Et si le guitariste figure au panthéon des guitar heros contemporains, force est de constater que son discours, son attitude sont aux antipodes de l'image que l'on pourrait se faire d'une musicien ayant croisé la route de légende comme David Coverdale, Ronnie James Dio...
Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée ?
Doug Aldrich : Peux-tu nous raconter une anecdote amusante de tournée…
Je ne te la poserai pas en revanche, je voudrais savoir si tu n’es pas déçu de voir ta carrière résumée à ton passage chez Whitesnake ou Dio en occultant totalement ce que tu as pu faire en solo ou encore avec le groupe le plus sous-estimé qui soit en l’occurrence Bad Moon Rising ?
Non, non… je n’ai aucun problème avec ça ! Je suis très content de tout ce que j’ai pu faire ma carrière et je suis reconnaissant d’avoir pu travailler avec David (NdStruck : David Coverdale) et nous avons dû écrire à peu près 30 chansons ensemble ce qui n’était jamais arrivé par le passé, personne n’a écrit autant de titres avec lui : c’est une personne très cool et je suis très fier de cela…
J’adore également ce que j’ai pu faire avec Bad Moon Rising mais également avec Lion…
Burning Rain également je présume…
Burning Rain, c’est autre chose, c’est un groupe que j’ai mené à côté et je ne pouvais me consacrer à 100% sur ce groupe mais qui sait, peut-être qu’un jour je pourrais le faire ?
Tu es arrivé dans Dead Daisies en janvier de cette année, vous êtes directement partis en studio en février et en mars et dans la foulée, vous êtes partis en tournée avec le groupe. C’est rare de nos jours d’aller si vite, comment as-tu vécu ce tourbillon créatif lié à ton arrivée dans le collectif Dead Daisies ?
Et bien, je connais tous les membres du groupe depuis des années. Bien évidemment, j’ai joué avec Marco (NdStruck : Marco Mendoza) et Brian (NdStruck : Brian Tichy) dans Whitesnake même si ce n’était pas ensemble en même temps. Ils sont dans le business musical depuis des années et je me suis dit que ce serait amusant que nous puissions jouer ensemble parce qu’à eux deux, ils forment une section rythmique extraordinaire. Et j’avais rencontré John (NdStruck : John Corabi) quand j’avais 15 ans à Philadelphie.
Bref, nous sommes tous amis et quand Marco m’a demandé si je souhaitais enregistrer le nouvel album du groupe sachant que la vision de David (NdStruck : David Lowy) était de faire un album un peu plus heavy ou non du moins un album plus axé sur des guitares rock. J’ai discuté avec David, il m’a indiqué que cet album sera assorti d’une tournée européenne… Nous avons échangé plusieurs fois à ce propos au téléphone et finalement, j’ai accepté de faire cet album et cette tournée.
On peut parler de collectif parce que Dead Daisies est plus qu’un groupe, il rappelle ces collectifs musicaux à géométrie variable qui gardaient leur identité tout en changeant régulièrement de line-up, es-tu d’accord avec cette notion de collectif avec des membres qui ne sont là le temps que d’un album ou deux ?
Totalement, c’est exactement comme ça qu’on m’a présenté la chose quand on m’a demandé de rejoindre le groupe. On ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve. Mais il faut souligner que c’est la première fois que les Dead Daisies enregistrent un album et tourne dans la foulée avec le même
line-up… et nous espérons que nous pourrons continuer tous ensemble.
J’ai trouvé dans ce groupe le même esprit de camaraderie que j’avais connu quand j’étais gamin
Tout dépendra également de comment se passe la tournée…
Honnêtement, tout se passe à merveille. Je vais te dire que j’ai trouvé dans ce groupe le même esprit de camaraderie que j’avais connu quand j’étais gamin. Je n’ai jamais été aussi à l’aise dans un groupe, nous faisons tout ensemble : non, vraiment, nous nous amusons beaucoup ensemble.
Un détail, nous dînons ensemble… Cela peut paraître évident aux yeux de tous mais ce n’est pas le cas dans tous les groupes notamment ceux avec qui j’ai travaillé.
Même avec Bad Moon Rising ?
Nous ne pouvions pas nous permettre de dîner avec Bad Moon Rising (Rires) !
Dans Whitesnake, David était le créateur et le leader du groupe, il déléguait les choses et savait parfaitement le faire…

… comme dans une société…
Exactement ! De l’extérieur, cela ne se voyait pas mais nous prenions quand même du plaisir ensemble.
Je me retrouve dans une situation où je n’ai jamais autant travaillé et je me suis beaucoup fatigué
Tu parlais d’esprit de camaraderie, est-ce qu’on peut dire de façon générale que l’expérience Dead Daisies te fait rajeunir et te rappelle tes débuts ?
D’une certaine façon oui. Mais il ne faut pas oublier que nous travaillons vraiment très dur, je me retrouve dans une situation où je n’ai jamais autant travaillé et je me suis beaucoup fatigué. Mais je prends vraiment du plaisir car nous formons une super bande de mecs dont le but est de finir plus fort que quand nous avons commencé.
