Nous avons rencontré la pétillante et volubile Adeline "Chaos Heidi" Bellart qui nous a parlé avec passion de son nouveau projet, Funny Ugly Cute Karma.
Au titre de ce nouveau projet, quelle est la question qu’on t' a trop souvent posée ?
Tu es venu trop tôt pour ça. Il y a des questions qui reviennent tout le temps. Mais c’est normal d’être curieux et on ne va pas se plaindre des questions qu’on nous pose souvent, sur le nom du groupe ou la pochette du disque. Mais on ne nous a pas suffisamment posé de questions pour qu’on en ait marre en fait!
Ok, alors question bateau : Funny Ugly Cute Karma, les initiales du groupe parlent d’elles-mêmes. Est-ce que la signification du nom du groupe s’arrête à ses initiales ?
Non. En fait tout ça est un peu de la communication. Nous voulions un nom qui soit percutant et qui retienne l’attention.
N’est-ce pas un peu frustrant que la musique ne parle pas d’elle-même ?
C’est quelque chose d’admis depuis trop longtemps maintenant. Tu es obligé d’avoir une espèce de packaging tout autour pour amener un univers autour de la musique, une identité, un visuel etc.

Justement on se demande aujourd’hui si ce n’est pas aussi important pour un nouveau groupe de travailler autant le marketing que la musique.
Je pense que si.
Mais n’est-ce pas frustrant malgré tout ?
En fait, j’en ai pris mon parti. Je l’ai admis et accepté donc du coup je ne me pose même plus la question. Et puis ma chance est que le côté communication et image m’amuse. Je suis très impliquée sur ce projet donc ça ne me dérange pas de le faire. Après je comprends que ça ennuie certains musiciens qui sont à fond dans leur musique. Mais on ne peut pas trop s’en passer aujourd’hui.
J’étais arrivée au bout de l’aventure [Asylum Pyre]
Tu n’es pas une inconnue dans le monde du metal français. Nous t’avions rencontrée deux fois en 2013 et 2015 avec Asylum Pyre dont tu étais la chanteuse sous le nom de Chaos Heidi. Que s’est-il passé pour toi depuis que tu as quitté le groupe ?
Il s’est passé plein de choses. Je n’avais pas vraiment de plan B quand j’ai quitté le groupe. Je suis partie parce que pour moi, j’étais arrivée au bout de l’aventure mais je n’avais rien prévu de spécial. Je n’avais pas l’intention d’arrêter la musique mais j’avais besoin de faire un break. Et puis parfois la vie te propose des choses alors que tu n’avais rien demandé. Un groupe m’a contactée tout de suite après mon départ d’Asylum Pyre. J’ai dit « ok pourquoi pas, allons-y ! ». Nous avons bossé ensemble quelques mois mais malheureusement ça n’a pas collé. Ce sont des choses qui arrivent. Mais entre temps, j’avais écrit des textes et composé des lignes de chant. J’avais en fait toutes les bases de Funny Ugly Cute Karma. J’en ai parlé à Dorian (Ndlr : Dorian Gilbeau, cofondateur du groupe) qui est un ami de longue date et qui a dit oui tout de suite car il avait la même idée.

En fait on se demande si le costume n’était pas trop petit pour toi avec Asylum Pyre et si avec Funny Ugly Cute Karma, tu n’entres pas finalement dans une démesure dont tu avais besoin.
Ce qui intéressant dans ce que tu dis est qu’on ne sait pas toujours de quoi on a besoin. Je suis resté cinq ans avec Asylum Pyre donc le costume m’allait très bien. Mais effectivement lorsqu’arrive le moment où ça ne te convient plus, il faut du temps pour s’en rendre compte. J’ai d’ailleurs mis assez longtemps à me décider de partir du groupe même si je sentais bien que ça n’allait pas. Et il a encore fallu la transition avec ce groupe avec lequel ça n’a pas marché pour que je me rende compte que la solution était peut-être de me lancer dans mon propre projet.
C’était une question d’ego ?
Non, pas du tout. Mais le fonctionnement était difficile. J’étais très impliquée dans ce projet même si je n’étais pas leader.
Tu avais la possibilité d’imposer tes idées dans Asylum Pyre ?
Assez peu en fait. Johann (Ndlr : Johann Cadot, chanteur et guitariste) était le principal compositeur. Mais Asylum Pyre avait un style très marqué et il y a effectivement des choses que je n’aurais jamais pu exprimer. Avec Funny Ugly Cute Karma, j’ai effectivement le sentiment de ne pas être du tout bridée. Du point de vue du chant, j’ai assez mal vécu le dernier album d’Asylum Pyre que j’ai enregistré en 2015, « Spirited Away ». Ça ne s’est pas bien passé, je n’étais pas bien et toute la promo de l’album s’en est ressentie.
