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TITRE:

SATAN JOKERS (14 FEVRIER 2018)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

HARD ROCK



Nouvelle rencontre avec notre ami Renaud Hantson, aussi bavard qu'il est attachant et intéressant...
STRUCK - 02.03.2018 -
9 photo(s) - (1) commentaire(s)

Malgré les aléas, nous avons mené une longue interview sans langue de bois durant laquelle il sera question de ce nouveau projet symphonique, la fin sans cesse repoussée de Satan Jokers, son cinquième membre -notre ami Laurent Karila-, son rapport avec ses addictions, sa profession qui a vu disparaître les dernières de nos icônes françaises, la RATP... Une entrevue riche en émotions et en informations


Nous nous retrouvons un peu plus de 3 ans après la sortie de Sex Opera et de cette suite d’albums traitant des addictions en tout genre…

Renaud Hantson : Le fameux triptyque comme l’appelle Laurent Karila !





… quel bilan fais-tu de cette époque, penses-tu que ces albums avec une thématique forte ont été compris d’un public qui généralement fait fort peu attention aux paroles et est plus habitué à des histoires de guerre basique ou d’heroïc fantasy ?

… et de dragons (Sourire) ! Je pense que c’est l’apport du cinquième membre du groupe aujourd’hui, c’est le docteur Laurent Karila qui a amené cet espèce de crédibilité…


A 50 piges,  je me vois plus chanter "Chevauchant nos montures de fer. Nous sommes à la recherche de l'aventure"...


La crédibilité vous l’aviez déjà non ?

Une crédibilité sur le long terme. On me demande souvent pourquoi il n’y a pas ‘En partance pour l’enfer’ sur l’album "Symphönïk Kömmandöh" ? Mais moi, à 50 piges,  je me vois plus chanter "Chevauchant nos montures de fer. Nous sommes à la recherche de l'aventure". Alors que les textes faits avec Laurent…


… surtout que certains sont autobiographiques…

Tout à fait ! Il y a au moins deux albums sur le sexe et sur la drogue qui ont été un mode de vie et un processus d’autodestruction longuement vécu.
Quoi te dire de plus ? Ma grande fierté avec Satan Jokers est que l’album "Addictions" a été validé par la MILDECA -Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues Et les Conduites Addictives- c’est plus important pour moi qu’une Victoire de la Musique ! Pour moi, le fait que cet album soit un objet de prévention est une réussite.





Avec le recul penses-tu que cette démarche a été comprise ? Vous aviez par exemple pour ambition de faire de « Sex Opera » un outil de prévention, cela a-t-il été probant ?


Je pense que le public n’est pas idiot ! Tu sais, à part quelques bas du front, certains intégristes dans le circuit du metal, je pense que le public qui apprécie Satan Jokers est un public qui a une deuxième lecture. Notre public sait que notre technicité musicale est différente de certains de nos collègues…


C’est-à-dire différente ?

Pascal Mulot, Michaël Zurita, Aurélien Ouzoulias et moi-même… c’est un niveau d’expérience, de technicité musicale, de dextérité instrumentale… qui n’est pas très commune dans notre pays. On lorgne plus vers un niveau de complexité et de créativité artistique qui fait la synthèse entre le jazz rock, le rock, la pop… que vers des mecs qui répètent dans leur cave et qui connaissent trois accords : on ne joue pas dans la même division !


Vous êtes le PSG du metal ?

(Sourire) Le PSG, je ne sais pas ! En tous cas, nous n’avons pas l’argent qui va avec… Si nous pouvions avoir une production de spectacle ou un management qui nous des concerts dignes de ceux qui renflouent les caisses du PSG, ça m’irait bien ! Je lance un appel : si il y a un émir qui lit ton interview, c’est quand il veut !


Je me reposerai quand je serai mort. J’ai simplement envie de laisser une trace dans cet univers musical tout en gardant la liberté d’être un artisan de la musique.


Depuis tu as multiplié les projets, il y a eu ce triple live, Live !, le roman "Rock Star" dont tu nous avais parlé lors de notre dernière interview, des concerts en hommage à Berger et l’album "Rock Star" son opéra rock issu du livre. Cette boulimie de travail est impressionnante, comment expliques-tu cela, es-tu addict à l’art et la musique pour ne jamais ainsi faire de pause ?

