Une interview durant laquelle les sympathiques frenchies de Stuck in the Sound ont répondu avec une grande sincérité à toutes nos questions dont certaines piquantes notamment celle relative au statut d'éternel espoir de la scène pop rock française...
Quelle est la question qu’on vous a trop souvent posée ?
José Reis Fontao : "Comment définiriez-vous Stuck in the Sound ?"
Et nous ne le ferons pas mais vos réponses tout au long de cette interview permettront à nos lecteurs d’en savoir plus Stuck in the Sound…
José : Merci (Sourire)
Est-ce que c´est votre passion débordante pour Iggy Pop qui vous a inspiré ce titre d´album?
José : Absolument pas (Rires) ! D’ailleurs l’album s’appelle "Survivor" et non pas "Pop Pop Pop" même si finalement avec le recul, on aurait dû l’appeler "Pop Pop Pop" !
On a toujours une volonté de faire l’électro mais c’est vrai qu’avec
l’arrivée de Romain avec ses synthés et des programmations ordinateurs
nous a poussés à aller un peu plus dans ce sens
Justement ces touches électros plus présentes sont-elles le fait de l’intronisation officielle de Romain Della Valle en tant que cinquième membre ?
José : Non, c’est une volonté que nous avions depuis longtemps, en fait ! D’ailleurs, si tu as écouté l’album précédent "Pursuit" qui date de 2012, il y a déjà cette volonté d’intégrer un peu d’éléments électro. De la même façon, si tu écoutes l’album précédent, il y a également une volonté de copier un peu ce qui fait ce fait l’électro avec le titre
'Waste' - un format, des structures de chansons qui ressemblent à de l’électro. Et enfin, si on écoute le premier album de Stuck in the Sound, il y a un titre qui s’appelle 'Your Special' où on essaie de faire de l’électro organique.
On a toujours une volonté de faire l’électro mais c’est vrai qu’avec l’arrivée de Romain avec ses synthés et des programmations ordinateurs nous a poussé à aller un peu plus dans ce sens.
Emmanuel Barichasse : C’est la première fois que l’ordinateur et le synthé sont au cœur du processus de la composition de certains morceaux. Avant c’était juste des arrangements qui arrivaient après coup. Si tu écoutes bien l’album, il n’y a que deux titres qui font penser à de l’électro-pop mais tout le reste est plus disco finalement.
Je n’ai pas envie que les gens pensent que nous avons fait un album plus
pop pour être à la mode : nous n’avons jamais été comme ça !
À la lecture de cette réponse et de toutes celles que vous avez pu donner par ailleurs, j’ai l’impression que vous ne revendiquez pas trop l’aspect "électro-pop" comme si c’était une honte…
José : Non, rien ne nous embête. Je pense que c’est plus les étiquettes de styles musicaux qui nous embêtent : nous avons eu l’étiquette "rock", "rock alternatif" maintenant "électro-pop" alors que nous n’essayons que de nous mettre au service de nos chansons et les tirer au maximum. Si une chanson tend vers l’électro, on va se plonger à fond dans le style, de la même façon que si un titre est plus orienté rock, on va développer au maximum la couleur rock de ce titre.
Emmanuel : Et nous avons été inondés de groupes "électro-pop" ces dernières années et cela ne nous a clairement pas marqué. Nous écoutons un peu d’électro mais franchement aucun de nous n’écoute d’électro-pop, Pony Pony Run Run et des groupes de ce genre…
José : Et c’est vrai que je n’ai pas envie que les gens pensent que nous avons fait un album plus pop pour être à la mode : nous n’avons jamais été comme ça !
Vous n’aimez pas les étiquettes mais vous avez bien conscience que nous en avons besoin pour vous aider à promouvoir votre musique…
José : Tout à fait ! Mais en même temps, cet album est ironique : on plonge dans le Gold des années 1980…
Et nous y reviendrons… Hormis 'Dies Raes' ou 'Pop Pop Pop', Stuck In the Sound que j’avais découvert à la fin de la décennie précédente lors de l’émission One Shot Not en 2009 était un groupe qui semblait plus nerveux et influencé par le rock rageur d’un Nirvana et Sonic Youth…
José : (Il coupe) … et c’est toujours le cas !
On a toujours fait évoluer notre musique et je ne pense pas que nous ayons fait deux fois le même album
Mais vous ne pouvez pas nier l’évolution musicale flagrante. Comment expliquez-vous ce cheminement ?