A l’inverse, avec Funny Ugly Cute Karma, Florian, qui est prof de musique et de guitare, n’est-il pas frustré de se voir imposer des choses et a-t-il pu mettre sa patte à la conception des morceaux ?
Il faudrait lui poser la question mais je ne pense pas qu’il soit frustré. Mais je lui pose moi-même souvent la question car je me sers beaucoup de mes expériences passées pour développer ce projet. J’essaye de m’assurer le plus possible que Dorian soit heureux dans ce qu’il fait. Il travaille beaucoup sur les compositions et je ne suis pas compétente en tout, notamment sur les guitares et les batteries. Il a donc un très vaste champ d’action pour s’exprimer. Mais nous travaillons beaucoup ensemble et partageons les idées. Nous faisons évoluer les morceaux ensemble.
On ne voulait ni étiquette ni contrainte
Comme tout EP, « Before It Was Cool » est très court mais sa durée est suffisante pour apprécier tout l’éclectisme de votre musique. Quel a été le fil conducteur de la composition des morceaux ?
Il n’y en a pas vraiment. En fait la diversité ressentie fait partie de ce qu’on veut faire. On ne voulait ni étiquette ni contrainte. On a laissé faire notre instinct et notre spontanéité. Mai nous avons quand même des traits de personnalité communs sur la façon de gérer le chant, les instruments ou les types d’harmonie. Il y a donc une cohérence, même si c’est vrai qu’il n’est pas évident de se faire vraiment une idée avec trois compositions. Mais ça va se faire assez naturellement en live puisqu’on jouera des titres qui ne sont pas sur l’EP.
Vous avez donc déjà d’autres titres pour le live ?
Oui, trois autres morceaux.
Et ces nouvelles compos sont-elles encore différentes ? Ne serait-ce pas risqué de faire toutes les compos aussi barrées que sur l’EP au risque de déstabiliser l’auditeur ?
Les ingrédients principaux sont déjà sur l’EP : des passages lourds, des moments groovy, des alternances de chant.
Donc l’EP est représentatif de ce que vous êtes et de ce que sera l’album ?
Oui tout à fait.
Quand va sortir l’album ?
Pour l’instant, nous voulons défendre l’EP sur scène et nous travaillons dans ce sens. Nous prévoyons l’album pour le premier semestre 2020.
Vous allez embaucher d’autres membres pour le live ou ne jouer que tous les deux ?
C’est déjà fait. Nous avons recruté au printemps dernier et nous sommes au complet depuis le mois de mai. Nous avons un deuxième guitariste, un bassiste et un batteur. Nous répétons avec eux. Tous les concerts vont se faire à cinq. Ils commencent à apporter leurs idées et l’album se fera avec eux et non plus Dorian et moi.
Pour m’exprimer, il fallait que je monte mon projet et que je fasse adhérer des gens à ce projet
C’est une fierté pour toi d’arriver maintenant à avoir ton groupe ?
Oui, bien sûr. Je n’ai rien calculé et je n’ai pas de plan de carrière. Mais j’ai compris avec le fameux groupe qui n’a pas marché que si je travaillais avec des gens qui m’imposaient leurs idées, je n'arriverai jamais à dire ce que je veux. Donc je me suis dit que pour m’exprimer, il fallait que je monte mon projet et que je fasse adhérer des gens à ce projet.
Tu as donc besoin d’être impliquée ?
Oui. Je m’implique facilement. D’ailleurs je pense que si ce groupe n’a pas marché, c’est que je leur ai fait peur.
Avec ce genre de compos, je comprends qu’ils aient eu peur !
Je pense qu’ils n’avaient pas envie de se diriger vers quelque chose d’aussi barré. Au début, ça leur plaisait bien mais je crois qu’à un moment donné, j’ai franchi une limite et c’était un peu trop pour eux.

Le titre ‘On The Run’ mélange des riffs influencés par Gojira à la douce folie de Psykup et Rufus Bellefleur. Pensez-vous que surprendre l’auditeur est la clé aujourd’hui pour attirer le public ?
Oh merci ! J’espère secrètement que Julien (Ndlr : Julien Cassarino, leader de Psykup et Rufus Bellefleur) a suivi un peu ce que nous faisions. S’il ne l’a pas fait, je le contacterai parce que j’aime bien ce qu’il fait.
Et est-ce que comme lui, vous avez caché des influences cinématographiques dans votre musique ?
On l’a déjà fait. On a caché à l’intérieur du clip de ‘On The Run’ des références cinématographiques qui ont pour thème le rock/metal et on a lancé un concours sur Facebook pour que les gens retrouvent ces références et gagnent l’EP et des tee-shirts.
Penses-tu que surprendre l’auditeur est la clé aujourd’hui pour attirer le public ?
