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TITRE:

GILLES VERLANT (LE 02 JUIN 2009)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

POST ROCK



C'est dans les locaux de Oui Fm que Gilles Verlant nous a reçu. L'inénarrable voix de l'Odyssée du Rock qui n'a d'égal que la plume s'est livré à nous pour une interview des plus passionnantes...
STRUCK - 22.09.2009 -
3 photo(s) - (0) commentaire(s)

Salut Gilles, tout d’abord, merci de nous recevoir…
Gilles Verlant : C'est un plaisir...

... peux-tu te présenter aux lecteurs de Music Waves qui ne te connaîtraient pas ?
Hé bien, il y a plein de raison pour lesquelles ils ne me connaîtraient pas... Mais mon nom est Gilles Verlant, j'ai 52 ans, je suis journaliste depuis que je suis tout petit et je suis donc spécialiste en musique surtout rock et chanson française. Et parmi mes faits d'arme les plus fameux, il y a la biographie de Serge Gainsbourg parce que je suis le biographe officiel de Serge Gainsbourg.

Quel est ton parcours ? Ta formation ?
Il paraît que j'ai fait des études de journalisme et communication sociale. J'ai été en fac pendant quatre ans à Bruxelles et j'ai donc un diplôme de journalisme et communication sociale, voilà ! Je ne sais pas où il est, je ne l'ai jamais montré à personne (Sourire)...
D'ailleurs, j'étais déjà professionnel avant de sortir de la fac... Disons que j'ai utilisé l’excuse de la fac pour rester pendant quatre ans en pension complète chez ma mère (Sourire). Et j'en ai profité pour approfondir ma culture générale puisque c'était des études assez légères. Donc, j'en ai profité pour aller voir plein de films, plein de concerts, écouter plein de disques, lire plein de livres etc...

Et pour quel aspect de ta carrière considères-tu être plus reconnu : animateur radio, humoriste, écrivain ? Et si tu devais choisir où irait ta préférence ?
Je ne sais pas... Je ne sais pas... Je suis quelqu'un de naturellement polyvalent ou alors... instable (Rires). Et non, moi, ça m'amuse beaucoup parce qu'il y a plein de gens qui me connaissent en tant que biographe de Gainsbourg et vu comment le bouquin s'est vendu, ça veut dire plein de gens. Il y a plein de gens qui me connaissent en tant qu'animateur sur Oui Fm. Il y en a d'autres qui me connaissent comme voix de Taratata. Il y en a d'autres qui se souviennent -parce qu'ils sont très vieux- ils m'ont vu faire le mariolle avec Antoine de Caunes et Karl Zéro à Nul Part Ailleurs...

... dont je fais partie...
Ouais (Rires)... Mais tout ça n'a pas d'importance... Moi, voilà, je fais mon boulot, je suis mercenaire depuis toujours, j'ai toujours été indépendant, je n'ai jamais été salarié... Enfin, les rares fois où j'ai été salarié, c'était pour des périodes très courtes, pour des missions très définies parce qu'ils ne pouvaient pas faire autrement... Mais j'ai toujours été indépendant et donc voilà (Rires)...
Moi, je suis auteur en fait, je crois que je suis auteur. Mes éventuels talents d'auteur, je les mets au service, tour à tour, de la radio, de la télévision, des bouquins etc et puis voilà...

Ce qui m'amuse, ce de n'être jamais là où on m'attend (Rires). Parce qu'il y a plein d'auditeurs de Oui Fm qui ignorent totalement que je fais une chronique sous le nom de DJ Pop sur France Bleue et d'ailleurs, il n'y a aucune raison pour qu'ils le sachent et ça n'a aucun intérêt pour eux.
Et puis, il y a plein de gens sur France Bleue qui m'écoutent brailler mes histoires de tubes des années 80 et qui ne savent absolument pas que je suis animateur rock par ailleurs...
Il y en a plein qui m'écoutent sur Classic 21 en Belgique et qui, si ça se trouve, croient que je suis en Belgique quand je fais les émissions alors que de nos jours, on n'a plus besoin de se déplacer...
Et donc voilà, ne pas être là où on m'attend... Là, par exemple, je suis en train de préparer, d'écrire avec Philippe Gildas, son autobiographie. Voilà, je suis le nègre de Gildas (Sourire) ! Donc, c'est rigolo, il y aura sans doute plein de gens qui vont lire ce bouquin-là, comme il y a plein de gens qui ont lu l'autobiographie de Lio et voilà, c'est coécrit par moi !

