Pour les Anglais de Black Peaks, les choses ont évolué en peu de temps. Formé en 2012, le groupe était à l'origine une formation de mathrock instrumental. Avec l'arrivée de Will Gardner au chant l'année suivante, le groupe change d'horizon. Avec la sortie de leur premier album, "Statues", paru en 2016, le groupe connaît alors une popularité soudaine, comme en témoigne leur page Facebook qui affiche près de 20 000 j'aime, un record dans ce style de musique pour une longévité aussi courte ! Après un premier album très prometteur, les Anglais s'apprêtent alors à sortir leur deuxième album, "All That Divides" que Will Gardner et Joe Gosney, respectivement chanteur et guitariste, sont venus nous présenter.
Nous aimons commencer nos interviews sur Music Waves par cette question traditionnelle : quelle est la question que l’on vous a posée trop souvent ?
Joe Gosney : Parfois, on nous pose des questions vraiment stupides ! Comme : « Si tu pouvais être un animal, lequel serais-tu ? ».
Vraiment ? C’est assez original !
Joe : Oui, tu serais surpris d'entendre ça !
D’habitude, les groupes me répondent souvent : « Expliquez-nous pourquoi vous avez appelé votre groupe comme ça ».
Joe : Celle-là, on ne nous la pose pas si souvent que ça.
Black Peaks est né en 2012, et vous êtes sur le point de réaliser votre deuxième album. Au début, vous étiez un groupe de 3 musiciens jouant du math-rock instrumental. Quelques années plus tard, on entend toujours un peu de mathrock ou de mathcore dans votre son, mais vous êtes vraiment devenus un nouveau groupe. Pourquoi avoir changé de la sorte ?
Joe : Au fil du temps, tout le monde évolue musicalement. Il y a quatre ans, on écoutait une musique certainement différente, notre jeu était un peu plus agressif. Maintenant que l’on a beaucoup joué et tourné ensemble, on est devenus ce que l’on est devenus. On joue un style de musique différent d’avant, et peut-être que le prochain album sera lui-même très différent de celui-ci !
Comment avez-vous rencontré Will (le chanteur du groupe, ndlr) qui ne faisait pas partie du groupe au départ ? Will, avec ta voix, tu illumines les chansons !
Will Gardner : J’essaie de les faire sonner de mon mieux ! C’est mon but ! Andrew (Gosden, ancien bassiste du groupe, ndlr) venait nous voir jouer avec mon ancien groupe. C’était du death metal/djent, du djent typique des débuts.
Le djent de Meshuggah ?
Will : Juste après Meshuggah.
Textures ?
Will : Juste après l’album « Drawing Circles » de Textures. A ce moment-là, il n’y avait pas d’autre groupe en Grande-Bretagne qui jouait ce style de musique. Donc Andrew est venu voir mon ancien groupe et j’ai été écarté du groupe car je ne donnais pas satisfaction. J’étais assez en colère car j’étais avec eux depuis sept ans. Et puis le lendemain, j’ai eu un appel d’Andrew qui m’a proposé de rejoindre Black Peaks.
Black Peaks est déjà populaire. Est-ce que c’est une sorte de revanche pour toi ?
Will : (Rires). Eh bien, d’un côté oui, mais en même temps, quand je chantais dans mon ancien groupe, j’ai réalisé que ça ne marchait pas.
Ta voix ne convenait pas au style !
Will : Il y avait quelque chose qui n’allait pas. S’ils avaient besoin que je parte pour que ça aille mieux, dans ce cas c’est parfait.
Vous êtes un groupe de metal. Il y a du math-rock, du rock alternatif, un peu de sludge, du hardcore, une touche de progressif. C’est difficile de vous catégoriser dans un style ! Mais si vous deviez en choisir un, comment vous définiriez-vous ?
Joe : Je dirais que l’on est un groupe de rock alternatif car cela couvre un large champ. Biffy Clyro peut être du rock alternatif, Tool aussi, donc je dirais ça.
Si tu devais choisir l’un de ces deux groupes, lequel cela serait-il ?
Joe : Tool. J’écoute beaucoup Tool en ce moment.
Ils prévoient de sortir un nouvel album en 2019 !
Joe : Je pense qu’ils mentent ! (Rires).