J’ai toujours été un “workaholic”. Je dis souvent que je me reposerai quand je serai mort. J’ai simplement envie de laisser une trace dans cet univers musical tout en gardant la liberté d’être un artisan de la musique.


Comment vis-tu le fait de parfois être mal perçu dans le milieu hard français qui est souvent très cloisonné et où la jalousie est parfois palpable ? On te reproche encore de toucher à tous les genres en artiste multi carte que tu es ?

C’est l’Opéra Rock “Starmania” qui m’a fait connaître du grand public. Or c’est cette exposition et popularité dans divers genres musicaux que certains croient opposés qui alimentent encore parfois le discours de rares langues de vipères, mais étrangement ce sont aussi ces quelques âneries déblatérées par les plus idiots derrière leurs écrans d’ordinateurs qui me donnent la pêche pour continuer à avancer ! Je n’aime pas la bêtise humaine et je dois aimer emmerder les cons, cela fera aussi partie des raisons pour lesquelles mon travail laissera une trace alors qu’il ne restera rien de ceux qui critiquent, jalousent et parlent plus qu’ils ne créent (Rires) !





Quel regard portes-tu sur "Rock Star", proposer un opéra rock quand on a bossé avec un maître comme Berger c’était un défi fou non ?


On m’a longtemps demandé d’écrire une comédie musicale ou un opéra rock. J’avais souvent dit que j’écrirai quelque chose qui s’appellerait « Rock Star ». Il m’aura fallu plus de 20 ans de réflexion et une lourde addiction pour me décider enfin, et tout s’est fait dans une fulgurance. C’est un projet à la fois personnel et préventif et, de l’avis de beaucoup, c’est ce que j’ai fait de meilleur dans ma carrière car c’est un vrai témoin de ce que je sais faire musicalement. J’ai d’ailleurs repris quelques titres de ma carrière personnelle ou de Satan Jokers avec d’autres arrangements qui ont surpris les fidèles et qui correspondent tout à fait à ce qu’il fallait pour que l’histoire tienne la route. C’est carrément fou de penser que certaines chansons composées à d’autres périodes de ma vie étaient prémonitoires, on dirait que tout était écrit pour arriver à cet aboutissement et pour compléter ce puzzle existentiel qu’est « Rock Star ».


Es-tu satisfait du résultat et ne regrettes-tu pas un certain manque de médiatisation par rapport à ce projet ?

Je suis fier de mon casting et des arrangements. La version qui se trouve sur CD est celle qui représente au mieux ce que j’avais en tête en l’écrivant et c’est pour ça que j’ai décidé de le sortir en l’état. Le disque est en rupture de stock, ce qui est plutôt bon signe, il ne doit rester que quelques exemplaires "physiques" et le double album n’est plus trouvable qu’en digital sur des sites type iTunes. Je suis miné de voir que les producteurs sont devenus frileux quand il s’agit de comédies musicales originales, un grand nombre de spectacles musicaux se sont plantés sur lesquels avaient été investis des millions d’euros, or on ne masque pas la misère de certains shows avec de l’argent. Pensant ce genre en perdition, on accepte de ne monter que des spectacles anglo-saxons dans des versions françaises alors qu’on aurait tant de choses originales à montrer en France. Mais je n’ai pas dit mon dernier mot et je reste ouvert à toute proposition…


On dirait que les médias généralistes ne voient en toi qu’un musicien hard rock et ont du mal à voir autre chose ? C’est particulier finalement, être vu comme un musicien de variété par les métalleux sans pour autant être reconnu par ce milieu, c’est un cercle vicieux usant à force ?

C’est l’éternel dilemme d’être multicartes. J’ai toujours dit que j’aimais toutes sortes de musiques et que je ne me contenterai pas de frites tous les jours si je peux avoir d’autres légumes. En France, il est mal vu de ne pas avoir envie de choisir dans le domaine musical. Ce qui compte pour moi est de défendre la musique que j’aime, quelque soit sa forme. Tant pis pour ceux qui ne le comprennent pas. Je suis musicien et j’aime LES musiques.