Mais ne crois-tu pas que cette polyvalence puisse nuire à ta carrière ? Un manque de visibilité sur qui est Gilles Verlant...
Ouais mais non, non puisque je gagne très bien ma vie, tout va bien ! Je gagne très bien ma vie, enfin je touche du bois, et je l'ai toujours bien gagné et ce n'est pas du tout le fait d'être incohérent comme tu dis...

Non, non, de manque de visibilité...
... Ou qu'il y ait un manque de visibilité. Pour moi, tout est parfaitement clair, je suis éclectique... Je suis auteur, donc je suis capable d'écrire un texte où il y aura peut-être des traces de moquerie ou d'ironie... Je peux présenter "Voyage, Voyage" par Desirless sur France Bleue et parler de Johnny Thunders sur Oui Fm. Je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas faire l'un et l'autre.
Le côté rock intégriste, ça n'a aucun intérêt. C'est à dire qu'un garçon comme Philippe Manoeuvre, par exemple lui, il est assez cohérent, c'est à dire, il y a "Rock & Folk", c'est le côté rock pur et dur et puis, après ça, il fait "La Nouvelle Star" mais why not ? Il le fait très très bien...

Donc, ça n'a pas d'importance et puis, moi ce que j'aime dans la musique, c'est les bonnes chansons. Je suis très con et très limité pour ça. Pour moi, si une chanson est bonne, peu importe qu'elle soit chantée en moldave, en français ou anglais ou n'importe quoi, si c'est une bonne chanson, c'est une bonne chanson, point !
Il y a deux sortes de musique, la bonne et la mauvaise ! Et donc, j'ai la prétention de dire que j'essaie de parler de la bonne musique (Sourire) mais ça m'arrive aussi de parler de Jeanne Mas, de Desirless et de grosses daubes des années 80 parce qu'on me demande de le faire et j'essaie de le faire avec humour, c'est tout...

Sans transition, quel conseil as-tu à donner pour nos lecteurs qui voudraient faire comme toi ?
Justement de ne jamais être intégriste ! D'être aussi intelligent que le grand public l'est... Je suis un passionné de brocante et de vide-greniers etc, et très souvent, il y a des mecs qui vendent leurs disques et dans le même bac de disques, je vais trouver Francis Cabrel et Devo par exemple. Et bien, le mec qui a acheté Francis Cabrel et Devo, c'est lui qui a raison.
Et celui qui est fan de Devo et dit : "Quoi ? Ecouter un disque de Francis Cabrel, la grand-mère à moustache !", c'est un con ! Et celui qui est super fan de Francis Cabrel et qui dit : "Oh de la New-Wave, ça pue !", c'est un con aussi... Les deux sont formidables !

C'est très français ça ! C'est né d'un truc qui s'appelait la pop musique en Angleterre, aux Etas-Unis... Et la pop musique, c'est aussi bien la variété que le rock. Je veux dire si tu fais des recherches sur des artistes de rap, si tu fais une recherche sur Public Enemy, sur des sites comme AllMusic.com... Aux Etats-Unis, c'est un groupe qui est répertorié rock au même titre que Metallica est qualifié de rock... Alors qu'aujourd'hui en France, on va dire : "Bah non, ça, ce sont des rappeurs"... Toutes ces étiquettes sont imbéciles... Les étiquettes ont été inventées par les crétins du marketing -qu'ils soient maudits, qu'ils aillent en Enfer- ou par les journalistes à court d'idées parce que c'est tellement facile... Et moi aussi, je suis le premier à utiliser les étiquettes mais il ne faut pas que les étiquettes soient limitatives ou soient des carcans...

