si cette anxiété que j’ai connue fait vraiment mal car tu as le sentiment que tu ruines la vie de tout le monde qui t’entoure : c’est surréaliste car ton cerveau te dit que tu es une personne horrible !
Pour revenir à la musique, la production de "Wilderness" est plus léchée, plus moderne, moins roots que "Gilded". Est-ce une volonté de toucher plus de personnes et d’avoir plus de passages radiophoniques ?
Non mais je dirais que depuis que je travaille avec Mike, il a en sorte que je joue avec un groupe et notamment un batteur, une section rythmique pour la première fois et je dirais qu’entendre sans cesse cette batterie m’a donné un meilleur sens du rythme. Et aujourd’hui, quand une chanson me vient, elle a toujours un rythme ce qui est nouveau et c’est dû au fait de jouer avec un groupe ces quatre dernières années !
Quelles sont tes attentes pour cet album ? Conquérir le public français ?
Je dirais qu’évidemment qu’une telle chose serait magnifique ! Mais non, je n’ai aucune attente, je suis juste très excitée de pouvoir partager mes chansons et j’espère que nous pourrons tourner et faire plein de concerts partout.
Nous avons commencé par la question qu'on t’a trop souvent posée, quelle serait celle que tu souhaiterais que je te pose ?
Hum… Tu m’as posé de super questions et je ne vois pas ce que nous pourrions ajouter…
Je te propose d’y réfléchir et nous commencerons la prochaine promotion par cette question et par la même occasion, tu nous diras quelle est la question qui t’agace le plus…
Ok faisons ça (Rires) !
Merci
Merci (En français) ! Merci beaucoup !
Merci à Newf pour sa contribution...