France Gall a toujours été bienveillante envers moi. J’étais son "chouchou" pendant les répétitions de "Starmania" où elle se cachait pour assister à mes prestations


Récemment France Gall a rejoint Berger, quel regard as-tu sur elle et plus généralement sur cette complicité forte qu’elle avait avec le créateur de "Starmania" ?


France Gall a toujours été bienveillante envers moi. J’étais son "chouchou" pendant les répétitions de "Starmania" où elle se cachait pour assister à mes prestations. Elle m’a demandé de l’accompagner vocalement pour interpréter les parties de Michel Berger lors d’une émission après son décès. Je me souviens de grands moments de rigolade avec elle et de notre complicité.
Je me rends compte qu’aujourd’hui la plupart des héros de mon adolescence ou les personnes qui ont tout fait pour m’aider dans ma vie musicale ont disparu. C’est très compliqué à vivre et à accepter. Cela rappelle que plus on avance en âge plus l’expérience est grande, plus on tient à la vie mais aussi que le temps passe très vite...





On l’évoquait, tu as rendu hommage à Berger récemment, le travail de ce dernier reste quelque chose d’important pour toi en tant que musicien ?


Michel Berger reste un mentor et un père spirituel pour moi. Avec la disparition de France, j’ai de plus en plus envie de défendre ce qu’il appelait "la bonne musique". Il est le premier à avoir cru en moi. Je n’oublie pas cela et lui rendrai toujours hommage, comme je l’ai fait ponctuellement depuis 25 ans et de façon plus précise depuis 2 ans.


Venons-en à "Symphönïk Kömmandöh". Première question, quelle était l’idée de ne pas proposer le titre en anglais ou en français ? Ce titre nous rappelle Magma et un de ses albums, c’est un hommage ?

Bien sûr ! C’est un hommage à Christian Vander, à la langue qu’il a créée -le kobaïen- et un hommage à son groupe précurseur et génial qui a été énormément influencé. Magma ont été les premiers à mettre ce tréma qu’ont utilisé par la suite des groupes comme Mötley Crüe, Motörhead…
« Symphönïk Kömmandöh » est un clin d’œil qui sonnait bien… Je l’ai proposé aux membres du groupe et ils ont tous trouvé ça génial !


Tu parles de membre, quel est la part de Laurent dans cet album ?

Il s’est très peu investi sur cet album.


Ce qui est cohérent quelque part…


Totalement parce que c’est un best-of et quelque part, je n’avais pas besoin d’un coproducteur sur cet album du fait que le coproducteur de cet album est Florent Gauthier qui s’est occupé de gérer intégralement l’enregistrement et la production de l’orchestre symphonique. Laurent, je n’allais pas le faire chier financièrement pour qu’il s’investisse dans l’album mais il est présent, il m’a encore envoyé un message hier…


Le cinquième membre du groupe me parle déjà d’un album sur la fracture sociale et je me dis que ça va sonner Trust mais Trust existe déjà !


Donc on peut d’ores et déjà se donner rendez-vous avec lui pour évoquer le prochain album Satan Jokers mais la question de l’addiction…

Je vais répondre à ta question avant même d’entendre la fin de ta question… Ça fait des années que je dis qu’il faut qu’on arrête et à chaque fois Karila me rattrape au vol en me disant qu’il a une idée pour le prochain.
Le problème est là : pour moi, il faudrait qu’on arrête là en héros et puis, je ne me vois pas gueuler à 60 piges comme je le fais encore… Mais le cinquième membre du groupe me parle déjà d’un album sur la fracture sociale et je me dis que ça va sonner Trust mais Trust existe déjà !


Il existe déjà mais au moment où Satan Jokers sonne plus contemporain que jamais…

… merci !





… cet album ne pourrait-il pas être l’album contemporain que nous aurions voulu entendre de Trust ?

Oui, c’est vrai !


Bref, on loue encore Laurent Karila qu’on croise souvent en interview pour maintenir Satan Jokers sous perfusion…

(Rires) Après avoir fait en sorte qu’il tienne mon cerveau à peu près en vie, maintenant, on le loue également pour qu’il maintienne Satan Jokers en vie !
Bref, oui, Laurent a cette envie… A suivre, je ne peux pas te répondre aujourd’hui ! Tout comme si je n’avais pas rencontré Florent Gauthier -l’arrangeur de l’orchestre symphonique et le chef d’orchestre de ce projet- lors d’un concert à Aix en Provence, il n’y aura pas eu cet album. Au micro, j’avais dit ce soir-là que si je n’avais pas une grande idée, j’arrêtais Satan Jokers et ce mec-là vient me voir et me fait du Renaud Hantson en me disant : "La grande idée, c’est moi !". Ça m’a fait marrer !