Nous sommes dans les locaux de Oui FM, quel est ton avis sur le partenariat avec Deezer ? Penses-tu vraiment que la programmation d’une radio en particulier et l’avenir de la musique en général passe par le Net ?
Oui... Bah, on va voir l'évolution que va nous apporter la radio numérique par ailleurs... Et puis, les web radio sont formidables, ça offre une vraie alternative aujourd'hui !
Moi, je trouve que les idées de partenariats ou quoique ce soit avec Deezer ou Myspace pour le cas de Oui Fm, ce sont d'excellentes initiatives, donc, ce sont de très très bonnes idées que la précédente direction de Oui Fm aurait pu avoir, elle ne les a pas eu et du coup, quand Arthur est arrivé, il les a eu... Ce sont de bonnes idées qui ne coûtent pas chères en plus de ça et qui font une pub formidable. Donc, c'est très très bien !
Moi, j'utilise Deezer en permanence pour réécouter des morceaux simplement pour ne pas lever mon cul et pour ne pas avoir à aller chercher dans ma discothèque (Rires). Non, j'exagère parce que je n'ai pas tous les disques, il ne faut pas déconner et puis, pourquoi pas ?
Non, non, c'est très très bien !

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D'autant que l’évolution de la bande FM où tout est formaté actuellement ; n’est-ce pas dommage avec tout ce qui a été fait au début des années 80 avec les radios pirates ?
Oui, oui, oui... mais bien entendu ! Tout est formaté parce que justement, il a fallu trouver un créneau, l'audience, le public, la cible etc. Et donc moi, je suis formaté ici, sur Oui Fm, dans le sens où, par exemple, j'ai peut-être passé deux ou trois morceaux de Johnny Halliday en bientôt dix ans de radio et huit ans d'Odyssée du Rock. Non pas que j'aurais envie de passer "Oh Marie!" ou des chansons comme ça mais disons que Johnny Halliday, c'est quand même un rockeur français et simplement le format de la radio me l'interdit... Mais je le glisse parfois, je passe une reprise. L'autre jour, j'ai passé deux versions de "Hey Joe", la version de Johnny et la reprise par Bashung qui -que je sache- n'a pas repris la version de Jimi Hendrix mais celle de Johnny. Voilà et par exemple Francis Cabrel, je ne peux pas le passer dans mon émission mais je me permets plein de liberté par rapport au format parce qu'il ne faut pas oublier que mon émission est une des rares émissions de la bande Fm en programmation manuelle ; c'est moi que je choisis tous les disques qui passent dedans (Rires) !

A ce titre, la diffusion d’un titre dans son intégralité est devenue assez rare et tu es un des rares à le faire : tu ne trouves pas dommage qu’on en soit arrivé là ; encenser ceux qui le font alors que c’est censé être normal par respect pour l’artiste ?
Et bien, d'abord dans mon émission, j'essaie de passer les titres dans leur intégralité sauf quand les intros sont chiantes ou les fins sont interminables parce que je veux dire que l'auto-condescendance des artistes est quand même légendaire aussi !
Là, par exemple, dans mon émission, je passe "Fiesta" des Pogues et bien, si on prend la version album, il y a une intro interminable et chiante, donc je la sucre ! Voilà, c'est aussi con que ça (Rires) !
Mais le fait de couper des morceaux, sur la bande Fm, ils le font ! Parfois, ça se justifie, parfois pas !
Je travaille sur Classic 21 en Belgique et là justement, à l'inverse, ils sont extrêmement respectueux de la durée totale des morceaux à tel point que parfois, ça m'agace parce que je me dis : "Attendez, vous auriez pu démarrer le morceau sur ma voix et arriver...". Enfin, voilà quoi !

Ce que je déteste, c'est me faire chier c'est à dire quand je monte des sujets pour la télé, dès qu'il y a trois images en trop, je les vois et donc parfois, il y a quelques secondes, quelques dizaines de secondes en trop dans un morceau et voilà...
Et si on a envie de l'écouter en intégralité, on va sur Deezer !

