Quelle est la question que l’on vous a trop souvent posée ?
Mais il n’y a pas de chanteur ? (Sourire)
Tu as d’abord joué de la guitare puis ensuite fait le conservatoire pour apprendre le violon. C’est le parcours inverse de la plupart des guitaristes. Quelles étaient tes motivations ?
J’ai commencé à m’intéresser à la musique classique quand j’ai commencé à la comprendre en fait, c’est-à-dire quand mon bagage de savoir musical est devenu suffisant, au fil de mon parcours d’apprentissage. Et puis, il y avait un côté défi un peu rock’n’roll à se mettre au violon si tard. C’est un instrument réputé difficile, et en général, on s’accorde à dire qu’il vaut mieux commencer jeune. Donc fuck (Rires)
Tes interventions pédagogiques dans Guitar Part t’ont-elles ouvert des portes dans le petit milieu de la musique et notamment de la guitare ? Et penses-tu que cela ait eu une incidence dans la campagne de crowdfunding couronnée de succès ?
Apparaître tous les mois dans Guitar Part, c’est en effet une vitrine de choix ! Beaucoup de guitaristes me connaissent grâce à mes rubriques, et me suivent sur les réseaux sociaux. Du coup, oui, les choses sont plus simples pour une campagne de crowdfunding. C’est aussi une carte de visite qui peut faciliter certaines rencontres dans le milieu professionnel, oui.
L’influence de Satriani s’entend notamment sur le titre ‘Straight’. Peux-tu nous en dire plus sur cette référence incontournable et citer d’autres guitaristes qui t’inspirent particulièrement ?
Tiens, j’aurais plutôt parlé de 'Sunny Day For An Opossum' pour la référence à Satch (Sourire). Mais c’est vrai que quand, ado, j’ai découvert Satriani, ça a été une sacrée claque. Ce que faisait ce type avec une guitare était juste incroyable ! Et pas seulement techniquement : il y avait quelque chose dans sa musique qui me touchait profondément, et ça a été un véritable point de départ pour moi. Et puis je me suis intéressé à d’autres guitaristes ensuite : Vai, Macalpine, Moore, Becker… J’ai eu une période très Friedman aussi (Sourire) Aujourd’hui, je redécouvre un peu Malmsteen. Je le trouvais bien sûr impressionnant à l’époque, mais je ne crois pas que je pesais l’étendue de son talent. Même s’il en fait des caisses et que le genre est passé de mode, il a (comme Satriani d’ailleurs) cassé les codes. Et quel phrasé fascinant, quelle générosité dans son jeu ! Un génie.

"Origami" est un album très bien composé et particulièrement travaillé. Est-ce que ce sont des compositions récentes ou les as-tu travaillées pendant plusieurs années ?
Alors, certains morceaux ont été composés il y a quelques années ('Straight' et 'Prism'), mais la majorité a été composée entre l’été et l’automne 2015. J’ai essayé de composer assez vite, de ne pas passer trop de temps sur chaque titre. Je suis à vrai dire quelqu’un d’assez perfectionniste et je peux vite tomber dans un processus stérile à chercher toujours mieux. Je dois me poser des limites si je veux être productif. C’est aussi un moyen d’aller à l’essentiel, de ne pas trop chipoter sur les détails et de s’en laisser envahir, et c’est ce que je souhaitais pour cet album. Quelque chose de profond et "d’authentique".
Tu as déclaré souhaiter que la guitare remplace la voix dans tes morceaux. Nous pensons que tu y es parvenu. Mais quel est ton avis à toi sur le sujet et sur l’album ?
C’est une manière de dire qu’on peut être expressif, sensible et subtil avec une guitare. Une sphère plutôt réservée à la voix habituellement, la guitare étant souvent reléguée à un rôle d’accompagnement. C’est aussi revendiquer que la musique instrumentale a également quelque chose à dire. Pas forcément évident, en particulier dans un pays ancré dans une forte tradition de la chanson, avec le texte qui a parfois plus d’importance que la musique.
Ton objectif est-il de rendre la guitare instrumentale accessible au plus grand nombre ?
Mon objectif, comme tous les artistes sans doute, c’est de créer une œuvre qui corresponde à ma vision des choses, une traduction de ce que j’éprouve, de qui je suis et de ce que j’ai envie de dire. Plus que la guitare, c’est ma musique que j’avais envie de rendre accessible. Plus jeune, comme beaucoup de musiciens en « phase d’expérimentation », j’ai composé un tas de choses ultra complexes, techniques et chargées qui nécessitent d’avoir certaines clés de lecture pour apprécier. Aujourd’hui, je cherche plutôt à toucher directement la corde sensible, en quête d’une "vérité" un peu universelle si on peut dire :) Et c’est un vrai challenge de chercher à faire des choses à la fois simples, intéressantes et efficaces, je trouve.