Oui mais il y a eu un album de A Perfect Circles (dans lequel chante le chanteur de Tool, ndlr) donc on peut y croire ! D’ailleurs, beaucoup de gens semblent vous comparer à Mastodon, Tool, Karnivool, Arcane Roots ou Oceansize. Vous êtes d’accord avec ça ? Est-ce que ces groupes sont une source d’inspiration pour vous ?
Joe : Oui. Et pas seulement au niveau de la musique. Tous ces groupes ont fait un travail extraordinaire. On est très inspirés par eux.
Vous êtes inspirés par ces groupes, mais certains aspects qui constituent votre musique n’ont rien à voir avec ces groupes-là, en particulier au niveau vocal. Ta voix, Will, a un éventail incroyablement large. Tu peux avoir une voix très portée sur la mélodie et les émotions et pousser des cris très puissants, comme dans la chanson ‘Set In Stone’ sur le premier album ! Vous avez donc ces influences, mais on peut dire que vous avez votre propre univers.
Will : C’est super que tu dises ça !
Joe : C’est un très beau compliment !
Will : Merci beaucoup !
C’est un compliment, mais cela veut dire que vous avez trouvé votre marque de fabrique. Vous en êtes conscients ?
Will : Je pense, oui !
Joe : En tout cas, ça n’a jamais été un choix conscient de sonner comme tel ou tel groupe. Quand j’écris une chanson et que j’enregistre une démo, ça ne sonne pas comme du vrai Black Peaks car cela vient de moi uniquement. C’est le mélange de notre travail à tous les quatre qui constitue Black Peaks.
On évolue tout le temps, on continue de se développer

Mais est-ce que tu ne penses pas quand même que vous avez trouvé votre marque de fabrique ?
Joe : Je ne sais pas car notre musique change tout le temps. On évolue tout le temps, on continue de se développer.
Vous savez déjà quelle sera la prochaine étape, ce à quoi le prochain album pourrait ressembler ?
Joe : Oui !
Est-ce que vous pouvez nous donner un indice ?
Will : Non ! (Rires). Mais ce sera heavy !
Vous mentionniez Biffy Clyro tout à l’heure, vous pourriez peut-être prendre un tournant plus soft ?
Joe : Qui sait ! On n’a rien écrit.
Will : Exactement, on verra quand on commencera à écrire.
Vous avez déjà des chansons en cours d’écriture ?
Joe : Il y a toujours des idées qui circulent dans nos têtes, mais rien que l’on ait réellement mis en commun.
Dans une interview, Will disait que beaucoup de ses albums préférés avaient un concept. Votre premier album, « Statues », en avait un. Est-ce que ce deuxième album en a un aussi, et si oui, quel est-il ?
Will : Je dirais que ce deuxième album n’a pas de concept. Sur le premier, j’avais écrit une sacrée histoire complètement folle ! Et je pense que les gars ne sont pas vraiment rentrés dedans ! (Rires). J’avais écrit la majorité du concept.
Je comprends pourquoi ils n’ont pas voulu te garder dans ton ancien groupe, car tu étais trop fou !
Will : (Rires). J’ai écrit l’histoire lors d’un voyage en bus pour aller en Ecosse. J’ai tapé les idées sur mon ordinateur portable. J’étais très enthousiaste ! Mais je ne crois pas que les autres aient vraiment compris l’histoire, car c’était un peu barjo ! Mais cette fois, on a voulu être tous dans le même état d’esprit. Il n’y a pas vraiment de concept sur cet album. C’est plus simple, plus pragmatique.
Joe : On va dire qu’il y a un esprit, un thème, une même couleur tout au long de l’album.
Est-ce qu’il y a un lien entre les thèmes que vous développez dans cet album et la pochette de l’album ?
Joe : Non, pas vraiment.
Will : On a travaillé avec Eva (Bowan, artiste, ndlr) qui avait déjà fait la pochette du premier album. Elle nous a présenté de très nombreuses idées. Elle tape dans plein de styles, à tel point que l’on était parfois perdus. Parfois, ce sont des formes géométriques assez simples, et parfois, c’est très différent. On regardait des travaux qu’elle faisait, on voulait quelque chose de différent et de coloré, et on est tombé sur ce dessin, et on s’est dit : « c’est celui-là ! ». Il s’appelle « The divide », ou quelque chose comme ça, et c’était vraiment particulier !