Au regard de ta programmation, ne penses-tu pas être si bien perçu dans le sens où tu sembles vouloir faire partager ta musique plutôt que de nous noyer dans le bruit commercial ? En gros, les stations radios n’ont-elles pas perdu leurs éventuelles vocations culturelles en éduquant l’auditeur plutôt qu’économique ?
Non. Il faut savoir que la radio, c'est quelque chose qu'on entend et pas quelque chose qu'on écoute ! Dans la majorité des cas, c'est quelque chose qu'on entend... On l'écoute dans des situations particulières, comme quand on est en bagnole, là, on écoute la radio parce qu'on n'a rien d'autre à foutre et qu'on s'emmerde dans les embouteillages ou on l'écoute dans des émissions du soir, des émissions particulières comme "L'Odyssée du Rock" où on peut écouter...
Mais la plupart du temps, les radios s'entendent comme un fond sonore, comme une bouillie sonore derrière et voilà, les bouillies sont plus ou moins supportables... Enfin, les bouillies, les programmations sont plus ou moins supportables, quand c'est Fun Radio et NRJ, c'est juste abominable, quand c'est Oui Fm ou Nova, généralement, c'est très écoutable...

A propos d’évolution : quelle(s) évolution(s) notable(s) musicales as-tu constaté depuis tes débuts ?
Oh écoute, je ne sais pas ! J'ai l'impression que les maisons de disques ont toujours été -à de rares exceptions près- parce qu'il y a des gens très très bien qui travaillent dans les maisons de disques, vraiment très très bien... Donc, il y a des gens formidables ce qui m'a valu un débat d'ailleurs ; l'autre jour sur Internet parce qu'un crétin mettait tout le monde dans le même sac. C'est à dire, pour lui, Pascal Nègre égale industrie du disque !
D'abord Pascal Nègre n'est pas un crétin, loin de là, c'est un mec qui a fait des erreurs, c'est un mec qui fait, par ailleurs, très bien son métier. En dessous de Pascal Nègre, il y a des gens formidables par exemple et mettre tout le monde dans le même sac, ça s'appelle du fascisme, du racisme...
Donc, le mec mettait : "Les maisons de disques, le grand Satan". Non, mais il y a une chose qui est sure, c'est que dans les maisons de disques, il y a toujours eu un solide nombre d'incompétents notoires, notamment tous ceux qui ont investi à donf sur le marketing en oubliant l'artistique et ça, c'était une erreur.
Il y a eu aussi des phénomènes industriels qui ont fait que les maisons de disques nous ont vendu et revendu et re-revendu les mêmes trucs en boucle et du coup, on est dégoûté par le produit, d'autant plus que le dernier produit en date qui est quand même le compact disque, c'est un truc qui n'a jamais eu quoique ce soit de glamour... C'est comme les cassettes VHS, je ne sais pas si tu as remarqué mais dans les brocantes ou les vides-greniers, tu trouves des milliards de cassettes VHS, ça ne vaut rien, c'est laid, c'est moche, c'est encombrant... Le dvd est un peu plus smart quand même, bref le cd n'a jamais été smart !

Et moi, j'ai deux anecdotes sur l'incompétence des maisons de disques. Déjà à la fin des années 70 en Belgique, je travaillais pour un fanzine et il y avait une attachée de presse, pour la promotion d'une sortie avait filé le vinyle à une radio qui s'appelait "Radio Cité" et nous, elle nous avait donné que la pochette en disant : "Bah oui, vous avez juste besoin de la pochette pour illustrer l'article" (Rires) !
Autre exemple, dans une semaine ou deux, je fais une spéciale Island Records qui est un des labels historiques les plus importants de l'histoire du rock anglais. C'est le label, par exemple, qui nous a offert Bob Marley et bien, on a déjà passé trois/quatre coups de fil -entre Jean-Patrick Laurent et moi- on est tombé sur des stagiaires absolument sympathiques, on leur a dit qu'on faisait une émission spéciale sur le cinquantième anniversaire d'Island qui est en Angleterre par exemple, il y a une grosse campagne, tu as tous les disques qui sont remis en avant etc. Et donc voilà, on voulait les avertir de ça et s'ils voulaient qu'on fasse une opération ensemble, à savoir offrir des disques d'Island etc. On a laissé plusieurs messages, on n'a rien ! On n'a aucun retour ! Donc voilà, alors effectivement, c'est une émission de trois heures, ça n'entre pas dans la stratégie globale mais j'encule les stratégies globales et je me dis qu'un mec aurait pu se réveiller et se dire : "Verlant, il fait un truc sympa, il va faire trois heures avec uniquement des artistes Island, ça vaudrait peut-être le coup de lui dix disques !". Je ne parle pas de faire une campagne de dix mille euros sur Oui Fm, juste dix disques, juste dix putains de disques !!!
Voilà, ça c’est les maisons de disques. Cela dit, il y a plein de gens formidables qui travaillent dans les maisons de disques, je connais plein de directeurs artistiques qui ont été presque aussi importants que les artistes eux-mêmes ; il y a des gens qui ont eu des bonnes idées aux bons moments, comme de mettre tel artiste dans les patte de tel producteur pour donner tel disque...