Après Laurent Karila, Florent Gauthier, on a le sentiment que Satan Jokers est maintenu en vie par ses fans finalement ?

Tu sais, je crois que c’est le lot de l’évolution de ce métier et d’Internet. Par exemple, le crowdfunding est devenu fondamental pour plein groupes de la planète : nous ne sommes pas les seuls ! Il y a eu une aide absolument sympathique de fans de pop musique qui me suivent dans ma carrière solo et qui ont voulu écouter Satan Jokers avec un orchestre symphonique et les fans de metal pur et dur qui nous ont aidés sur cet album : toutes ces aides nous ont aidé à concevoir l’album. Mais si par exemple, Florent Gauthier qui était un fan du groupe ne produit pas la partie symphonique, on ne peut faire l’album. Je l’ai donc laissé dans sa merde : il a voulu faire le truc, je l’ai donc laissé gérer l’enregistrement et le mixage de la partie symphonique… Il est donc devenu coproducteur de l’album avec moi !


C’est la première fois qu’un groupe de metal francophone osait la rencontre impensable, improbable et tendancieuse entre deux univers aussi opposés que le Rock et le Classique.



Comme tu l’as un peu évoqué, la genèse de ce projet n’est pas banale, cela parait incroyable qu’une rencontre avec un fan aboutisse à un disque, pas mal de fans ont des projets, des envies mais les réaliser avec le groupe de leur cœur est très rare, comment expliques-tu que le courant soit aussi bien passé avec Florent Gauthier ? Qu’as-tu pensé de cette idée de prime abord ? Cela ne t’a pas semblé insensé ?

Florent s’est présenté avec le même second degré et cynisme que moi en affirmant être l’idée brillante que j’attendais pour ne pas mettre un terme à Satan Jokers. Cela m’a plu. J’ai accepté puisque c’est la première fois qu’un groupe de metal francophone osait la rencontre impensable, improbable et tendancieuse entre deux univers aussi opposés que le rock et le classique.


Tu es un anticonformiste touche-à-tout et finalement ce projet te correspond bien, on n’a pas souvenir d’un tel projet pour un groupe français, de plus ça a dû ajouter une certaine envie non ?


En effet, j’aime l’idée que Satan Jokers fasse certaines choses avant d’autres “collègues” du circuit même si on se doute déjà que certains envieux trouveront toujours quelque chose à redire, en tout cas sur "Symphönïk Kömmandöh" on a l’évidence que ce groupe a toujours su écrire des vraies chansons en mélangeant divers styles.





Dans le hard mondial par contre pas mal l’ont fait, Purple en 68, Kiss, Rage, Metallica, ça n’a pas mis une certaine pression de s’atteler à un tel projet en sachant que les moyens ne sont pas les mêmes entre Satan et Kiss ou Metallica ? L’exemple c’est plus un Rage avec "LMO" qui avec des moyens limités a fait à mon sens le meilleur travail de mélange entre symphonique et rock metal ?

Je suis un artisan de la musique donc j’adore également le fait de partir de rien et de déplacer des montagnes avec des bouts de ficelle. Ce qui compte pour moi c’est de faire les choses avec cœur et pour que ça fasse avancer le groupe. Je ne cherche évidemment pas à rivaliser avec Kiss ou Deep Purple même si je ne pense pas qu’ils ont obtenu un meilleur résultat au final. Je doute d’ailleurs en réalité que le mélange classique et rock soit réellement possible à réaliser, c’est un peu un mariage contre nature, certaines fréquences se bouffent et c’est difficile d’éviter d’avoir un mixage chargé vu le nombre d’instruments en présence. Je pense que Satan Jokers, grâce au talent de mon ingénieur du son Anthony Arconte, a réussi à faire passer l’essentiel des informations sur les titres, même si nous sommes plutôt un groupe « bavard » et complexe techniquement en général, avec l’orchestre symphonique dirigé par Florent Gauthier, la tâche n’en était que plus difficile.