José : La création instantanée est quelque chose qui ne s’explique pas : on entre dans une pièce, on compose une chanson et ça sort comme ça ! Au moment de composer "Survivor", nous avions envie de faire des chansons plus pop, plus posées, des histoires romantiques et en même temps, au bout d’un moment, quand tu as fait cinq ou six titres plutôt mid-tempo, posés avec une couleur violette, 'Pop Pop Pop' a débarqué parce que nous avions envie de renouer avec nos racines punk…
Emmanuel : Finalement, on a toujours fait évoluer notre musique et je ne pense pas que nous ayons fait deux fois le même album. Je pense qu’on a toujours eu envie de déstabiliser notre public en lui proposant un album d’une couleur différente que celle qu’il attendait. Et puis, même nous, nous viendrons à nous ennuyer si nous devions faire systématiquement les mêmes morceaux : on avait fait un deuxième album très homogène, le troisième était un vrai patchwork et le quatrième est encore plus patchwork que le précédent…
Justement, être mixé par Nick Sansano sur "Shoegazing Kids" : est-ce une consécration, expliquant le virage progressif du groupe sachant qu’on peut difficilement faire mieux ?
José : Le thème de la rage est présent dans chaque album de Stuck in the Sound. La rage ne passe pas seulement dans un titre un peu énergique, elle peut également passer dans un titre calme : 'Brother' du dernier album est un titre rageur.
La thématique de "Shoegazing Kids" est l’opposé même de "Survivor" : c’est un album très sombre traitant d’une jeunesse sans espoir. A l’inverse avec "Survivor", nous avons voulu faire un album plutôt héroïque avec de l’espoir, où nous disons qu’il faut avancer et être positif. Nous sommes dans les deux extrêmes avec ces deux albums.
N’est-ce pas contradictoire en cette période qui n’a jamais été aussi sombre ?
José : Cette contradiction est la définition même d’artiste. Si nous ne sommes plus dans la contradiction, nous ferions toujours le même album et nous nous ferions chier finalement…
Emmanuel : Cet album n’est pas une réaction à ce qui s’est passé récemment parce que honnêtement, l’album était composé avant les derniers événements : quand nous avons apporté la dernière touche de l’album, les événements de « Charlie Hebdo » n’avaient pas encore eu lieu. Mais c’est vrai qu’à la lecture du titre de l’album, les thématiques développées par rapport aux événements, c’est un peu flippant ! Mais peut-être qu’à cette époque, nous ressentions déjà un danger, une menace qui sont malheureusement dans l’air du temps.
José : Si cet album n’a pas été composé en réaction aux derniers événements, en revanche, cela a une résonance, notamment quand nous réécoutons nos titres aujourd’hui.
L’être humain se place toujours au centre de l’univers. Et sur cet album, je voulais travailler sur le héros au quotidien : chacun de nous est un héros finalement en survivant dans "cette vie de merde", ce n’est pas simple !
Après un album très marqué par le rock alternatif, Stuck In The Sound a voulu prendre une machine à remonter dans le temps? Peut-on parler d´album concept des 80´s ou encore d´une BO des années 80?
José : Si tu remarques bien aujourd’hui en France, si tu écoutes la radio, Nostalgie cartonne avec ses Gold 80 : c’est omniprésent ! Les années 1980 ne cesseront jamais de revenir !
Les radios partent du principe que les gens ne sont pas intéressés par la découverte et ne seraient intéressés que par les Gold
Avec un chant me rappelant Darryl Hall, certains titres auraient tourné sur la bande FM, même française, dans les années 1980 : en êtes-vous conscients et regrettez-vous le virage des radios françaises ?
José : Ca fait 15 ans que nous jouons dans Stuck in the Sound et tous les jours, nous nous prenons des murs auprès des radios. Honnêtement, nous nous sommes dit que les chansons de ce nouvel album allaient plus passer mais en fait, c’est toujours pareil !
Emmanuel : Mais tu as raison si ils avaient privilégié 30% de production française et non pas de langue française, cela nous aurait avantagé ! Après je comprends qu’on cherche à protéger la langue mais finalement, la protégeons-nous tant que ça ? Je ne pense pas parce qu’il y a très peu de groupes qui arrivent à s’exporter, la langue serait vivante si elle arrivait à être une référence culturelle en dehors de France et ce n’est pas le cas…
Bref, nous avons pris l’habitude de ne pas trop compter sur les radios vu qu’aujourd’hui, il n’y en a plus qu’une qui diffuse du rock : Ouï Fm !
José : D’ailleurs, je suis tombé dessus l’autre jour à 3 heures du matin ; nous étions diffusés après Ben Harper…
Emmanuel : Voilà, 3 heures du matin : c’est notre heure (Rires) ! Finalement même Ouï Fm qui pourrait être notre seul soutien et qui est partenaire sur l’album je crois ne diffuse quasiment que des classiques !