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Tu parlais de stratégie globale : penses-tu que les quotas de 40% de musique française à diffuser aient pu avoir un impact négatif sur la radio ?
Bah, c'est un truc qui est... tellement français ! C'est tellement français ça, encore une fois et donc, tellement con ! C'est tellement protectionniste...
Il y a eu une époque où effectivement, sur NRJ et sur d'autres radios, il y avait trop d'anglo-saxons... Enfin, les quotas de 40% ont servi à certains. Par exemple, on n'aurait pas eu le rap français sans les quotas de 40% parce que Skyrock, ils étaient bien emmerdés car bien évidemment, tout le rap est américain et tout d'un coup, tu leur files les quotas dans les dents... Et ça a donné la scène rap française !
Voilà, mais les quotas, c'est très artificiel et je ne sais pas si ça sert vraiment tous les nouveaux artistes ?

Ca dépend ce qui est certain c'est que ça ne sert pas la scène metal française underground que tout le monde s'accorde à dire qu'elle est super talentueuse...
Oh mais ça, ça ne passe nul part !

Mais comment ça se fait-il qu'ils ne trouvent pas ne serait-ce qu'une petite place sur les ondes ?
Mais de toute façon, je veux dire, on s'en fout ! Il fut un temps où les radios étaient le passage obligé pour se faire connaître et vendre des disques. Aujourd'hui, on a Internet, les artistes n'ont plus besoin de ça... Evidemment, c'est gratifiant d'être en play-list et ça leur rapporte des sous mais ça n'a aucune importance. Ce qui est important aujourd'hui pour les groupes et tous les groupes de cette scène fusion et du metal etc, c'est de remplir les salles et ça, avec les Myspace et autres...

Oui mais, aujourd'hui, on constate que, même avec ces nouveaux supports médiatiques, de plus en plus de concerts sont annulés...
Oui parce qu'il y a un autre truc qui se passe et qui s'appelle la crise et que les gens n'ont plus de thune, je simplifie... ou parce qu'il y a des groupes mauvais...

... Je rajouterais également qu'avec la transformation de l'industrie du disque, tous les groupes et je dis bien tous doivent aller sur scène pour vivre et il arrive que le même soir dans une même ville, tu te retrouves avec deux/trois concerts...
Oui, oui bien sûr... Ouais, ça aussi... Mais ça n'a jamais été simple, hein ?

Justement quel est ton avis sur le paysage musical actuel notamment français ?
Je ne sais pas, il y a plein de choses. J'ai l'impression que chaque année nous apporte une moisson de nouveaux artistes. Moi qui travaille pour Les Victoires de la Musique -ce qui me vaut aussi de belles engueulades avec certains- et bien, je trouve que chaque année, il y a des choses intéressantes, il y a des choses nouvelles... Je serais infoutu de te citer des noms parce que tu me prends à cours mais je trouve qu'on a vu apparaître, depuis le début des années 2000, de très très bons artistes avec ce gros succès commerciaux. Je considère, par exemple, que Benarbar est un très très bon artiste, je considère aussi que Camille est une très grande chanteuse, j'aime aussi des choses de Pauline Croze, et puis, il y a Florent Marché... Donc, la scène dance : il y a Justice, il y a eu Daft Punk etc même si Daft Punk commence à dater aussi.