Avec cet album, on prouve qu’on sait faire des chansons



Comme tu l’as dit tout à l’heure cet album est finalement une sorte de best of mettant en avant la richesse de ce répertoire…

… Avec cet album, on prouve qu’on sait faire des chansons, ce qui n’est pas forcément le cas de certains de nos collègues francophones. Et pourtant, on balance énormément d’informations sonores, je me répète Satan Jokers est un groupe "bavard"…


… comme son chanteur…

(Rires) Bavard certes mais on ne sait pas forcément qui je suis ! Je balance énormément de trucs mais derrière, si tu ne décryptes pas, tu ne peux pas réellement pas savoir qui je suis… mais je vais effectivement te donner des choses parce que j’aime ce genre d’échanges avec des gens intelligents : ça m’éclate et puis, c’est quand même un régal de pouvoir parler de son projet ! A un moment, il ne faut pas se mentir : c’est quand même un métier de branleur c’est-à-dire que je suis dans un endroit dans lequel on peut bouffer, on boit des coups…


… on arrive en retard en promo…


… J’ai eu la fausse bonne idée de prendre le bus qui a mis une plombe à arriver !


Message pour Laurent Karila : plus que la fracture sociale, la RATP est un sujet qui inspire Renaud Hantson…

(Rires) Non, la RATP, c’est très bien !


Si ça ne tenait qu’à moi, je m’arrêterais là parce qu’on part en héros !



On parlait de best-of. Pour ne pas plaider notre cause d’amateurs de Satan Jokers, est-ce qu’un tel album best-of symphonique ne représente pas une sorte d’apothéose, la sortie rêvée pour tout groupe ?

Tu as parfaitement raison, si ça ne tenait qu’à moi, je m’arrêterais là parce qu’on part en héros !






Mais tu avais dit la même chose sur "Sex Opéra"…

Je sentais qu’on avait un grand album avec "Sex Opéra" et je me demandais ce qu’on pouvait faire de plus… Et là, grâce à Florent qui se présente à moi en me disant qu’il est ma "grande idée", je sens que si le mec parle comme moi, ça signifie qu’il est au niveau ! On peut me traiter de tout ce qu’on veut de mégalo… mais je fais ce que je dis ! Et lui, je sens qu’il va faire ce qu’il dit !
Bref, encore une fois, pour moi, il faudrait arrêter là mais comme Karila a déjà sa putain d’envie de faire un album sur la fracture sociale, je pense qu’on se retrouvera dans deux ou trois ans, je ne sais pas…


Comment s’est fait le choix des titres, certains ont-ils posé plus de problèmes que d’autres à adapter et certains ont-ils été mis de côté car peut-être trop difficiles à mettre en couleur symphonique ?

Nous avons décidé de prendre surtout ce que l’on peut considérer aujourd’hui comme les “incontournables” de la première version de Satan Jokers associés aux titres plus récents pour qui une version symphonique apporterait vraiment quelque chose, en accord avec Florent Gauthier et les membres du groupe, évidemment.


Le résultat est très agréable, les aspects symphoniques ne sont pas écrasants comme cela a parfois été le cas dans d’autres projets du même genre, la facette métallique reste en avant et l’orchestre apporte une force qui s’invite parfaitement, c’était l’idée cet équilibre subtil entre les genres et éviter un écrasement de l’un sur l’autre ?

Absolument ! Cela a par ailleurs été le sujet de longues discussions téléphoniques avec Florent Gauthier après les écoutes des premiers enregistrements. Je ne voulais pas quelque chose de chargé pour l’auditeur. J’avais véritablement envie que cela soit une valeur ajoutée pour les chansons et pas simplement une lubie de musicien. C’est le genre de rencontre irréelle qui aboutit à un projet dingue, le genre d’album qu’on ne fait qu’une fois dans une vie !


Et cela donne de sacrées réussites, d’entrée ‘Quand les héros se meurent’ donne le ton général. Le mix entre puissance et mélodie est parfait, ce titre est parfait pour débuter et faire entrer l’auditeur doucement dans le concept, c’était un peu l’idée ?