Mais à aucun moment n’as-tu craint de se lancer dans l’aventure Dead Daisies qui aurait pu souffrir d’une lutte d’égos surdimensionnés et ainsi repartir dans un schéma proche de celui que tu as connu avec Whitesnake ?
Non, c’est totalement différent. Comme je l’ai dit précédemment, nous étions amis avant de jouer ensemble dans ce groupe, je n’avais qu’à faire connaissance David Lowy que je ne connaissais pas. Nous avons beaucoup échangé préalablement au téléphone et nous travaillons désormais parfaitement bien ensemble mais ça, nous le savions déjà avant même que nous nous ne commencions.
Et quand nous sommes ensemble en studio, nous travaillons de façon égale sur la musique, nous enregistrons ensemble, nous mangeons ensemble, nous faisons la promotion du groupe auprès de la presse tous ensemble… nous sommes ensemble toute l’année et personne ne semble s’en plaindre… Non, je n’avais aucune crainte à ce sujet !

Avant de rejoindre Dead Daisies, n’as-tu jamais envisagé de repartir dans un projet solo voire relancer des groupes tels que Bad Moon Rising ou Burning Rain ?
Non ! Initialement quand j’ai quitté Whitesnake, j’ai commencé à travailler sur un nouveau projet avec David mais surtout j’avais besoin de passer plus de temps avec mon fils, j’ai passé trop de temps loin de lui. David me mettait la pression -je précise, une pression positive- parce qu’il voulait travailler avec moi à 100% mais cela signifiait encore être éloigné de ma famille comme j’ai pu l’être pendant 11 ans. J’ai dit à David que je préférais tout arrêter parce que j’avais besoin de passer du temps avec mon fils. C’est le meilleur choix que j’aie pu faire ! Pendant cette période, j’ai joué avec un super groupe à Las Vegas : nous jouions dans un hôtel tous les soirs, je me suis fait pas mal d’argent, j’étais avec mon fils 24 heures sur 24… non vraiment, c’est le meilleur choix que je pouvais faire !
Je ne te cache pas que j’ai eu plein d’opportunités pour faire plein d’autres choses mais je n’aurais eu le temps de les faire.
Et j’ai finalement rejoint Dead Daisies qui est devenu plus « sérieux » que ce que nous pouvions tous penser. Attention, je ne dis pas ça de façon négative : j’ai toujours considéré Dead Daisies comme quelque chose de sérieux et c’est une priorité musicale pour moi mais je veux dire que je suis vraiment heureux de voir que l’alchimie a pris de façon géniale.
"Revoluçion" était un grand cru sorti en juin 2015 et pourtant en à peine un an de temps il a un successeur au moins aussi bon ! Quel est le secret ? Est-ce que la notion de collectif que nous avons évoqué est un point positif qui permet que le groupe reste créatif à la faveur des nouveaux membres qui apportent leur fraîcheur ?
Je ne pourrais pas dire comment ils ont travaillé pour le précédent mais la façon dont nous avons écrit cet album fut vraiment très rafraîchissante : tous les cinq avions plein d’idées contributives à cet album.
Le producteur Marti Frederiksen a été très bon pour se servir des idées qui avaient le plus de potentiel : peu importait de qui était l’idée, nous travaillions ensemble de notre mieux pour la rendre encore meilleure.
À l’écoute de cet album, on a l’impression que tu fais partie du groupe depuis ses origines : ta présence au sein du groupe sonne de manière naturelle comme si c’était une évidence. Comment vis-tu cette expérience et comment la situes-tu par rapport à ton passage chez Dio ou Whitesnake ?
C’est totalement différent parce qu’au sein de Whitesnake, David et moi faisions tout et nous ne montrions ce que nous avions pu créer au groupe qu’au moment de rentrer en studio. Avec Dio, nous avons écrit des morceaux ensemble en studio et quand tout était prêt, nous l’enregistrions ensemble… plein de ce qui étaient des jams à la base se sont transformés en chansons…
Tout se passe à merveille et j’espère que si tout va bien, nous pourrons en enregistrer un nouveau
Comparativement, Dead Daisies est plus un travail d’équipe ?
Tout à fait ! Je me sens super bien dans ce groupe, je prends du bon temps et je m’entends super bien avec les mecs et j’adore la musique que nous faisons ensemble. Aujourd’hui, tout se passe à merveille et j’espère que si tout va bien, nous pourrons en enregistrer un nouveau.
Rendez-vous l’année prochaine donc ?
Peut-être, peut-être (Sourire)…
Cet album est marqué de ton sceau, tu as ta marque de fabrique sur tous les titres, en si peu de temps c’est juste remarquable. Comment s’est passé le processus de composition de l’album ? Cela semble avoir être rapide comme une sorte de jam, de bouillonnements d’idées entre les membres qui a très bien fonctionné ?