Non, non, il se passe plein de choses, je vais dire de gros clichés, la scène française est totalement décomplexée depuis quelques années ! Et le côté international ne pose plus de problème. Dans le temps, c'était une complication sans nom de sortir hors de nos frontières et aujourd'hui, ça semble tellement facile, il y a plein de groupes français comme Phoenix qui font carrière d'abord aux Etats-Unis avant de faire carrière en France.
Le marché français ? Et alors ? Ca n'a aucune importance, l'important est de remplir les salles...

Oui mais ces groupes que tu cites ne perceront jamais à l'international en chantant en français !
Non, non, peut-être pas. Mais je trouve ça très sain qu'il y ait cet espèce de contre-pouvoir. Non, non, la scène française, il y a pas mal d'artistes intéressants, il y a aussi un nombre de merdes absolument incalculables. C'est à dire qu'il y a aussi des choses sur-gonflées. C'est à dire la scène française, il y a plein d'artistes issus de la télé réalité qui font de l'ombre à d'autres. Ou alors des mecs qui ont peut-être le potentiel, un Julien Doré, par exemple, aurait pu sortir un bon album, il a sorti deux bonnes chansons ! Donc, je trouve ça dommage, c'est tout !
Ou alors, au niveau de la direction artistique de l'album d'Amandine (NdStruck : Bourgeois, lauréate de La Nouvelle Star 2008) ; c'est formidable, la pochette de son album, je ne sais pas si tu as la pochette en tête, on dirait Michel Petrucciani en fille, lookée par un non-voyant et posée sur un matelas Conforama. Direction artistique et photo : Thierry Rajic. Bravo, garçon, je t'ai connu plus inspiré (Rires). C'est absolument désastreux !

A propos de Nouvelle Star, si Philippe Manœuvre quittait l'émission, pourrais-tu nous faire profiter de tes bons mots lors de la saison prochaine ?
Je suis prêt à accepter toute offre honnête d'une chaîne de télé pour montrer ma gueule et faire le mariolle, du moment que c'est très bien payé. Cela dit, une émission où 75% du temps d'antenne est constitué d'applaudissements et de hurlements du public, dont une majorité de CSP moins moins et obèse, je trouve ça très moyen et pas très créatif (je parle des prime times, bien sûr). Donc tout bien réfléchi il faudrait que ça soit très, très, très bien payé (Rires).

Sans transition, comment fais-tu la programmation de tes émissions dont « L’Odyssée du Rock » et faire en sorte qu’elle se renouvelle ?
Parce que je travaille en même temps pour la Belgique où j'ai un programmateur pour l'émission Classic 21 qui m'amène des idées et parce que je me suis plongé, ces derniers mois, dans une réédition de "La Discothèque Parfaite de l'Odyssée du Rock : Le Livre". Et donc, je me suis mis à réfléchir : au lieu des 200 albums et 1.800 chansons à télécharger du livre précédent, dans la prochaine édition qui sort en fin d'année, il y aura 300 albums et 3.000 chansons à télécharger.
Et donc, à l'occasion de cette réédition, je me suis tout bêtement replongé dans ma discothèque, j'ai ressorti des disques et j'en ressors comme ça. Du coup, je range un album, je regarde ce qu'il y a à gauche, ce qu'il y a à droite et je me dis : "Tiens, merde, j'ai complètement oublié ce disque-là !". Voilà, c'est purement du hasard ! Et puis, grâce à Deezer, et grâce à Old Music etc, parfois, quand je fais des recherches sur tels groupes, ils disent "artistes similaires et donc, je me dis : "Ah oui, bien sûr si j'écoute Nick Lowe, je vais réécouter John Hiatt, et si je réécoute John Hiatt, je vais réécouter un album de Ry Cooder etc ou un T-Bone Burnet..." et de fil en aiguille, je me renouvelle...

Et quel but poursuis-tu en tant que programmateur ?
J'adore apprendre... Il y a un constat dans mon métier, c'est que j'adore apprendre des trucs à ceux qui ont envie de me suivre et de m'écouter c'est à dire être pédago sans être démago et chiant (Rires) !
Voilà, j'essaie d'apprendre des trucs parce que j'ai un côté passeur comme ça...