A l’écoute finale, j’avais hésité à faire commencer l’album par 'Pas fréquentables' dont j’adore le mix, vu son côté "rentre-dedans", mais j’ai finalement décidé de garder l’ordre originel afin de présenter l’album comme je fais les concerts, c’est-à-dire de façon orgasmique, d’abord doucement pour atteindre une explosion finale !


Après on connait ces titres bien sûr mais on les redécouvre et cette couleur symphonique montre la force des mélodies écrites, des refrains très forts, cela t’a fait quoi de redécouvrir ces chansons ainsi rhabillées ?

Ce fut un véritable plaisir de redécouvrir ces titres en version symphonique et cela m’a donné envie de défendre ce projet de façon un peu plus poussée même si j’ai la sensation d’avoir été un peu extérieur jusqu’à mes enregistrements de voix et que je ne me suis investi qu’au moment des options de mixage. En fait j’ai laissé une liberté totale à Florent Gauthier car j’avais confiance, il a cette double culture du rock et du classique, est un fan du groupe depuis de nombreuses années et le connaît aussi bien que moi !


Cela met en lumière la force mélodique, ce côté quasi pop, de la musique du groupe, au-delà du heavy metal Satan Jokers est aussi et surtout remarquable dans ce côté accrocheur, ce projet va aussi servir de mettre cela en lumière ?


Je l’espère. Cela peut permettre à certains encore dubitatifs de comprendre la raison de la longévité de ce 2ème line up : des musiciens hors pair qui servent des mélodies accrocheuses.


Le travail de Florent est fin et délicat, il évite le côté pompeux et parfois grotesque d’une pop symphonique, c’était aussi important je pense ? Je pense à plusieurs titres qui sont réjouissants, ‘Ma Vie Sans’, ‘Trop Fou Pour Toi’, ‘Club Sex 6’ ou ‘Obsession’. C’est léger et subtil, il y a une force épique dans les tons symphoniques qui donnent une grande force, il a là-dedans un grand travail de relecture, proposer un projet cohérent et pas juste un collage c’était le plus difficile au final ?


Florent a fourni un travail incroyable de relecture des titres et c’est cela qui m’intéressait avec un tel projet. A force de jouer certains titres, on s’habitue un peu. Un boulot de passionné tel que celui de Florent est un cadeau dont je ne pouvais pas me passer. Aurel, notre batteur, pense à juste titre que nous n’avons jamais joué avec autant de cohésion. Nous ne répétons pas mais chaque membre est à sa place, respecte l’autre et sait exactement quoi donner et quoi recevoir. C’est sûrement ça l’expérience… ou le vieillissement (Rires) !


Les titres récents sur les addictions, ‘Club Sex 6’, ‘Obsession’ ou ‘VIP HIV’ gagnent même en puissance et leur message ressort encore plus fortement dans ce format, ‘Obsession’ notamment a un côté schizophrène impressionnant dans ce format, ‘VIP HIV’ est aussi impressionnante et donne le frisson tant on ressent la force des paroles de manière encore plus intense. Qu’en penses-tu ?


Tout à fait d’accord. Selon moi, ‘VIP HIV’ est une véritable réussite de l’album pour son caractère tragique. Il en va de même avec ‘Club Sex 6’ et ‘Obsession’ qui prennent une autre dimension avec les musiciens de l’orchestre classique.





Et pour finir quand tu as écrit "Les fils du metal" en 1983 aurais-tu pensé un jour voir ce titre être mélangé à du symphonique ? L’idée aurait paru incongrue au jeune homme que tu étais non ?


Je pense en effet que le jeune homme un peu naïf et arrogant que j’étais aurait été surpris d’une telle idée. Je ne savais pas à l’époque ce qu’il adviendrait par la suite de mes rêves et de mes envies. Mais, en même temps, avec Laurent Bernat (RIP), le bassiste avec qui j’ai monté Satan Jokers, nous étions fermement décidés à faire évoluer certains codes établis dans le hard rock et c’est ce mélange de divers styles qui a fait dire à quelques journalistes que nous avons inventé la Fusion Metal… Alors, aujourd’hui, le mélange avec le symphonique, c’est peut-être une suite logique. Je ne me doutais pas non plus que 35 ans après la parution de notre premier album, mon expression "les fils du metal" serait toujours utilisée comme signe de ralliement entre adeptes du hard rock, quand j’entends des gens se dire entre eux "ça va fils du metal ?" ou se décrire eux-mêmes comme des "fils du metal", ça me fait sourire car je sais que les plus jeunes d’entre eux ne savent pas d’où vient l’expression et qui en est l’inventeur, c’était une bonne trouvaille en fait (Rires) !