José : Les radios partent du principe que les gens ne sont pas intéressés par la découverte et ne seraient intéressés que par les Gold : c’est le fond du problème finalement ! Si toutes les radios se mettaient à diffuser que des nouveautés – et ce, dans tous les styles – peut-être que cela changerait les choses ?
Emmanuel : Sachant que nous avons fait un album de Gold… mais inconnu (Rires) !
José : Nous avons conscience d’avoir fait un album super risqué mais l’album est génial, il est juste génial et j’en suis extrêmement fier !
Cet album est un vrai patchwork d’influences pop rock avec des touches électro : ne craignez-vous pas qu’un tel album aux titres différents divisent plus qu’ils ne rassemblent ?
José : Nous en avions parfaitement conscience !
Emmanuel : Nous avons eu tous types de retours : nous avons des gens qui adorent cet album, d’autres ont été surpris en nous avouant qu’ils ont adoré certains morceaux mais pour la première fois, ils zappaient certains titres. Mais personnellement, je le vis très bien, ça change (Sourire) !
José : Après, les fans de Stuck in the Sound savent que nous n’allons pas les caresser dans le sens du poil !
Et justement ces fans à quoi doivent-ils s’attendre pour le prochain ?
José : Ca sera encore différent mais tu parlais tout à l’heure de rage et à ce jour, pour avoir composé les nouveaux titres, ils s’approchent plus du premier album que du deuxième : nous avons besoin d’urgence !
Emmanuel : Effectivement, "Survivor" est un album très peaufiné et sans être négatif, tout a été laborieux dans cet album ! On a vraiment pris du temps devant l’ordinateur à faire les arrangements… : on a revu toutes les structures de tous les morceaux qui ont dû avoir cinq figures différentes ! Pour les nouveaux morceaux à venir, nous voudrions faire quelque chose de plus léger, spontané, plus première approche… mais ça se trouve dans un an, ça aura encore changé (Rires)…
José : … on saura un album instrumental à la Jean-Michel Jarre (Rires) !
Cette place de deuxième, de vilain petit canard… finalement nous la revendiquons : cela fait 15 ans que nous sommes là !
On dit souvent que les groupes prometteurs français sont ceux qui savent manier la langue anglaise, c´est le cas pour vous, mais n´avez-vous pas peur d´être catégorisé comme groupe prometteur au détriment de votre musique?
José : … et ce à vie ? Bien sûr ! Mais c’est génial comme place ! A l’époque, nous nous sommes retrouvés sur la compil’ des Inrocks et d’ailleurs, c’est ce qui nous a permis d’être connus avec 'Toy Boy' et nous avions fini deuxième, c’est Spleen qui avait gagné ! Et on nous a dit à l’époque qu’il ne fallait pas s’en faire, la deuxième place est la meilleure : les deuxièmes sont ceux qui restent à vie, les premiers peuvent disparaître !
Bref, cette place de deuxième, de vilain petit canard… finalement nous la revendiquons : cela fait 15 ans que nous sommes là ! On a vu des groupes crever, splitter… mais nous sommes toujours là !
Comment expliquez-vous cela ?
José : Je ne sais pas du tout ! Parce que nous sommes des bosseurs et une belle bande de potes qui ne fait pas de musique en fonction des tendances…
Emmanuel : La musique est pour nous un besoin et non pas une volonté de notoriété…
José : … même si on en rêve !
Emmanuel : Evidemment, mais comme tu l’as dit, à nos débuts, nous sentions que sans notoriété, certains groupes n’allaient pas durer…
José : Ils étaient plus dans la pose, dans l’image, la représentation…
Emmanuel : Au contraire, nous avons toujours été des branleurs dans le bon sens du terme…
José : Des geeks !
Emmanuel : Des geeks uniquement intéressés par la musique !
Cet album est marqué par l’arrivée d’un cinquième membre officiel, l’enregistrement dans vos propres studios, la signature sur Columbia… Est-ce à dire que la carrière commerciale de Stuck in the Sound commence aujourd’hui ?
José : Elle a commencé dès 'Toy Boy' de notre premier album…
Oui mais finalement, est-ce qu’à un moment donné, vous vous êtes dit que cet album allait vous permettre de passer le cap de cette fameuse deuxième place ?
José : Non, nous n’avons toujours pas passé ce cap ! Mais on n’en sait rien, peut-être que d’ici quelque temps, il nous aura permis de le faire : on en reparle dans deux ans (Sourire)…
Emmanuel : De toutes façons, ce n’est pas nous qui décidons : nous faisons juste des chansons ! Après tu as dit que nous étions signés sur une major, c’est bien mais finalement, ça ne change pas grand-chose : nous avons fait nos chansons dans notre coin et puis l’album est sorti !
