En ce samedi très ensoleillé de
début mai, nous avons rendez-vous à Lille pour une soirée placée sous le signe
de la brutalité métallique. En effet, l’Aéronef accueille dans ses murs une
étape de la quatrième partie de la tournée européenne de Marduk pour la promotion de l’album "Frontschwein" sorti début 2015, que
les Suédois défendent partout en Europe et dans le monde. Marduk
retrouve ses camarades d’Immolation avec qui ils ont déjà tourné en 2012 et a invité Bio-Cancer et Origin, pour un programme très alléchant avec
une soirée aux allures de mini festival dédié au thrash, au death metal et bien
sûr au black metal dans sa forme la plus noble.
La salle est correctement remplie
et se présente dans sa disposition classique, permettant au public de disposer
d’un bel espace et d’un confort très appréciable. On fera un rapide aparté pour
rappeler à quel point l’Aéronef est une salle agréable avec son grand salon
juste à côté de la salle, permettant aux gens de se poser entre deux
prestations. La soirée commence avec les grecs de Bio-Cancer, le groupe est le
petit jeune de la soirée avec son registre thrash old school. Il s’inscrit
droit dans cette lignée de renouveau thrash popularisé par Gama Bomb ou
Municipal Waste. Il tourne pour son deuxième album, "Tormenting The
Innocent", sorti courant 2015 et n’a pas peur ce soir de se frotter à un public
plus branché death et black que son public habituel, même si il dispose
d’une base de fans bien présente et très motivée.

Bio Cancer ne se laisse pas
impressionner et va en 30 minutes mettre le feu avec une puissance redoutable.
Au chant, Lefteris surprend par son ton très hargneux teinté de death comme un
Schmier de Destruction sous acide. Le résultat est très convaincant, le groupe
dégage une énergie phénoménale et distille les extraits de ses deux albums
studio avec une envie énorme. Cette demi-heure passe à la vitesse de
l’éclair, le public attentif est séduit par cette intensité et cette
débauche d’énergie. Techniquement l’ensemble est au point, Stravos et Thanasis
nous balancent de super soli à la fois rapides et mélodiques. La sensation de retrouver la fougue d’un Slayer des
jeunes années est ainsi très forte et le groupe met le feu à la salle. Cette
prestation aura lancé la soirée de belle manière, il ne fait nul doute que
Bio-Cancer aura marqué les esprits et conquis de nouveaux fans. S'il multiplie
les prestations de cette qualité, le groupe grec n’aura en tous cas guère de mal
à se faire un nom au sein de cette brillante scène de renouveau thrash.
Après cette tempête, place au death
metal avec Origin. En 20 ans de carrière les Américains ont su faire apprécier
leur death technique avec six albums de qualité, malgré de nombreux
changements de personnel. Mené par un Jason Keyser d’un charisme redoutable, le
groupe lance les hostilités d’entrée de jeu. Certes le son ne rend pas parfaitement
hommage à la technique du groupe mais personne ne va bouder son plaisir devant
une telle démonstration de force. La section rythmique est énorme, derrière ses
fûts John prend des allures d’homme mitraillette tandis qu’à la guitare Paul
Rayan est époustouflant en balançant des soli techniques avec une facilité
à en faire pâlir plus d’un. Entre Cannibal Corpse pour la violence brute et
Nile ou Cryptopsy pour la facette technique, Origin propose un concert en forme
de mur du son remarquable d’intensité. Même si cette violence et cette technique
sont jouissives, le groupe sait rester accessible, les soli sont fluides et
évitent la surenchère, et la bonne humeur et la sympathie de Jason aident à
garder une facette humaine à cet ensemble. Un concert ébouriffant qui en aura sonné plus d’un dans la fosse. Origin a très bien ouvert la voie aux deux monstres sacrés qui vont
suivre.

Le premier nous vient lui aussi des États-Unis : depuis plus de 20 ans, Immolation est un des leaders du death metal
mondial ,asseyant sa réputation sur des concerts de grande qualité et avec des
albums d’une classe énorme. Actuellement en train de terminer le successeur de "Kingdom Of Conspiracy", paru en 2013, le groupe s’accorde une petite pause
européenne en tournant avec ses vieux amis de Marduk. Pour cette tournée,
Immolation propose un best of de sa carrière, mettant un peu plus l’accent quand même sur le
petit dernier. Le logo des
débuts sur le back donnant un bel aspect old school. Ce concert va être
une claque phénoménale. Le death d’Immolation est brutal et technique mais il
n’est jamais pompeux ni violent pour être violent, il est pur, dur et passionnant,
loin des modes et dans l’esprit des racines du genre. La set list présente donc
un bel équilibre en mettant à l’honneur tous les albums.