A propos de passeurs, quel est ton avis sur les sites internet comme Music Waves véritable fenêtre ouverte sur ces cultures musicales trop peu promues ?
Tout d'abord, j'aurais bien aimé avoir eu le temps de visiter Music Waves... Mais je pense que de toute façon, on s'est bien aperçu qu'Internet servait notamment à ça, c'est à dire, à mettre en avant toutes les cultures entre guillemets marginales, toutes les musiques marginales qui trouvent leur place alors que c'est tellement lourd de faire une station radio ou émission télé est tellement cher...

Sans transition, si je te dis rock prog tu me réponds ?
Je te réponds que c'est le truc que j'écoutais quand j'étais gamin, ado dans les années 70 parce que j'écoutais le prog rock, la première génération du prog rock c'est à dire Yes, Genesis, Emerson Lake et Palmer, Pink Floyd... Bon, j'écoutais aussi Bowie quand même ainsi que T-Rex et j'étais super fan de Slade aussi. Et je suis passé d'une manière assez brutale du prog au punk, c'est à dire que j'ai eu une véritable épipathie. J'avais 19 ans pile-poil, je m'entendais bien avec une femme qui a fait une carrière dans le disque mais qui était une simple attachée de presse à l'époque. Et j'avais négocié de venir interviewer Jaki Liebezeit du groupe allemand Can, Daevid Allen du groupe australo-français Gong et on était vraiment dans le truc baba-cool prog. Elle m'a dit : "Tiens, j'ai des places pour aller voir ce soir, les Sex Pistols" qui n'étaient pas du tout chez Virgin à l'époque. Mais donc, c'est le manager, c'est Dave McLaren qui distribuait les places : "Est-ce que tu veux voir les Sex Pistols avec moi ?". Et j'ai dis oui parce que j'avais lu un vague article et ce soir, j'ai eu une épiphanie, c'était un club à Londres sur Oxford Street. Et peu de temps après, je me suis coupé les cheveux (Rires) !

Et si je te dis métal prog ?
Je ne sais pas ? Tu vas me parler de Raphsody ou des trucs comme ça ? Non mais je suis totalement nul sur ça ! Mais c'est comme pour le hard rock d'aujourd'hui c'est à dire je suis un vieux con ! Donc pour moi, le hard rock, ça reste les pionniers, ça reste le trinome : Black Sabbath, Deep Purple, Led Zeppelin avec ça, je suis content !
Et pour le prog, je réécoutais pas plus tard que ce matin puisque je prépare une spéciale Island, je réécoutais un extrait de "Brain Salad Surgery" d'Emerson, Lake and Palmer.
Maintenant, ce qu'ils font aujourd'hui... J'ai vraiment décroché du prog c'est à dire que j'ai revendu mes disques prog en 77 quand j'étais punk... Je les ai rachetés depuis...
Et puis, il y avait des groupes que j'avais déjà zappé à l'époque, du genre Rush, qui sont parmi les grands ancêtres du hard progressif...

Que voulais-tu faire quand tu étais gamin ?
Euh écrire... Je crois que j'ai toujours voulu écrire !

Tu n’aurais pas voulu être musicien ?
Ah non, non, non. Heureusement pour vous (Rires) ! Non, non, non, je ne sais pas, je ne sais pas... Je pense que j'ai vaguement pensé, imaginé faire carrière comme... faire une école de, faire polytechnique bizarrement parce que j'étais assez fort en maths et puis, je me suis aperçu que j'étais absolument nul en physique et en chimie, donc c'était raté !
De toute façon, j'avais un professeur de français qui me disait : "Tu écris vachement bien, continue !".

Es-tu fier de ce que tu devenu ?
Je suis fier d'avoir rencontré la femme de ma vie, et d'avoir fait deux très beaux enfants... Et à part ça, je me régale, je ne m'emmerde jamais dans mon métier, je me régale ! Parfois, j'en ai plein le cul parce que je suis fatigué, j'aimerais faire autre chose mais quoi ?