Joe : Elle devait sûrement être frustrée car c’était quelque chose d’assez simple qu’elle avait dessiné deux ans plus tôt ! Mais on a adoré !
‘Home’ est certainement l’un des meilleurs titres du nouvel album. Elle a un côté Soen, c’est le groupe où joue l’ancien batteur d’Opeth.
Joe : Je ne les connais pas !
L’ambiance est peut-être un peu plus calme que celles du premier album. C’était quelque chose que vous cherchiez en écrivant l’album ?
Joe : Non, pas intentionnellement. Certaines des chansons ont beaucoup changé entre le moment où je les ai écrites et le moment où elles ont été enregistrées. Je pense que certaines sont devenues plus heavy qu’elles ne devaient l’être, et inversement, certaines sont devenues plus légères. On ne joue pas des chansons heavy pour qu’elles soient heavy. On ne va pas jouer n’importe quel riff et hurler par-dessus. Il faut que chaque chanson sonne comme elle le mérite.
Will : En fait, on a déjà fait ça au début ! (Rires). On a essayé de jouer des chansons très heavy, mais ça ne fonctionne pas. Il faut que les chansons soient dynamiques.
Le premier titre, ‘Can’t Sleep’, a un côté Tool sur les couplets, alors que les refrains rappellent là encore Soen. Il faut vraiment que vous écoutiez ce groupe ! C’est un mélange de Tool et d’Opeth !
Will : Ça a l’air cool !
Joe : Oh, excellent ! Je vais aller écouter ça.
On avait envie de faire un album qui serait accessible aux gens qui n’écoutent pas vraiment ce style de musique

Sur le premier, cette influence est très présente. Au niveau de la batterie, cela rappelle Opeth, et au niveau vocal, cela ressemble à Tool avec des côtés atmosphériques. En écoutant ces deux chansons, ‘Home’ et ‘Can’t Sleep’, ça donne l’impression que ce deuxième album est plus accrocheur, plus immédiat que le premier. C’est ce que vous recherchiez ?
Joe : Je pense que oui, secrètement. Pas vraiment secrètement, mais on avait envie de faire un album qui serait accessible aux gens qui n’écoutent pas vraiment ce style de musique. Je parle pour nous quatre donc c’est à prendre avec des pincettes, mais aucun de nous est suffisant bon musicalement pour dire : « on va faire cette chanson pour passer à la radio », etc. On écrit en fonction de nos sentiments. C’est comme ça que l’on aime faire de la musique. Ça ne veut pas dire que la musique sera bien ou pas bien. On ne garde pas une chanson si on n’en est pas satisfaits.
Quand vos chansons sont plus longues, vous réussissez à maintenir le même niveau d’efficacité. Par exemple, la chanson ‘The Midnight Sun’, qui est au passage l’une des meilleures de l’album, démarre avec un côté très accrocheur avant de prendre une tournure atmosphérique et de finir en pure violence !
Will : Oui ! (Rires).
Je pense que ça résume parfaitement ce que vous êtes capables de jouer. Vous êtes d’accord avec ça ?
Joe : Oui, à 100 %.
Will : Je pense que c’est ma chanson préférée de l’album en ce moment, car elle a des couplets très accrocheurs, et tout d’un coup, on change d’ambiance. C’est une approche progressive. Elle devient de plus en plus heavy et à la fin, c’est super excitant ! Je pense que ça va être l’une des chansons les plus marquantes !
La communauté metal a beaucoup parlé de votre premier album, et beaucoup ont été surpris par le haut niveau de votre premier album. Même si vous êtes un groupe récent, vous semblez être très professionnels. Près de 20 000 personnes vous suivent sur Facebook, ce qui est incroyable pour un groupe qui n’a sorti qu’un seul album ! Comment expliquez-vous cette ascension si rapide ?
Will : Je ne sais pas !
Joe : On travaille très dur. On ne se satisfait jamais de ce que l’on a. On récolte ce que l’on a semé. On travaille vraiment dur, honnêtement. Tous les jours, on travaille. Il n’y a pas de dimanche ou de jour de repos avec Black Peaks !
Tous les jours, on travaille. Il n’y a pas de dimanche ou de jour de repos avec Black Peaks !