La musique classique est importante dans ton parcours de musicien. C’était bien sûr le cas pour ton EP "Classics" mais certains thèmes de "Origami" en sont également inspirés, par exemple la mélodie de ‘Memories’. Pourtant tu es assez éloigné du style néoclassique d’un Malmsteen par exemple. Comment considères-tu ce mélange des genres chers à certains shredders ? Est-ce que trop de technique tue la musique ?
Je pense que c’est assez facile de tomber dans la caricature avec le classique, ce qui est fort dommage. Et c’est souvent le cas quand le classique est seulement un prétexte à la démonstration technique, en effet. Avec "Classics", j’ai essayé de donner une vision personnelle de l’intention des compositeurs avec uniquement des guitares saturées, et non d’utiliser leurs œuvres comme un faire-valoir. Pour "Origami", la démarche est toute autre. Dans 'Memories' par exemple, ce sont plutôt mes racines classiques qui ressortent assez naturellement et s’intègrent dans un projet rock.
Peux-tu nous parler de la production de l’album qui est excellente ? Dans quelles conditions l’as-tu enregistré ?
Les grattes ont été enregistrées à la maison. Au départ, j’avais prévu de ré-enregistrer les grattes en studio, et après concertation avec l’ingé son, Sébastien Langle, nous avons décidé de garder les prises des pré-prods. Celles-ci avaient un niveau de qualité sonore satisfaisant et surtout, on était pile sur le modèle que j’avais en tête en termes d’interprétation. La basse (Ludo Chabert) et la batterie (Mike Pastorelli) par contre, ont été enregistrées en studio. Sébastien Langle a réalisé le mixage et Julien Courtois (studio Master Plus), le mastering.
Notre chronique qualifie "Origami" de bouffée d’air pur dans le monde confiné de la guitare instrumentale. Est-ce que cela pourrait, consciemment ou inconsciemment, être le sens du clip de ‘Time For Redemption’ ?
En effet, l’ambiance post-apocalyptique et suffocante du clip de 'Time For Redemption', masques à gaz à l’appui, colle plutôt bien à cette description ! Enfin… si on va jusqu’au dénouement final ! (Rires)
Profiteras-tu de la sortie de « Origami » pour faire une réédition de ton EP "Classics" ?
"Classics" n’est sorti qu’en digital. Pas d’édition physique prévue à ce jour, par contre, l’EP est disponible sur Guitar Euro Media désormais, et bien sûr toujours, sur mon site www.alexcordo.com (Rires)
Où en sont tes deux autres projets, The Electric Barock Quartet et Holophonics ?
Pour l’instant The Electric Barock Quartet est un peu en sommeil, étant donné que je consacre beaucoup de temps au développement du groupe qui porte l’album à la scène. Mais le projet (3 grattes et une basse qui reprennent des œuvres classiques en version metal) existe toujours. Je ne fais plus partie d’Holophonics depuis 2015, mais le groupe continue de tourner et prépare son troisième album.
Tu as plusieurs dates prévues dans la Drôme jusqu’en avril. Envisages-tu une tournée nationale ?
Pour l’instant, depuis la sortie d’ "Origami" fin septembre, le groupe tourne régulièrement mais principalement dans un périmètre régional (Rhône-Alpes). Le groupe a été créé récemment et est en phase de "rodage". Il est en train de monter en puissance. Nous allons commencer à travailler sur l’aspect scénique, en résidence. J’espère que nous aurons l’opportunité d’aller faire du bruit aux quatre coins de la France bientôt, et peut-être même un peu plus loin ! (Rires)
Qu’attends-tu ce cet album maintenant que vous êtes soutenus par Dooweet ?
La question serait plutôt ce que j’attends de Dooweet ! (Rires) Et c’est qu’ils continuent à faire parler de l’album bien sûr ! Plus sérieusement, "Origami" est un projet un peu à part dans le marché de la musique. Pour que l’album se fasse remarquer, c’est important de pouvoir s’appuyer sur des partenaires comme Dooweet. Ils ont un très bon réseau ainsi qu’un savoir-faire et l’enjeu, c’est d’ouvrir des portes que je ne peux pas atteindre seul, de "changer d’échelle".

Quel est ton meilleur souvenir en tant qu’artiste ?
Je pense que l’expérience masterclass/concert en Corse de cet automne se situe en bonne place. :) J’y ai été très bien accueilli par l’équipe de l’EMAS (Ecole de Musiques Actuelles de Sarrola, qui vient d’ouvrir un lieu de concerts et de formation sur Ajaccio), et y ai trouvé un public très attentif. Je ne m’attendais pas à susciter autant d’intérêt sur l’Île de Beauté ! Ça a été un moment très valorisant. Et puis, c’est la Corse quoi ! (Rires)
Au contraire le pire ?
Je ne dirais pas que c’était le pire souvenir, mais probablement un des moments où j’ai ressenti le plus de pression en montant sur scène. Je pense au concert que j’ai donné en tant que soliste avec un orchestre symphonique. Un concerto pour violon de Bach, que j’avais transcrit pour l’occasion à la gratte. Une expérience grandiose et inoubliable, mais une dose de stress proportionnelle ! (Rires)
Quelle est la question que tu aimerais que je te pose ?
A quelle heure tu joues au Hellfest ? (Rires)
Un dernier mot pour les lecteurs de Music Waves ?
Merci de m’avoir lu jusqu’au bout, d’abord ! Et n’hésitez pas à m’interpeler sur Facebook si vous avez des questions, pour me montrer ce que vous faites si vous êtes guitaristes ou si vous voulez juste parler guitare. Je répondrai avec plaisir ! (Sourire)
Merci à Newf pour sa contribution...