La musique que nous faisons est une musique de "niche"
Malgré tout, une signature sur une major peut changer les choses en vous ouvrant peut-être des portes qui vous étaient auparavant fermées ?
Emmanuel : Malheureusement, la musique que nous faisons est une musique de "niche".
José : En termes de "business", une signature sur une major peut t’apporter une nomination dans une catégorie des Victoires de la Musique, par exemple. Mais pour le reste, même les majors galèrent à faire entrer leurs groupes dans les radios… Les radios sont extrêmement dures, elles ont des formats bien spécifiques et dès qu’elles entendent le moindre son de guitare, elles te rejettent (Sourire)…
Qu’attendez-vous de cet album?
José : C’est génial parce que la tournée se passe super bien - on a encore plein de dates, on est super contents d’être en tournée pour défendre cet album – mais nous sommes en train de monter une tournée à l’étranger, en Amérique Latine où nous avons énormément de fans qui nous attendent depuis l’album précédent mais également Los Angeles… On va se faire plaisir en partant et jouant dans ces endroits ! Et en même temps, nous allons composer le nouvel album, ou devrais-je dire de nouvelles chansons…
… de nouvelles chansons qui suivront l’évolution d’un Manu Tchao…
José : C’est cela, on va mettre des ponchos pour jouer de la guitare (Rires) !
Question traditionnelle de Music Waves, quel est votre meilleur souvenir d’artiste ?
José : En tant que musicien, nous avons deux types de souvenirs : ceux live et ceux en studio et de création… Mon plus beau souvenir de live serait Taiwan où nous nous sommes retrouvés à jouer devant 60.000 personnes en direct à la télé…
Emmanuel : … d’ailleurs, nous avons fait le plus long « blanc » de la télévision taïwanaise parce que nous étions en retard et pas conscients d’être en direct alors que la présentatrice nous demandait d’y aller mais ne parlant pas le taïwanais, nous ne comprenions pas ce qu’elle nous disait (Rires) !
José : Et je me rappelle d’un autre super souvenir qui était notre mini-tournée à Nashville pour le whisky Jack Daniels. A cause des tornades et tempêtes, on s’est retrouvé coincés là-bas une semaine tous frais payés avec du whisky à gogo : on s’est vraiment marrés et c’est rock’n’roll pour le coup (Sourire) !
Au contraire le pire ?
José : Le pire souvenir d’artiste, c’est le Bataclan ! Ca nous a foutu un coup, c’était impossible de créer quoique ce soit les jours qui ont suivi. D’ailleurs, je ne sais pas comment font ceux qui le lendemain font des reprises sur YouTube ? Pour nous, c’est inconcevable, nous étions tétanisés pendant au moins deux semaines… car en plus, c’était un coup dans le cœur de tous les artistes !
La semaine dernière, nous avons rencontré Kemar de No One Is Innocent qui regrettait l’immobilisme de la scène musicale suite à ces évènements, qu’en pensez-vous ?
Emmanuel : C’est délicat voire indécent parce que en faisant de telles choses : si tu es relayé, on t’accuse de profiter de cette tragédie pour faire parler de toi ou à l’inverse, si tu ne le fais, on te reproche de ne pas l’avoir fait…
José : Nous préférons rester en dehors de ça ! Chacun de nous a son opinion politique et sociale mais nous ne l’intégrons pas dans Stuck in the Sound !
Emmanuel : Ces évènements ont fait du mal à l’humain avant de faire du mal au musicien. Le Bataclan, le boulevard Voltaire, nous y avons vécu pendant des années… cela va au-delà de la musique et du coup, ça touche presque à l’intime parce que c’est ta ville, ton quartier, ton mode de vie, la terrasse en bas de chez toi… du coup, tu n’as pas spécialement envie de l’associer à ton album : c’est un deuil presque familial !
On a commencé cette interview par la question qu’on vous a trop souvent posée, au contraire, quelle est celle que vous souhaiteriez que je vous pose ?
José : J’aimerais bien que tu me demandes si ça va (Sourire) ?
Et alors ?
José : Je ne sais pas (Rires) ! Je ne sais pas quoi répondre à cette question…
En tant que personne ou membre de Stuck in the Sound ?
José : C’est pareil ! Notre vie c’est Stuck : nous sommes tout le temps fourrés ensemble, nous faisons tout ensemble, nous sommes responsables les uns des autres… Mais est-ce que ça va ? Je ne sais pas (Rires) !
Mais tu ris, j’en conclus que ça va pas si mal…
José : Ca va bien (Sourire) !
Merci
José : Merci, c’était vraiment une super interview !
Merci à Adrianstork pour sa contribution...