Oui j’en suis convaincue. On peut l’accepter ou le déplorer. J’ai pris le partie de l’accepter et ça m’amuse. Dépasser le cadre de la musique et travailler sur une identité ou un visuel est intéressant et rend le projet plus global. Shaka Ponk par exemple le fait admirablement bien.
Ton chant est vraiment impressionnant sur cet album. Et tu sembles aussi à l’aise avec les growls qu’avec les chants clairs, le phrasé hip hop qui évoque Gwen Stefani comme sur les couplets de ‘Shelter’ ou même le pont de ce même morceau qui fait clairement penser à Kate Bush. Comment juges-tu ton évolution en tant que chanteuse après la période Asylum Pyre ?
C’est vrai que la scène « metal à chanteuse » me pesait. Je n’en pouvais plus. Comme n’importe quel instrumentiste, un chanteur travaille son instrument et est en constante évolution. Mon but est de savoir faire le maximum de choses pour avoir une palette très large et avoir le choix. Je n’ai pas la prétention de savoir tout chanter mais je fais un travail vocal en fonction de ce qui m’intéresse.
Qu’est-ce qui a été le plus long à appréhender ? Les différentes techniques de chant ou la confiance en tes capacités ?
Les deux. Avoir confiance en moi a été aussi un gros travail. Et j’ai confiance dans le travail. D’autant plus que le travail permet la confiance en soi. Mais je pense que rien n’est vraiment acquis. Je serais très contente si j’ai de bons retours sur cet EP mais je ne me dirai jamais que c’est arrivé et que je suis la star de demain. Un projet musical doit sans cesse évoluer sinon le danger est de tourner en rond et péricliter. Il faut toujours aller de l’avant et ne pas se reposer sur ses lauriers.
L’EP est donc une rampe de lancement ?
C’est le but. Nous avons choisi ce format pour avoir une carte de visite pour démarrer le projet et tâter le terrain.
Et alors ?
Pour l’instant nous sommes très contents.
L’EP ne comprend que 4 titres dont une reprise de ‘Radio/Video’ de System Of A Down. Pourquoi ce titre ?
Parce que SOAD fait partie de nos groupes préférés et de nos influences. Et ce titre ‘Radio/Video’ avec son alternance de chant clair et de chant saturé est proche des choses que nous aimons. Et puis une reprise pour un nouveau groupe comme nous est un moyen de toucher le public avec un morceau qu’il connait.
Si l’on en croit l’artwork de l’EP, l’araignée est votre totem. Quel public souhaitez-vous prendre dans votre toile ?
Nous ne sommes pas sectaires, nous acceptons tout le monde ! C’est sûr que notre cœur de cible est le public metal mais je pense que notre musique ratisse suffisamment large pour plaire à un public plus large et ouvert.
Le titre ‘Nuage de Maux’ est chanté en français. D’autres morceaux en français sont-ils prévus sur l’album à venir ?
Voilà une question qu’on nous a beaucoup posée ! C’est possible mais ce n’est pas calculé. Je fonctionne beaucoup au feeling et j’entendais un texte en français sur cette musique lorsque je l’ai composée. Si cela se reproduit pour un autre morceau, on le refera.
Qu’est-ce que tu attends de cet EP ?
Avoir une oreille attentive de la part du public, rassembler une fan base autour de nous pour continuer ce projet et sortir l’album.
Tu vas le constater comment ? Quel est l’objectif ? Le nombre de likes sur Facebook ?
Je te rassure, on n’achètera pas de like, même si ça se fait beaucoup. C’est d’ailleurs très agaçant de voir des groupes avec 30 000 likes sur leur page et 10 personnes qui réagissent aux posts. Ça prendra forcément du temps. C’est aussi pour ça que nous avons fait le choix du format EP. Je n’avais pas envie de sacrifier un album complet. L’EP fait un peu le sale boulot entre guillemets pour aller chercher une première fan base.
Alors pourquoi ne pas sortir plusieurs EPs avant l’album ?
Parce que le format EP n’est pas facile à vendre.
Tu penses qu’il y a des gens qui achètent encore des albums aujourd’hui ?
Apparemment dans le metal c’est encore le cas, en tout cas si j’en crois l’avis des professionnels. D’ailleurs sur des formats assez inattendus comme le vinyle ou les cassettes par exemple. Mais le gros enjeu de l’année à venir est de décrocher un maximum de dates de concerts.
Nous avons commencé l’interview avec la question qu’on vous a trop souvent posée. Quelle est au contraire celle à laquelle tu souhaiterais répondre ?
Bonne question, je ne sais pas.
Je te propose d’y réfléchir et nous commencerons par cette question notre prochaine interview courant 2020 pour la promo de l’album.
Faisons ça !
Merci beaucoup.
Merci à toi !
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