En voyant cette popularité acquise en peu de temps, est-ce que vous avez ressenti de la pression au moment de commencer à écrire ce nouvel album ?
Joe : Oui, mais on essaie de ne pas y penser. Une fois qu’on y arrive, l’inspiration arrive.
Will : Les gars ne sont pas stressés. Quand ils écrivent, c’est très naturel. Me concernant, pour certaines chansons, je me mettais la pression. Cela me prenait plus de temps pour me relaxer et relativiser. Je me disais : « Il faut que cet album soit meilleur que le premier ! Il y a beaucoup de gens qui ont aimé le premier ! ». Ça m’a suivi pendant un moment, et puis je me suis dit qu’il fallait que je me détende.
Quelles sont vos attentes pour cet album ?
Will : C’est difficile à dire ! J’adorerais jouer à la Brixton Academy ou à l’Olympia ! On en a envie, et on peut travailler dur pour y arriver ! Ou peut-être qu’on n’y arrivera pas. En tout cas, on peut essayer en travaillant aussi dur qu’on le pourra !
Aujourd’hui, les gens n’achètent plus d’albums, et les sites comme Spotify ne rapportent pas vraiment d’argent. Est-ce que la clé est de tourner encore et encore pour être de plus en plus connu ?
Joe : Je pense qu’il faut faire les deux. Le streaming et les services peuvent aider les groupes. 99% des groupes ont leurs chansons en ligne. Mais on a aussi une approche traditionnelle et on a envie de jouer, de parler aux gens, etc. Je pense qu’il faut jouer sur les deux tableaux.
Aujourd’hui, vous promouvez votre album avec moi car vous allez prochainement jouer au Gibus à Paris. C’est une salle que vous ne connaissez pas. Qu’attendez-vous de ce concert ?
Will : J’ai entendu que c’était une super salle, un peu hardcore.
Joe : J’ai entendu qu’elle était en or et qu’il y avait 10 000 personnes à chaque fois ! (Rires).
Will : Apparemment, elle est un peu crade, mais dans le bon sens ! Comme ces salles américaines où jouent les groupes de punk et de hardcore ! Elle a une très bonne réputation.
Joe : Tu connais le groupe The Prestige ?
Non.
Joe : Ils sont de Paris !
Will : Ils sont incroyables !
On a commencé cette interview en vous demandant quelle avait été la question que l’on vous avait posée trop souvent. Au contraire, quelle serait celle que vous aimeriez que je vous pose, ou celle à laquelle vous auriez aimé répondre ?
Joe : Les gens ne nous demandent jamais vraiment ce que l’on fait à côté de la musique, et parfois, ça peut être intéressant.
Will : Oui, on ne nous demande pas ce que l’on fait quand on n’est pas en tournée.
Et qu’est-ce que vous répondriez ?
Joe : On a tous des passions différentes à côté de la musique. J’aime passer du temps à la montagne faire du snowboard. Si je n’avais pas fait de musique, j’aurais passé ma vie dans ce milieu-là. Liam (Kearley, ndlr), le batteur, est un très bon skateboarder. Il aurait pu être professionnel s’il n’avait pas été musicien. Will est un musicien de jazz professionnel.
Will : Je voulais amener mon saxophone à Paris aujourd’hui !
Tu joues du saxophone ?
Will : Oui !
Et est-ce que tu prévois de jouer de la musique extrême avec du saxophone comme le fait le groupe Shining par exemple ?
Will : (Rires) Non !
Joe : Tu les connais ?
Will : Oui très bien ! On les a rencontrés !
C’est un super groupe !
Joe : Je les ai écoutés car les gens nous en ont parlé.
Will : Je trouve que ce qu’ils jouent fonctionne bien. Quand on s’appelait Shrine (ancien nom du groupe, ndlr), j’ai joué du saxophone sur quelques chansons. Mais maintenant, notre son est plus heavy.
Le leader d’Emperor, Ihsahn, inclut parfois du saxophone dans ses chansons.
Will : Ça peut marcher ! Un jour, peut-être qu’on en mettra. Mais à l’heure actuelle, pour moi, ce sont deux choses différentes. J’aime chanter et crier dans ce groupe.
Merci beaucoup !
Joe : Merci beaucoup ! (en Français).
Will : Pas de problème !