Quand tu te retournes et que tu vois le parcours effectué il y a de quoi être assez fier, non ? Ce disque est une sorte d’apothéose pour Satan Jokers ?


Je vais te faire une réponse à la Hantson et de façon politique : je pense que Satan Jokers est un grand groupe, je pense qu’on sait faire des chansons et je pense que cet album est une belle épitaphe pour l’histoire de Satan Jokers. Stéphane Bonneau, le guitariste originel avec qui j’ai créé le groupe, est très fier de cet album.
Satan Jokers est une grande fierté. Satan Jokers est ma partie barge dans mon métier et j’aurais donc du mal à vivre sans lui car je te le dis honnêtement je me fais chier dans cette profession : j’ai regardé les Victoires de la Musique samedi dernier, c’est à pleurer !


Malgré tout, n’est-ce pas contradictoire de dire vouloir arrêter Satan Jokers alors que c’est ton moteur dans ce métier ?

Oui ! Tiens par exemple, j’ai un mal fou à trouver une production de spectacle pour mon opéra rock "Rock Star" qui est le truc le plus abouti que j’ai jamais fait de ma vie.


Comment l’expliques-tu ?

Parce qu’ils se sont plantés sur 18 comédies musicales sur 20 : les productions ont perdu des millions ! Donc même quand tu arrives avec une idée originale qui n’est pas du Walt Disney, qui ne reprend pas une grande thématique comme Notre-Dame… on ne te fait pas confiance !


Je ne suis plus dans l’air du temps avec la disparition de France Gall, Johnny Hallyday, Michel Berger… Aucune des personnes qui m’a mis le pied à l’étrier n’est vivante aujourd’hui !


Mais on en a un peu parlé au début, à l’époque où on parle plus que jamais de Michel Berger, France Gall… ton projet est une alternative qui sent bon l’époque Starmania et les années 1980…

Oui mais ils ont perdu trop d’argent et personnellement, je ne suis plus dans l’air du temps avec la disparition de France Gall, Johnny Hallyday, Michel Berger… Aucune des personnes qui m’a mis le pied à l’étrier n’est vivante aujourd’hui !


Tu penses que les professionnels te perçoivent comme un has been ?

Ah non ! On n’est jamais has been dans ce métier : Adamo a fait son retour à 80 balais, Tom Jones est revenu à 60 piges ! Etre has been, ça n’existe pas !
Has been, c’est un mot pour essayer de faire mal à quelqu’un, comme loser… ce sont des conneries, des trucs de gens qui se cachent derrière leur écran d’ordinateur pour faire mal ! Mais ça ne marche pas avec moi. Quand les mecs viennent m’agresser avec des conneries, ils savent que j’ai un bon revers qui sera plus puissant que leurs bassesses…


Ta réaction vive sent le vécu…

Bien sûr, j’ai mes trolls ! Et parfois, ce sont les mêmes mecs qui avaient déjà Satan Jokers dans le collimateur il y a 30 ans et qui n’ont pas évolué alors que j’ai évolué !


Justement, c’est une fierté ce parcours évolutif au sein de Satan Jokers ?

Tout à fait ! On m’a demandé trois mots qui pourraient définir Satan Jokers et tu penses bien que longévité, précurseur/ avant-garde et honnêteté sont les mots qui reviennent…


Quelle sera la prochaine étape, proposer ce projet symphonique sur scène ?

Ça ne sera malheureusement pas possible. On l’a fait au Satan Fest avec les mixages de l’orchestre : on ne pouvait pas faire autrement !


Encore une question de moyens je suppose ?

Totalement !


Et ça vient s’ajouter à la liste de tes regrets ?

Bien sûr ! Tu penses bien que de ne pas avoir 40 musiciens classiques sur scène est un vrai regret !