Extrait du premier disque du
groupe, le brut de décoffrage "Dawn Of Possession" qui a déjà 25 ans, ‘Into
Everlasting Fire’ fait un effet bœuf au sein d’une fosse en fusion qui se
déchaîne comme rarement vu dans cette salle. Ensuite on citera en vrac ‘Father,
You’re not a Father’, ‘Burn With Jesus’, ‘What The Bring’ et ‘Swarm Of
Terror’, représentant chacun un album et nous rappelant qu’en matière de death
metal incisif et puissant, Immolation reste un maître absolu. Derrière son micro, Ross Dolan dégage un énorme charisme, il aime toujours autant son public et communique
souvent avec lui. A ses côtés, ses compères sont redoutables de précision, Vigna
et Taylor sont des orfèvres aux guitares et nous distillent riffs et soli avec
une classe phénoménale. Le concert aura mis bien sûr aussi à l’honneur le
dernier album, "Kingdom Of Conspiracy", album de grande qualité un peu été
décrié par certains mais dont les extraits joués mettront tout le monde d’accord (on pensera à l’intense ‘A
Spectacle Of Lies’ ou à ‘Echoes Of Despair’).
Immolation confirme que
les années n’ont aucune prise lui et qu’il faudra compter encore longtemps avec
la force de son death metal.

Après cette tempête, un nouvel
ouragan s’annonce dans le ciel de l’Aéronef. Chacun est parti souffler, car ce
qui va arriver s’annonce énorme. Marduk est dans la place et les habitués du
groupe suédois savent qu’ils vont avoir droit à une intense déflagration de
black metal dans sa forme la plus haineuse et brutale. Peu avant le début, la
salle est plongé dans la pénombre et le logo de Marduk brille derrière la
batterie de Fredrik Widigs. En parallèle, des bruits de bataille se font
entendre en fond sonore pour bien nous préparer à cette guerre annoncée. Peu
après, les musiciens débarquent et un froid glacial tombe sur le public. Le
groupe est toujours impressionnant à voir. Mortuus en particulier dégage
quelque chose de froid et malsain et confirme son côté charismatique et haineux
dans chacune de ses paroles. Depuis son arrivée, il a amené une dimension
mystique à Marduk et s’est imposé comme un frontman d’exception. A ses côtés
Morgan, qui reste le patron, distille ses riffs avec une précision chirurgicale
et fascine toujours autant pour son abnégation au service du mal depuis autant
d’années.
Depuis près de 25 ans, Marduk
symbolise en effet ce que doit être le black metal, un art à la fois hargneux,
violent et envoûtant, tout dévoué à la guerre, à la mort et au sang, ce
que ce concert va confirmer avec éclat. D’entrée avec ‘Frontschwein’, le groupe
envoie la sauce sans concessions, cet extrait du dernier album étant toujours
aussi grandiose. Mortuus est habituellement peu bavard mais ce soir il
s’exprime à plusieurs reprises et fait monter la pression dans une fosse de
nouveau en ébullition qu’il est peu conseillé d’approcher tant la chaleur y
règne férocement. La suite de ce concert va être tout aussi grandiose. Marduk ne va jouer qu’un peu plus d’une heure mais à ce degré de violence et de
haine, c'est très suffisant tant l’intensité dégagée est énorme. Nous
allons avoir droit à un joli florilège de la carrière du groupe, même si certains auront pu être déçus de ne pas retrouver quelques titres - mais avec 13
disques au compteur, Marduk doit faire des choix et certains disques comme "Nightwing" ou "Heaven Shall Burn…", des classiques du black metal, sont peu
représentés ce soir.

Mais cela n’a pas été si grave
finalement car le groupe possède à côté une tripotée de classiques. Et avec ‘Of
Hell’s Fire’, seul rescapé de "Nightwing" avec son côté glacial et son refrain
énorme, ‘Wolves’, ‘Throne Of Rats’ ou encore le plus récent ‘Souls For Belial’,
tous des standards d’un black
brutal et glacial, Marduk a sérieusement impressionné. Et avec ‘Afrika’ ou ‘Wartheland’, il nous rappelle
toute la force guerrière et sanguinaire de son dernier album, le premier titre ayant
clairement des allures de classique en puissance du groupe et du black metal en
général. On retrouve aussi en fin de concert deux extraits de l’énorme "Panzer
Division Marduk", qui reste la pièce majeure de la discographie du groupe. Et ‘Fistfucking
God’s Planet’ et ‘Panzer Division Marduk’ auront achevé un
public pas fatigué et qui en redemande encore et encore. Les lumières se
rallument après une heure de boucherie intense et même si on en aurait
volontiers repris une rasade, personne n’est déçu de sa soirée et de ce concert.
Marduk reste le maître de l’art noir et il l’a encore démontré ce soir avec
classe.
Cette soirée aura été une pure
réussite, voir autant de monde dans une si belle salle pour une affiche toute dédiée
à l’extrême est un plaisir énorme. Clairement death et black metal ont démontré
ce soir qu’ils restaient des genres fédérateurs dans le monde métallique et on
espère retrouver une affiche équivalente très rapidement. Il nous
reste à remercier chaleureusement Danièle pour nous avoir permis d’assister à
cette soirée et toute l’équipe de l’Aéronef pour sa disponibilité et sa
gentillesse.