Quel est ton meilleur souvenir professionnel ?
Attends, tu es fou ou quoi ? Mon meilleur souvenir professionnel, je ne sais pas...

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… en préambule à cette interview, tu me parlais de ta rencontre avec Iggy Pop...
Oh oui mais ça, c'était sympa, c'est un souvenir récent, c'est un bon souvenir mais ça n'a pas d'intérêt. Je ne pense pas que j'étais particulièrement bon mais c'est tellement cool ; à deux reprises récentes d'être associé très modestement à Iggy Pop parce que j'ai d'abord animé une conférence de presse ensuite une rencontre à la Fnac à quelques semaines d'intervalles. Ca, c'était un plaisir et puis, je suis allé le voir au concert privé à France Inter, c'était vachement bien ; il y avait Marianne Faithfull, Françoise Hardy, Michel Houelbeck et Gilles Verlant dans la salle... C'était une soirée people (Rires) !

A l’inverse quel est le plus mauvais souvenir ?
(Rires) J'ai des souvenirs minables liés aux conneries que j'ai pu faire dans les années 80, voilà !
(Ton professoral) Petits, enfants qui m'écoutaient ou qui me lisaient : "Dites non à la drogue !".

Question « Lost » : ton avion s’écrase sur une île déserte mais le réalisateur est sympa il te laisse 5 albums dans ta valise lesquels choisis-tu ?
Arrête, arrête... Ca tombe bien, j'avais mon disque dur avec mes 26.000 titres (Sourire) !

Quel titre/album coup de cœur actuel ?
Oh putain là, tu me pièges ! Depuis le début de l'année, pour moi, il y a deux albums essentiels : c'est Lilly Allen avec son dernier album qui est absolument sensationnel, qui est d'une drôlerie et d'une méchanceté et quand elle chante : "Fuck You" c'est tellement bon ! C'est vachement bien et ceux qui disent le contraire sont des idiots.
Et M. Ward "Old Time", c'est une pure merveille et alors comme quelqu'un m'a dit : "Mais tu sais que l'album précédent est au moins aussi bien ?" et alors, je l'ai acheté parce que j'achète des disques...

... Il faut acheter des disques...
Oui et je suis encore un vieux con qui achète des disques !

A l’inverse, quel est le titre et/ou album que tu écoutes sous le manteau par honte de dire que tu l’écoutes ?
Ah non, je n'ai honte de rien. Je n'ai honte de rien, surtout pas... Ah non, non, je n'ai pas de disque que j'écoute sous le manteau...

Avant de finir, voudrais-tu dire quelque chose aux lecteurs de Music Waves ?
Ouvrez vos oreilles (Rires) ! Ouvrez vos oreilles parce qu'une fois de plus et définitivement, il y a deux sortes de musique ; il y a la bonne et la mauvaise ! Et surtout ne vous laissez jamais enfermer par aucun vieux con qui parle, ne vous laissez jamais enfermer par d'autres vieux cons qui vous direz : "C’est ça qu'il faut écouter, c'est pas ça !" (Rires)...



Quelques semaines après cette passionnante rencontre, nous avons eu le déplaisir d’apprendre que la fabuleuse « Odyssée du Rock » n’aurait pu sa place dans la grille de Oui Fm à la rentrée mais gageons que le doué tout-à-tout saura rebondir et faire partager ses connaissances rock à ses fidèles auditeurs qui, à n’en pas douter, le suivront. En attendant, vous pouvez encore l’écouter sur Classic 21.


Plus d'informations sur http://shelsmusic.com/
 
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CLOUDKICKER (LE 17 AOÛT 2009)
Ping Ping ne s'est pas trompé sur sa carte, ce qui lui a permis de retrouver son chemin et d'interviewer Ben Sharp, l'homme à tout faire de Cloudkicker notamment responsable de la géniale surprise "The Map Is Not The Territory"
RAISMES FEST 2009 - 12 ET 13 SEPTEMBRE 2009 (1/2)
Music Waves a couvert un des tout meilleurs festivals français et nous propose un compte-rendu en deux parties...
 

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