C’est précisément ce qui s’est passé. Nous travaillons sur les idées de chacun et peu importe de qui elles venaient, le but était de les rendre meilleures. Au-delà d’une question liée à mon style, j’ai fait en forte de donner le meilleur de moi-même. Mais de façon générale, après un certain temps, chacun a son propre style qui se créé naturellement finalement : Marco a son style, David a son style…
J’ai beaucoup aimé "Revolucion" le précédent album de Dead Daisies qui
est un album génial et je suis content que nous n’ayons pas essayé de
faire un "Revolucion n°2"
On a évoqué ta marque de fabrique. Es-tu fier d’avoir une signature sonore reconnaissable entre mille ?
Ce n’est pas quelque chose à laquelle je pense mais j’apprécie d’entendre de telles choses (Sourire)… Mais comme je te le disais, quand tu fais ce que tu fais, tu ne penses pas à ce genre de choses et tu ne dois pas penser à ce genre de choses, tu te dois juste de faire de ton mieux… Et dans ces conditions, petit à petit, chacun d’entre nous arrive avec ses particularités et cela donne Dead Daisies.
Tu sais, j’ai beaucoup aimé "Revolucion" le précédent album de Dead Daisies qui est un album génial et je suis content que nous n’ayons pas essayé de faire un "Revolucion n°2", nous avons essayé de faire quelque chose de différent, et peut-être que le prochain album sera encore totalement différent. Malgré tout, ensemble et en particulier avec David, Marco et John cela continuera de sonner comme du Dead Daisies.
Quels sont tes attentes pour cet album ?
En fait, nous avons été très agréablement surpris et honorés de voir l’accueil que le public a réservé à cet album. Nous avons eu de très bonnes chroniques en général et il semblerait que les gens prennent autant de plaisir à écouter cet album que nous avons eu à le faire, et c’est déjà très bien !
Je n’avais pas d’attentes particulières si ce n’est prendre du plaisir. Cet album est une photo instantanée de ce que nous étions en février, nous avons réalisé plein de choses depuis et j’en suis très fier !
Questions traditionnelles de Music Waves, quel est ton meilleur souvenir d’artiste ?
Mon meilleur souvenir a toujours été quand j’écrivais une chanson, j’ai toujours eu hâte de les partager. Comme les chansons de cet album quand ton manager te dit : "Oh, ces chansons sont vraiment cools, j’ai hâte que le public les entende". Tu vois ce que je veux dire : cette excitation mêlée de nervosité avant de les faire partager en espérant que le public va les aimer.
Et c’était exactement pareil avec Coverdale, quand nous enregistrions des choses ensemble, nous nous isolions ensemble pendant une semaine pour enregistrer des démos de deux ou trois chansons et de retour chez nous, nous nous appelions en étant super-excités par ce que nous venions d’enregistrer ensemble.
Je ne serais pas aujourd’hui ici avec les Dead Daisies si je n’avais pas travaillé pour Ronnie
Au titre des souvenirs marquants, tu as accompagné Dio jusqu’au bout, il apparait d’ailleurs sur ‘Electra’ le tout dernier morceau de Dio qui aurait dû apparaitre sur le futur album du légendaire chanteur, ce devait être une expérience très forte de travailler avec lui surtout sur la fin comme cela ?
C’était difficile. Ronnie était un mec super, je ne serais pas aujourd’hui ici avec les Dead Daisies si je n’avais pas travaillé pour Ronnie.

De façon générale, comment vis-tu cette disparition progressive mais inéluctable des idoles, Dio est parti, Lemmy a suivi, Bowie et Prince également, plus récemment Leonard Cohen ?
C’est triste mais j’espère qu’ils jamment tous ensemble quelque part.
C’est la chose qui m’excite particulièrement : il y a encore de la route
à faire mais je pense que Dead Daisies peut devenir cet héritier
Toujours dans cette idée, Deep Purple vient par exemple d’annoncer une tournée d’adieu, Whitesnake et Sabbath sont sur la même tendance. Penses-tu que le rock et le hard rock ont déjà trouvé les héritiers de ces groupes ?
Ces groupes ont laissé un héritage et nous essayons de construire notre propre héritage. C’est la chose qui m’excite particulièrement : il y a encore de la route à faire mais je pense que Dead Daisies peut devenir cet héritier.
On a évoqué ton meilleur souvenir, au contraire quel serait le pire ?
(Rires) Mon pire souvenir ? Je suis tellement content d’être musicien que je n’en ai pas. Il y a toujours de petits problèmes mais rien de grave, j’ai toujours eu de la chance durant ma carrière et aujourd’hui, je ne peux pas me plaindre de quoi que ce soit…
On a commencé cette interview par la question qu’on t’a trop souvent posée, au contraire, quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ?
Quelle est la chose la plus importante dans la vie ?
Je crois connaître la réponse vu que tu en as parlé dans l’interview mais quelle est la chose la plus importante dans la vie ?
La famille ! La famille et les amis. Et je me considère également comme béni de pouvoir jouer et vivre de la musique…
Merci
(En français) "Merci beaucoup" !
Merci à Noise pour contribution...