J’ai longtemps dit que ce n’était pas un mode de vie de me détruire mais c’est faux, c’est devenu un mode de vie au fil des années pour une raison très simple : je vis super mal l’évolution de ma profession !



Mais comment vis-tu cela que ce projet, "Rock Star" ne vive pas sa vie finalement ?

Très mal ! Ma grande fierté est l’album "Addiction" validé par la MILDECA mais toutes mes fuites en avant, tous mes faux-pas… j’ai longtemps dit que ce n’était pas un mode de vie de me détruire mais c’est faux, c’est devenu un mode de vie au fil des années pour une raison très simple : je vis super mal l’évolution de ma profession ! Si je me sentais plus à l’aise dans ce métier, je n’aurais pas le laps de temps ni de me détruire, ni de douter… je ne ferais que bosser !





Ton malaise vient du non-aboutissement de tes projets…

C’est exactement ça, que ces beaux projets n’aboutissent pas là où ils devraient être. Et par moment, tu as envie de reprendre Marianne James en disant : "Mais vous avez de la merde dans les oreilles !".


…mais c’est un cercle vicieux parce que ton malaise vient du non-aboutissement de projet et tu te replonges dans un autre projet qui n’aboutira pas non plus…

Pas à chaque projet…


Mais "Rock Star", le fait de ne pas produire sur scène, cet album symphonique…

Ça fait chier… Ne pas trouver de production pour "Rock Star" alors que l’album est épuisé, en rupture de stock on en a écoulé plusieurs milliers à un moment où le marché du disque est en perdition, sans que ça se sache, sans promo, juste avec un teaser sur Internet, deux clips avec deux bouts de ficelles réalisés par Isa (NdStruck : Isabelle Gauthier), on a fait deux showcases à la con où on invite des gens du métier où 1/12e se déplace et à la fin on ne trouve pas de production… Mais je n’ai pas fini, on va continuer (Sourire) !


Et Laurent va t’aider à surmonter cela…

Je mets du mauvais pansement pour soulager cela et Laurent m’a expliqué comment mettre du bon pansement. Et j’ai encore tendance à me flinguer mais il m’a donné toutes les clés. Certaines personnes dans mon entourage me disaient que la thérapie ne pouvait pas fonctionner parce qu’on était trop frères etc… c’est faux, bien au contraire, il m’a donné toutes les clés comme un frère. Ces maladies psychologiques ne peuvent pas être traitées comme une opération où on te coupe le corps malade, ça se passe dans la tête ! Mais oui, je ne me sens pas bien dans ce métier…


Et comment vois-tu ton futur dans tout ça ?

Continuer…


Mais c’est contribuer à alimenter ce mal-être… d’où la contradiction…

Mais je ne sais pas faire autre chose…


Mais tu disais bien que tu souhaitais arrêter Satan Jokers…

Satan Jokers parce que je ne vois pas gueuler jusqu’à 60 piges. Sur ‘Quand les héros se meurent', il faut monter dans les tours… J’admire les Halford, Glenn Hughes est un dieu pour moi, le mec envoie à 65 ans et avec 24 ans d’addiction à la cocaïne… Je veux finir comme ça !


Ton parcours et celui de Glenn Hughes se rapprochent sur certains points d’ailleurs…

Je suis son pote français : il est venu chez moi, j’ai 4 heures de bande… Mais thérapeuthiquement, Glenn ne voit pas voir les gens avec qui il s’est drogué. Et comme il ne sait pas si je suis sorti d’affaire ou non, il recule l’échéance. La prochaine fois qu’il vient en France, je dois lui faire comprendre que je vais bien…


Donc tu vas bien ?

On va essayer d’aller bien !





(A sa mère et Isabelle Gauthier) Et qu’en pensez-vous ?

Isabelle Gauthier : A part le bus (Rires)


Donc hormis la RATP, tout va bien ?

Oui mais il y a des moments de doute !


Merci

Non à chaque fois tu agences super bien le truc… Merci à vous les gars !


Merci à Noise pour sa contribution...


Plus d'informations sur https://www.facebook.com/satanjokersfanpage
 
(1) COMMENTAIRE(S)  
 
 
LYNOTT
04/03/2018
  0
Félicitations pour le boulot. Impressionnant...
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